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Temps de lecture estimé : 10 mn
30/01/17
Résumé:  Pour parler comme elle, oui, Kim m'a eue. Une fois, plutôt brutalement, sans tendresse. Et depuis, je l'attends.
Critères:  ff couleurs asie extracon vacances fdomine cérébral init -initff -fsoumisaf -mastf -nature
Auteur : Suzanne  (Mariée, 44 ans, deux enfants)
Le chemin du vertige

Le chemin du vertige



Je n’avais jamais éprouvé de sympathie particulière pour Kim. Ni d’antipathie. Elle était la dernière arrivée dans notre bande d’amis, une pièce rapportée, la nouvelle compagne de Frédéric. Je m’entendais mieux avec Marie, son ex-femme. Mais elle, on ne la voyait plus depuis leur divorce. On savait toutes plus ou moins, par nos maris, que Frédéric allait parfois voir ailleurs. Mais c’était leur histoire de couple, pas la nôtre. Marie, quand elle l’a appris, n’a pas seulement quitté Frédéric. Elle nous en a voulu de ne pas l’avoir prévenue, et a rompu les ponts.


Pendant un ou deux ans, plusieurs nouvelles madame Frédéric ont défilé. Puis il nous a présenté Kim. Honnêtement, on ne pensait pas qu’elle ferait long feu. Frédéric nous avait habitués à mieux, à commencer par Marie. Kim nous avait semblé banale. Plutôt petite, mince mais bizarrement charpentée : fesses plates, jambes trop musclées, hanches étroites, abdominaux saillants, presque pas de poitrine. Un physique un peu masculin : pour une femme, pas les bonnes formes aux bons endroits. Et elle ne parlait pas beaucoup. Peut-être ses origines asiatiques, ou l’écart d’âge : elle avait une dizaine d’années de moins que les autres femmes de la bande.


N’empêche qu’elle est restée. Et Frédéric semblait très amoureux d’elle. Entre femmes, on s’est souvent demandé ce qu’il lui trouvait. La réponse, je l’ai eue lors d’un week-end passé dans un hôtel de la côte normande. Il y avait un sauna. En sortant, après la douche, on a retrouvé les garçons au bar de l’hôtel, face à la mer. On s’est assises avec eux en peignoir pour prendre un thé avant le dîner. Frédéric était déjà au whisky, et parlait fort. À un moment, Kim a déchaussé ses tongs et posé son pied nu sur la cuisse de Frédéric. Qui aussitôt s’est tu, et a caressé son pied. J’ai trouvé le geste de Kim agressif, un geste de possession physique, comme si elle nous disait à toutes « C’est mon homme, il m’appartient, j’en fais ce que j’en veux. »


Ce geste m’a troublée. Kim a-t-elle senti que je la regardais ? Elle a brièvement détourné ses yeux sur moi, m’a souri, et recommencé à fixer Frédéric, d’un air conquérant et supérieur. J’étais estomaquée par tant d’aplomb. À dater de ce jour, je ne me suis plus demandé ce que Frédéric lui trouve. Mon mari me l’a d’ailleurs confirmé quelques mois plus tard, alors que je cherchais à savoir si Frédéric continuait à l’occasion à jouer au séducteur :



Mon mari a prononcé ces mots en riant, mais j’ai senti en lui une pointe d’admiration pour Kim, qui m’a agacée. Je n’étais pas la seule dans la bande. On était toutes d’accord : les hommes deviennent idiots dès qu’arrive une jeunette juchée sur des hauts talons et au physique exotique. Je ne sais plus laquelle d’entre nous – Carole, je crois – a évoqué la réputation sexuelle des femmes asiatiques. Sa phrase a été suivie d’un lourd silence et n’a rien fait pour rehausser la popularité de Kim. On ne se sentait pas menacées, mais elle n’a jamais essayé de pénétrer dans notre cercle de filles. Elle n’était pas hostile, juste distante.


Trois années ont ainsi passé. Nous étions habituées maintenant à la présence silencieuse de Kim. On ne parlait presque plus d’elle. Mais je ne pouvais pas m’empêcher de la regarder à la dérobée, en imaginant ce qu’elle pouvait faire à Frédéric dans l’intimité pour qu’il soit à ce point mordu d’elle. Plus je la regardais, plus il me semblait déceler en elle une sexualité animale : sa peau ferme et dorée, son indolence sensuelle, sa moue boudeuse, ses petites dents prêtes à mordre. Et plus je comprenais pourquoi elle plaisait aux hommes.


L’été dernier, nous avons loué une grande maison sur la côte méditerranéenne, juste au-dessus des calanques de Cassis. Avec les dépendances transformées en dortoir, elle était assez vaste pour quatre couples, et les enfants. Les journées, nous les passions à la plage, dans une calanque distante d’environ un kilomètre, accessible par un petit chemin côtier. S’était établi un roulement entre filles : chaque matin, la bande partait à la plage, et deux d’entre nous restaient à la villa pour faire les courses et préparer le pique-nique. Ce jour là, c’était au tour de Kim et moi.


Nous les avons rejoints vers midi. Il faisait très chaud, les paniers étaient lourds, j’avais du mal à suivre le rythme de Kim sur l’étroit chemin pierreux qui longeait la côte. Ça m’a soulagée quand elle m’a proposé de s’arrêter un moment. Je me suis adossée sur un rocher, face à la mer. Kim a planté ses yeux noirs dans les miens et m’a dit tranquillement, en souriant :



Elle s’est approchée, m’a enlacée. Ses bras étaient puissants. Elle a dénoué une des cordelettes de mon maillot de bain, son genou a écarté mes jambes, sa main s’est posée à plat sur mon sexe, en le frottant de plus en plus vite. Et moi ? Je n’ai rien fait. Pas même essayé de lui dire non, ou de la repousser. J’étais comme hypnotisée par ses yeux noirs, en état de sidération devant son assurance, incapable de réagir. Alors j’ai accepté. J’ai juste enfoui ma tête dans son cou, pour ne pas la voir, pour ne pas gémir.


Sa main était brutale entre mes jambes, mais précise, et efficace. Jamais mon mari ne m’avait caressée comme ça, ni aucun homme avant lui. À aucun moment ses doigts n’ont pénétré dans mon vagin. Il était pourtant grand ouvert, et j’entendais le clapotis de mon sexe trempé, bousculé par sa main. Ses mouvements sont devenus circulaires. Je sentais mon clitoris rouler sous ses doigts à plat ; je savais, aux ondes qui traversaient mon corps, que l’orgasme était proche. Il est venu en plusieurs vagues. La dernière, la plus forte, m’a tétanisée. Mon corps s’est raidi, et ma bouche a crié pendant que je l’entendais rire.


Le reflux du plaisir m’a laissée sans forces, sans jambes. Je m’accrochai à Kim pour ne pas tomber. J’avais besoin de tendresse, de douceur, de mots gentils. Mais ce n’était pas à son programme. Elle s’est dégagée de moi, a pressé ses doigts sur les pointes de mes seins, et les a tirés vers le bas jusqu’à ce que je m’agenouille devant elle, visage à hauteur de son ventre. Elle a baissé son maillot de bain, un peu, pas complètement, jusqu’à la lisière de ses lèvres, et appuyé sur ma tête. J’ai embrassé son pubis. Il était entièrement épilé. Sa peau était douce, lisse, accueillante. Jamais de ma vie je n’avais été en contact avec le pubis d’une femme. Mais dans l’état de confusion où j’étais, ça m’a semblé naturel. Ce geste n’avait pas vraiment pour moi de portée sexuelle. C’était plutôt une manière de remercier Kim pour le plaisir qu’elle m’avait donné. Mais si elle m’avait demandé de descendre plus bas ou de retourner avec elle à la maison pour faire l’amour, je crois que je l’aurais fait.


Ça non plus, ce n’était pas à son programme. Sa voix m’a ramenée sur terre :



Je me suis relevée. Le bas de mon maillot à moitié détaché pendait à une de mes chevilles, le haut était au sol. Je n’avais même pas réalisé qu’elle l’avait dégrafé pendant qu’elle me caressait. Je l’ai remis, ai remonté mon bas de maillot, renoué la cordelette de hanche. Le soleil m’éblouissait. J’avais gardé les yeux fermés quand j’étais dans ses bras. Kim était une ombre, que je ne cherchais pas à regarder. J’entendis sa voix, son rire :



J’ai repris les paniers. J’avançais comme un automate sur l’étroit chemin. Je sentais mon sexe engourdi. Ma tête l’était aussi. Je n’aimais pas savoir Kim derrière moi, à regarder la femme qu’elle venait « d’avoir », comme elle disait. Je n’aimais pas son rire, je n’aimais pas ses mots. Je ne m’aimais pas non plus, à n’avoir pas su lui résister, à être incapable ensuite de prononcer la moindre phrase. Dans un sursaut de fierté – il était temps – je m’efforçais de marcher la plus droite possible, pour la dominer de ma taille.


J’avais toujours imaginé qu’entre femmes, c’était plus doux qu’avec un homme, avec davantage de tendresse et de complicité. Avec elle, ça ne l’avait pas été ; au contraire, même : elle ne m’avait pas embrassée une seule fois pendant qu’elle me caressait, pas même sur la peau. Elle m’avait prise sans rien donner, ni cherché à recevoir. Et de qui parlait-elle quand elle disait qu’elle en avait eu une autre ? Une fille de la bande ? Carole, Isabelle, qu’on allait retrouver sur la plage dans quelques minutes ? Une de celles qui passaient les vacances ailleurs ? Ça me semblait impossible. Pas elles, on se connaissait trop. Mais elles se seraient sans doute dit la même chose de moi…


Le chemin a défilé vite. C’est en arrivant sur la plage que j’ai eu peur. Peur que mon mari détecte quelque chose sur mon corps : une odeur de sexe, une tache d’humidité sur mon maillot, entre mes jambes. J’ai posé les paniers et me suis jetée à l’eau pour tout effacer. En sortant, j’ai pris mes lunettes de soleil dans le panier. C’est toujours plus facile de faire semblant quand les yeux sont masqués. Mes craintes se sont vite dissipées. Les enfants ont couru vers nous en demandant ce qu’il y avait à manger, mon mari m’a posé un rapide baiser sur les lèvres. Voilà, c’était tout : la vie reprenait son cours.


Je n’ai pas osé regarder Kim à nouveau avant qu’elle ne se soit assoupie sur sa serviette. Elle était couchée sur le dos, innocente, inoffensive. Ses seins menus, aux aréoles très brunes, se soulevaient à peine au rythme de sa respiration. Je ne pouvais pas détacher mon regard de sa main droite, celle qui m’avait fait jouir. Ses doigts était courts, ses ongles aussi : la forme d’une main d’homme. À partir de ce moment, je l’ai attendue.


Je l’ai attendue toute la fin des vacances : un signe de connivence, une sourire, un geste doux, un baiser furtif. Rien n’est venu, même quand nous sommes retrouvées un matin seules dans la villa, à préparer un pique-nique. Et chaque fois qu’on réempruntait ce chemin pour aller à la plage ou en revenir, en passant devant le rocher où je m’étais adossée, je repensais à ce qui s’était passé.


Je l’ai attendue à notre retour à Paris : un coup de téléphone, quelques mots lors d’un dîner ou d’un week-end passé ensemble pour me donner rendez-vous, dans un café, un hôtel, chez elle, n’importe où. Elle n’était pas novice ; elle me l’avait prouvé sur ce chemin : elle savait faire basculer une femme. J’imaginais tout : Kim bisexuelle, Kim projetant une partie à trois avec mon mari et moi, ou à quatre avec son mari, puisqu’il paraît que les hommes aiment voir deux femmes faire l’amour. Mais là encore, rien n’est venu : toujours la même distance, comme s’il ne s’était rien passé.


Quand je me caresse, c’est à Kim que je pense depuis l’été. J’ai essayé de faire comme elle, frotter le long de mon vagin, avec les doigts à plat. Je n’ai pas réussi. Ça m’excite, mais le plaisir ne vient pas. Je ne sais jouir qu’avec un doigt tournant doucement autour de mon clitoris. Mais mon orgasme monte plus vite et est plus fort quand je revisualise ce chemin, sa main aux doigts et aux ongles courts sur mon vagin. Je sais pourtant que je ne suis pas devenue bisexuelle. J’aime toujours autant faire l’amour avec mon mari. Il m’arrive de me retourner sur des hommes dans la rue parce que je les ai trouvés beaux. Mais sur des femmes, jamais. Ou alors parce que la manière dont elles sont habillées me plaît, mais rien de plus, aucun désir. Sauf pour Kim ; elle est la seule.


Et encore, j’ignore si c’est vraiment du désir ou de la curiosité. Je voudrais savoir si j’éprouverais le même plaisir, si sa langue est aussi impérieuse et efficace que sa main. Et surtout, je voudrais comprendre Kim, savoir pourquoi elle m’a fait ça : parce que je lui plaisais, ou par jeu, comme une simple manifestation de son pouvoir ?


Il y a autre chose. Cette femme, elle m’a pris quelque chose qui, depuis près de 20 ans, n’appartenait qu’à mon mari : elle m’a fait jouir, elle m’a vue dans l’abandon de l’orgasme. Je ne le regrette pas, ce serait hypocrite ; je sais le plaisir que j’ai éprouvé dans ses bras. Mais pour moi, le plaisir, c’est un partage : il doit être réciproque. Là, c’était à sens unique. Pour restaurer une situation d’égalité, je veux lui prendre la même chose que ce qu’elle m’a pris, la faire jouir, la voir dans le même abandon où elle m’a vue. Ensuite seulement je pourrai la regarder tranquillement dans les yeux, lui sourire, ce que je ne parviens toujours pas à faire aujourd’hui.


Lors du dernier réveillon du jour de l’an, j’ai essayé de la séduire. C’est pour elle que je me suis habillée si sexy. La totale : robe courte et profondément échancrée, sandales à très hauts talons, vernis, aucun autre bijou qu’une bague argentée à un doigt de pied. Je me sentais belle, audacieuse. J’ai quand même un peu bu avant d’aller la trouver, et j’ai guetté un moment où elle était sortie seule fumer une cigarette sur le balcon. Mais j’ai été mauvaise, nulle :



Elle a écrasé sa cigarette et m’a laissée là comme une conne, mes deux flûtes de champagne à la main.


C’était il y a un mois. Depuis, je l’attends toujours.