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n° 17829Fiche technique43510 caractères43510
Temps de lecture estimé : 25 mn
16/03/17
corrigé 06/06/21
Résumé:  Un homme trouve une revue érotique qui l'avait marqué dans sa jeunesse.
Critères:  hagé collection voir exhib photofilm hmast pénétratio init confession humour -masth
Auteur : Last CarS      Envoi mini-message
Sixties' folies

Tiens, tiens…

Je sens peser sur moi un regard inquisiteur et indiscret.

Ce Monsieur semble très bon chic bon genre avec son manteau, ses gants et surtout un chapeau tel que l’on en voit presque plus qui donne à sa silhouette une certaine grâce.

Oh oh… Je n’avais pas vu Madame qui le rattrape à grands pas.

L’hypocrite !

Maintenant il détourne le regard et fait semblant de s’intéresser aux œuvres complètes de je ne sais quel philosophe qui se trouvent au fond de la caisse verte et feint de m’ignorer alors qu’il est planté à quelques décimètres de moi (oui, parfaitement, j’aime parler des décimètres, ces grands oubliés du système métrique !)

Je sais bien que si Madame n’avait pas été là…

Bon, attendons, attendons.

De toute manière, je n’ai rien d’autre à faire.

Brrrrr, ce petit vent d’automne qui suit la Seine me frigorifie.

D’autant que dans ma tenue…


C’est un américain qui arrive. J’en suis sûre !

Je prends les paris. Les paris à Paris… Hi hi !

Suis coquine aujourd’hui ! Oui, je sais, c’est un état permanent chez moi.

Mon sourire, rien moins qu’aguicheur, est là pour le prouver à qui en douterait.

Il n’a pas son chapeau de cow-boy comme Kit Carson qui me fait face pendu de l’autre côté de l’étal, mais pas de doute, c’est bien un Américain.

Ça y est. Il m’a regardée. Oui, mais il a continué sa route en grommelant sans doute quelque chose de peu aimable sur ces femmes dévergondées qui s’affichent dans une telle tenue, en pleine rue, éveillant la concupiscence !

Il est vrai que chez eux là-bas, on censure même aujourd’hui sur internet la nudité dans des œuvres d’art incontestables !

Faute sans doute de pouvoir les brûler sur un grand bûcher ?

C’est encore un de ces cagots que j’ai toujours détestés !


Oh, qu’ils sont mignons ces deux-là. Deux zamoureux qui se tiennent par la main.

Le jeune homme me regarde puis se tourne vers sa compagne avec un joli sourire qui semble dire : « c’est bien toi la plus jolie… ».

Oui, mais elle est bien maigrelette à mon avis et ne soutiendrait pas longtemps la comparaison avec moi si elle quittait son anorak ! Enfin, tous les goûts sont dans la nature… Et il faut bien laisser une chance aux sacs d’os !

V’la-t-y pas que j’suis jalouse ! Faut dire que moi, ce serait plutôt le genre, disons, pulpeuse. Avec tout ce qu’il faut, là où il faut. Et même un tout petit peu plus, rien que pour mieux satisfaire la gourmandise des vrais connaisseurs.


De l’autre côté du quai, une jeune femme se tient appuyée contre la vitrine d’une boutique.

Elle est belle, très brune comme moi et me paraît fort légèrement vêtue pour la saison avec cette jupe ultracourte et ce pull échancré.

Elle fume une cigarette, les yeux dans le vague.

En des temps plus anciens, du temps de ma vraie jeunesse par exemple (mais ne suis-je pas jeune pour l’éternité maintenant ?) on l’aurait facilement prise pour une prostituée guettant le client sur sa portion de bitume.

Mais aujourd’hui, si j’ai bien compris, elle est simplement sortie en griller une, car fumer est interdit à l’intérieur de la boutique.

Mais quand même ! Elle aurait pu se couvrir un peu plus.

Ah ces jeunes !

D’accord, je suis encore bien moins habillée qu’elle, me direz-vous.

Oui, bien sûr ! Mais moi, je m’exhibe pour attirer l’œil du chaland.

C’est différent… C’est de l’art !

Et puis de l’art ou du cochon, c’est quasiment pareil !

Ah elle est drôle celle-là ! Faudra que je la replace !


Ouf, du sérieux maintenant. La soixantaine bien entamée, grosses lunettes, casquette irlandaise, imperméable, sac négligemment jeté en bandoulière, je sens qu’il s’agit d’un client potentiel.

Bien sûr, il ne vient pas directement. Il commence par faire semblant de s’intéresser aux mémoires des grands hommes que Jean-Paul a disposés dans la première boîte. Il s’approche lentement. Il regarde maintenant les quelques livres de poésie qui ont été amenés hier par un collectionneur fauché et qui ne sont pas encore enveloppés de papier cristal et classés.

Ça y est, il arrive à moi et ose me regarder en face, les yeux dans les yeux.

Il est ferré.

Je te tiens mon gaillard !

Je lis dans son regard tout ce qui défile dans sa tête :


Nous sommes à la fin des années 60. Un kiosque peu fréquenté à cette heure de l’après-midi en bordure d’un quartier résidentiel. L’ado, grande asperge boutonneuse a attendu d’être sûr que personne n’approche puis il s’est avancé, le cœur battant pour demander au kiosquier s’il a cette revue interdite à l’affichage et à la vente aux moins de dix-huit ans.

Il a peur que l’homme ne s’enquière de son âge. Il n’a que seize ans, mais qu’il en paraît un peu plus.

Et ça marche ! Les jambes tremblantes, le garçon voit l’homme sortir de sous le comptoir une petite pile de revues illustrées.

Faire vite. Pas le temps de choisir. Il attrape la première, paie et s’en va d’un pas rapide.

Il a caché son achat sous son pull pour rentrer chez sa mère, bien loin d’ici, car il a choisi ce kiosque où il était sûr de ne pas rencontrer fortuitement quelqu’un de connaissance.




LUI


J’avais une heure à perdre en attendant mon train, et l’envie de marcher un peu, après ces deux jours abrutissants de réunion au siège de la boîte.

La Défense, un univers minéral auquel je n’arrive décidément pas à me faire !

Si c’est ça l’avenir, autant en finir tout de suite ! Ou me réfugier dans le souvenir du passé.


J’aime bien les quais de Seine, et celui-ci en particulier, malgré le tohu-bohu de la circulation intense des voitures et des autobus qui nous rasent. Et puis, la vue du chevet de Notre-Dame est si extraordinaire dans ce ciel d’Automne.


Les bouquinistes ont presque tous ouvert leurs boîtes aux trésors malgré les premiers froids.

J’ai toujours eu une véritable passion pour les livres et je m’arrête souvent pour fouiller un peu ici et là, cédant parfois à l’envie d’acheter quelque chose qui m’aidera à passer le temps du retour dans le train ou rejoindra ma bibliothèque en attendant que je le redécouvre.


Tout à coup je l’ai vue. Oh, ma vue n’est pas terrible à cette distance, mais il n’y avait pas de doute.

Je me suis approché doucement, faisant semblant de m’intéresser aux biographies regroupées dans un premier bac, puis à quelques anthologies de poésie.

J’avais de plus en plus de peine à maîtriser l’émotion qui m’avait envahi au souvenir de ce jeune adolescent que j’étais il y a plus de quarante ans et qui acheta un jour d’automne, comme aujourd’hui, cette revue.

Et cette photo. Que de souvenirs !

Ma découverte de cette couverture avec le titre magique et cette fille brune souriant d’un air gourmand à l’objectif tout en offrant à la vue du lecteur une poitrine plantureuse aux tétons vermillon.


Drôle de madeleine pour le vieil homme que je suis devenu !




ELLE


Oui, je ne me suis pas trompée. C’est bien un de mes chaleureux admirateurs qui vient d’arriver ici par hasard et j’espère bien que je vais tout à l’heure quitter avec lui ce lieu un peu trop exposé pour passer l’hiver bien au chaud.

Souvenirs, souvenirs.

Mon Dieu, quelle drôle d’histoire. Mes photos, comme cela se faisait à l’époque étaient censées illustrer un récit érotique.

L’éditeur soulignait dans chaque numéro de la revue que les modèles photographiés n’étaient pas les héroïnes des textes, issues, elles, de l’imagination fertile des auteurs. L’avertissement avait sans doute d’abord pour objet d’éviter toute méprise pour des personnes reconnaissant là qui, une voisine, qui, une parente.

Des pigistes écrivaient ainsi de courtes histoires pour accompagner chaque série de photos.

Et, dans mon cas, j’ose penser qu’il y a eu alchimie particulière, car le résultat fut particulièrement remarquable. En tout cas, très au-dessus de ce qui se faisait à ce moment-là habituellement dans cette revue « d’art photographique » (car c’est ainsi qu’elle se définissait).

La vue de mes performances devant l’objectif avait sans doute « boosté » l’imagination d’une graine d’écrivain.

D’ailleurs, quand j’avais découvert le récit qu’il avait concocté, j’en avais presque regretté de ne pas avoir été la véritable héroïne d’une telle aventure !

Certes, la séance de photo qui m’avait vue me déshabiller devant l’appareil du photographe attitré de la revue m’avait laissé un excellent souvenir : c’était un bon professionnel doublé d’un bon vivant qui ne respirait pas la tristesse. Et qui savait faire donner le meilleur d’elles-mêmes aux filles qu’on lui envoyait. Il avait vite vu le parti qu’il pouvait tirer de ma plastique !


Mais revenons-en au texte :

Il reprend le thème, classique s’il en est, de la séance de photo. Mais d’une séance très… spéciale pour l’époque. Je vous rappelle que nous sommes avant 68.

Celui qui raconte se place dans la situation du bon copain témoin.

Au début du texte, nous buvons un pot lui et moi à une terrasse, désœuvrés, lorsqu’il me propose de l’accompagner chez un ami à lui qui travaille dans un studio photo plus ou moins clandestin situé non loin de là. J’accepte par curiosité.

Lorsque nous arrivons, nous trouvons le photographe en colère, car un des modèles, une fille, qu’il attendait pour une séance de pose de couple lui a fait faux bond. L’autre modèle, l’homme, est là. Il attend dans la tenue d’Adam, car comme vous vous en doutez, il n’est pas question ici de roman-photo à l’eau de rose et le photographe a commencé à régler ses lumières sur le corps nu du modèle.

La chaleur des sunlights est presque intolérable dans cette pièce sans fenêtres.

Mais laissons la plume à l’auteur :


Dans un coin du studio trop chauffé, Anita contemple avec un œil allumé un superbe spécimen mâle : belle tête franche, corps long et souple.

Anita ne quitte pas le garçon des yeux. Elle m’entraîne à l’écart et me glisse à l’oreille :


  • — Il me plaît drôlement. Il a un sexe magnifique. J’aimerais bien l’emmener chez moi.




LUI


Cette image en couverture… Aguicheuse à souhait !

Et surtout, quelle belle illustration pour le texte qui accompagne la série des autres photos de cette fille.

Et je me souviens. Sitôt arrivé dans l’appartement désert à cette heure, j’avais sorti la revue de sous mon pull-over et l’avait parcourue à la hâte.

Je l’avais retrouvée, elle, complètement nue dans les pages intérieures.

L’auteur du texte avait tout de suite compris le parti qu’il pouvait tirer de ce regard. « Des yeux de chatte ». C’était le titre qu’il avait choisi. Et sa plume avait probablement couru sans peine sur le papier en imaginant une histoire… de photographe.

Je sens dans mon dos le regard du bouquiniste. Il a dû voir le geste, vite interrompu que j’ai fait vers la revue pendue au coin du couvercle levé de la boîte.

Il s’approche. La journée n’a pas dû être terrible et il a senti qu’il fallait ferrer ce client potentiel. Il décroche la revue et me la tend avec un sourire entendu après avoir retiré le nylon qui la protège. Bon commerçant, il a sans doute compris que je n’aurais pas osé prendre l’initiative.

J’ouvre au hasard et la photo me saute aux yeux comme la première fois. ELLE est là, nue, à quatre pattes, de trois quarts dos, mais la tête tournée vers l’objectif qu’elle regarde avec cette intensité gourmande qui la caractérise.

Je lis quelques lignes au hasard.

C’est étrange, malgré le temps qui a passé, je retrouve le texte qui s’était comme gravé alors au plus profond de ma mémoire.

Il faut dire que je l’ai lu maintes et maintes fois, la plupart du temps la nuit, caché sous mes couvertures, à la lumière d’une petite lampe de poche qui donnait aux photos un aspect encore plus torride…




ELLE


Hé bé, ça n’a pas traîné !


Jean-Paul, le bouquiniste, mon propriétaire actuel a déjà repéré le bon pigeon, celui qui tout à l’heure ne marchandera certainement pas. Et même peut-être réussira-t-il à lui refiler quelques autres vieux numéros qui sommeillent au fond du bac sous des piles de ces revues modernes sur papier glacé, glacé comme ces modèles au sexe épilé que l’on trouve par centaines chez les marchands de journaux d’aujourd’hui.

À propos de poils. Moi aussi je parais ainsi, soigneusement épilée. Mais ce n’est pas la cire qui a agi ! Beaucoup moins douloureuse, l’opération a été confiée.au photographe qui a soigneusement retouché les clichés !

Hé oui les jeunots. À l’époque, Dame Anasthasie, ne plaisantait pas et, non contente d’interdire ma revue à l’affichage et à la vente aux mineurs de moins de dix-huit ans, elle exigeait que les photos ne puissent laisser deviner la fourrure intime ni bien entendu la fente du petit abricot qui se trouvait en son centre ! Effacé !

Mais la censure, qui en avait vu d’autres avait commencé à laisser passer des textes particulièrement coquins comme vous allez pouvoir en en juger.


Hasard, hasard ? Pas sûr.

Mon admirateur a ouvert directement la revue à la bonne page.

Après avoir reluqué une photo (superbe, soit dit en passant) où j’exhibe une paire de fesses particulièrement suggestive, il pose son regard sur la suite du texte.

Reprenons : le photographe, remarquant mon intérêt pour le garçon qui attend nu et ayant évalué ma silhouette m’a proposé de prendre la place de la partenaire absente…

Je n’ai guère hésité malgré les réserves (de pure forme) émises par mon copain (ne pas confondre SVP avec mon namoureux).

Redonnons la parole à l’auteur :


Anita s’est déshabillée. Mon copain (le photographe) lui lance un collant de nylon noir qui laisse ses merveilleux seins nus. Puis il lui fait retirer le collant et la photographie nue de dos sur une carpette. Ne pouvant se permettre le banal, il lui faut de l’inédit. L’art a ses exigences. Veut-il donner à Anita un œil plus sensuel ? D’un geste machinal, il lui prodigue quelques légères, mais sûres caresses. Il s’aide au maximum de l’éclairage. Là, sur les seins, un violent trait de lumière, sous les cuisses frappant en plein le sexe, un autre jet lumineux. Sous cette avalanche de chaleur, le sexe d’Anita réagit et s’humecte. Elle est vite moite de plaisir. Il déplace la cuisse gauche, rabat la droite. Non ce n’est pas encore ce qu’il veut. Le sein devrait être plus arrogant. Il pince adroitement le mamelon. Anita n’en peut plus et gémit de désir. S’il la connaissait, il s’arrêterait, car si cela continue elle va lui sauter dessus. Ses yeux, d’un vert presque jaune, des yeux de chatte ou de tigresse sont exorbités et hypnotisés par le phallus du garçon assis dans un coin qui semble lui aussi dans un bel état de tension. Dans le studio l’air devient irrespirable. Mon copain a retrouvé sa bonne humeur, il sent qu’il est tombé sur un modèle d’une qualité exceptionnelle.


Chaud devant !


Il était très rare dans ces années-là, même dans cette revue, de décrire les choses du sexe sans utiliser des métaphores qui en allégeaient le caractère érotique… Et que dire de la suite du texte !

Sautons quelques lignes :


Le garçon est vraiment athlétique et nous dépasse d’une tête. Ses épaules sont larges et carrées. Ses doigts et ses longs pieds fascinent Anita.

L’un et l’autre tremblent légèrement au fur et à mesure qu’ils se découvrent physiquement. Si ça continue, le photographe et moi allons être de trop.

Mais c’est au boulot qu’il faut penser.

Le metteur en scène le leur rappelle et va régler ses projecteurs. Le garçon n’a pas bougé, il est nu devant Anita dont les yeux de fauve explorent le corps luisant. Elle ne voit que muscles, puissance, instinct. Le sourire de l’autre est câlin et tendre et sa bouche mange déjà Anita qui meurt d’envie de tenir, de serrer bien fort, de caresser longuement son magnifique membre qui se tend raide vers elle et, par moment, sur un appel plus fort des sens, remonte en puissance arrivant à toucher son ventre. Elle est bouleversée rien qu’à la pensée qu’elle va l’avoir en elle avec ces mêmes élans de désir.


Wahouuuuu…

C’est sur ce dernier passage que l’œil de mon futur propriétaire s’est arrêté. Et sa respiration s’est accélérée !




LUI



Je me réveille en sursaut pour fouiller mes poches et retrouver le précieux carton que me réclame le contrôleur.

Le coup classique. Le train est parti depuis à peine une heure de la gare d’Austerlitz et je viens juste de trouver le sommeil après avoir parcouru plus que lu le journal du soir acheté à la gare.

Maintenant, je sais que je ne m’endormirai plus.

Coup d’œil à mes voisins de compartiment. La plupart ont joint une carte Senior au billet qu’ils tendent au contrôleur. Dans ce wagon de première, c’est le style bourgeois de province qui domine. Des couples sont allés voir les enfants qui travaillent sur Paris. Ce Monsieur à la boutonnière bien garnie doit revenir de quelque conseil d’administration si j’en crois les quelques mots surpris tout à l’heure alors qu’il téléphonait dans le couloir. Et cette dame en face de moi… À voir les grandes poches qu’elle a précautionneusement placées à côté d’elle, elle ramène des quantités de vêtements neufs. Sans doute une commerçante version grand chic qui est allée compléter son stock en vue d’un hiver qui s’annonce rigoureux.

Et bien sûr, pas question de déballer ma nouvelle acquisition devant ces gens-là. J’imagine les regards ! Mais aussi, je l’avoue, le fait que dans une ville de la taille de la mienne, les commérages qui ne tarderaient pas, même si, a priori, tout le monde ici ne descendra pas avec moi à C.

Mais mon impatience est à son comble. Il me semble que le train se traîne. Je n’arrête pas de jeter un œil sur le cadran de ma montre ou de regarder par la fenêtre pour essayer de deviner les noms des gares que nous traversons.

Tout à l’heure, je serai seul à la maison. Mon épouse est partie garder nos petits enfants dans la région lyonnaise et je pourrai donc poursuivre ma lecture si brièvement entreprise tout à l’heure sur le quai.

Dans une secousse du train, deux des grandes poches entassées sur le siège du milieu sont tombées et ont laissé voir un peu de leur contenu en bâillant largement devant mes yeux.

Ciel ! Mais c’est de la lingerie ! Et de la belle, si j’en crois quelques marques que j’entraperçois.

La propriétaire des sacs s’est précipitée pour tout ramasser et je n’ai pas eu le temps de me baisser pour au moins faire semblant de l’aider. Mais je suis sûr qu’elle a surpris mon regard.

Enfin, voilà de quoi alimenter ma rêverie jusqu’à la fin du voyage.

C’était surtout dans cette fameuse revue que j’avais fait mes premiers voyages dans l’univers de la lingerie féminine. Plusieurs pages étaient consacrées uniquement à des séries de photos de strip-tease. On y voyait donc un modèle se dévêtir progressivement et, je dois l’avouer, compte tenu des retouches du cliché ultime, j’étais bien plus intéressé par la phase intermédiaire et notamment par tout ce qui tournait autour du porte-jarretelles.

Comment exprimer la frustration des hommes de ma génération devant l’arrivée des collants !

Mais j’avoue que de nos jours je trouve encore mon bonheur dans la vue de la belle lingerie, notamment celle qui est affichée sous forme de leçons énigmatiques dans quelques (trop rares) vitrines et qui va parfois au-devant des automobilistes sur les panneaux des abribus, au grand danger des piétons téméraires de nos villes.

Le train ralentit. Je suis enfin arrivé.




ELLE


La lumière !

Il vient de me sortir de son sac.

Un grand salon. Il m’a posée sur un des canapés et est parti aussitôt.

Et voilà, ça n’a pas tardé. Il revient en robe de chambre, le sourire aux lèvres. Mais c’est pour moi ce joli sourire ! J’apprécie.

Il se cale confortablement dans le canapé allonge ses jambes sur un pouf qu’il a attiré vers lui et commence à tourner les pages.

Il ne s’arrête pas pour lire les textes. Il les garde vraisemblablement pour plus tard.

C’est tout juste s’il jette un coup d’œil sur mes collègues qui pourtant sont pour la plupart des filles ravissantes, du moins jugées aux canons de l’époque. Ah, il s’attarde un peu sur une coquine qui exécute un strip-tease sur deux pages. Les sous-vêtements datent un peu. Mais c’est sans doute ce qui retient son attention.

Je ne sais pas pourquoi, mais pour ce qui concerne mes photos et mon texte, on ne jugea pas utile de passer par cette phase. Et pourtant, moi aussi j’aimais bien porter sous mes vêtements ces petites choses qui, lorsqu’ils les découvraient, rendaient fous mes amants.

Et puis, je ne sais pas si aujourd’hui les filles peuvent imaginer l’émotion qui nous saisissait lorsqu’il fallait réajuster un bas sous une porte cochère, risquant à tout instant être surprise, jupe relevée en train de manipuler à tâtons une jarretière récalcitrante !

Toute une époque !

Et voilà, nous y sommes. Il reprend sa lecture là où il l’a abandonnée tout à l’heure au bord de la Seine :


Anita est déjà pleine d’une brûlante envie pour cet homme qu’on lui offre. Elle voudrait le provoquer, le changer en ouragan afin qu’il la prenne brutalement, qu’elle se sente fétu de paille entre ses bras.

Mais le photographe s’impatiente. À quoi jouent ces deux-là, on n’est pas là pour s’amuser.


  • — Anita, mettez-vous sur un genou, l’autre jambe relevée, c’est ça, écartez un peu la cuisse, un peu plus, là, tendez votre buste… Levez la tête bien haute pour regarder votre partenaire… Toi, approche d’elle, il faut que ton sexe arrive à la hauteur de sa bouche. Anita, sans cesser de la regarder, prenez-le avec vos lèvres… Juste le gland, pas plus.

Il saute derrière son appareil et cadre pendant qu’Anita se met peu à peu à sucer gentiment le garçon qui n’ose bouger de peur de soulever la colère du photographe.

Le photographe tire son cliché. Anita cesse son manège.


  • — Maintenant, les enfants, nous allons passer à une pose différente. Ayant constaté d’un coup d’œil que le garçon bande toujours suffisamment, il en profite pour saisir une levrette profilée.
  • — Mademoiselle, mettez-vous à quatre pattes sur le bord du canapé, ne tournez pas le dos à l’objectif, mettez votre corps de profil, il faut que nous voyions votre ventre donner l’impression de prendre un réel plaisir. Faites un petit effort d’imagination, il faut que vous donniez l’impression de jouir.

C’est à mourir de rire de l’entendre, il ne voit même pas qu’Anita est amollie de jouissance… Il ne voit même pas qu’elle tremble en pensant à ce proche moment où l’autre la prendra. Qu’elle ferme les yeux et passe sa langue sur ses lèvres soudain gonflées.

Subitement en sueur, le garçon frémit, cherche avec la tête de son totémique membre l’entrée d’Anita qu’il sent toute chaude, accueillante, glissante.

Avec une lenteur majestueuse, le garçon travaille majestueusement Anita, malgré la défense du patron. Il pose ses longues mains sur les hanches d’albâtre qu’il serre juste à hauteur du ventre.

Il s’enfonce et Anita se griffe et geint de douleur.


Ouhhhhhhhh…

Je sens que le texte n’a pas tardé à faire effet !

La robe de chambre a pris du relief !

Hi hi ! Mon « propriétaire » va bientôt devoir lire d’une seule main…


Mais pour le moment, il poursuit sa lecture :


Mon copain le photographe leur crie de ne pas bouger et dit à Anita qu’on n’a pas besoin du son.

Je l’arrête :


  • — Mon vieux, un bon conseil, tu ne connais pas Anita. Le mieux que tu aies à faire est de les laisser improviser à leur gré. Prends ton Rolleiflex et saisis au vol ce que tu pourras.

Il voit que j’ai raison et photographie à gogo le couple qui agit avec une harmonieuse lenteur sensuelle.

Anita s’est affalée sur le canapé et le garçon va droit en elle, l’explore en des endroits où certes, avec un membre pareil, il doit être le premier à parvenir. Lui tenant les seins à pleine main, il serre les boutons entre ses doigts d’acier. Elle bouge à peine, juste pour l’aider à bien se placer…


À propos de doigts… Ça y est. La main droite a lâché la revue et a saisi cet objet que je sentais poindre sous la robe de chambre dont les pans se sont maintenant écartés.

Et je peux admirer cette belle colonne dressée presque verticalement à quelques centimètres de moi.

Membre totémique ? Peut-être pas tout à fait, mais, si j’en crois mon expérience propre en la matière, une pièce intéressante… Que je n’aurais pas détesté ajouter à ma collection en son temps.


Amusant : Monsieur a fermé les yeux… Rien ne le presse… La main a enveloppé précautionneusement la hampe, retroussant avec lenteur le prépuce pour faire apparaître le gland.

Hou la ! Un bien joli fruit qui me mettrait l’eau à la bouche… Enfin, façon de parler parce que je sais bien ce que je ressentirais à ce spectacle si je n’étais pas que de papier. Croyez-moi, j’ai encore aujourd’hui souvenir de cette sensation divine : se sentir fondre littéralement dans certaines situations…

À propos de liquide, comme c’est mignon cette petite goutte translucide que je vois se former sur le méat.

J’aimerais tant qu’une bonne fée arrive là, maintenant, et PFUUIT, d’un coup de baguette (pas de dérapage SVP, la fée n’a pas de braguette, voyons !) elle me redonnerait vie. La vie pour prendre en bouche ce vit !

Décidément, c’est mon jour pour ce qui est des calembours les plus craignos (oui, oui, je m’adapte à ce nouveau vocabulaire que j’ai entendu si souvent sur le quai).

Il a lâché la hampe qui n’a nul besoin de soutien d’ailleurs. Effleurant à peine de l’index le méat, il a recueilli la petite goutte et commence à lubrifier le gland d’un mouvement circulaire.

Quelle douceur dans le geste, et comme j’envie ce doigt… Ou bien, plutôt, comme j’aurais envie de ce doigt que j’imagine parcourant avec cette même douceur la fente encore close de mon sexe jusqu’à en faire sourdre la chaude humidité qui l’emplit, avant de se glisser sans effort vers mes petits intérieurs douillets.

À propos de chairs intimes, le gland me semble avoir encore pris du volume et l’afflux de sang lui donne maintenant une couleur qui tourne au violacé… Comme c’est beau !

Le doigt s’attarde sur le frein, petite languette de chair qui, si mes souvenirs sont encore bons, était le mets de choix pour ma langue quand j’avais décidé de rendre fous de désir mes amants. À genoux sur le lit défait, je me positionnais entre leurs cuisses, la tête relevée pour mieux planter mes yeux dans les leurs et je titillais léchais délicatement ce petit bout de chair tout en serrant d’une main la hampe, l’autre main étant occupée par les testicules.

Il me semble encore entendre les soupirs de certains d’entre eux…

Meuh non. Ce que j’entends ce sont de vrais soupirs. C’est LUI qui donne du son.

IL ouvre les yeux et reprend sa lecture :


Anita mord le tissu du canapé, ses immenses yeux vert-jaune excitent le garçon qui ne parvient pas à détacher d’eux son regard. Cela le fascine et active son désir.

Il se retire un court instant. Anita s’effondre comme s’il lui retirait toutes ses forces vives.

Il la retourne sur le dos. On dirait qu’elle est morte.

Se plaçant sous les deux jambes écartées d’Anita, il les empoigne sous les genoux et présentant ainsi le sexe d’Anita à son membre, la reprend toujours aussi aisément, s’enfonce, s’enfonce que c’est incroyable, puis, jouant d’un léger déplacement des hanches, il relève encore les cuisses écartées comme s’il voulait, la mettant dans une position encore meilleure, réussir à forcer de quelques millimètres. Ses poils crépus s’emmêlent à ceux légèrement plus fins d’Anita.


La main s’est à nouveau saisie du sexe et l’a serré avant d’entreprendre un mouvement de va-et-vient dont le rythme va crescendo…

La lecture a cessé et IL a fermé les yeux, sans doute pour mieux imaginer la scène.

Pour ma part, je suis fascinée par ce qui se déroule à quelques centimètres à peine de moi. On a beau être de papier, on n’est pas de bois (hi hi ! Encore une qu’il faudra replacer). Ah, ce bel objet au gland luisant que l’on astique (oui, je sais, l’expression est vulgaire, mais, que voulez-vous, dans ces moments il m’arrive de laisser craquer le mince vernis de mon éducation !)

Et j’imagine son odeur, son goût ce goût unique pour chacun de mes anciens amants. Je commence à délirer : je les imagine, nus, m’entourant. Je suis à quatre pattes, nue moi aussi, les yeux bandés, et je vais de l’un à l’autre, ma belle poitrine se balançant à chaque déplacement, pour essayer de deviner leur identité rien qu’en reniflant puis en goûtant longuement chaque sexe roide tendu vers moi. Colin-maillard ? Ou plutôt, colin paillard. Au bout d’un long moment, je commence à annoncer les noms. Quand j’ai terminé, les applaudissements… Aucune erreur. Ma mémoire sensorielle n’a pas été prise en défaut. Et c’est la récompense. Tous commencent à se caresser, comme LUI.

Et je ne reste pas passive ! Je vais de l’un à l’autre pour reprendre en bouche ces fruits délicieux dignes du jardin d’Éden (fraise plutôt que pomme, me semble-t-il) en m’aidant de mes mains qui soupèsent à l’envi les petits sacs où se prépare le met délicieux qui va tout à l’heure m’être délivré.

Souvenirs et délires, les deux font la paire. Hi hi…


Comme vous pouvez le voir… Euh, pardon, le lire, la promiscuité dans la troisième boîte du bouquiniste avec des ouvrages récents m’a donné des idées. De mon temps (désolée, jeune lecteur, mais c’est comme ça qu’on dit chez moi !), on n’aurait jamais osé écrire (et encore moins montrer) dans des revues une telle chose.

Déjà que mon cher « Folies de Paris et de Hollywood » était « interdit à l’affichage et à la vente aux moins de dix-huit ans » !

Quel chemin parcouru à partir de 1968 !

On pourrait par contre regretter que la qualité littéraire des textes ne soit pas toujours au rendez-vous, surtout si l’on considère que les grands auteurs, par le passé n’ont pas toujours dédaigné le genre ; souvent en utilisant un pseudonyme.

Mais vlà-t-y pas que je m’aventure dans des jugements de valeur qui me dépassent !

À propos de texte… Il a repris sa lecture tout en continuant les va-et-vient d’une main de plus en plus fébrile. La course est engagée !


Il la travaille un long moment pendant lequel Anita commence à agiter la tête comme prise de désespoir tant son plaisir cogne fort.

Brusquement, le garçon se rejette en arrière et reste à genoux, fixant toujours les yeux félins d’Anita.

Abandonnée, elle se redresse à son tour haletante de désir, elle saisit le membre brillant, comme émaillé et le lèche avec dévotion, faisant courir sa langue pointue sur toute la longueur de la verge raide, relevant ses cheveux qui tombent sur son front tant elle remue la tête. Le garçon se tend sur ses longs bras qui maintiennent son corps puissant, sa jouissance tire ses lèvres, découvre ses dents blanches féroces.

Il obéit aux caresses d’Anita puis son ventre se creuse, il rejette la tête en arrière. Anita devine que le moment est venu. D’une succion elle appelle cette sève dont elle est soudain affamée. Les fesses du garçon se durcissent, son ventre spasme une mesure rapide. Anita, les doigts crispés sur sa verge la gloutonne pour activer ce sperme qu’elle veut abondant, épais, poivré.

Une des longues mains du garçon se pose brusquement sur sa tête. Elle maintient avec fermeté ce visage qui l’aspire. Soudain les doigts se tordent dans les cheveux. Le membre a des sursauts qui propulsent dans la bouche veloutée d’Anita de longs jets brûlants qu’elle avale en gémissant comme si elle les avalait par son sexe.


WAHOUUUUUUUU !

Quelle synchronisation : toujours aux premières loges, je vois jaillir la divine crème… Et pour un peu, hi hi hi, j’y aurais eu droit moi aussi ! Une glorieuse auréole serait venue tacher mon portrait, incident courant qu’ont connu nombre de mes collègues avec des lecteurs… sous pression ou maladroits !




LUI


Incroyable que plus de quarante ans après ce texte ait eu pour moi la même charge érotique.

Le spectacle est comique : je suis vautré sur le canapé, les jambes étendues sur le pouf, la robe de chambre ouverte largement, laissant à l’air libre ce sexe qui décidément ne veut pas prendre sa retraite, même si dans l’immédiat il a baissé la tête après avoir délivré ces quelques traînées de liquide poisseux qui maculent mon ventre.

Je reprends la revue et la feuillette maintenant sans hâte.

J’entame la lecture d’un nouveau récit. Le modèle est superbe, mais, comment dire ?

On ne sent pas dans le regard de la fille qui fixe l’objectif, ce quelque chose qui peut aider l’auteur du texte à dépasser ses limites habituelles.

Effectivement, le texte est d’une banalité absolue, avec en prime une succession de tous les clichés du genre, bien décalés au regard du langage commun utilisé de nos jours.

Belle photo couleur en double page centrale, un peu datée certes, mais qui me rappelle que j’ai pu trouver il y a quelques années un recueil volumineux (en noir et blanc) des travaux du principal artisan de cette revue, le photographe SERGE JACQUES. Hommage lui soit rendu dans ces lignes…


Sonnerie du téléphone.

C’est mon épouse.



Elle me laisse à peine le temps de répondre avant de se lancer dans la description des progrès de notre petit-fils en ne m’épargnant aucun détail.


Et pendant ce temps mon esprit vagabonde.


L’ai-je trompée avec Anita tout à l’heure ? Ou n’ai-je procédé finalement qu’à un acte d’hygiène physique et mentale consistant à retrouver mon adolescence pendant quelques instants (pas remboursé par la sécu, et pourtant !).

Bien entendu, il n’est pas question de lui avouer quoi que ce soit. Elle pousse les hauts cris rien qu’en découvrant la nudité féminine exposée sur certaines affiches et met dans le même sac (un sac poubelle est-il nécessaire de la préciser) érotisme et pornographie.

Avouer, j’ai bien dit avouer…

Décidément, je suis marqué au fer rouge de cette époque où l’on culpabilisait les hommes et les femmes pour des pratiques sexuelles aujourd’hui bien innocentes.


Et elle. N’a-t-elle pas eu, n’a-t-elle pas encore à satisfaire elle-même ses désirs ? Se caresse-t-elle dans l’intimité de la salle de bain ?

Je suis seulement sûr, la connaissant, qu’elle n’abordera jamais le sujet avec moi.


Mais après tout, le couple a aussi besoin de quelques mystères !


Tiens… Que vient-elle de me dire là ?

Elle revient dès demain matin ?

Je croyais qu’elle restait encore deux jours de plus chez nos enfants.

Petites bises dans le combiné, je raccroche.




ELLE


« Post coïtum, animal triste … »


Pov’Minet !

Voilà-t-y pas qu’il nous fait une mini dépression notre vieil adolescent ?


Je l’observais tout à l’heure pendant qu’il écoutait sa femme au téléphone. Le retour sur terre a été brutal. Si j’ai bien compris, la récréation va bientôt se terminer.

Demain matin, Madame revient à la maison !


Il a été se servir un verre. J’entends les glaçons qui s’entrechoquent.


À propos, il fait drôlement chaud ici. Quand il est arrivé tout à l’heure, il a immédiatement allumé l’insert dans lequel le feu était préparé, et maintenant, la pièce baigne dans une douce chaleur.

Il se saisit de la zapette posée sur un coin du fauteuil et appuie sur une touche. Presque immédiatement, le son de la télé emplit la pièce. Les infos. La crise ! La bourse qui baisse.

Hi hi ! Coup d’œil vers le bas-ventre : là aussi il y a eu un krach et la tendance reste fortement baissière. Le sexe est maintenant tout petit, tout riquiqui, tout rabougri. Quant aux bourses, elles semblent elles aussi avoir perdu de leur belle apparence.


Quel dommage ! Et quand je vois les flammes qui de tordent dans le foyer, je repense à ces corps qui se plient, se prennent, se déprennent et se reprennent sous l’aiguillon de l’amour, encore et toujours.

N’importe quoi pour oublier le triste spectacle de ce corps affalé devant moi sur le canapé !

Faut dire que le feu m’a toujours inspirée. Toujours inspiré des fantasmes ma foi assez communs sans doute : me retrouver nue devant l’âtre où ronfle un feu d’enfer et aguicher un amant dans la seule lumière changeante des flammes. Sentir, cuisses largement ouvertes dans une offrande païenne, la chaleur du foyer sur mon sexe déjà largement ouvert et ruisselant de ma liqueur.


Mais tout ça, c’est du rêve… Je suis enfermée à tout jamais, prisonnière de ce papier.




LUI


Je n’arrive pas à fixer mon attention sur le défilé des mauvaises nouvelles à la télé.

De toute manière, depuis quelques jours, nous sommes gâtés ! Rien que du glauque.

Et les plus à plaindre, ce sont sans doute les jeunes pour lesquels l’avenir, déjà bien sombre se bouche encore un peu plus…

Quelle différence avec ma génération ! Pas étonnant que nous ayons parfois de la peine à nous comprendre !

Je me souviens de ce jeune homme que j’étais dans les années soixante. Pas faciles les études, mais à la clef, la quasi-assurance de monnayer son diplôme ensuite sans peine sur le marché du travail.

Fonder une famille était un projet à la portée de tous, si ce n’était que les enfants arrivaient souvent un peu trop vite.

La légalisation de la contraception et de l’avortement est arrivée un peu tard et parfois nos compagnes ont dû avoir recours à des pratiques issues d’un autre temps et non dénuées de danger.

Le plaisir solitaire, finalement, certes, frustrant pour des êtres comme moi, timides avec les filles, et sevrés depuis trop longtemps de caresses.

Et puis, la honte à l’époque, honte d’être puceau, honte d’avoir à faire « ça » en cachette.

On n’en parlait pas aux copains, ni évidemment à qui que ce soit et ni la presse, ni encore moins la littérature n’y faisaient mention.

Une exception cependant, les chansons paillardes que l’on se plaisait à chanter en chœur entre garçons lors de soirées bien arrosées.


Du dieu Vulcain, quand l’épouse friponne,

Va boxonner loin de son vieux sournois,

Son noir époux, que l’amour aiguillonne,

Tranquillement, se polit le chinois.

Va-t-en, dit-il à sa foutue femelle,

Je me fous bien de ton con chassieux,

De mes cinq doigts, je fais une pucelle,

Masturbons-nous, c’est le plaisir des Dieux.


Et plus tard, « Portnoy et son complexe » d’un auteur américain Philip Roth qui relatait avec humour sa sexualité d’adolescent.

Ah, il a fallu longtemps pour dédramatiser cette pratique.

Et aujourd’hui encore, je ne suis pas sûr que les hommes et surtout les femmes de ma génération soient prêts à évoquer en public ce sujet !

Et ma femme en particulier.

Donc, il va falloir agir raisonnablement, une fois de plus, avant que le temps ne se charge de me rendre complètement raisonnable.




ELLE


Je n’aime pas son attitude… Je n’aime pas le regard triste qu’il m’a lancé il y a quelques instants.

Je vois bien qu’il vient de prendre une décision à mon égard.

NOOOOOOOOOOOOOOOOOOONNNNNNNNN !


Il s’est levé et a ouvert la porte de l’insert.


Il y a encore de nos jours des bûchers où l’on brûle ce qui pourrait venir perturber un confort domestique bien terne.


Je vais aller rejoindre sans gloire cette Jeanne la Pucelle avec laquelle je n’ai pourtant rien à voir !


Ce n’est certainement plus de l’art … C’EST DU CAUCHON !