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08/04/17
Résumé:  Caro fait des confidences. Une histoire de cul bien sûr ; la jeune femme n'est pas farouche, c'est le moins qu'on puisse dire, mais elle n'en a pas moins des principes et elle croit aux astres et au Très-Haut. Une règle de vie qui en vaut d'autres.
Critères:  f fh froid parking voiture cérébral exhib noculotte fmast hmast intermast fellation pénétratio -exhib
Auteur : Evelyne63  (Je tire un fil, et la bobine se dévide.)            Envoi mini-message
Les confidences de Caro

Avant toute chose, je rappelle que mes écrits sont de pures inventions ; le présent récit n’échappe pas à cette règle. Les éventuelles similitudes et ressemblances en ce qui concerne les situations ou personnages sont naturellement fortuites. Il est cependant difficile d’échapper à ce que l’on est, et paradoxalement, j’ai constaté maintes fois que je m’exprime avec plus de sincérité, lorsque je suis libérée des contingences de la réalité.



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– 1 –



Tant qu’à inventer, je peux aussi bien choisir un prénom moins ringard que celui dont ma mère m’a affublée ; on va dire que je m’appelle Caro, j’adore ce prénom. Je cours vers mes trente-trois printemps, ce sera acquis à la fin de la saison ; trente-trois printemps, ne font pas nécessairement trente-trois ans, pour clore la trente-troisième année il faut encore attendre un peu. Je suis née un 23 octobre, à la charnière entre balance et scorpion. Un jour ambigu, à propos duquel les astrologues ne sont pas d’accord, selon les uns le 23 octobre est balance troisième décan, pour les autres ce même jour est scorpion premier décan, d’autres encore ne tranchent pas et chevauchent si bien que je suis à la fois balance et scorpion. Mon cas n’est pas simple, j’ai le sentiment d’avoir un pied dans un signe et un pied dans l’autre, à l’instar d’un frontalier à cheval sur une frontière.


En général, quand j’explique, personne ne comprend, mais c’est pourtant un fait. Avec le temps, je me suis faite à cette ambivalence, elle me permet de manger aux deux râteliers, le champ des possibles est ainsi deux fois plus large ; si l’horoscope des balances m’attriste, je me console avec celui des scorpions, ou inversement. C’est bien rare qu’il n’y en ait pas un qui ne soit pas à mon goût. Si les deux sont nazes, alors je suis mal.


On sait tous que la divination n’est pas une science exacte, certains mauvais esprits prétendent même que ce n’est pas une science, mais du charlatanisme. Laissons les dire ! Les erreurs existent malgré tout, comment le nier ? J’ai moi-même constaté que deux sources différentes pouvaient fournir deux prédictions différentes, des différences allant parfois jusqu’au grand écart.


J’ai un exemple très personnel : il y a deux ans, les astrologues de www.astrocenter, m’ont prédit que je me marierais à bref délai ; ils ont tapé en plein dans le mille, je me mariais avec Marco dans la foulée. Le même jour, je consultais www.signe-zodiaque, ces derniers ne me disaient rien de tout cela, comme si ce n’était pas important que je me marrie. J’étais furax, je les ai jetés, je veux dire que je les ai enlevés de mes favoris. Du coup je me connecte moins souvent sur ce site, mais j’y vais encore, on sait jamais…


Mon signe chez www.signe-zodiaque est ambivalent, je suis balance et scorpion à la fois. Quand je raconte l’anomalie, les collègues se marrent, certaines font des jeux de mots : je suis une bâtarde balance mâtinée de scorpion, ou bien un scorpion bâtard parfumé balance. Des deux formules, je préfère celle au féminin, mais c’est égal, l’une et l’autre reflètent une réalité incontestable, je suis effectivement une bâtarde, et pas seulement du point de vue astrologique.


Je ne connais pas mon père, ma mère était très jeune, elle s’est faite baiser, dans tous les sens du terme. Spontanément j’ai écrit « faite baiser », mais ce fichu correcteur orthographique conteste ma conjugaison au féminin, m’a fallu réfléchir. J’ai fait chauffer les neurones ; putain de correcteur, il se plante (je parle du logiciel, pas des aimables correcteurs). Je ne peux m’empêcher d’y voir un effet pervers de la prédominance du masculin (c’est automatique, en première option), en lien avec l’asservissement dont nous sommes victimes (ça aussi c’est automatique). Si vous ne voyez pas ce que je veux dire, c’est que vous êtes aveugle, ou que vous ne voulez pas voir.

[Le correcteur humain et mâle a hésité longtemps avant de conserver cette incorrection, et toutes celles qui vont suivre… (NDC)]


Quoi qu’il en soit, ma mère fit face, elle était bien obligée, qu’elle m’a dit, parce qu’il était trop tard pour avorter. J’en ai déduit que j’étais une enfant non désirée, ce qui explique peut-être une partie de mes vices, j’en ai pas mal. Malgré les ratés du départ, l’amour ne m’a pas manqué, c’est grâce à ma mère, et pas à un autre (noter le masculin singulier), si je suis là en train de dégoiser mes conneries, que je rédige sur un ordi dernier cri, le cul (petit et mignon) solidement calé dans un fauteuil quelque part en Auvergne. Je suis née au pays de Vercingétorix, ma mère en est issue, ses parents aussi. Le droit du sol fait de moi une Auvergnate, mais selon ma lignée ce n’est qu’à moitié vrai, l’autre moitié prend racine du côté des Balkans.




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– 2 –



Pour en revenir aux sites et publications qui connaissent si bien notre avenir, je pense que c’est comme partout, il y a les sérieux et les pas sérieux, mais je ne sais pas faire la différence. Je lis tout, et consulte tout, dans les moindres détails, pour les balances aussi bien que pour les scorpions, et les sagittaires aussi (Marco, mon chéri, est né début décembre). Les autres signes, je les survole, histoire de comparer ; des fois il y a de quoi être jalouse. J’attache beaucoup d’importance aux prédictions, si elles sont bonnes, mon cœur palpite, si elles sont mauvaises, je déprime. Comme tout le monde, je me fais aussi avoir : l’an passé, une tireuse de tarots m’avait annoncé un bébé dans l’année, j’étais heureuse ; manque de bol, elle s’est plantée ; ça m’a quand même coûté cinquante euros.



Cette histoire de bébé, le désir d’en avoir un, est surtout le fait de mon homme. C’est lui qui est le plus demandeur, plus que moi. Faut dire que les beaux-parents poussent à la roue, un garçon de préférence, le beau-père a la hantise que son nom se perde. C’est étrange les différences d’une famille l’autre ; ma mère à moi, elle s’en fiche. Moi aussi à vrai dire, un garçon ou une fille, c’est égal. En fait, je préférerais une fille, mais je me garde de le dire, pour ne pas déplaire à Marco et à beau-papa. On a convenu d’attendre la fin de l’année, et s’il n’y a rien d’ici là, on consultera les spécialistes.


Que ne ferait-on pas pour l’avoir ce bébé ? On fait crac-crac, aussi souvent que possible, plusieurs fois par jour quand la période est propice. Pas de quoi grimper aux rideaux ! Pourtant j’aime l’amour, mais je l’aime exubérant, spontané, coquin, tout le contraire du forcing auquel on s’astreint. Les fréquentes absences de Marco sont une contrainte de plus, la principale en fait. On jongle avec le calendrier ; c’est comme résoudre une équation à deux inconnues : les périodes d’ovulation, et la disponibilité de mon chéri.


Marco travaille dans une boîte d’import-export, je le crois en Colombie-Britannique, il est en Chine ; j’exagère bien sûr, mais c’est un peu ça. Il y a des mois où je ne le vois qu’entre deux portes, c’est vraiment trop peu. D’autres mois je l’ai quinze jours durant dans les pattes, c’est beaucoup ; notre appart est petit, trop petit. On a gardé celui que j’avais avant qu’on se marie. J’y ai mes habitudes, je me suis forcée pour faire place à mon homme, ce n’est pas toujours facile, il prend beaucoup d’espace.


Marco adore son boulot, et il gagne très bien sa vie, infiniment plus que je ne gagnerai jamais. Nous avons des projets, on a déjà acheté un terrain en proche banlieue. On va construire, c’est acquis, les plans sont tirés, ce n’est plus qu’une histoire de mois, un an tout au plus, avant qu’on ne déménage et quitte notre HLM. En attendant, on s’en satisfait. J’ai aussi gardé mon taf, il ne rapporte pas grand-chose, mais c’est toujours ça, et de cette façon je garde mes droits, je prendrai un congé parental le moment venu. Marco pense déjà à l’après, il verrait bien que je cherche un autre emploi, plus valorisant en termes de paye, et d’image. Je le laisse dire, mais j’aime ce que je fais ; j’aide les gens, surtout des personnes âgées, je suis auxiliaire de vie dans une association.


Avant de connaître Marco, je papillonnais beaucoup. Autant appeler un chat, un chat : j’étais facile et sans tabou. Du reste c’est moi qui l’ai dragué, et mis dans mon lit ; si je n’avais compté que sur lui, on en serait encore à se faire les yeux doux. Après avoir prononcé mes vœux devant le maire et le curé, j’ai décidé d’arrêter de divaguer, et de rester dans le droit chemin, si tant est qu’il y ait des chemins droits et d’autres tordus. J’ai prié le Très-Haut, celui qui voit tout, et qui sait tout, qu’il m’en donne la force. M’a-t-il entendue ? Mystère et boule de gomme, à moins qu’il n’ait un autre dessein, toujours est-il que mon droit chemin est tordu…


J’ai lu quelque part que les voies du Seigneur sont impénétrables. On m’a expliqué que ça veut dire qu’on ne le voit pas venir avec ses gros sabots. Moi, il n’y a pas de risques, je suis trop nulle, je ne vois rien, je ne sais même pas où je vais. J’ai parfois l’impression que le Seigneur m’a oubliée, ou bien qu’il chie dans la colle (pardon Seigneur, je suis une incorrigible pécheresse). En tous les cas, ma résolution prend la couleur de l’ennui. De fait, les soirées sont longues quand mon homme est en déplacement à l’autre bout de la terre. Au début, je passe du temps à étudier la mappemonde, à apprendre la géographie ; je suis devenue imbattable sur les capitales, mais la terre c’est quand même tout petit, on a vite fait le tour du globe, et un jour que je le fais tourner, promenant mon doigt sur la carte du Kirghizistan, sans trouver un putain de bled au nom imprononçable, je suis interrompue par la sonnerie de mon smartphone.


Je ne résiste pas à l’appel des amies. Des célibataires, qui font la noce quand ça leur chante et autant que ça leur chante ; de quoi me donner le bourdon. Je les suis, on boit, on danse, on drague. Un peu avant, j’ai lu dans mon horoscope, celui publié dans l’hebdomadaire « Elle », qu’il me faut faire attention, que la période ne m’est pas propice, je n’ai pas voulu comprendre, je me crois très maline. Le démon l’a été plus que moi, je chute… Pas la première fois, mais les suivantes, une fois, deux fois, trois fois… Des accrocs au contrat, non prémédités, je m’empresse de le dire, mais indéniables, témoins à charge à l’appui. S’il n’y avait qu’une fois, je pourrais encore m’en tirer, mais avec les récidives, mon cas est indéfendable.


C’était écrit, les augures l’avaient prédit, me dis-je, en me remémorant la mise en garde. Mes fautes en sont-elles moins grandes ? J’ai des circonstances atténuantes puisque c’était fatal, mais d’un autre côté j’aurais pu infléchir la fatalité puisque j’étais prévenue ; ce n’est pas la faute des augures si je suis idiote et ne sais pas lire. J’ai beau chercher midi à quatorze heures, je ne parviens pas à m’innocenter, je suis coupable, et je me sens coupable.


Certes, je suis rodée, je ne me bile pas pour quelques accrocs, mais je sens bien que si je ne fais rien, la liste va s’allonger. J’aime Marco, et me veux… pardon, me voulais fidèle ; le passé est de rigueur bien sûr, le présent n’est plus de mise. Je sollicite l’avis d’une amie expérimentée, vaguement pute sur les bords et voyante à ses heures.



Ça vient vraiment du cœur, elle n’a pas même regardé sa boule de cristal. Je lui réponds que je ne suis pas torera, la corrida très peu pour moi. Elle m’explique ; je comprends que je dois tirer un trait sur le passé. Je décide donc de tourner le dos aux tentations. Adieu monde de la nuit ! C’est très dur, sniff, sniff… J’adore danser, m’étourdir, faire la folle… « J’aime Marco plus que tout » que je me serine, comme d’autres s’injectent de l’EPO ou de la dope, pour tenir la longueur, moi c’est pour bien ancrer ma résolution dans ma caboche.



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Je m’en retourne réviser mes capitales. Évidemment c’est moins marrant, mais je n’y passe pas tout mon temps, j’aime trop voir des gens, des amis. Je sélectionne : toutes mes amies ne sont pas des lucioles écervelées, d’autres sont devenues de parfaites fées du logis. Je renoue avec les dernières, et aussi avec mon ancienne meilleure amie. Nous nous sommes pratiquement élevées ensemble, depuis la maternelle… Elle s’est mariée, il y a cinq ans, on se voyait moins ensuite, c’est classique…


Classique ? S’il n’y avait que ça ! Je me suis « jurée » d’être sincère. « Jurée » ? Quelle conjugaison ? « é » ou « ée » ; putain de correcteur orthographique (pardon pour ma grossièreté), m’en fiche, je garde « ée » et brandis l’étendard, y-en-a marre du despotisme masculin. En plus il a tout faux mon logiciel, vais en changer, et si ce n’est pas lui qui a tort, vais changer les règles de l’orthographe. Tant qu’à faire on pourrait revoir la morale aussi. Y-en-a marre (encore) des références judéo-chrétiennes, ça commence à faire ringard. Vrai aussi que ma morale à moi, c’est pas de la tarte, elle a pris de la dérive, faut dire que quinze ans à faire la teuf, ça marque ; voir ce que j’ai vu, savoir ce que j’ai fait… J’essaie d’oublier, de corriger le cap, mais des fois le diable est en moi ; c’est lui qui me fait trébucher, le curé me l’a dit avant d’absoudre mes fautes. Un très vieux curé, le curé de la famille à Marco, je lui ai tout déballé, tous mes péchés sans rien oublier. Je suis sûre qu’il n’a rien compris, il est sourd comme un pot. Quoi qu’il en soit, il m’a blanchi avant de me marier. Le jour de la cérémonie, j’étais toute blanche, dedans et dehors… Ma mère en chialait, Roseline aussi…


Du coup je ne sais plus où j’en suis… En fait si je sais, mais ce n’est pas facile de faire des aveux, je croyais m’en tirer avec une formule magique : « classique », mais ma conscience ne se laisse pas corrompre. Ce que j’ai sur le cœur, nul n’avait à savoir, même les augures ne l’avaient pas prévu. Aucun ne m’avait prédit la bourde que j’ai faite ; j’ai vérifié par après au cas où j’aurais mal lu ou mal compris, comme je suis coutumière, mais que nenni. C’était pourtant une très grosse bourde, le mariage de mon amie Roseline venait à peine d’être célébré. Dieu m’est témoin, j’ai ensuite consulté tous ceux à qui le Très-Haut souffle sa parole, d’une manière ou d’une autre, voyantes, mages, guérisseurs, et aussi un prêtre, auquel je me suis confessée. Il ne m’a pas excommuniée, il m’a seulement demandé de réciter un « je vous salue Marie », et deux « pater », en vue d’obtenir mon pardon. J’ai pas osé lui dire que je ne m’en souvenais plus, je me suis débrouillée comme j’ai pu… Cela m’a aidée, après avoir fait pénitence, je me sens un peu moins nulle vis-à-vis de Roseline…


Elle ne l’a jamais su ; je me suis tapé son père, une erreur que je ne me pardonne pas. Comme j’étais mal, j’ai consulté une psy, elle m’a assuré que je finirais par oublier. Malgré tout, il n’y avait pas moyen de faire comme si rien ne s’était passé, et bien que mon amie ne soit pas en cause, j’ai pris de la distance. Néanmoins nous sommes restées en rapport. C’est elle qui a d’ailleurs exigé que je sois la marraine de sa fille. À l’occasion du baptême, j’ai fait la paix avec le grand-père, il demandait mon pardon, et n’en finissait plus avec ses excuses. Que devais-je répondre ? Il n’était pas seul coupable ; je lui ai donné mon absolution. Du reste mon psychodrame prenait de la bouteille. La psy avait raison on finit par vivre avec.



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Amélie, ma filleule, est une adorable poupée, elle fréquente la maternelle depuis un an, je vais parfois l’y chercher ou l’y emmener, c’est selon ; des moments magiques. J’apprends aussi à tricoter, coudre, faire la cuisine ou des gâteaux, tout ce qu’il me faudra savoir faire lorsque je serai moi-même maman, mais j’avoue que je ne suis pas une élève assidue. J’ai plus de goût pour accompagner les enfants à la piscine, ou faire de l’équitation. J’ai mes entrées dans un centre équestre, et même une jument à moi, un cadeau que m’a fait le père de Roseline, officiellement pour marquer notre réconciliation. J’imagine qu’il récompensait mon silence ; peu importe, je m’en fiche, c’est de l’histoire ancienne. Ma jument est l’un des rares facteurs de stabilité de mon existence, elle me demande beaucoup de soins, de temps, et d’amour, mais me le rend au centuple.


Du coup, mon emploi du temps est bien rempli, entre ma jument, le taf, ma meilleure amie, ma filleule, la piscine, les fées du logis, et tout ce que j’oublie… Pas nécessairement dans cet ordre, mais c’est égal, mes journées passent vite. Mes nuits sont moins trépidantes. Si je me couche trop tôt, je me morfonds au fond de mon lit. Il arrive qu’en attendant le sommeil, je cède à mes démons, je me donne du plaisir. Je l’appelle comme ça, mais ce n’en est pas vraiment, juste un pis-aller parce que les hormones me travaillent.


Chaque soir, je me connecte à Internet, j’attends que Marco me contacte via Skype, et entre-temps je tiens mon courrier à jour, emails et autres. Mes conversations avec Marco durent rarement moins d’une heure, souvent beaucoup plus. Je minaude, et joue un peu, par webcam interposée, pas trop quand même… Il est incroyablement prude pour un garçon, plus qu’aucun autre que j’ai connu avant lui, et Dieu sait si j’en ai connu. D’un côté, cela me rassure, j’ai le sentiment qu’il n’est pas du genre à aller butiner ailleurs, et d’un autre côté cela m’irrite, il est trop pudibond, même avec moi, au point d’en être con, pour dire les choses telles qu’elles sont.


Malgré tout, je sais qu’il aime quand je l’allume, j’imagine qu’il va ensuite se branler après qu’on soit déconnectés, mais à vrai dire je n’en suis pas sûre, c’est un sujet tabou dont il n’aime pas parler. Il est très complexé avec les choses du sexe. Avant de nous marier, je le savais déjà ; une fois, je lui avais montré un godemiché en imaginant l’exciter, le résultat n’avait pas été celui escompté. Il m’avait regardé d’un air horrifié… J’avais rangé mon jouet, en me disant que j’avais bien fait de ne pas lui montrer les autres.


Que Marco soit comme ça, autant effarouché m’a beaucoup tracassée, et j’ai bien sûr cherché à évaluer notre degré de compatibilité. J’ai questionné les astres, pas toute seule bien sûr, je n’en suis pas capable. J’ai payé un spécialiste, cent euros qu’il m’a coûtés. On n’a pas trouvé de contre-indication, rien que des trucs positifs. L’astrologue m’a même prédit un prochain mariage princier. Je me souviens que sa prédiction corroborait celle de www.astrocenter, ça m’avait frappée. Il avait même ajouté deux ou trois détails, comme le château, et la splendeur de la robe, qui se sont vérifiés après coup ; un as vraiment ! Dommage qu’il ait déménagé, sinon j’aurais pris un abonnement.


Normalement la cérémonie des épousailles intervient dans la commune de l’épousée ; exceptionnellement la noce eut lieu en Dordogne, dans le château des parents de Marco, j’étais éblouissante dans une robe magnifique. Il y avait plus de deux cents personnes, essentiellement de la parentèle à Marco, parce que de mon côté je n’ai pas grand monde, à part ma mère et son copain du moment, plus quelques amis très proches dont Roseline et son mari Charly. Amélie était encore trop petite à l’époque, elle était restée chez son papy et sa mamy.



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– 5 –


Lorsque Marco est en déplacement, je ressors mes jouets. J’ai deux godes dont un vibrant, un œuf télécommandé, des boules de Geisha et deux ou trois rosebuds. Je ne sais plus au juste, je ne retrouve pas le troisième. Une panoplie que j’ai constituée au fil des ans, et que j’aurais aimé confier à mon époux, comme les clefs du logis, un gage d’allégeance autant que de complicité. Au lieu de cela, je la cache et en use en secret, pour grappiller un peu de plaisir coupable. Pas même du plaisir du reste, juste de l’acharnement pour vérifier que je peux encore faire vibrer ce corps exigeant. En fin de compte mes masturbations sont tristes. Ce n’est pas sur elles que je peux compter pour vaincre mes insomnies, j’ai le choix entre prendre un somnifère, ou me préparer une tisane apaisante, à base d’escholtzia, ou d’aubépine, ou de passiflore, ou de valériane, c’est selon mon humeur du jour.


Pendant qu’elle infuse, et le temps qu’elle agisse, je me connecte et navigue ici et là sur Internet. Pourquoi ai-je atterri sur des sites libertins ? Je ne me souviens plus, par curiosité je pense, j’ai tout de suite accroché. Tous ces hommes qui me poursuivent de leur assiduité, ça m’amuse. Le jeu est sans risque, et le choix infini, il arrive que je « diale » avec plusieurs inconnus à la fois. Les thèmes sont coquins, rien dont je puisse être fière, mais c’est excitant, j’en oublie l’heure.


L’addiction s’est installée, sans que je me rende compte. Je me connecte quotidiennement, et si je refuse toujours les webcams, j’accepte de livrer des photos. Des photos que j’ai évidemment neutralisées pour qu’on ne puisse pas m’identifier. Encore que certaines fois je me montre en clair. Les élus qui y ont droit, ne sont pas nombreux, deux ou trois, c’est selon les jours, toujours les mêmes. Il y a un interlocuteur que j’apprécie plus que les autres, nous avons même échangé nos mails. Mes séances nocturnes me mettent dans des états d’excitation extrême, c’est peu dire si j’écris que mes masturbations deviennent plus savoureuses, et plus furieuses aussi.


Cela ne contribue évidemment pas, à me rendre moins accro. Je me connecte tous les soirs, même quand Marco est dans les parages. S’il le faut, je manigance et trouve une excuse, j’ai absolument besoin de snifer ma drogue. Snifer ma drogue ? L’image me semble autrement plus parlante que les mots : cyberdépendante, ou netaholique. Ce sont les termes utilisés par la psychologue lorsque je l’ai consultée. On m’avait recommandé un homme, mais j’ai préféré aller voir une femme parce que ce que j’ai à dire est assez intime. Elle semble très au fait de son sujet. Elle ne modifie pas ses recommandations d’un iota quand je lui avoue que je suis quand même super excitée, jusqu’à mouiller ma culotte. Selon elle, il n’y a pas de mal à se faire du bien. Je me suis laissé dire qu’elle milite pour les Femen.


Parmi ses recommandations, la psychologue m’a conseillé d’arrêter de me connecter pendant quelque temps, mais je n’en ai pas le courage, je remets à plus tard et poursuis mon jeu malsain. Même si la thérapeute ne m’a rien dit à ce sujet, j’ai conscience de mon inconduite vis-à-vis de Marco, j’essaie de compenser par plus d’amour.


Lorsqu’il me rejoint au lit, j’éteins mon ordinateur portable, et n’ai de cesse de lui prouver mon amour. Mes batteries sont chargées à bloc, je ne suis que désir, un désir exacerbé, à fleur de peau, nos ébats retrouvent les ardeurs des premiers temps. Je ne suis pas sûre d’être animée par une énergie honorable, mais c’est tellement bon, qu’il m’est difficile de faire la fine bouche, et mon chéri y trouve son compte. Il adore et n’a jamais tant joui, dans ma bouche et dans ma chatte. Pour le fion, il y va encore à reculons, des restes de pruderie subsistent, je m’emploie à les faire disparaître. Encore faut-il qu’il soit raide ; la résistance de Marco n’égale pas la mienne, il flanche bien avant moi, et gît épuisé, la nouille en berne, bras et jambes en croix en travers du lit.



Je le regarde, attendrie, amoureuse… Il ronfle déjà avant même que j’aie fini de remonter drap et couverture pour le couvrir. Je l’envie, je n’ai pas la même aptitude à m’endormir comme une masse. Je sais qu’il me faudra encore longtemps avant de trouver le sommeil. Le comble est que mon excitation n’est pas épuisée, elle perdure, et tend à reprendre de la vigueur, tandis que je me remémore celle que j’ai fait naître chez Pierre, avant de rejoindre Marco.


Pierre est mon correspondant virtuel attitré. Il est marié et papa, mais c’est égal, nous n’avons pas l’intention de tromper nos conjoints respectifs. Nous ne sommes cependant pas dupes. Tout virtuel qu’il soit, notre jeu n’est évidemment pas innocent, et nous sommes conscients que notre fidélité, maintes fois réaffirmée, et jurée, n’est qu’un leurre pour alléger le poids de notre faute. Je devrais arrêter, stopper là, mais au lieu de cela je suis aspirée dans un tourbillon diabolique. Nous continuons à nous exciter mutuellement, j’ose des poses que je ne ferai pas en d’autres circonstances. J’aime imaginer qu’il bande pour moi, cette évocation suscite chez moi une effervescence délicieuse.


Mes doigts hésitent, tripotent, mais je me refrène, je ne peux pas être autant ardente que je voudrais, par crainte que mon enthousiasme ne me déborde et réveille Marco. Je me glisse hors du lit… Le salon m’accueille. La chaleur dans mon ventre m’invite à me toucher, mais dans le même temps l’envie de fumer se fait pressante, entre les deux mon cœur balance. J’allais écrire que la cigarette l’emporte, mais ce n’est pas tout à fait vrai, certes j’ai décidé d’aller fumer, cela ne m’empêche nullement de couver mon désir au chaud dans mon ventre. Je jouis du report ; l’attente est délicieuse. Bien entendu, je fume à l’extérieur sur le balcon, une obligation quand on vit avec un non-fumeur, ce qui suppose quelque préalable, l’hiver est rude en Auvergne. D’ordinaire j’enfile une vieille doudoune de Marco que je garde à cet effet ; celle-ci me couvre au moins les fesses, tandis que la mienne est trop courte. Je file récupérer le vêtement sur la patère dans l’entrée…


La suite ne sera pas celle que je projette. Le malin, ou bien le destin, je ne sais, je ne démêle jamais vraiment, toujours est-il que l’un ou l’autre place l’exemplaire de « Biba » dans mon champ de vision, je me rappelle y avoir lu mon horoscope de la semaine. Il y est précisé que je dois avoir de l’audace, et ceci aussi bien pour les balances que pour les scorpions, ce qui équivaut pour moi a une double prescription, ce qui la rend doublement impérative.


Comment j’en viens à décider d’aller nue sur le balcon ? La prescription bien sûr, je fais dans la provoc, une bravade que je confonds avec la hardiesse. Avec le recul, j’y vois la patte du malin, car l’audace pour le cas m’expose à un bon rhume, et au risque d’être la risée du quartier si l’on apprend que je m’adonne au naturisme domestique sur mon balcon. Le danger n’est pas nul, l’appart est au premier, à l’aplomb de l’entrée principale, face au parking. Depuis mon balcon, je suis idéalement placée pour surveiller les allées et venues, mais en retour mes chances d’être aperçue sont à peu près du même ordre.


Mon plaisir est à la mesure du danger, immense, intense, jouissif…. Dommage qu’il n’y ait pas un chat en vue. Il ne fait pas chaud, mais ça, je m’y fais à peu près. Le brasier qui brûle en moi, me rend insensible. Je fume ma clope et me gargarise de mon audace, offrant sans vergogne mon corps aux morsures du froid hivernal.



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– 6 –



Il y aura d’autres séances sur le balcon, j’aime offrir mon corps aux forces de la nuit. J’attends bien au-delà de minuit, lorsque Marco dort profondément. L’immeuble dort aussi, mais s’il subsiste une fenêtre, ou deux, encore éclairées, cela ne m’effarouche pas. Les abords sont déserts, l’heure est sans danger.


Une nuit cependant, il est plus tôt que d’ordinaire. L’impatience m’a gagnée, je suis seule, Marco est parti en déplacement le matin même. Il n’est pas minuit quand je vais goûter l’air vivifiant qui souffle depuis la chaîne des volcans. Une voiture s’annonce et prend place dans le parking. L’animation bouleverse mon ordinaire, je suis décontenancée, déjà anxieuse… J’ai un instant la tentation de disparaître dans l’ombre de mon salon, dont la baie est restée entrouverte. Je n’en fais rien, j’ai trop imaginé l’épreuve pour ne pas avoir le désir de l’affronter. J’écrase mon mégot dans le cendrier que je garde à portée dans ce but, mes deux mains sont agrippées à la rambarde. J’y suis enchaînée, tellement je suis crispée ; la tension tétanise mes muscles, et l’appréhension accélère mon pouls. La lumière des lampadaires parvient à peine jusqu’à moi, diffuse et parcimonieuse, mais encore suffisante pour allumer une luminescence traîtresse sur ma peau couleur du lait, couleur d’hiver…


Ce n’est pas sans effroi que je constate combien je suis claire, luciole dans la nuit, un phare sur son promontoire, mais au-delà de la parano qui me porte à grossir le danger, il reste que l’homme peut m’apercevoir, pour peu qu’il lève les yeux. Mon pari est le plus idiot que j’ai osé jusque-là. Mon attente est fiévreuse, affreuse et enivrante à la fois. Je me réserve néanmoins une échappatoire, je peux bondir un pas en arrière… Piètre alternative, je m’y prépare néanmoins, priant mentalement pour que l’homme n’ait pas l’idée de lever le nez, et l’espérant vaguement malgré tout. Me voilà schizophrène, je veux tout et son contraire, la considération et le frisson.


La fièvre aiguise mes sens, je pressens le péril imminent. Mon recul est précipité et brouillon. Je réagis avec l’ébauche du mouvement qu’il fait pour lever la tête, je ne sais s’il m’a aperçue, mais il m’a à coup sûr entendue avec le raffut que j’ai fait ; j’ai déséquilibré une pile de fauteuils d’extérieur, emboîtés et stockés pendant l’hiver. Les fauteuils atterrissent sur le sol de béton, et s’entrechoquent entre eux. Le boucan me semble infernal, je me ratatine dans l’angle le plus obscur, hors de vue du bonhomme. Je le devine perplexe, cherchant à localiser l’origine du tapage.


De longues minutes plus tard, le froid et l’ankylose m’incitent à sortir de ma léthargie, je me décide à affronter ma trouille, et ose un œil. Il n’est plus là. J’abandonne le chantier en l’état et cours droit dans mon lit ruminer mon infortune. Il me souvient qu’un horoscope paru dans « Maxi » me recommandait la prudence. Quelle idiote je suis ! J’étais pourtant prévenue.



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– 7 –



Plus tard, je prends la mesure de la situation, je pourrais en rire si l’homme ne m’était pas connu. Bernard, c’est lui, mon plus proche voisin, je le savais et j’ai malgré tout continué. Suis-je folle ? J’avais effectivement perdu la raison, la fièvre m’aveuglait, je ne pouvais plus m’arrêter. C’était comme si je tirais sur une corde, que je savais prête à rompre, mais il me fallait néanmoins continuer à tirer parce que ma vie en dépendait. Ma vie ? Mon œil ! J’ai le jeu dans la peau, et le feu au cul, cela me perdra. Les astres m’avaient pourtant recommandé la prudence.


Bernard est un grand gaillard jovial et sympathique à la stature de rugbyman, la cinquantaine pas trop bedonnante. Je l’aime bien. Il est marié à Muriel, une femme effacée, de dix ans sa cadette, et encore mignonne malgré qu’elle ait pondu quatre mouflettes, rien que des filles, pas un seul mâle au grand désespoir du père. De temps en temps, nous allons chez eux, ils viennent aussi chez nous, Marco et Bernard partagent une même passion pour la mécanique et la moto.


Une trouille rétrospective percole son fiel, et nourrit mon inquiétude. Décalez une pierre et tout l’édifice s’écroule… Au matin, j’ai à cœur d’évaluer l’étendue des dégâts. Je fais en sorte de croiser Bernard quand il part au boulot.



Notre échange est incolore et inodore. Je ne peux évidemment pas lui poser la question tout de go : m’as-tu-vue à poil ? J’y vais au feeling, mais mon sonar reste plat, pas d’écho, rien, je le quitte guère plus avancée qu’avant.



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– 8 –



Je ne suis pas du genre à me biler plus qu’il ne faut, mais je prends quand même la résolution de rester sage et discrète jusqu’à nouvel ordre. À la pause de midi, je suis chez mon amie Roseline, elle m’a invitée, elle sait que je suis seule.


Amélie, Roseline, ma mère, Marco, Belle-de-Jour (ma jument), tout mon monde, réuni en une seule main. Un monde étriqué, diront certains, à mon image, je ne suis pas autre chose, moi qui ne peux vivre sans en référer aux esprits à tous propos. Je n’y manque pas là non plus, et grappille quelques instants, en dépit que je n’en ai pas beaucoup, et me connecte sur mes sites de divination favoris. J’ai besoin des lumières de ceux qui détiennent le savoir ; les augures m’apprennent que je dois avoir le courage d’affronter l’adversité.


Que veulent donc dire les astres ? Je nage en pleine confusion. Plus tard, je questionne une collègue férue d’astrologie. Elle n’a aucun doute, je dois foncer bille en tête en bousculant les obstacles. La traduction n’éclaire pas beaucoup plus les instructions divines. Je cogite, mes déboires de la nuit sont-ils en cause ? Le Très-Haut m’invite-t-il à foncer, quand bien même mes visées seraient quelque peu lubriques. Pourquoi pas ? Jésus n’avait-il pas de l’indulgence pour les putes ? Saint Nicolas n’est-il pas le patron des putains ? Pute, putain, salope, même combat…


La température de mes cogitations est en phase avec l’humeur du moment : joyeuse, c’est le moins que je puisse dire ; Amélie et Roseline m’ont mis le cœur en fête. Les augures aussi, foin des soucis ! Le soir à l’heure convenue, ma tête est légère et mon esprit coquin, lorsque je me connecte sur le site libertin pour y retrouver Pierre, mon interlocuteur préféré. Il m’attend, la queue déjà bandée en main, me dit-il. Je veux le croire, c’est comme cela que je l’aime. Je me donne du mal pour qu’il en soit ainsi. Dans l’après-midi je lui ai adressé un mail où je lui raconte mes pulsions et mes agissements. Je lui donne à connaître mes désirs et autres petites saloperies, je sais que ça l’excite. J’aime le mettre dans tous ses états. J’en rajoute parfois un peu, et pour le cas, j’ai exagéré cette envie qui me tient de prolonger mon aventure naturiste jusque sur le parking. L’idée m’a effleurée, fugace et volatile, mais dès lors que je la partage, elle prend de la consistance.


Plus tard, je suis dans mon lit, j’ai eu Marco via Skype entre-temps, mais ce n’est pas vers lui que vont mes pensées. Je songe à Pierre, et me caresse en pensant à l’inconnu. C’est dégueulasse, mais je ne peux pas m’en empêcher. J’entretiens ce faisant un état de tension délicieux, que l’évocation de Marco ne saurait me procurer. Mes pensées batifolent sans que je les maîtrise, Pierre, et sa queue, raide, énorme, comme il prétend. Il ne me coûte rien de le croire, voire de la grossir, et c’est bien plus savoureux. Salope que je suis, je me vautre dans ma fange et j’aime ça. Et Bernard ? M’a-t-il vue nue ? La perspective n’est plus pour m’effrayer, au contraire, j’aime les mateurs, les voyeurs attisent ma fièvre… Que le spectacle commence !


L’idée du challenge refait surface sur ce terreau. Une virée nue sur le parking, est-ce faisable ? Une folie, ma réponse est négative. Une heure du mat, je me suis un peu dissipée entre-temps, ma panoplie a servi, mais je reste sensée, la virée n’est pas raisonnable. Un orgasme plus tard il est près de deux heures du mat, ma raison vacille, mais ma position est toujours négative, avec beaucoup de regrets toutefois. Je ne m’endors toujours pas, l’insomnie s’incruste, je convoque Pierre à nouveau, rameute la panoplie, et c’est reparti pour la cavalcade ; trois heures du mat, au diable les risques, j’aspire à du vrai frisson, celui qui me tord les tripes et me porte à mouiller grave… Je piaffe d’impatience, Jésus, et Saint Nicolas sont avec moi, n’ont-ils pas dit que je devais foncer.


De toute façon, c’est ça ou bien la camisole. La doudoune me couvre à peine les fesses, et la fermeture est cassée ; d’une main, je maintiens les pans rabattus. On ne voit rien, que mes gambettes nues… Je doute qu’on me crédite de toute ma raison si je croise quelqu’un. J’use de ruses pour parvenir saine et sauve jusqu’au parking, les Sioux ne m’ont pas repérée. Pour être juste, je n’ai pas aperçu un seul indien, pas même un chat, je n’en espérais pas plus à trois heures du mat. À destination, je convoque le conseil des sages. Il y a moi, et moi, et moi… J’ai emmené tout le monde, la pute, la bigote et la sage. Seule la pute a voix au chapitre, j’ai muselé les autres, la décision qui ressort du débat n’est pas sage ; je me défais de mon seul vêtement, et le suspends sur le rétroviseur du véhicule le plus proche. Je suis nue, entièrement nue, si j’excepte mes sneakers.


J’allume une cigarette sur laquelle je tire tout en dissimulant l’extrémité rougeoyante dans ma main creusée en conque. Fumer, nue, sur un lieu incongru, me donne un sentiment de liberté incroyable, je le ressens dans tout mon corps. La fraîcheur de la nuit exacerbe la sensation ; je ne lutte pas, je laisse le froid m’envahir, glisser entre mes cuisses, pénétrer et rafraîchir mon sexe bouillant, durcir mes tétons, et mes seins, que j’effleure et caresse de ma main libre. Lorsque ma cigarette est finie, je suis plus que jamais fébrile, l’idée d’en rester là, m’est intolérable ; je veux prolonger et corser le challenge, oser l’aventure avec option totalement vulnérable.


Jouer sans filet, voilà mon souhait, c’est à ce prix que le jeu prend sa saveur. J’abandonne ma doudoune sur le rétroviseur où elle est suspendue et prends du champ. Je dépasse une voiture, puis deux, puis trois… Ma fièvre grimpe un peu plus à chaque pas, encore une voiture, deux, trois… la vitesse, et l’ivresse me montent à la tête, je suis à l’autre extrémité du parking. La grosse envie coule de mon sexe, poisse mes cuisses, je cale mon cul contre une Peugeot. Le métal glace mes fesses nues… Mes doigts s’empressent, impatients de dispenser le soulagement auquel j’aspire. Je procède… d’abord avec précipitation, puis plus calmement. La quiétude de la nuit berce ma quête du graal, j’épie la montée du plaisir ; je ne suis plus de ce monde.


Ma vigilance est totalement prise en défaut, je n’ai rien vu, rien entendu. Les phares balaient l’allée, la voiture déboule, et s’arrête pile, devant l’entrée de l’immeuble. Cinq personnes à l’intérieur, des jeunes, trois garçons, deux filles. Le premier à descendre est le fils d’un locataire du deuxième. Il est suivi de près par une gamine. Le couple s’enlace, se bécote… Les trois autres occupants sortent un peu après, deux mecs, une fille, pas sûre qu’ils soient majeurs. Ils fument et rient pendant que le couple fait des mamours. Les réflexions fusent. J’entends, et devine à demi-mot ; la lenteur des adieux entre les deux amoureux agace les trois autres. Et moi aussi, je l’avoue. Je suis bloquée, accroupie, dans l’incapacité de rejoindre sans me montrer, l’endroit où est suspendue ma doudoune. J’ai froid, je suis nue… Ceux qui rédigent les horoscopes n’ont jamais été confrontés à ce genre de situation, qu’il vienne donc affronter l’adversité ! Il est plus de 4 h du mat quand je peux enfin regagner mon appart. Je suis épuisée, mais pas encore assez cependant, il me faut conclure comme il se doit, dans l’abri de mon lit.



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– 9 –



Six heures trente, je sors des vapes. Je tâtonne pour bloquer la sonnerie du réveil dont la stridence m’explose la tête. J’ai dormi une grosse heure, pas plus. J’ai la tête dans le cul, c’est le cas de le dire. Des relents de luxure émanent de mon corps nu, la fièvre licencieuse n’est pas tout à fait tombée. Mon sexe est sensible, je le caresse un instant, puis m’interromps avant que le désir ne s’embrase à nouveau et ne me submerge, le sexe appelle le sexe ; j’ai déjà constaté que plus je baise, plus j’ai envie. Pas la peine d’attiser, donc, j’ai d’autres priorités, et le temps manque. Je file à la douche. J’ai fait un rapide détour pour brancher le café, et vérifier l’heure ; je suis déjà à la bourre.


La veille, j’ai préparé ma tenue du jour, un ensemble, jupe en jean, et veste de même tissu sur un pull ras-du-cou. La jupe est fermée devant par quatre gros boutons fantaisies, identiques à ceux de la veste Je ne boutonne que les trois premiers, le dernier reste libre. Je fête le printemps. C’est la première fois de l’année que je vais jambes nues. La veille encore j’avais un collant, bien trop épais du reste, la température avoisinait les 24°C au plus fort de la journée. Selon toutes probabilités, celle qui s’annonce promet d’être aussi chaude, sinon plus chaude. Le soleil brille déjà.



Il n’est pas rare que je le retrouve. Nous partons au taf, à peu près à la même heure. Nous nous faisons la bise et échangeons des banalités. Mon souci antérieur quant à savoir s’il m’a vue jouer les naturistes sur mon balcon, n’est plus d’actualité, de l’eau a coulé sous les ponts, je suis à la bourre, il me faut faire fissa. Étrangement, lui n’est pas pressé ; je me suis déjà glissée sous mon volant, et j’aurais déjà claqué ma portière, mais il la retient…


En cours de route je repense à l’attitude bizarre de Bernard. De fil en aiguille un soupçon naît, s’incruste, je vérifie : je n’ai pas de culotte. Comment ai-je pu oublier ? Pourquoi ne m’en suis-je pas rendu compte ? Ma meilleure amie me conterait pareille blague, je lui rirais au nez. Incroyable, impossible… Toujours est-il que je suis cul nu sous ma jupe, Bernard a dû en prendre plein les mirettes.


La goutte qui fait déborder le vase, trop, c’est trop ! Je devrais être abattue, au lieu de cela je deviens folle et éclate de rire, je m’esclaffe à m’en tenir le ventre. M’en fous de ma réputation, m’en fous de tous les coincés, m’en fous du beau-père et de la belle-mère, m’en fous de leur château en Dordogne. J’étais à deux doigts d’ajouter, m’en fous de Marco, mais ce n’est pas vrai, je l’aime… Il me déplairait que Bernard lui rapporte n’importe quoi, mais connaissant ce dernier je doute qu’il joue les mouchards. Sera-t-il aussi discret avec ses copains ? Et les autres ? J’avoue qu’avant Marco, je ne me serais pas posé tant de questions, j’aurais goûté le piment de la situation.


Pour dire la vérité, mon ressenti n’est pas très différent par rapport à ce qu’il aurait été avant Marco, le fait que Bernard ait vu mon cul, ne me laisse pas insensible. Je goûte après coup le sel de mon exhibition quand bien même celle-ci aurait été inconsciente, autant qu’involontaire. Je reconstitue mentalement, imagine la convoitise de l’homme, ses yeux de merlans frits. Pourquoi donc ai-je été privée de ce plaisir ? À tant l’évoquer, je parviens à lui redonner vie et tout son chien, l’exercice n’est pas sans chaleur. J’en oublie la fatigue et le manque de sommeil.


Des images salaces me traversent l’esprit. Je prends des poses devant le miroir des vestiaires. Ma jupe est courte, mais décente, même avec un bouton libre. Il n’en va plus de même quand je libère un deuxième bouton. Dans ce cas, j’entrevois mon pubis glabre. Je m’épile en effet. Par bravade, je laisse en l’état, une audace toute relative : qui la verra sous ma blouse ? Personne, mais moi je la sais, et cela fait une grosse différence, l’idée de ma coquinerie m’accompagne, nul besoin d’EPO, me savoir vulnérable me donne une pêche d’enfer.


En dépit de mon exubérance coquine, il n’y a pas de risque que j’abuse sexuellement mes clients, je ne vois que des mémés et des pépés qui n’en peuvent plus. En cours de matinée cependant, il me vient l’envie d’asticoter Pierre, mon inconnu adoré. Je me connecte, et lui concocte un mail, je raconte tout et même un peu plus, photos à l’appui, prises sur le vif. Il m’a suffi d’ouvrir la blouse, et de libérer un bouton de plus sur le devant de ma jupe, clic, le selfie est dans le smartphone, un autre pour faire bon compte, puis je les mets en pièces jointes. S’il ne bande pas avec ça, je me fais nonne. Il vit l’aventure en live avec moi ; je mouille rien qu’à imaginer sa réaction, un bon gros mandrin, qu’il va aller astiquer dans les toilettes les plus proches. Moi-même, j’y suis, assise sur la cuvette, en bonne place pour sécher les excès d’humidité que me procure mon enthousiasme. Ceci fait, je profite de ma pause impromptue pour vérifier les oracles. Ils me promettent une excellente journée et une rencontre percutante avec un bélier.


De retour au parking, au siège de l’association, je remarque immédiatement la voiture d’un modèle inhabituel en ce lieu. Je ne suis pas familière des véhicules automobiles, ce n’est pas un sujet qui me passionne, je fais tout au plus la différence entre une Renault Twingo (c’est ma voiture), une Fiat Panda (c’est la voiture du service, que j’utilise pour le boulot) et un gros Touareg Volkswagen (c’est la voiture de Marco), en dehors de ces modèles, faut pas trop m’en demander. Pour le cas, le véhicule est de couleur sombre et ressemble assez à celui de Marco ; recoupements aidant, je finis par reconnaître la voiture de Bernard. Certains vont dire que je fais du cinéma, que j’ai noirci beaucoup de lignes pour dire si peu ; la réalité est qu’il m’a fallu longtemps pour cataloguer la bagnole, et encore est-ce parce que le propriétaire est à l’intérieur. Je le reconnais, j’ai instantanément la conviction qu’il m’attend, et je devine pourquoi. Je me gare, et prépare mentalement ma plaidoirie.



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Bernard me rejoint alors que je suis en train de verrouiller la voiture du service. Je joue mon rôle, surprise, amicale…



Voilà autre chose ! L’angle d’attaque me désarçonne… Je n’avais pas prévu, on sort de mes modèles, faut que je me remette en selle ; j’improvise et m’emmêle les pinceaux. J’abats mon jeu avant l’heure.



Plus de doutes, il confirme qu’il a maté, il a vu mon cul, mais je n’aime pas trop sa façon de nous mettre tous les deux dans le même sac, je décide de tuer le fantasme dans l’œuf, pas la peine de laisser mousser.



Les révélations de Bernard ne me réjouissent pas du tout. Je pense à Marco. Des échos sont-ils susceptibles de lui parvenir ? Est-il encore possible d’endiguer les fuites ?



Le ballet des voitures, les allées et venues des collègues… C’est l’heure qui veut ça, l’animation est à son comble, nous suscitons la curiosité, les copines m’interpellent. Il ne veut pas lâcher… Moi non plus, il m’en a trop dit, et pas assez…



Un bistro ? Les bistros sont bondés à cette heure. De toute façon, très peu pour moi, je fais régime, j’ai explosé mon plafond calorique la veille chez Roseline, faut que je compense. Une étrange association d’idées me conduit à proposer l’aire des Volcans comme destination alternative. Une destination passablement incongrue, j’en conviens, c’est loin, mais j’entrevois l’occasion de renouveler ma réserve de cigarettes. Contre toute attente, Bernard accepte.


L’aire des Volcans est sur l’autoroute direction Paris, à une quinzaine de kilomètres. C’est entre autres une plaque tournante pour les routiers internationaux, et un repaire pour les trafics… Nulle part ailleurs, dans la région, on ne trouve des cartouches de cigarettes à un prix aussi avantageux.



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La voiture de Bernard est spacieuse, un modèle assez semblable au gros bahut de Marco. Ce n’est pas la première fois que j’y monte, mais ça fait drôle quand même. Je réalise que sous le coup de l’émotion, je n’ai pas même pensé à récupérer ma veste au vestiaire. Je suis toujours en blouse. Encore heureux que j’ai mon sac à main ; celui-là ne me quitte jamais, il y a dedans un fatras incroyable et tout mon nécessaire de survie. Je le place à mes pieds, et j’aurais sans doute fait de même avec la peluche qui traîne sur le siège passager si son originalité ne m’avait intriguée.



Un carton, format carte de visite, est attaché à la peluche, j’y lis : « Bon anniversaire papa », écrit en caractères malhabiles.



Une prémonition flashe, branle-bas de combat, tout le monde sur le pont.



Mes neurones turbinent à plein régime : il est bélier ! Cela ne peut pas être une coïncidence, il est le bélier que m’annonce mon horoscope. Quels sont les desseins des dieux ?


La perm est finie… Je reprends du service et me poste au garde-à-vous quémandant les ordres du Haut-Commandement astral. Il m’arrive parfois d’oublier que nous sommes tous des marionnettes du Très-Haut, Bernard, moi, et tous les autres de la divine comédie. Quelle scène allons-nous jouer ? Je repasse en revue les termes de départ : bélier, scorpion, rencontre, excellente journée, tout y est, même le soleil. Quel est le scénario ? J’entrevois quelques hypothèses, mais on en revient toujours au nœud du problème. Je ne suis pas cruche au point de ne pas savoir ce qu’un astrologue veut dire quand il écrit « rencontre ». Dois-je baiser avec Bernard ? Je ne suis pas emballée, je crois prudent d’attendre une ultime confirmation de la part du Très-Haut.



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La radio diffuse de la musique en sourdine, on entend à peine le ronronnement du moteur, Bernard est mutique, et moi je rumine mon dilemme : baiser ? Pas baiser ? Je tripote mon smartphone, et tente de me connecter sur un site susceptible de me donner une réponse, pas moyen ; j’en essaie un autre, pareil… Je m’irrite…



Il me semble entendre Marco, il réagit pareil. Je m’exécute à regret, non pas parce que j’obéis, mais parce que je ne peux rien faire d’autre et mon impuissance m’énerve.



Le ton est particulièrement aimable, obséquieux même. Cela m’amuse, et me donne à penser qu’il veut faire oublier l’agacement qu’il n’a pas su dissimuler.



Je raille ! Mon uniforme de ménagère n’a pas de prétentions à ce titre, encore qu’il soit seyant, rose pâle et bien coupé. J’ai écrit ménagère sans malice, parce que l’image me parle, mes collègues m’en voudront si elles me lisent, mais je crois qu’il n’y a pas de risque. Sans doute voudraient-elles plus de galons qu’une ménagère… Débat récurrent et vain.


Ce n’est qu’une blouse, laquelle pour mon cas, est cependant plus que ça, elle est le paravent de mon indécence. Le moment est crucial, ce que je vais faire va déterminer la suite, et selon ce que je vais faire, je serai sage, ou lubrique. S’il y avait du réseau j’aurais déjà trouvé la réponse à mon dilemme. Je suis seule, terriblement seule, mon Dieu conseille-moi. Il est assez rare que je m’adresse directement à Dieu, je préfère en référer au Très-Haut et à ses sbires. Je pense que Dieu m’a entendue, il me suggère de « tosser » (au sens anglophone du terme), il me fera part de sa décision.


L’idée de lancer une pièce dans l’habitacle, ne me semble pas particulièrement indiquée, mais rien ne m’interdit d’être originale, j’envisage de parier sur les numéros pairs ou impairs, en un sens c’est pareil que pile ou face, et les plaques d’immatriculation ne manquent pas. La prochaine voiture, c’est pour moi. Manque de bol, je perds, Bernard gagne. Qui a présidé à ce résultat ? Sinon Dieu lui-même, celui qui voit tout et qui sait tout.


Tout compte fait, il ne me déplaît pas d’avoir perdu mon pari, j’aurais fait grise mine si je l’avais gagné, car entre-temps une force libidineuse s’est emparée de mon esprit. Je me laisse emporter sans remords sous l’égide des dieux. L’épreuve se pare d’une perspective jouissive. Je frissonne de plaisir à l’idée de ce que je vais montrer. L’exhibition est imparable, je le sais ; à la suite des photos, j’ai laissé tous les boutons libres, sauf celui de la ceinture. J’ôte ma blouse révélant mon impudeur. Pas folle la guêpe ! J’entreprends aussitôt de tirer le rideau sur ce que j’ai laissé entrevoir un instant.



Sa main a atterri sur ma cuisse, m’empêchant de procéder. Le message est subliminal, mais explicite. Je n’envisage pas une minute de contrer Bernard, il me paraît vain de lutter pour dissimuler ce que je meurs d’envie de montrer. J’ai d’ailleurs déjà cédé dans ma tête, une fébrilité jouissive signe ma capitulation inconsciente. On ne lutte pas contre les forces souterraines. J’acquiesce formellement : « d’accord », il retire sa main. Je retire les miennes, ma jupe s’ouvre à nouveau, les pans baillent et encadrent le triangle lubrique, dans l’ombre duquel niche toute ma folie. Bernard mate, négligeant la conduite…



La pudeur ne m’étouffe pas, disait ma mère autrefois. Elle ne m’étouffe toujours pas, je cultive au contraire un travers exhibitionniste, dont la réalité n’est plus à démontrer. Je le laisse mater, son plaisir amplifie le mien. Des comparaisons me viennent à l’esprit, la présente exhibition égale-t-elle la précédente à laquelle je me suis prêtée un peu plus tôt, au bénéfice de Pierre, mon interlocuteur préféré, par photographie interposée. Qu’est-ce que je préfère ? Le direct, ou via Internet ?



De toute façon, ce n’est plus tellement mon affaire, mon destin est du ressort du Très-Haut désormais. Je n’ai pas de craintes, même lorsque Bernard ralentit. Il le fait alors que nous ne sommes plus très loin de l’entrée de l’autoroute ; il vire et s’engage sur un chemin de terre.



Mon sort en est jeté, je ne vois pas d’échappatoire. J’en veux malgré tout aux hautes instances en charge, j’aurais aimé une notification plus personnelle. J’exprime ma désapprobation.



Pour un peu, je serais presque déçue. Il roule encore une centaine de mètres et se gare dans une toute petite clairière nichée au milieu d’un taillis très dense. Il libère la ceinture de sécurité, ouvre sa portière, mais ne descend pas ; en place il recule son siège à fond, puis défait la ceinture de son pantalon, débraguette, et sort son sexe déjà bandé, qu’il se met à branler.



Il dit ça comme si j’avais craint qu’il n’éjacule sur moi ou à l’intérieur. Je suis à cent lieues d’avoir une pensée aussi construite. Je l’observe abasourdie, son sexe est gros, bien plus que celui de Marco, bien plus que celui de la plupart de mes ex. Il me faut remonter loin pour me remémorer un tel calibre. La situation est ubuesque. Mon propre désir gronde dans mon ventre ; il préexistait, et repart de plus belle en se nourrissant du sien. Mon corps, les astres, le bélier, le scorpion, et la balance fusionnent en une synthèse cosmique. Comment ? Je n’en sais rien, c’est au Très-Haut qu’il faut poser la question.


Appâtée, la pute qui niche dans mon tréfonds pointe le nez. Elle renifle la luxure ; c’est elle qui m’incite à réclamer ma part. Vénale, je tends la main, et accompagne le mouvement de Bernard. Trop content, il me cède la place, et m’invite à poursuivre, le membre palpite dans ma paume, il est gros, dur, chaud, vivant…


Avant longtemps, je prouve mon savoir-faire, et ainsi qu’il est souvent dans le monde du travail en pareil cas, j’entends briguer la validation de mon contrat. Nous n’avons pas encore négocié mon salaire, mais il va de soi que cela ne pourrait pas être moins que son silence. À la réflexion, j’ai moi-même des arguments, mon propre silence vaut bien le sien, sinon gare à Muriel. Une sacrée cachottière celle-là ! Elle ne m’avait pas dit que son mec était si richement doté.


J’imagine qu’il faut chercher dans ma nature bâtarde, vicieuse et perverse, les raisons qui font que des pensées aussi glauques, aussi prosaïques, aussi mercantiles, polluent ma relation transcendantale sanctifiée par les astres et le Très-Haut. Une telle irrévérence mérite naturellement punition, le Très-Haut veille, Bernard en est le bourreau.



Je m’exécute, docile. Juste un bouton. J’ai le souci de la plier, avant de la ranger, bien calée derrière le volant. Ce faisant, je suis à deux doigts de recevoir la fessée, le bourreau est cependant indulgent, la tape est modeste. J’ai à peine repris ma place que l’ordre suivant fuse.



J’obtempère à nouveau, totalement soumise, je reprends le membre en main, et approche mes lèvres du gland, et commence à le gober, j’en ai plein la bouche. Quoi qu’il en soit, je suis une artiste en la matière, ceux qui ont eu à connaître ont tous chanté mes louanges. Ils sont nombreux, un sacré cœur qu’ils feraient si je les réunissais. Pendant que j’œuvre, Bernard caresse mes fesses, et explore ma raie culière.



Il me revient le souvenir de soirées où il m’avait invitée à danser. Je me remémore les paluches s’égarant plus qu’il n’était séant, je l’avais remis à sa place. À l’époque mes fesses étaient habillées, pour le cas elles ont nues, et je n’interviens pas, il s’en donne à cœur joie autant que le lui permettent nos positions respectives. Il finit par entrer un doigt dans mon anus, son index ou le majeur, je présume. C’est idiot, mais ce doigt qui explore mon fondement focalise mon attention, plus que la queue que je tète et manipule consciencieusement.



L’injonction me surprend, alors que je sens le jus monter, et que je me demande si je vais le recevoir en bouche. Bernard baisse le dossier de nos sièges, le sien et le mien, puis il m’invite à prendre une position confortable. Il se déshabille, puis me rejoins. Il est à mon côté, je m’offre à ses caresses et lui donne mes lèvres. Notre baiser est passionné, sa langue est puissante, je cède le terrain et le laisse envahir mon palais. Je me venge sur sa queue que je tiens bien en main. Je n’ai pas d’impatience, mais je serais néanmoins frustrée si pour une raison ou pour une autre il advenait que ladite queue n’investisse pas mon ventre. Elle est à moi, elle m’est due, je la veux. Pendant que je rumine ma profession de foi, les mains viriles explorent mon corps, sans finesse, sans ménagement, mais cela ne me déplaît pas, tout y passe, mes fesses, mes cuisses, mon sexe, mon ventre, mes seins.



Je devine l’arrière-pensée, il s’étonne du contraste : pas de culotte, pourquoi un soutif ? Je suis bien d’accord, je me passe plus volontiers du soutif que de la culotte… J’évacue néanmoins d’un mouvement évasif de la tête, je n’ai pas envie d’expliquer l’inexplicable.



Il ne me vient pas à l’idée de refuser. J’évacue le pull et dégrafe le soutif. Je suis nue, seulement vêtue de mes sneakers que je porte sans chaussettes. Bernard les a vues, il ne m’a pas demandé de les enlever, elles sont assorties à la couleur du cuir de sa voiture. Marco n’aime pas quand je mets mes pieds partout dans son véhicule, ça laisse des traces, me dit-il ; Bernard ne dit rien. Il a écarté mes cuisses et manœuvré pour me prodiguer un cunnilingus. L’opération s’apparente aux grandes manœuvres militaires, mais j’apprécie au final de sentir la fraîcheur de sa bouche sur mon sexe bouillant. Il ne s’attarde pas. Frustrée, je m’en plains.



Je comprends qu’il s’agit du taf, le temps est compté, précipitation de rigueur, il me couvre et me pénètre dans la foulée. J’en ai le souffle coupé, ce n’est quand même pas un petit modèle. Je reprends mes esprits.



Et sur ce, il replante son pieu et se lance dans un galop effréné. Les débats au sénat sont reportés sine die… Place au jeu du cirque, la foule clame les ovations… Ou bien est-ce moi qui suis si braillante ? Bien entendu, je ne me laisse pas écraser sans rien faire, et quoique le loustic pèse bon poids, je lance mes forces dans la bagarre, mon bassin part à l’assaut, et fait bonne figure quand bien même il serait bigrement transpercé. L’exercice est malgré tout gourmand en énergie, il vient un moment quand la pause s’impose, il faut recharger les batteries. Le plus costaud - comprenez le plus résistant - n’est pas celui auquel on pense. Peut-être que l’âge entre aussi en ligne de compte, allez savoir ! Bernard crache ses poumons. Le gueux n’a plus de souffle et se permet encore de faire le fanfaron…



Il croit à la lune… Je devrais moucher le mépris et contrer l’idée fixe, mais mon bon sens niche au bout de sa queue, encore fichée dans mon ventre. Je veux qu’il me baise. Le reste c’est du blablabla, ou l’affaire des dieux, mais de ce point de vue, m’est avis que les saints jouent au loto, ou au 421, et je ne sais pas qui lance les dés. L’horreur m’apparaît soudain, et si je tombais enceinte de Bernard. Un éclair de lucidité passager, avant que la gueuse – cet autre moi que je méprise – ne reprenne le dessus, plus inconséquente, plus cynique et plus garce que jamais.


« Et alors, qui y verra ? On va quand même pas faire un test ADN », ironise-t-elle. « Et cerise sur le gâteau ce pourrait bien être une fille, vu les talents du monsieur », s’esclaffe-t-elle encore.


J’entends clairement ses ricanements dans ma tête. Quelle garce ! Le monsieur ne semble pas d’accord avec elle, étrange résonnance des pensées.



J’imagine qu’en arrière-plan, il fait référence à ses filles, et à son incapacité présumée à concevoir l’autre genre, mais je n’ai pas le temps de m’enquérir, le voilà reparti dans une sarabande endiablée. Un vrai bélier, les oracles disaient vrais : ça percute. La danse c’est tout à fait mon fort, j’adore, je me mets derechef dans le rythme. Je me demande si c’est ce qu’il appelle s’appliquer, dans ce cas appliquons-nous ! Au terme de ce tour, je sens les alertes, et noue mes jambes autour de son bassin, et serre ses hanches entre mes cuisses de telle sorte à le bloquer en moi au plus profond. Son gland percute le cul-de-sac vaginal et frotte cette partie située près de l’entrée de l’utérus, richement innervée, très sensible, où l’on soupçonne l’existence d’un deuxième point G. Je sais que de cette manière Bernard va m’aider à atteindre mon nirvana, je l’entrevois déjà (mon nirvana, bien sûr), encore un effort et j’y suis.


Ma démarche est égoïste, ma prise l’empêche de mouvoir son bassin et poursuivre son propre plaisir, mais il n’est pas perdant malgré tout, j’ai mobilisé mes muscles vaginaux et périnéaux pour lui prodiguer un massage dont je sais qu’il me dira grand bien. Le massage est effectivement efficace, la queue va cracher, elle crache… Les jets sont puissants, l’éjaculat est chaud, je le sens dans mon ventre, avant que je ne décolle moi-même, en bramant ma victoire.


En fait Bernard n’a pas parlé de brames, mais de hennissements ; c’est lui qui rapporte, il prétend que je lui perçais les tympans. S’il dit vrai, je me demande si la tonalité de mes vocalises n’aurait pas à voir avec la solidarité et l’amour que j’éprouve envers Belle-de-Jour, ma jument.



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– 13 –



Il est trop tard pour poursuivre jusqu’à l’aire des Volcans.



Ce n’est pas de refus, les interlocuteurs, trafiquants en tout genre, y sont tellement louches qu’il est préférable d’être accompagnée. Une fois j’y suis allée seule, j’ai failli passer à la casserole, et je ne peux pas compter sur Marco, il est contre le tabac, et tous les trafics.


Bernard s’impatiente pendant que je me refais une beauté. Il ne dit rien, mais je le devine. Il est bientôt 14 h, il veut être à l’heure pour la reprise, on le dit un employé modèle ; je veux bien le croire. Pour ma part, j’ai tout mon temps, je ne reprends que beaucoup plus tard, vers 16 h. J’envisage d’ailleurs de repasser par mon appart pour faire un peu de toilette et changer de tenue. Il n’est pas douteux que ma jupe va être souillée, fatalement, même si j’ai bourré quelques kleenex à l’instar d’un tampon pour parer aux pertes.


Mon chevalier servant me dépose près de ma voiture. Nous nous sommes encore embrassés avant de nous séparer, un vrai baiser d’adolescents, passionné et baveux à souhait, pas les chastes bisous d’autrefois. J’ai remarqué que les baisers étaient toujours plus fougueux et goûteux au début d’une nouvelle liaison.



Le Maître a donné ses instructions, j’ignore si elles sont d’essence divine. Elles portent un parfum machiste dont je m’accommoderai si l’origine céleste est confirmée, mais il me faudra d’abord vérifier son thème astral et le mien. Certains hommes en viennent facilement à croire à la lune dès que le destin leur est favorable.


Nous sommes jeudi, Marco a prévu de rentrer vendredi soir, et le samedi c’est poisson d’avril. Je me souviens avoir sacrément fait la noce pour le 1er avril de l’année précédente, avec mes amies, les lucioles de la nuit. Le lendemain je prenais la sage décision de ne plus divaguer. Mon pacte de fidélité aura tenu presque une année entière, il ne manquait que quelques jours. Ai-je des remords ? Même pas ! Les dieux l’ont voulu, et s’ils le veulent je recommencerai ce soir. Pourquoi pas ? J’ai fort goûté l’intermède, je ne suis pas rassasiée.



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Épilogue



Confession d’une salope ? Ou calembredaines ? M’est avis que c’est un peu la même chose, mais faut vraiment être barge pour pondre ce genre de fariboles. Je crains de devoir bientôt visiter Sainte-Anne (33 Rue Gabriel Péri, 63000 Clermont-Ferrand), si de telles fadaises continuent à me trotter dans la tête… Merci de m’avoir lue.




FIN