Le jeune couple était devant la petite webcam et attendait les propositions. Bon, certains amateurs se méfiaient un peu.
- — Vous avez vraiment dix-huit ans ?
- — Ben oui.
- — Tous les deux ?
- — Ben oui, tous les deux.
En général, sur ce site, c’était des gens d’au moins quarante ans qui voulaient montrer qu’ils en avaient encore sous la semelle. Ou alors des personnes seules qui exhibaient ce qu’elles pouvaient pour pas un rond, évidemment. Mais là, Aurélie et Julien, c’était la surprise. Tous les deux mignons, mais avec un visage fermé, dur. D’ailleurs, ils ne plaisantaient pas.
- — Si vous voulez qu’on baise, faut cracher la thune.
On payait avec des jetons qui avaient une valeur réelle, commerciale.
- — Et dépêchez-vous, sinon on se casse.
- — Pour l’instant, on a 34 jetons, c’est pas assez ; on est loin du compte.
Et Aurélie d’ajouter :
- — Pour voir mes seins, c’est au moins 50 jetons.
Un amateur nommé Fred leur fit la remarque :
- — On veut bien payer, mais on veut quand même voir la marchandise, merde alors !
La discussion s’est brusquement animée. Julien déclara tout de go :
- — Tu ne crois pas que je vais sortir ma queue pour 34 jetons ?!
Aurélie a calmé le jeu :
- — OK, les gars, j’enlève le haut, mais pas le soutif.
Elle a retiré sa chemise et est apparue dans un sous-vêtement blanc. On arrivait difficilement à 38 jetons. Julien était exaspéré.
- — Putain, ça fait chier quand même. 38, c’est carrément se foutre de la gueule du monde ! À côté, les autres, c’est carrément de la daube ! Vous avez vu tout de même ? Des ringards avec des vieux culs…
Bon, au moment, où ils allaient quitter le site pour aller faire des courses à Leclerc, un généreux amateur a mis 30 jetons dans le pot commun. Alors là, ça devenait palpable, au moins pour un début. Avec une mine de dégoût, Julien a exhibé une verge un peu molle qu’Aurélie a entrepris de redresser avec quelques manœuvres habiles de la main.
- — Encore 20 jetons et je le suce, a-t-elle annoncé.
Ça ne venait pas vite, et l’érection à peine esquissée finit par faire long feu.
- — Putain, va falloir que je reprenne tout à zéro, a dit Aurélie, dépitée.
Le nombre de jetons n’était pas suffisant et normalement il n’y aurait pas dû y avoir fellation, mais, fatigués de réclamer, les deux amants offrirent quasiment l’acte buccal avec un énorme rabais. Après plusieurs minutes où ils regardaient davantage leur écran que ce qu’ils faisaient, ils s’arrêtèrent assez brusquement dans la mesure où les jetons ne s’accumulaient pas malgré les gros plans sur les veines bleuâtres du pénis. Ils étaient énervés aussi par les commentaires des internautes :
- — Allez, mets-lui un doigt aussi !
- — Bave-lui sur les couilles.
- — Moi, j’en ai une plus longue ; tu viens me la fourrer ?
- — Tu es sûr que tu as dix-huit ans ?
Il y avait aussi des phrases en anglais et dans d’autres langues. Aurélie et Julien avaient décidé d’ignorer tous ces bavardages.
- — J’ai une chatte toute rasée de ce matin. Si on veut voir, on allonge la thune. Et sans qu’on soit obligé de répéter toujours le même refrain ; c’est chiant à la fin.
- — Ouais, c’est toujours pareil, vous voulez nous voir baiser pour pas un rond ou presque.
- — Aurel, il y a pas assez pour ta chatte. Montre-leur ton cul, on verra bien si on continue ou pas. Mais aujourd’hui, je ne le sens pas. C’est rien que des clodos.
Fâchée par tant de contrariétés, Aurélie exécuta ce qu’on appelle une vision-flash. La jupe relevée pendant deux secondes. L’amateur nommé Fred prit la parole :
- — Non, c’est juste quand je suis allé chercher une Red Bull dans le frigo qu’elle a montré son cul !
- — Si tu crois que je vais recommencer, tu te fourres ce que tu crois où je pense !
- — Bon, moi, je prends mon hand-spinner et je me casse ! a conclu Julien.
Et on l’a vu partir. Les amateurs ont déserté aussi le site. Seul Fred est resté. Avec Aurélie, de l’autre côté de l’écran.
- — Dis donc, Aurélie, il n’est pas commode ton copain.
- — Il a raison. Vous faites chier à la fin à ne pas allonger la thune. Merde.
- — Ouais, d’accord, d’accord, mais enfin, c’est pas cool.
- — Parce que tu crois que c’est cool que je le suce pour 58 jetons ? C’est du foutage de gueule, que j’appelle ça.
- — Mais, je te demande, vous faites seulement l’amour comme ça ?
- — Comment, « comme ça » ?
- — Pour du fric, je veux dire.
- — Ben oui.
- — Et jamais pour le plaisir ?
- — Si, si, t’inquiète.
- — Et tu aimes ?
- — Quoi ?
- — Quand il t’enfile devant la webcam ?
- — Ben oui, s’il y a assez de jetons.
- — Non, je veux dire, tu jouis ?
- — Mais qu’est-ce que ça peut te foutre ?
- — Et vous gagnez pas mal ?
- — Pas mal, sauf ce soir.
- — Sinon, vous faites quoi dans la vie ?
- — Mais je te demande, moi, depuis quand tu n’as pas vu une chatte ? Nous, on se débrouille. Voilà, t’es content ?
- — Moi, je trouve que c’est malheureux qu’à dix-huit ans vous fassiez cela.
- — Ben pourquoi ? De toute façon, on pouvait pas le faire avant. Ç’aurait fait des histoires.
- — Je ne sais pas, mais à dix-huit ans, on reste pur et romantique, il me semble, moi…
- — C’est quoi toutes ces conneries ?
- — C’est pas des conneries. À dix-huit ans, normalement, on fait l’amour par plaisir.
- — Tu nous les broutes avec ton plaisir. Moi, je prends dans le cul à partir de 200 jetons. Après, s’il y a plus, je veux bien qu’on rajoute du romantisme, je m’en fous. Ça, c’est juste de la décoration. Je me mets une robe à rubans et lui un nœud papillon. Mais je te compterai le prix de la location ; sinon on est preneur.
- — Moi, à dix-huit ans, avec ma copine, on faisait l’amour dans le noir…
- — Whaf ! Whaf ! Moi, je baise depuis que j’ai treize ans, et la seule fois où on a fait ça dans le noir, c’était pour un gage. Il y avait six mecs dans la chambre, et il fallait que je les reconnaisse sans me tromper rien qu’en les suçant. Je te parle de ça, ça date d’au moins trois ans…
- — Je voulais te demander… J’ai l’impression que Julien… il est bi…
- — Mais moi aussi je suis bi, si on y met le prix. Ça va chercher dans les 300 jetons, direct. On l’a déjà fait, facile…
- — Je dis ça parce que… je me demande si je ne suis pas un peu bi moi aussi… Je ne sais pas, je ne l’ai jamais fait… mais…
- — Écoute, mon petit vieux, tu me fatigues les parois, si tu vois ce que je veux dire. Tu n’as pas assez de biftons pour baiser. Alors, classique, le gars, il se met à déblatérer pour s’exciter tout seul. Sauf que moi, j’y gagne rien à tout ton déballage. Je ne suis pas un spychiâtrique qui se met 50 sacs dans les fouilles tous les quarts d’heure.
- — Tu peux me remontrer tes fesses. J’étais parti chercher un Red Bull tout à l’heure. J’ai vraiment regretté, surtout que le Red Bull n’est même pas frais. Je ne sais pas ce qu’il a, mon frigo…
- — Pour combien de jetons ?
- — Non, juste comme ça… Parce qu’on a bien sympathisé…
- — C’est ça, pour que dalle ! Tu rigoles ? Tout ce que je peux faire pour ton service, c’est de te montrer ma bouche ouverte. Comme ça tu pourras imaginer tout ce que je peux faire avec ça. Imagine tout le foutre qui a coulé là-dedans…
- — Oh, vous avez une carie. Il faut pas rester avec ça, vous savez.
- — Dès qu’on est romantique avec un mec, voilà ce qu’il vous sort.