- — Bon… c’est quoi votre problème, Madame ?
- — Je veux un orgasme !
- — … Je comprends.
- — …
- — Et pourquoi vous voulez un orgasme ?
- — Parce que ma tante Gertrude en a eu un. Il y avait déjà ma sœur, la femme de mon beau-frère et la gardienne de l’immeuble. Tata Gertrude, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase !
- — … Je comprends.
- — …
- — Et vous, Monsieur ?
- — Ben… moi aussi !
- — …
- — Et pourquoi vous voulez un orgasme ?
- — Ben… si ma femme y a droit, alors moi aussi, j’en veux un !
- — Monsieur, on parle d’un orgasme… Vous n’en avez jamais avec Madame ?
- — Peut-être bien que oui, mais si ça je trouve, je simule sans le savoir ! Le psychologue qu’on a vu m’a dit que je ne pouvais pas jouir à cause de ma mère !
- — … Votre mère ?
- — Oui, il m’a dit que c’était de sa faute… Il m’a tout expliqué… mais je sais pas si je peux tout dire.
- — … Vous pouvez tout me dire, je suis là pour vous aider.
- — Ben, quand j’étais petit on avait des dindons au fond du jardin, et tous les soirs ma mère leur donnait à manger. Elle rentrait dans la basse-cour et leur balançait les graines… alors ils gloussaient tous ensemble. Moi, j’étais dans ma chambre… mais je les entendais, et ce bruit-là me terrorisait. J’avais peur qu’ils viennent me manger et je faisais des cauchemars.
- — …
- — …
- — … Et ?
- — Eh ben le problème, c’est que ma femme… je l’aime de tout mon cœur… mais quand on fait l’amour et que ça lui plaît bien… ben elle fait un petit glou-glou. Pas grand-chose, mais ça me rappelle les dindons… du coup j’y repense, et le docteur il a dit que ça m’empêchait d’avoir un orgasme. La faute à ma mère.
- — Mais… vous éjaculez ?
- — Pour sûr : j’ai eu deux enfants, Monsieur ! Mais j’éjacule parce que je ne veux pas perdre ma virilité. La faute à mon père qu’il a dit le docteur.
- — … C’est cela, oui… et vous le voyez encore, votre docteur ?
- — Plus maintenant ; il nous a dit qu’on n’avait plus besoin de la thérapie de couple, qu’il avait dénoué les nœuds œdipiens, et que ma femme était sûrement frigide… la faute à sa mère, qu’il a dit. Mais nous on aime bien parler, alors quand on a vu votre annonce pour le coaching de couple dans le journal de la commune, on est venus vous voir.
- — … Et vous attendez quoi de moi ?
- — …
- — Madame ?
- — On sait pas trop, mais généralement après qu’on parle de nous au docteur… ça nous émoustille un peu. La dernière fois qu’on l’a vu, mon mari n’a pas pu attendre de rentrer à la maison. Il a garé la Citroën derrière l’église, m’a fait sortir et s’est mis à genoux sous la robe pour me lécher le… enfin, vous voyez quoi.
- — J’ai une vague idée, oui…
- — Le problème, c’est qu’on a pas fait attention aux cloches.
- — Les cloches ?
- — Les cloches à cette heure là, c’était pas normal. C’était le curé qui faisait sonner le glas pour l’enterrement de l’ancien maire de la commune. Ils sont tous sortis au moment où on faisait notre affaire, un cortège de trois cents personnes… c’est qu’il était apprécié, le maire.
- — Et ?
- — Eh ben l’autre sous la robe, il a continué son affaire ; ça a duré une demi-heure, j’ai failli en tomber dans les pommes. Heureusement que j’avais une robe noire, ça a sauvé les apparences.
- — Je vois. Et donc en ce moment vous attendez que le rendez-vous se finisse ?
- — Un peu, mais ça résout pas notre contentieux d’orgasme !
- — Non. Je vais vous proposer quelque chose ; vous avez une tablette informatique ?
- — Pour sûr ; le dernier cri. Ça nous a coûté le prix d’une voiture ; on s’en sert pour la météo.
- — Dans ce cas, vous allez télécharger une application qui va améliorer votre vie sexuelle. Il faudra juste que vous suiviez toutes les consignes. J’ai donné exactement le même conseil au couple avant vous ; c’est scientifique, vous savez !
Au même moment, quelques kilomètres plus loin, Jean posa précautionneusement la tablette sur la table de chevet. Pendant ce temps et dans la pénombre due aux rideaux tirés, Nadia s’était glissée sous les draps.
- — Tu es sûre que c’est une bonne idée ?
- — On va bien voir ; que dit la tablette ?
- — Attends, ça démarre… Ça y est.
- — Alors ?
- — Te connaissant, ça ne va pas te plaire.
- — Tant pis. On a dit qu’on essaierait ; on ne va pas laisser tomber dès le début.
- — Bon, d’accord… Il faut faire l’amour en pleine lumière, ça augmente les chances d’orgasme.
Après quelques secondes où le temps s’était arrêté, Nadia sortit du lit pour tirer les rideaux et laisser la lumière du jour inonder la pièce. Jean vit les formes pulpeuses de sa femme découpées par le soleil. Ses fesses rebondies le firent instantanément bander et la tige commença à se balancer comme la baguette d’un sourcier à la recherche d’un point d’eau. Tout en cherchant maladroitement à cacher ses seins et son sexe, Nadia se tourna vers son mari et remarqua l’érection de celui-ci ; dès lors, un mélange de gêne et d’excitation envahit les deux amants.
- — Et maintenant mon chéri, que dit la tablette ?
- — Je regarde… « Le sexe oral est le moyen le plus rapide d’atteindre l’orgasme. »
- — Bon, d’accord… Qui commence ?
- — À priori, je suis déjà prêt.
Avant qu’il n’ait eu le temps de poser la tablette, Jean vit sa femme détacher les mains de son corps pour se mettre à genoux devant lui. Le mouvement de ses seins tendus était envoûtant, et la douceur avec laquelle elle embrassa le fruit ainsi offert l’hypnotisa. Nadia n’était visiblement pas passionnée par la tâche, mais y mettait un réel sérieux, gobant le gland et léchant la hampe sans chercher à écourter ce moment. Le visage peu enjoué de sa femme mettait néanmoins Jean mal à l’aise, et il se remit rapidement à regarder la tablette à nouveau.
- — Attends ; j’avais pas vu, mais ils donnent des détails sur ce qu’il faut faire.
Nadia ressortit le sexe de sa bouche sans regret, tout en restant perplexe sur ce que pourraient apporter les précisions ; pour elle, il n’y avait pas grand-chose à faire de plus.
- — Il faut que l’on se mette plus à l’aise, que je puisse voir tes yeux ou tes fesses, que je puisse éjaculer dans ta bouche ou sur toi et… euh, non, rien.
- — On peut se mettre sur le lit. Tu peux regarder mes fesses si ça te fait plaisir ; par contre, ton sperme, il ira où je voudrai qu’il aille… Et c’est quoi, le dernier truc ?
- — Ben là, c’est moi qui préfère pas : ils disent qu’il faut que tu me masses la prostate.
- — … OK. Par contre, si tu mets un veto sur ton cul, j’en mets un sur le mien.
- — OK. On y retourne ?
Jean s’allongea sur le lit. Le court intermède l’avait affaibli, et sa femme dut remettre du cœur à l’ouvrage pour avoir quelque chose d’un peu consistant dans la bouche. Suivant les indications, elle s’était tournée dos à son mari et lui offrait un point de vue direct sur sa croupe. Les monts étaient ainsi offerts de part et d’autre d’une vallée déjà humide sur laquelle une main douce vint s’abandonner. Le sexe désormais vigoureux était léché, embrassé et dégusté quand Nadia poussa un gémissement de plaisir en sentant un doigt glisser en elle. Celui-ci se fit droit puis courbe dans des allers et retours effrénés avant d’être rejoint par un second qui remplit délicieusement le vide ainsi offert. Des halètements de plaisir firent lâcher sa proie à la louve, et la fellation mécanique du début se fit plus saccadée, plus passionnée. Nadia voulait rendre le plaisir qu’elle recevait dans des coups de langue et de lèvres qui devinrent maladroits mais beaucoup plus excitants, et rapidement elle sentit son mari se raidir de plaisir ; elle dirigea les jets sur ses seins, grisée de plaisir par cet être qui donnait ses derniers souffles de vie sur elle.
- — Eh bien, maintenant c’est à mon tour.
- — Tu peux me laisser le temps de reprendre mes esprits ?
- — Non, je suis trop excitée pour ça ; pousse-toi et donne-moi la tablette.
- — Tiens. Qu’est-ce qu’elle dit ?
- — Que tu dois faire ce que je te dis. Il y a écrit qu’il n’y a que moi qui sais ce qui peut me faire plaisir.
- — … Bon, et je fais quoi alors ?
- — Tu vas commencer par te taire.
Péniblement, Jean se tut. Il s’allongea entre les cuisses de sa femme et commença timidement à embrasser les lèvres et le bourgeon qui pointait à leur sommet. Nadia le prit par les cheveux et lui dit tout doucement, avec un ton tendre qui ne correspondait pas au propos :
- — Je ne suis plus une adolescente, je ne veux pas de petits bisous sur le minou, je veux que tu me baises avec ta bouche.
Soumis, son mari s’exécuta et lécha âprement le sexe offert, aspirant avidement le clitoris, glissant sa langue au plus profond. Les jambes tremblèrent à chaque passage, se tendant et se repliant pour mieux garder prisonnier l’amant affamé contre lui. Nadia prit la tête de Jean dans ses mains pour mieux l’appuyer contre elle. Il lui prit les seins à pleines mains, la dévora une dernière fois, juste le temps de la sentir jouir contre lui.
- — Et maintenant ma chérie, elle dit quoi la tablette ?
- — … Laisse-moi me remettre ; et peu importe, on n’en a plus besoin.
- — Tu es sûre ? Parce qu’au niveau du classement en ligne, on est pas bons.
- — Quel classement en ligne ?
- — Ben… en fait, avec l’application, on a un classement en ligne des utilisateurs.
- — Et ?
- — Et avec une pipe et un cunni… on est pas super.
- — Merde ! Et qui est devant nous ?
- — Dans les gens qu’on connaît… ma grand-tante Gertrude.
- — Tata Gertrude ?
- — Oui. Avec une orgie dans une maison de retraite, elle est loin devant.
- — Faut faire quelque chose. Montre-moi ce qui rapporte des points…
Une heure plus tard, Jean et Nadia se retrouvaient sur la piste d’athlétisme de la ville. Préparés pour l’épreuve, ils se sont tous deux vêtus d’un ensemble short et tee-shirt sans rien dessous afin de gagner du temps. Malgré leurs regards inquiets, ils s’avancèrent vers la zone des sauts.
- — Tu es sûre de toi ma chérie ?
- — Non, mais on a pas le choix : faut remonter au classement.
- — Tu penses pas que tu prends ce truc trop à cœur ?
- — Ta grand-tante prend mieux son pied que ta femme… Tu en penses quoi, toi ?
- — … Dit comme ça, effectivement. Mais évite de parler de tata Gertrude si tu veux qu’on arrive à quelque chose.
- — OK. Tiens, prends le sac. J’enlève mon short et je m’allonge sur le tapis de saut. Sors la caméra, ça fera des points en plus.
- — OK. Et la confiture de framboise ?
- — Tu sais bien que je suis allergique à la fraise !
- — Oui… et ?
- — Mets-m’en un peu sur les seins : les aliments, ça fait des points.
- — Au point ou j’en suis, allons-y ! T’as pas peur que quelqu’un nous voie ?
- — Un voyeur, ça fait des points en plus ! Mets le chapeau de Zorro avant de commencer ; on rentre dans la catégorie « Costumes » : encore des points !
- — OK, OK, finissons-en.
Nadia s’allongea sur l’épais tapis de saut à la perche, les seins recouverts de confiture. Jean, avec son chapeau de Zorro et une érection timide, la pénétra difficilement pendant… quelques secondes, juste assez pour valider l’épreuve. Ils rentrèrent rapidement chez eux pour voir leur classement sur l’application.
- — Jean !
- — Oui ?
- — Ça suffit pas !
- — Comment ça ?
- — Tata Gertrude a remis ça ; et comme elle a attaché un petit vieux au lit, elle est passée dans la catégorie SM… Faut faire quelque chose.
- — … Je sais ; je vais chercher un marteau !
Les yeux grand ouverts, Nadia regarda Jean quitter le salon quelques minutes avant de revenir avec le marteau promis à la main. Face à sa femme, il le leva avant de l’abattre brutalement sur la tablette. Il répéta l’opération jusqu’à ce qu’elle ne ressemble plus qu’à une masse difforme de métal et de verre. Ceci fait, il regarda sa femme, la prit dans ses bras et l’emmena dans la chambre.
Jean allongea Nadia sur le lit et défit lentement les vêtements qu’elle portait. Il se déshabilla face à elle, la chevaucha. Leurs bouches se joignirent dans une multitude de baisers doux et plus ou moins appuyés. Les langues sucrées s’entremêlèrent dans une danse lascive pendant que plus bas les bassins se rapprochaient. Leurs sexes s’embrassèrent également avant de prendre possession l’un de l’autre. Dans de doux et profonds mouvements de va-et-vient, comme un archet qui joue une musique envoûtante, les deux amants prirent et donnèrent du plaisir, s’épanouissant dans la simplicité de leur union. Rien n’était parfait, rien n’était prévu ; les mouvements de l’un répondaient à ceux de l’autre, et les gémissements et les râles s’entrecroisaient dans une discussion sans fin. Doucement, lentement, tendrement, la jouissance apparut au loin, se rapprocha d’eux et les emporta dans son tourbillon.
Au même moment, dans le cabinet de coaching.
- — Bon… c’est quoi votre problème, Madame ?
- — Vous pouvez m’appeler Gertrude, jeune homme.
- — … Si vous voulez… Quel est votre problème, Gertrude ?
- — Le classement. Il me manque encore des points, jeune homme.
- — …
- — …
- — … Je comprends. Je pense que vous développez une dépendance à l’application, Gertrude.
- — Sans doute, mais maintenant, il faudrait m’aider à remplir l’objectif « Cougar », jeune homme !