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n° 18099Fiche technique65829 caractères65829
Temps de lecture estimé : 37 mn
28/09/17
corrigé 28/06/22
Résumé:  Un simple accident, et tant de choses qui peuvent changer...
Critères:  fh hplusag handicap douche cérébral voir hmast nopéné
Auteur : Loaou            Envoi mini-message
Accidents

Depuis maintenant longtemps nous partageons notre chambre d’ami rarement utilisée par le biais d’un service BnB. Cette activité occasionnelle nous permet de croiser des voyageurs, de découvrir de nouvelles passions ou professions, d’échanger sur d’autres cultures et de pratiquer un brin d’anglais lorsque nous recevons de trop rares étrangers. Nous n’assurons ni repas, ni service personnel et peu de voyageurs réclament des attentions bien particulières. Pourtant, une fois ce fut différent.


Début juillet, M. Jivič avait réservé la chambre pour deux personnes, sa fille et lui. Ils avaient prévu de passer une semaine chez nous en fin d’août afin de visiter la région et de chercher tranquillement un logement pour la fille qui aménageait à proximité.

C’était sans compter sur la malchance qui s’est alors acharnée sur eux.


Trois semaines avant leur séjour, M. Jivič me téléphone, très embarrassé :



C’était vrai, nous avions déjà eu maints changements impromptus, la plupart sans gêne, parfois même avec de bonnes rigolades une fois les quiproquos résolus.



Il rit :



Les vacances passent, trop vite bien entendu, puis nous reprenons nos activités professionnelles respectives, ma femme dans son entreprise, et moi en architecte indépendant dans le petit bureau attenant à la maison, ce qui nous permet une bonne disponibilité vis-à-vis de nos hôtes.

Elles sont ponctuées de rencontres, certaines vraiment réjouissantes lorsque les visiteurs ont envie de partager leur histoire, d’autres plus ternes quand ils ne font que passer.


La veille du séjour réservé par M. Jivič, nous recevons un e-mail laconique de confirmation :


Bonjour,

J’arriverai comme prévu, vers 18 h. J’aurai quelques provisions à mettre au réfrigérateur. J’espère que ça ne dérangera pas trop.

Maëlle J.


Rien de plus, ni de très surprenant. Pas de formule de politesse, mais il nous en faudrait bien plus pour nous froisser.


Le lendemain, personne ne sonne à dix-huit heures, ni à dix-neuf. On prend un apéro, il paraît que ça fait arriver les retardataires ! Passé vingt heures, on a fini de manger et toujours personne.



Je n’ai même pas le temps de commencer une petite rhétorique scandaleusement provocatrice sur la conduite des femmes que le téléphone sonne.



Alors que je me lève, Amandine bondit en disant « Pari tenu ! » et va décrocher, manifestement un peu énervée. La diplomatie n’est pas son fort, je crains le pire.



La main sur le microphone elle m’annonce, triomphante :



Puis, subitement soucieuse :



Après avoir retiré sa main du combiné :



S’ensuit une longue explication qu’elle écoute en ponctuant :



Ce quasi-monologue dure un certain temps. Après pas mal d’onomatopées, Amandine devient plus bavarde :



Cette fois, je commence à m’inquiéter. Je tends l’index vers le téléphone en chuchotant :



Elle met un doigt sur ses lèvres pendant qu’un crachotis qui m’est incompréhensible continue de s’échapper du combiné.



Elle prend le bloc et le crayon et note plusieurs lignes maladroitement. Je m’approche, intrigué, et regarde par-dessus son épaule. Ce sont des chiffres et des numéros entrecoupés de hiéroglyphes qu’elle seule saura déchiffrer.



Elle raccroche et se laisse tomber sur sa chaise.



Un moment de silence passe, nous sommes perdus chacun dans nos pensées. Je déteste les hôpitaux. Ce sont des labyrinthes innommables qui puent la crève et le détergent. La moindre formalité y prend des heures, il faut un ticket pour chaque geste, peut-être même pour respirer. Je devine que la soirée tranquille film-TV est foutue.



Amandine regarde sa montre en se levant.



Elle rigole :



Je l’attrape par la taille, l’attire à moi et lui fais une bise dans le cou. Elle secoue sa crinière, mais me la rend du bout des lèvres avant de se dégager.



J’ai du mal à ne pas rigoler.



Je fais semblant d’être horrifié, puis de bouder. Elle rit :



Elle me tend les clés de ma voiture en relisant ses notes à voix haute :



Je les attrape sans envie.



Elle me tire contre elle par les revers du col et m’embrasse avec fougue en m’enlaçant. Je lui rends amoureusement son baiser. Une main descend sur mon pantalon.



* * *



Je suis sorti sans prendre de veste, la température estivale n’avait pas encore chuté d’un degré. Vingt minutes plus tard, je me garais dans le parking "Urgences" sur le côté de l’hôpital. Au comptoir de l’accueil, un flic causait avec un infirmier, une sacoche sous le bras. Il se tourna vers moi :



Il m’a entraîné dans les couloirs, je n’ai eu qu’à le suivre. J’ai éprouvé un certain plaisir à griller tous les guichets et leurs files d’attente, bien que peu garnies à cette heure. Il a même ouvert avec une clé un ascenseur réservé.



J’ai fait la grimace.



Il a souri.



Il a frappé deux coups sur la porte et l’a ouverte sans même attendre de réponse. Je l’ai suivi à l’intérieur. Une jeune femme – forcément Maëlle – était assise sur le seul lit, le dos calé dans des oreillers, les jambes allongées, en assez piteux état. Le bras gauche en écharpe, dans le plâtre d’au-dessus du coude jusqu’à la base des doigts, la main et le poignet droit bandés assez largement. Le peu qui en dépassait tentait de masser le genou qui émergeait d’une jambe parsemée de multiples pansements, au-dessus d’une cheville bandée elle aussi. Celle de droite n’était décorée que de quelques sparadraps épars.


Elle portait un tee-shirt taché de sang et une culotte beige. Sa tête était assez peu attirante, le côté gauche du visage tuméfié et bleuissant, alors que ses cheveux collaient au droit, maculés de traces de sang et de caillots foncés. Elle nous regardait avec un air de chien battu en fronçant les sourcils, la main bandée posée sur sa jambe, quand un médecin en blouse blanche du plus parfait stéréotype entra en coup de vent. Seule anicroche, il n’avait pas son stéthoscope autour du cou, mais une branche chromée dépassait de sa poche.



Il se tourna vers nous, fit une grimace dubitative, sourcils relevés, front plissé, avant de la regarder à nouveau, puis la feuille clipsée sur la tablette qu’il tenait à la main.



Elle murmura :



Il reprit en haussant les épaules :



Puis, après une pause, le temps de parcourir une autre feuille :



Il me tendit quelques feuillets, puis tourna les talons et sortit, aussi vite qu’il était entré.



Elle l’a regardé avec étonnement avant de demander :



Il la gratifia d’un grand sourire, mais n’obtint en retour qu’un bref clignement des yeux, un brin rageurs.



Et il sortit lui aussi, un peu raide dans son uniforme.

Je me suis retrouvé seul face à elle, sans trop savoir quoi faire. Elle a pivoté tant bien que mal sur le lit et posé ses pieds nus sur le sol.



Je suis allé les chercher et les lui ai passées aux pieds avant de remarquer en me relevant :



Tentative de haussement des épaules, immédiatement suivie d’une grimace.



Manifestement, il n’y avait rien à ajouter, je restai coi.



Elle s’est mise debout et a appuyé l’avant-bras droit sur mon épaule, le poignet bandé en avant. Nous avons fait quelque pas ensemble vers la porte. Elle s’est arrêtée.



J’ai passé le bras comme demandé, elle s’est serrée contre moi. Nous sommes repartis cahin-caha, finalement sans autres difficultés que devoir marcher au pas. Tout compte fait, sentir son appui à mon côté et sa hanche sous ma main était même assez plaisant.

Comme nous arpentions le couloir, une infirmière s’est précipitée à notre rencontre :



Maëlle l’a fusillée du regard :



Dépitée, elle a promptement et prudemment fait demi-tour. J’ai eu du mal à ne pas rire. Maëlle l’a senti et a appuyé du bras sur mon épaule en marmonnant :



J’ai murmuré, juste assez fort pour qu’elle seule entende :



Elle m’a regardé, puis a éclaté de rire.



L’infirmière s’est retournée, surprise.



C’est avec un grand sourire que l’infirmière a répondu :



Puis Maëlle m’a soufflé :



Nous avons clopiné en silence de couloirs en ascenseurs jusqu’à la sortie. Les quelques personnes que nous avons croisées ont toutes eu le même regard, de bas en haut : intéressé par les longues jambes nues et décorées de Maëlle, déçu par le bas du tee-shirt qui obstrue la vue, surpris par les taches de sang, dégoûté par sa tête. Elle aussi l’a remarqué, sans trop de plaisir. Elle a marmonné :



Il lui aurait été impossible de passer à l’acte avec un bras en écharpe et l’autre accroché autour de mon cou, mais heureusement nous n’avons plus croisé personne.


Malgré la température élevée des couloirs, celle de l’extérieur nous a semblé étouffante quand j’ai poussé les portes. Nous avons rejoint la voiture et on a commencé à découvrir les contraintes posées par son état. S’installer sur le siège passager sans se servir de ses bras a nécessité quelques contorsions négociées délicatement. Elle m’a demandé de lui mettre sa ceinture en soulevant le coude enrubanné. Je l’ai passée sous l’écharpe et son bras plâtré.



Nous sommes partis en faisant un crochet par la pharmacie. Je pensais rouler plus lentement qu’à l’aller, en faisant attention à éviter les à-coups, mais nous sommes pourtant arrivés en moins de trois quarts d’heure. La voiture de ma femme était encore devant la maison, je me suis garé à côté d’elle avec un coup d’œil sur l’horloge.



Sortir du siège de l’auto lui fut moins facile que s’y installer. Elle dut passer son bras valide derrière mon cou et je la soulevai en l’aidant maladroitement d’une main sous l’aisselle, gêné par son plâtre en écharpe, appuyé de l’autre main sur la carrosserie.

Nous sommes entrés dans la maison exactement comme nous étions sortis de l’hôpital, bras dessus bras dessous. Amandine avait ouvert la porte et nous attendait.



J’ai accompagné Maëlle jusqu’au canapé puis je suis allé chercher un sac de pois surgelés et une serviette dans laquelle l’enrouler. Je les entendais se présenter :



Maëlle n’a pu réprimer un petit rire.



Amandine l’a coupée :



Regard d’Amandine sur l’horloge murale.



Amandine a haussé les épaules :



J’arrive à ce moment avec mes petits pois sur-emballés.



À Maëlle :



Puis à moi, en tendant l’index vers mon paquet :



J’ai tendu le paquet à Maëlle qui a allongé le bras et fait une vive grimace en tentant de tourner la main pour le prendre.



Amandine, plus pratique que moi, a pris le paquet et l’a posé un peu plus loin sur le canapé.



Elle s’est allongée sur le côté droit, Amandine lui a glissé un coussin sous la tête, puis a posé délicatement le paquet réfrigérant sur le côté du visage.



Elle a plaqué une bise sur le bout de front accessible de Maëlle, une autre sur mes lèvres et s’est sauvée en riant de sa plaisanterie, me laissant sans voix.



La porte a claqué puis sa voiture est partie dans un crissement de pneus. Maëlle m’a regardé en ouvrant de grands yeux :



En deux coups de louche, j’ai rempli un bol, que j’ai mis à réchauffer au micro-ondes. J’ai profité de la minute et demie d’attente pour préparer un plateau avec une cuillère, une serviette, le sachet de la pharmacie et notre tube de pommade à l’arnica, remède souverain contre les coups. Au premier "ding", j’ai récupéré le bol chaud à point.



J’ai posé le plateau sur la table basse.



Elle réfléchit quelques secondes. J’ôtai la serviette farcie aux petits pois et la posai sur la table. Elle se redressa en prenant appui sur son coude.



Elle comprenait vite, cette fille !



Elle me regardait avec des yeux ronds. Enfin, surtout le droit, l’autre était à moitié fermé par une boursouflure colorée.



Elle a attrapé la cuillère, mais dut faire quelques essais avant de trouver une façon de la tenir qui lui permette de manger sans devoir bouger le poignet. Et encore, le geste était hésitant.



Je suis allé chercher une paille dans le pot en verre qui nous sert de réserve, j’ai rapporté la plus grosse que j’ai trouvée en disant :



Cette fois, elle n’est pas montée sur ses grands chevaux, mais le bol était trop bas. On a déménagé dans la cuisine où j’ai rapporté le plateau ; elle me suivait en s’appuyant sur bras mon épaule.


Pendant qu’elle sirotait sa soupe à petites gorgées, je lui ai expliqué que depuis qu’on se connaît, Amandine comme moi étions tellement fusionnels qu’il nous avait vite été évident que nous devions conserver une liberté pour ne pas imploser. Elle nous permet de mieux nous retrouver, de ne pas sombrer dans une routine à deux où nous n’aurions pas à nous charmer mutuellement chaque jour, où nous ne pourrions pas satisfaire l’envie de découvrir autre chose avec d’autres personnes.


Au début, on avait conservé nos studios respectifs, vivant ensemble dans l’un ou l’autre, parfois chacun dans le sien le temps d’une nuit, jusqu’au moment où on a réalisé qu’on pouvait vivre les mêmes aventures avec un seul appartement doté de deux chambres. Puis, un peu par défi et pour faire taire ceux qui s’insurgeaient de notre mode de vie, on s’est mariés avec la devise "Liberté, Égalité, Sexualité". Mais seulement officieusement, parce que le maire n’a pas voulu déroger au texte officiel !


Il m’a aussi fallu expliquer que, non, je n’ai pas peur qu’elle parte avec un ou une autre, et que personne ne pourrait m’en détacher. On s’aime pour de vrai, librement, c’est tout. Et d’autant plus que nous n’avons rien à nous cacher, pas de sujets interdits, pas de tentations à refouler. C’est chez nous que l’herbe est la plus verte, parce qu’elle est la plus folle et la plus libre !

De temps en temps, il nous arrive même de nous proposer une connaissance, un bon coup. C’est ainsi qu’Amandine avait proposé que je passe une nuit avec Laure, sa collègue altière et solitaire, un peu pour voir s’il est possible de l’éveiller à quelques sentiments. Mais je ne la sens pas. J’ai l’impression que la très haute opinion qu’elle a de son superbe corps de mannequin l’a transformée en statue de marbre sur un piédestal.



Je l’ai resservie, après un brin de réchauffage. Elle a aspiré le contenu presque d’un trait, dans un abîme de réflexions silencieuses. Suivirent les médicaments et un yaourt, « Sans sucre, s’il te plaît. » Puis je lui ai proposé de revenir sur le canapé et sous la glace. Au moment de s’allonger, elle a vu le coussin orné de traces de sang séché.



J’ai reposé le sac réfrigérant sur sa tête, elle l’a tiré du bout des doigts.



Elle ferme les yeux un moment, puis continue, sans les ouvrir, comme pour elle-même :



Elle a ouvert l’œil du bas, le droit, avec un sourire un peu tordu. J’ai pouffé, avant de dire d’un ton sérieux :



Elle a soupiré.



J’ai profité de ce moment pour ranger la cuisine tout en cherchant comment lui laver les cheveux facilement. Il aurait fallu un fauteuil de coiffure, mais je ne voyais rien pouvant servir d’ersatz. Elle m’a appelé un peu plus tard. Je l’ai débarrassée du paquet de pois, elle s’est assise et a touché sa joue du bout des doigts.



Je lui ai montré sa chambre, ce qu’on aurait dû faire vers dix-huit heures, mais alors je ne l’aurais pas tenue par la taille, et elle ne se serait pas serrée contre moi. On a terminé par la salle de bain. Avant d’entrer, je l’ai prévenue :



Elle s’est approchée lentement en posant le bout des doigts sur le lavabo, et a fait une grimace en fermant les yeux.



Elle n’a pas réfléchi cent sept ans.



J’ai apporté le tabouret et le rouleau de film plastique pour protéger son plâtre. On l’a installée, les jambes en dehors de la douche, j’ai enrubanné largement son bras.



J’ai haussé les épaules.



Je suis allé chercher un maillot et je me suis changé sans même lui tourner le dos. Puis je l’ai aidée à s’effeuiller. J’ai bien vu qu’elle avait les yeux très occupés à m’examiner, ça lui a donné d’autres sujets à penser qu’à ses bobos.


Enlever l’écharpe fut facile, mais ôter son tee-shirt fut plus délicat. Son épaule lui faisait trop mal pour lever le bras plâtré en l’air. On n’a pu éviter quelques « Aïe ! » et « Ouille ! » avant d’y parvenir. Et pour cause : son épaule nue est apparue barrée d’une large bande violette, noire et rouge qui s’étirait sur la clavicule et se dissolvait entre ses seins dissimulés dans un soutien-gorge sans fioritures, dont la bretelle droite était tachée elle aussi.



Ôter son soutif ne fut qu’une formalité. J’ai déposé les deux pièces dans le lavabo que j’ai mis à remplir d’eau bien froide en demandant, toujours tourné vers le lavabo :



Je l’apercevais à moitié au bord du miroir. Elle s’est à peine soulevée et l’a fait descendre du pouce de sa seule main droite, en se tortillant, puis l’a poussée du pied vers moi. Je l’ai ramassée et mise dans le lavabo, la pressant sous l’eau avec le reste, pendant qu’elle restait immobile en regardant ses pieds, les genoux joints.


Je n’ai pu me retenir de jeter un rapide regard d’appréciation. Elle n’avait pas la silhouette étriquée des Barbie. Quelques petites rondeurs et replis élargissaient sa taille au-dessus des hanches. Des cuisses musclées et sans cellulite, que j’avais déjà vues sans y prêter attention, surmontées d’une toison brune nature. Des seins plutôt petits, qui s’affaissaient à peine, aux aréoles larges et claires. Celui de gauche était surplombé d’un énorme sourcil violacé qui lui donnait une allure d’œil en colère ; le plâtre blanc semblait une bouche ricanante. Elle avait une tête à la place du torse, au menton doté d’un bouc taillé en triangle.

Je laissai échapper un petit rire.



Je lui expliquai les yeux, la tête qui ressemblait à un personnage de cartoon. Elle a fini par sourire elle aussi.



J’ai essayé d’ouvrir grand la porte du placard, mais il était trop haut et elle ne pivotait pas assez.



Elle s’est rembrunie, son sourire a disparu.



On a fait des photos. La première de face, en essayant de cadrer la "figure", des épaules au bassin, en coupant un peu le menton barbu. Je la lui ai montrée immédiatement, au dos de l’appareil. Elle l’a trouvé très drôle.



Puis j’ai pris sa figure, de face et sur les côtés. En gros plan, elle faisait peur. Si l’assurance ne craque pas, avec ça ! Les points sur la tête, l’épaule et un sein barrés de noir comme un cadre mortuaire, les jambes piquées de pansements, son poignet bandé.



Elle a pris une pose exagérée, buste cambré, la tête penchée en arrière, les seins avec leurs pointes dressées au-dessus du plâtre, une jambe allongée, l’autre un peu repliée et juste assez écartée pour qu’on devine son intimité.



Elle a éclaté de rire.



J’ai fait la photo du mieux que j’ai pu, accroupi, que je lui ai montrée. Elle a éclaté de rire, avant de faire « Ouille ! », suite à un mouvement malvenu.



On a commencé par les cheveux. Elle a quelque peu grimacé quand l’eau, pourtant tiède à point, a coulé sur sa coupure, mais est restée stoïque, tenant le paquet plastifié de son bras aussi éloigné que le lui permettait son épaule. Je les ai lavés tant bien que mal, en essayant d’éviter toute traction ou mouvement brusque. Puis je lui ai savonné la figure doucement.



Elle a crachoté un peu de savon. Ce n’est pas facile de laver les oreilles et les yeux de quelqu’un d’autre, de trouver le juste point entre délicatesse et efficacité… Le rinçage à grande eau fut plus simple, juste un coup de gant léger. Elle s’est mise debout, on a viré le tabouret et on est descendus progressivement. Je savonnais en tournant autour, elle gardait les bras éloignés du corps. Le cou, les épaules, le haut du dos et, fatalement, les seins. Je les ai caressés délicatement du gant plein de mousse.



J’ai frotté un peu plus énergiquement.



Je me suis appliqué. Tout à notre tâche, on en avait oublié le côté érotique, mais mon inconscient m’a rappelé à l’ordre de quelques démangeaisons dans le maillot.

Le ventre, le bas du dos, les fesses, les hanches, et là elle fait :



Elle m’a regardé des pieds à la tête et a haussé les épaules, un tout petit peu, avant de grimacer (Aïe !) :



Alors je lui ai lavé la vulve du bout des doigts en suivant ses directives. Pas de savon, juste l’eau chaude à point, bien passer dans chaque repli, attention au clitoris (je m’en serais douté), pas touche au vagin, finir par autour du trou de balle. Je me demande si elle n’en faisait pas un peu trop, exprès. À l’occasion, il faudra que je questionne Amandine. Mais ça n’avait rien de désagréable.

J’ai repris le gant pour les jambes et les pieds. J’ai remarqué :



J’ai déroulé le bandage et j’ai lavé tout ce qui était accessible, accroupi pendant qu’elle se tenait de la main sur ma tête. Je ne lui ai quand même pas fait soulever les pieds.

Puis on a recommencé en partant du haut pour bien tout rincer. Quand j’ai eu fini de bien glisser les doigts dans ses replis intimes, accompagné des jets de la douche, en suivant ses ordres, elle a remarqué comme si de rien n’était :



Je n’y avais pas fait attention : une érection soutenue faisait dépasser mon gland du maillot. Je l’ai vite remis sous le tissu tant bien que mal avec un petit rire jaune.



J’ai repris le rinçage, un peu émoustillé. Puis il m’a fallu encore procéder à l’essuyage, aussi méticuleusement, dans chaque repli. Je commençais à avoir chaud ; popaul était mécontent de sa contention.



J’ai rapidement essuyé les gambettes et les jolis pieds qui y étaient attachés, un genou à terre, en essayant de ne pas trop lever les yeux vers les frisettes qui sentaient le gel douche à une trentaine de centimètres de ma figure.

Après avoir déballé le bras de son film alimentaire, je sortis le premier de la douche et j’eus la bonne idée de me retourner. Elle fit un grand pas pour passer le seuil de la douche… et s’effondra sur moi avec un bref hurlement. Je l’attrapai au vol tant bien que mal et la hissai contre moi. Elle se cramponna à mon cou de son bras valide, la douleur emplissant ses yeux de larmes, même celui à moitié fermé, gémissant en serrant les dents. Nous reprîmes notre souffle un moment.



J’ai passé le bras sous ses jambes et l’ai soulevée ; elle se cramponnait à mon cou. Je me suis retrouvé presque nu, avec une assez jolie fille (en faisant abstraction des taches colorées) dans les bras, entièrement nue, elle. C’était assez excitant ; popaul a de nouveau manifesté. Elle s’en est rendu compte.



Elle s’est méprise sur le sens de ma phrase. J’étais surtout désolé qu’elle le soit.

Je l’ai portée jusque sur son lit où je l’ai déposée. Elle s’est adossée contre le mur et a ramené devant elle sa cheville endolorie pour la masser doucement du bout des doigts de son bras valide, sans réaliser qu’elle écartait outrancièrement les cuisses, dévoilant tout son sexe largement ouvert du haut en bas.



Je battis en retraite à toute vitesse… et fis un passage par les toilettes où il ne me fallut pas des heures pour atteindre un orgasme bref mais libérateur. J’en profitai pour passer un pyjama, avant de revenir avec le tube et une bande Velpeau propre. Elle n’avait pas changé de position.



J’ai indiqué de la main son sexe plus ouvert qu’un livre. Elle s’est un peu penchée pour regarder et a fait « Oh ! » mais elle n’a pas bougé.



Elle a déplié sa jambe et a rapproché l’autre ; j’ai respiré un peu plus facilement. J’ai tartiné sa cheville abondamment en essayant de ne pas la bouger, elle était enflée. L’odeur forte de l’arnica a envahi la pièce. Malgré toute la douceur que j’ai pu y mettre, elle a un peu grimacé. Puis j’ai refait un bandage en essayant de ranimer des souvenirs de secourisme reçus vingt ans plus tôt. Il aurait certainement fait rigoler un infirmier, mais je l’ai trouvé très réussi. En tout cas, il maintenait sa cheville.


J’ai aussi pommadé la trace violette de son épaule jusqu’entre ses seins, avec – je l’avoue – un tout petit peu plus d’insistance qu’il n’était nécessaire ; elle a juste eu un soupir d’aise. Et enfin, j’ai fait de même de sa tempe à sa joue.



Je l’ai soulevée à nouveau (j’aime bien l’odeur de l’arnica) et je l’ai portée aux toilettes, malheureusement trop étroites pour que je puisse l’y poser directement sans casse. On a réussi le rétablissement du pied valide sur le sol et je l’ai aidée à s’installer sans appuyer l’autre par terre.



En tirant la porte derrière moi, j’eus vaguement conscience d’un réflexe un peu ridicule. Je venais de la laver des doigts dans ses plus intimes replis, alors à quoi bon ? J’en ai profité pour aller ouvrir son lit.

Bruits d’eau, de gesticulations, gros mots.



J’entrai.



Elle m’a regardé et s’est mise à sangloter, courbée, le plâtre posé sur les genoux écartés, les seins posés dessus tressautant avec ses hoquets. Je me suis agenouillé devant elle et je l’ai consolée, essuyant ses larmes avec la manche de mon pyjama.



Elle s’est redressée, jambes écartées. Je l’ai essuyée délicatement et ramenée jusque sur son lit en clopinant sur un pied, la portant à moitié. Je l’ai aidée à se glisser dedans avant de tirer la couette sur elle. Seule la tête dépassait.



Elle l’a sorti de dessous la couette et l’a posé dessus en travers de son torse, le bras et l’épaule nue, bariolée et odorante, découverts. Elle était attendrissante, les yeux tristes encore brillants. Sa figure est devenue toute rose, sur la partie pas trop bleue.



Elle a fermé les yeux et tendu les lèvres. J’y ai déposé un petit baiser, puis un autre sur le front.



J’ai éteint la lumière et tiré la porte doucement. Avant d’aller me coucher, j’ai fait un saut par la salle de bain où j’ai fini le lavage de ses habits et sous-vêtements, que j’ai étendus. Il restait une toute petite tache ; tant pis, ce serait un souvenir.


Vers six heures et demie, un bruit m’a tiré d’un rêve un peu érotique. C’était Amandine qui rentrait, fatiguée. Elle a fait un rapide saut par la salle de bain avant de rejoindre le lit, puis mes bras, en me demandant après un bisou dans le cou :



Elle s’est serrée contre moi.



Elle s’est lovée tout contre moi, dans ma chaleur et nous nous sommes endormis.


Je me suis réveillé tard, le réveil indiquait presque dix heures. Amandine a bougé sans s’éveiller, je suis sorti du lit silencieusement et j’ai tiré la porte derrière moi. Je sortais des toilettes quand j’ai entendu la voix de Maëlle qui appelait en chuchotant :



J’ai répondu de même, en chuchotant :



J’ai entendu un rire joyeux.

Je suis entré dans sa chambre en faisant signe :



On a refait la gymnastique de la veille, puis je l’ai ramenée dans le lit tiède, j’ai vaguement tiré la couette et j’ai entrouvert le volet pour faire un peu de lumière.



Je l’ai regardée, surpris.



Je suis allé voir ses habits ; ils étaient encore trop humides, alors j’ai pris sans bruit dans notre chambre mon plus long tee-shirt et une culotte d’Amandine, sans trop y croire.



Elle a regardé la culotte en pouffant.



J’ai à nouveau tartiné la surface violette qui montrait déjà quelques effilochures vertes et jaunes, avant de recouvrir la demoiselle du tee-shirt. C’était presque un puzzle, il fallait procéder dans le bon ordre. Un, le bras plâtré. Deux, l’autre bras en faisant attention au poignet. Trois, la tête en surveillant les points, l’épaule et la joue. Le reste allait tout seul. Elle s’est mise à genoux ; il descendait presque jusqu’au lit.



La pointe de ses seins tirait un peu le tissu.



Je me suis allongé près d’elle. Après quelques essais, elle a fini par trouver une position pour son bras qui lui permettait de se blottir contre moi, la joue intacte posée sur mon épaule. Je l’ai serrée tout doucement dans mes bras ; elle s’est mise à pleurer en silence, à grosses larmes.



Avant lui, j’ai jamais eu de papa. Maman m’a expliqué quelques jours avant de mourir de son cancer. Elle voulait un enfant rien que pour elle. À peine dix-huit ans passés, elle a sauté – au sens propre – sur le premier garçon plutôt joli et sympa qu’elle a trouvé à une fête de village, et elle s’est fait faire un bébé : moi. Le gars ne l’a jamais su ; elle ne savait même pas son nom. Elle l’a obtenu quelques jours plus tard, juste avant de déménager.

J’ai eu beaucoup de mal à le retrouver, ce beau garçon. C’est un monsieur, maintenant ; je voulais le voir. Le hasard a fait que je l’ai testé et malmené, plus que ce que j’en avais l’intention. J’ai pu voir qu’il est vraiment très, très bien ; j’en suis terriblement fière et je l’aime beaucoup. C’est toi, mon papa, et j’ai enfin mon câlin.