n° 18135 | Fiche technique | 9938 caractères | 9938Temps de lecture estimé : 6 mn | 24/10/17 |
Résumé: Sandra. Une ambiance, des émotions entre vécu et souvenirs, pour une chemise. | ||||
Critères: Enigme fh jeunes inconnu exercice | ||||
Auteur : Cheminamants Envoi mini-message |
Ma main tremble sur le poignet dans l’espoir d’attraper le bouton de nacre de la chemise.
La chemise… Oui, la chemise… C’est celle de lui.
« Ohhh, Sandra… »
Un soupir…
Sandra, c’est moi. Le soupir, c’est le mien.
« Que vas-tu faire ? »
Ma gorge se gonfle. La dentelle a quitté mon corsage. C’est tout chaud. Il est sur moi.
Mes doigts se glissent. Le bouton cède.
« Enfin ! »
Je creuse mon ventre.
« Allez, va-y… prends les pans de chemise dans tes mains et écarte-les. »
Le tissu, je le tiens. Le rouge. C’est tellement rouge. Ma peau est laiteuse. J’ouvre le coton de chaque côté de ma taille, puis de mes hanches en cambrant la danse de mon corps d’un côté puis de l’autre.
Je suis trempée.
Mon cœur saccade.
« Si tu mets tes ongles vernis dans le creux de la nuque… »
Je le fais. Son cou bronzé est entre mes mains et je regarde. Sa bouche ouverte. Ses lèvres immobiles. Mes cheveux sous sa langue. Quelques gestes. Les poils du torse. Libres.
« Fais pareil sur les omoplates… Vite. Vite. »
Oui ! Découvrir ses épaules. J’ai besoin. Me libérer.
Je suis allongée sur la table de cuisine. Mes gestes sont précis. Je veux ça : plus de chemise !
« Les manches, pour finir… »
Je palpe fébrilement le bras plié et posé tout près de mon sein, jusqu’au chiffonnage de satin. C’est ma culotte. Agrippée. Les doigts serrés.
Mon cœur se soulève.
Son autre main est entre mes cuisses. Il tient son sexe.
Je n’en peux plus.
Je me hâte. Et la chemise ne me résiste pas. En quelques mouvements j’enlève les manches. Je jette. J’attrape son large poitrail par mes bras enlacés. Je crie dans l’effort. Je veux être sur lui pour me relever. Je pivote.
Nous tombons. Position : je le chevauche. Mes jambes sont nues.
Mon cerveau tourbillonne. Tourbillonne. Tourbillonne.
Je retourne quand c’était…
* * *
On chuchote entre filles.
Qu’est-ce qu’elle me fait rire, Sylvette, qu’on a affublée de ce surnom à cause de sa formule fétiche ! Tandis que moi, Sandra, comme le laisse entendre mon sobriquet, je suis l’inoffensive petite souris grise qui file en longeant les murs pour passer inaperçue.
Après la poussée de son élan qu’elle lance avec coquinerie, ma meilleure amie reprend un air sérieux en ajoutant aussitôt :
Elle m’explique son idée du jour en murmurant comme pour un complot :
En choisissant nos maillots de bain et en faisant nos essayages de chemisettes style trappeur, elle me réplique que c’est évident car on n’est pas là pour faire les putes aguicheuses. Elle me coache pour l’exercice cérébral qui me fera passer, moi la petite souris, de gris au rose qui sommeille en moi.
Puis elle me lance un coup de coude en baissant encore la voix.
L’instant d’après, l’homme est arrivé près de nous, très absorbé.
Le gars en prend une, portée sur un cintre. Il frôle Sylvette en s’avançant vers moi. Il en attrape une autre. Dans un mouvement, son bras guide le tissu qui vient caresser mon visage. Il recule d’un pas. L’aisance masculine, une évidence. Une lenteur de mouvements à suspendre le temps d’une montre de femme qui aurait pour seul désir celui d’en arracher elle-même ses aiguilles pour faire durer le plaisir des yeux. Et son petit cul… ohhh, des fesses à casser une noix dans une seule crispation de leurs muscles ! Il joue de ses biceps en pivotant pour revenir face à nous dans des mouvements de muscu qui soupèsent les deux chemises. Il pose un regard sérieux sur moi avant de fixer Sylvette, pour finir en revenant plonger ses yeux dans les miens. Trois secondes de silence, puis sa voix profonde et grave envahit les molécules d’air pour un flirt d’ambiance avec elles.
Sandra, dans un déhanché presque invisible, accentue le charme effronté de sa belle jeunesse en se plaçant devant moi, me rendant invisible à l’homme puisqu’elle lui offre l’unique vue de son dos. Elle me lance un clin d’œil, puis place sa voix pour un tourbillon de mots dont le sens est à l’opposé de leurs douces et suaves sonorités.
Il rit, à racler le bas du tombeau de sa gorge dans un charme d’ange à démon qui brûle les flammes du bien-être dans une diablerie enchanteresse mixant l’assurance à l’audace.
Sandra me pince le ventre.
Je baisse la tête, et même s’il ne me voit pas, je bredouille, ma voix caressant le fin fond de l’abîme qui n’est pas là pour m’accueillir en invisible souris :
Il reprend un coup de rire.
Je penche ma tête pour le voir. Sa bouche s’ouvre en large sur des dents blanches régulières. D’un mouvement de tête, sa chevelure balaye l’air et se répercute sur une mèche savamment domptée pour de la sauvagerie en gel de coiffure. Il traîne le mot suivant :
Sandra pivote dans une envolée à la retrousse-jupette pour se replacer à côté de moi.
L’homme enfile une manche de chacune des deux chemises sur ses bras pour un bi-colorisme saillant. Il ramène les pans cotonneux sur le devant de son torse, d’un geste lent. Il descend ses mains à plat, du haut jusqu’en bas, pour en lisser le tissu dans un mouvement au ralenti qui laisse le temps de se poser une question : caresse de buste ou ajustement ?
Qu’importe l’hypocrisie interrogative puisque la réponse évidente est « jeu de charme ».
Sandra enlève la chemise d’homme pour une fin d’amusement et me fait un geste de demande concernant la mienne.
Je m’en déshabille aussitôt et la lui tends en lui adressant un regard qui lui dit « N’en fais pas trop, ne le fâche pas, on ne sait jamais… »
Elle me lance un sourire rassurant avant de théâtraliser ses gestes : elle place nos deux chemises dans les bras de cet homme puis pose son regard sur les membres encombrés des vêtements. J’en comprends le pitoyable qu’elle lui laisse croire pour ses muscles afin de le dissuader d’une avancée vers nous en vaine tentative de séduction. Elle accompagne son culot d’une minauderie en fil de voix sarcastique et moqueur, susurrée à l’oreille :
À rebrousse-talons, elle m’entraîne aussitôt vers la caisse pour régler nos maillots de bain, sans plus faire attention à cet homme. Nous parlons ciné pour ce soir, tentées par la petite salle de notre quartier, à deux rues d’ici.
Une main s’appuie sur la mienne à la sortie du magasin au moment où je la place sur la porte.
C’est lui. Il nous ouvre l’accès à la sortie, montre son sac d’un geste en toute décontraction comme preuve de ses achats ici. Il s’éloigne en sens inverse de nous, chantonnant « Une souris verte, trempez-la dans l’huile, trempez-la dans l’eau et ça fera un escargot tout chaud. » Il rit. Juste après, il est loin.
* * *
Je frissonne. Sa main, encore sa main, en précipité sur ma porte, à la sonnerie du clocher de minuit, après le ciné.
« Sandra, regarde : maintenant elle tient ta culotte ! »
L’éternité a duré quelques minutes.
Ma culotte. Sa main. Une arrachée haletante de féminité. Je le chevauche. Les cuisses m’en tremblent.
« Hé, Sandra, reviens ! Vas-y. Dis-le… »
La chemise, c’était la mienne. Le magasin. Sylvette. Lui.
Je me relève. Je fais trois pas. Un numéro. Une sonnerie.
J’ai 20 ans.
Lui, je sais pas.
La chemise rougie.
Sur moi.
Le sperme.
Mes poils.
Mouillés.
Sale.
Le couteau par terre.
Fallait pas qu’il me viole.