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Temps de lecture estimé : 23 mn
04/02/18
corrigé 06/06/21
Résumé:  Ladrime veut des réponses, il va en avoir ! Sans doute trop à son goût ! Bérénice elle aussi se pose aussi des questions et n'est pas loin de craquer. Elle a terriblement besoin de réconfort, de tendresse et sans doute, d'un peu plus ...
Critères:  fh ff hplusag uniforme amour cérébral revede voir pénétratio policier
Auteur : Claude Pessac            Envoi mini-message

Série : Les Parques

Chapitre 04 / 06
Les Parques 4/8

Résumé du chapitre précédent :

L’autopsie du corps de l’avocat s’est révélée fort intéressante, mais pose de nombreuses questions. Et à l’autre bout de la ville, une certaine Amélie est restée bloquée, définitivement, au septième ciel.





22 septembre – 19 h 33



Dans l’ascenseur qui grimpe silencieusement vers le dernier étage, le commandant Ladrime est un peu étourdi. Étourdi par les événements de la journée : la découverte du cadavre de l’avocat, celle de la caméra infrarouge juste en face des lieux du crime, la précision de l’autopsie et la chronologie qu’elle révèle. Les autres investigations du jour par contre n’ont pas donné grand-chose. Ni la perquisition du cabinet de l’avocat et de son manoir ni les interviews des proches de la victime. Les révélations des propriétaires du club libertin ont cependant apporté un éclairage nouveau sur la victime. Seul point intéressant et intrigant, le film de la caméra infrarouge à détecteur de mouvements : aucune image de l’entrée de qui que ce soit dans le souterrain, ce qui prouverait que les protagonistes sont arrivées avant le coucher du soleil et donc, avant l’activation possible de la cam. Ou alors qu’ils ont emprunté un autre accès. On a par contre des images, épouvantables en termes de qualité, qui montrent la sortie de trois personnes, des femmes a priori, à 20 h 17. Par contre, aucune image de « Monsieur 47 ». Soit il est entré et sorti avant que le trio n’arrive, mais ça n’est pas logique en ce qui concerne son départ, soit il est sorti par un autre chemin, soit…


Mais le plus déstabilisant pour le policier est, à cette heure, l’irruption de son adjointe dans son bureau vingt minutes plus tôt :



Ladrime n’avait pas réussi à lui en faire dire davantage pendant le trajet, mais la mine décomposée de la jeune femme l’inquiétait. Il ne l’avait jamais vue aussi désorientée et bouleversée. Et en colère, visiblement !


En s’ouvrant, la porte de l’ascenseur dévoile une autre porte, visiblement blindée, munie d’un digicode et d’un écran tactile. Letellier tape rapidement sur les touches, appose sa main à plat sur l’écran et la porte glisse silencieusement dans le mur.



La jeune femme lui répond par un petit sourire tristounet et d’un geste, l’invite à entrer. Après un vestibule quasiment aussi vaste que le salon de son propre appartement, le commandant découvre une immense pièce à vivre. À gauche, le salon avec un immense canapé et deux fauteuils dont il apprécie sans avoir à le toucher, le grain exceptionnel du cuir, des meubles bas très contemporains, des tableaux dont il ne connaît certes pas les auteurs, mais dont il sent immédiatement qu’ils ne sont pas de vulgaires croûtes. Il repère aussi un vase Lalique de toute beauté, une statuette Art déco, nymphe en cristal ouvrant les bras pour étaler gracieusement ses voiles, très certainement signée Lalique également, deux chatoyantes lampes Gallé, et au plafond, un lustre en cristal très moderne et original.



Se tournant vers l’espace bureau-salle à manger, son œil est immédiatement accroché par une toile immense, toute en dégradés de jaunes et parcourue de lignes droites se finissant en arabesques. Là, petit sourire et mouvement de tête :



Plus il s’approche et plus le ton de sa voix baisse, témoignant de sa perplexité grandissante.



Totalement ahuri, Ladrime se retourne et fait face à sa subordonnée. Décontenancé, il bredouille en balayant d’un large geste de la main l’appartement tout entier :



Amélie affiche un petit sourire gêné pour donner ses explications :



Les jambes coupées, Ladrime se laisse tomber sur une des chaises Mackintosh disposées autour de la table LC6 qui sert de bureau.



Confuse, Amélie répond à voix basse :



Après un bref silence, Ladrime acquiesce.



Redevenant sérieuse, elle ajoute :



Antonin Ladrime ne serait pas contre cette éventualité, mais l’heure n’est pas à la gaudriole.



S’approchant du grand tableau, la jeune décroche l’immense toile et la pose au sol. Ladrime effaré découvre des photos scotchées au mur. Six photos de femmes, nommées et numérotées de 8 à 13, auxquelles s’ajoutent, au-dessous, sept simples morceaux de carton blanc, mais également nommés et numérotés, de 1 à 7. La dernière photo de femme, le numéro 13, est celle d’Amélie. Et surtout, au-dessus des deux rangées de photos, il voit la photo d’un homme qu’il reconnaît immédiatement.



La jeune femme est pâle, livide même.



La jeune femme est quasi chancelante, visiblement très atteinte nerveusement. Après une longue respiration, elle reprend la parole :



Bien sûr qu’il s’en souvient ! Il avait eu tellement peur alors ! Peur de la perdre !

Alors qu’elle faisait son jogging, tôt le matin, dans le bois de Bucy, Amélie avait été violemment heurtée par un quad. Projetée à plusieurs mètres, elle était retombée lourdement sur un rocher. Résultat : grave traumatisme crânien, gros œdème sous-dural qui avait entraîné un coma de dix-sept jours, à l’issue duquel elle s’était réveillée sans autre dommage qu’une amnésie totale des 24/48 heures précédant le choc.



Amélie déverrouille un caisson mobile, tire le tiroir central qu’elle extrait de ses glissières avant de le déposer au sol. À genoux, elle passe son bras dans l’espace libéré et fouille à l’aveugle dans le caisson. Surprise, elle se penche, scrute l’intérieur avant de lâcher un « Merde » sonore et rageur. Lorsqu’elle se relève, elle fulmine visiblement ! « Merde », s’écrie-t-elle à nouveau. Elle réfléchit un instant, hésite, file dans la cuisine dans l’angle à droite du salon, en revient avec un tournevis et un outil spécial.



Ladrime la suit en déclarant :



En entrant dans la chambre, la jeune femme file sur la droite, contourne l’immense lit blanc et s’agenouille face à un chevet accroché au mur dont elle démonte le tiroir du bas. Le commandant, entrant derrière elle, aperçoit immédiatement le tableau accroché au-dessus du lit et détourne son regard. Il tient ainsi la promesse qu’il vient de formuler.

Enfin…, il la tient… pendant environ… six dixièmes de seconde !

Car son regard revient sur la toile !

Comme hypnotisé, il fixe le tableau, réalisé tout en nuances de gris.

Amélie y est représentée totalement nue, quasiment dans la pose de l’Odalisque, pas celle d’Ingres, mais celle d’Henri Gervex, (http://art.rmngp.fr/fr/library/artworks/henri-gervex_une-odalisque_peinture-sur-toile), alanguie face au spectateur.

Sauf qu’ici, la jambe droite pend hors de l’ottomane, révélant son intimité. Scandaleusement impudique, d’aucuns qualifieraient sûrement cette œuvre de torride, mais l’adjectif semble faible, édulcoré, pour en traduire pleinement l’intensité érotique.

Et pourtant, Antonin Ladrime remarque à peine les seins ronds et fermes, les tétons dressés en défi orgueilleux, il ne voit ni le ventre plat, ni le mont de Vénus rebondi, ni le sillon ruisselant aux berges foisonnantes, ni les cuisses fuselées, ni même les longues jambes de faon. Son regard est capté, capturé, subjugué par celui du modèle. Un regard dans lequel il lit tour à tour abandon innocent, libre indolence, défi mutin, invite provocante, pureté absolue…

Des yeux qui le sondent, le pénètrent, l’envahissent, le dominent, le rejettent et l’appellent, des prunelles qui l’envoûtent, l’ensorcellent, l’aveuglent de leurs rayons éblouissants, l’illuminent de leurs éclats luminescents.



Arraché à sa contemplation, le commandant bredouille :



Abasourdie, la jeune femme en laisse tomber ses outils : c’est la toute première fois, en un an de collaboration, que son patron l’appelle par son prénom. Bien sûr, l’ayant vue aussi intimement dévoilée, il lui aurait été difficile de lui donner du « Letellier » et encore moins du « Capitaine ». Mais tout de même !



Amélie réalise l’ampleur de son trouble et s’en émeut.



Amélie est surprise et pleinement heureuse de voir que son admirateur a totalement saisi la quintessence de l’œuvre, son secret magique :



Le gros cube une fois posé au sol, la jeune femme en démonte le double-fond et pousse un gros soupir de soulagement en saisissant un petit sachet contenant plusieurs cartes micro-SD et un disque dur SSD/USB. Aussitôt, elle quitte la chambre, suivie par Ladrime qui s’oblige à ne plus regarder le tableau au-dessus du lit.



Amélie a déclenché un enregistreur numérique :



La jeune femme a lancé la séquence. Très vite, on la voit arriver courant vers la caméra.



Le film défile, on ne voit plus Amélie courir, on voit une petite corde, au sol, accrochée à un tronc, en face du « caméraman ».



Le film fait comme un saut en l’air, signe que le bonhomme a carrément décollé de vingt centimètres au moins. Puis la caméra, ayant basculé vers l’avant, ne filme plus que les pieds des protagonistes pendant quelques instants avant de chavirer en arrière.



La caméra fixe désormais les frondaisons jusqu’à ce que l’on aperçoive brièvement le haut du visage d’Amélie.



Une main vient masquer l’objectif de la Go-Pro :



Plaies, bosses, sang, le visage de l’agresseur ne ressemble plus à grand-chose d’humain. Œil gauche totalement fermé, arcade sourcilière explosée, nez ratatiné, visiblement cassé, lèvre fendue, une incisive cassée. Et du sang, partout.

Le film s’arrête alors.



Dans ces dernières phrases, Ladrime a senti le changement de ton de la jeune femme, sa respiration difficile, son élocution difficile, hachée, hésitante. Il découvre son visage stressé, livide, sa bouche contractée en O, ses yeux quasi révulsés.

La prenant aux épaules, il lui souffle de se calmer, mais Amélie le repousse légèrement.



Droite comme i, les bras tendus le long du corps, poings serrés, Amélie s’astreint à contrôler sa respiration.

Interdit, décontenancé, Ladrime ne sait que faire, mais note avec soulagement que la jeune femme se détend rapidement, reprend son souffle. Elle se calme, mais il la sent alors toute molle, prête à s’effondrer.



Ladrime voudrait la prendre dans ses bras, la serrer contre lui, la rassurer, la cajoler. Mille et une fois depuis un an, depuis qu’elle a franchi pour la première fois le seuil de son bureau, il a rêvé de ce moment où blottie contre lui, elle se laisserait aller, répondrait à ses avances. Sauf… qu’il ne lui a jamais fait la moindre avance !

Mais, là, à cet instant, il se refuse à profiter de sa faiblesse. Ce serait indigne de moi, pense-t-il, ce serait surtout indigne d’elle.

Peu à peu, Amélie se calme, se détend, son visage reprend des couleurs.



Le commandant secoue doucement la tête en signe d’acquiescement. Il voudrait trouver les mots qui traduiraient sa compréhension et sa solidarité, témoigneraient de son empathie, mais sa timidité naturelle, qu’il sait si bien dissimuler et transcender dans l’exercice de sa profession, anéantit, comme toujours, face aux femmes qui le touchent, sa belle assurance et son courage, vide son esprit, paralyse ses neurones et étreint son cœur. Il sait qu’en ces circonstances, il présente le visage d’un benêt apeuré, d’un fada désorienté. Si bien qu’il ne sait pas très bien si elle se parle à elle-même ou à lui lorsqu’elle murmure :



Ladrime n’est pas plus rassuré que cela, mais incapable de faire quoi que ce soit. Alors, il reprend son rôle de flic.



Amélie lance le film. Elle est redevenue parfaitement maîtresse d’elle-même.



Les images parlent d’elle-même : agression, coups, on voit une inconnue propulsée dans le couloir d’un appartement, traînée jusqu’à une chambre, jetée sur un lit. Son agresseur lui a enfilé une cagoule, ligoté les mains dans le dos avec des rilsans. Des coups encore, et encore, la jeune femme ne bouge plus. L’homme découpe son pull et son soutien-gorge avec un cutter, dénude sa poitrine, lui enlève pantalon et slip. Des coups encore, des caresses brutales, sur les seins, l’entrejambe. Une main masque un instant l’objectif de la caméra pour en abaisser l’angle de prise de vue, et l’on voit le type pénétrer brutalement sa victime. Quelques allers et retours, il s’immobilise, il jouit visiblement. Le viol, à proprement parlé, n’aura duré qu’une petite trentaine de secondes. Heureusement, serait-on tenté de dire. Ce que traduit, cliniquement, froidement, l’OPJ Letellier :



Puis, tranquillement, l’agresseur abandonne sa victime et enlevant la caméra de son front, il filme en gros plan la poitrine et le sexe de la pauvre femme inerte. Le violeur annonce alors clairement et distinctement les nom et prénom de sa victime. Amélie stoppe la diffusion.



Le commandant marche en rond, tapant son poing droit dans sa main gauche, avant de s’immobiliser brusquement :



La capitaine relance la lecture du film, faisant défiler le reste de la séquence, image par image.



Amélie est obligée de s’y reprendre à trois fois avant de pouvoir caler le film sur une image nette : le visage de l’avocat apparaît clairement, distinctement. Sourire satisfait aux lèvres.



Les larmes au bord des yeux, Amélie le rassure :



Un peu perdu, Ladrime interroge :



Désignant les photos sur le mur, Amélie continue ses explications :



Sur ces derniers mots, Ladrime a brièvement fermé les yeux et respiré profondément.



Ladrime acquiesce et se rassoit au bureau, mais la jeune femme l’invite à passer au salon.



Ladrime la suit sans protester. Il a bien compris qu’Amélie est loin d’en avoir fini.

Bien loin !




22 septembre – 19 h 45



Alors qu’elle quitte le commissariat, Bérénice Nguyen est dans un état de tension extrême. La discussion avec les Berriet, les propriétaires du Latin Corner, a confirmé le lien entre le caïd Belaoui et l’avocat Veillefonds. Les deux hommes ne sont jamais arrivés ensemble au club et ne se fréquentaient pas ostensiblement, mais Berriet avait remarqué que Veillefonds était toujours présent lors des passages de Belaoui.


Un soir, via le système de surveillance du club, il avait surpris une conversation a priori aussi fortuite qu’anodine entre les deux hommes dans un des patios fumeurs : une histoire de peluches très « mignonnes ». Quelques jours plus tard, lorsque l’affaire des peluches Minions bourrées à la coke avait éclaté, il avait fait le lien et c’était lui en fait, qui avait confidentiellement transmis à un flic de ses amis l’info de la réunion programmée par Belaoui dans une de ses salles.


À part cela, Veillefonds était venu d’autres fois, hors présence du gangster, avec des filles qui, la plupart du temps, avaient à peine l’âge légal pour entrer. « Un type désagréable, suffisant et tordu », avait ajouté Béatrice Berriet avec une grimace de dégoût.

En rentrant au commissariat, Bérénice avait cherché Amélie, mais celle-ci n’était pas à son bureau. Puis, elle l’avait vue jaillir de l’ascenseur et remonter en coup de vent l’allée centrale de l’open space, pâle et visiblement stressée. Elle l’avait hélée, mais Amélie avait continué son chemin pour entrer directement dans le bureau de Ladrime. Elle et lui en étaient ressortis quelques secondes plus tard, visiblement pressés, elle, tendue, visage fermé, et lui, affichant un air totalement médusé.


En les voyant partir comme des flèches, Bérénice avait compris qu’ils ne reviendraient plus ce soir. Ce qui ne l’arrangeait pas. Elle voulait savoir, elle voulait comprendre. Pourquoi Amélie avait-elle été si bouleversée en apercevant Veillefonds au club ? Quel lien entre elle et lui ? A-t-elle une quelconque implication dans l’assassinat de l’avocat ?


Cette éventualité la bouleverse. Bien sûr, jamais, lors de leurs petites soirées, jamais Amélie n’a mentionné le nom de l’avocat. Et pourtant, elles en avaient eues des discussions, franches, intimes. Et intimes, elles l’étaient depuis le soir du Latin Corner.

Alors qu’elle grimpe vers son appartement, la jeune femme se remémore les nuits passées ensemble. Elles sont sœurs, cousines incestueuses, timides adolescentes effarouchées, mais totalement libérées et joyeusement impudiques, amantes de jeux, amantes de folie, de liberté, et même, un peu amantes de cœur.


Pour le cœur, rien de comparable dans ce qui les lie, avec l’Amour majuscule qu’elles finiront bien par trouver l’une et l’autre auprès de l’homme de leurs rêves (enfin, de celui qui s’en approchera le plus). Elles ont entre elles un doux lien, un attachement sincère, une fraternelle entente qu’épicent les folies de leurs corps-à-corps enivrants, les excès de leurs libidos débridées, si fabuleusement assumées. Elles savent, l’une comme l’autre, que le feu de leurs corps finira par s’estomper, que leur désir s’effacera sous les caresses d’un amant attentif, ou plus prosaïquement, se diluera dans l’habitude et le temps. Mais, Bérénice le sait, restera alors une indéfectible complicité à jamais marquée du sceau de leurs souvenirs brûlants.


Le temps, le hasard fera son œuvre, mais il n’est pas encore l’heure. Bérénice ne veut pas être sevrée dès demain des caresses d’Amélie, de ses papouilles qui l’embrasent, de sa bouche qui l’incendie, de ses caresses qui l’enivrent.


Qu’as-tu fait Amélie ? Bérénice tremble, son cœur s’affole. S’il n’y avait que Veillefonds. Mais il y a autre chose ! Elle a vu ce matin la réaction d’Amélie ce matin pendant qu’elle compulsait les photos prises par les techniciens sur la scène de crime. Son trouble, bien sûr, en voyant la photo de Veillefonds. Mais surtout, un peu après, Amélie a eu visiblement un haut-le-cœur en regardant les tirages. Troublée, comme groggy, elle avait dû s’appuyer contre le mur et s’était mise à respirer difficilement sans cesser de fixer le même cliché. Son visage exprimait une totale incompréhension. Incompréhension ou peur ?

Trop occupés, les autres n’avaient rien remarqué et, trop loin de son amie, Bérénice n’avait pas vu quelle photo la choquait à ce point. Mais en reprenant la pile de clichés plus tard, elle avait compris !


Bérénice est angoissée et les larmes lui montent aux yeux. Sur le palier, plantée devant sa porte, elle pleure, silencieusement, sans sanglots, sans hoquets, sans véritable émotion même. L’eau coule de ses yeux, par gravité, simplement, inonde ses joues, sale ses lèvres. La jeune femme assiste à ce naufrage, presque détachée, impuissante, attendant juste que quelqu’un ou quelque chose tarisse la source. Elle se sent vide, inutile, seule.


Elle pense à Amélie, elle pense à Jules. Son Jules. Ce gentil trentenaire qui partage sa vie depuis quelques semaines, Jules, qui la partage sans le savoir avec Amélie. Il est gentil Jules, prévenant, doux et drôle. Intelligent avec ça ! Il n’est pas l’homme de sa vie, juste un compagnon de route. Elle n’est pas sûre de lui renouveler longtemps son CDD de partenaire intime. Quoique, allez savoir… Il n’a pas tant de défauts, le Jules, il a même quelques belles qualités. Ce n’est pas Superman, mais au moins il ne cherche pas, comme d’autres, à en endosser le ridicule costume.


Le moule-boules rouge, le costume bleu du super héros, cette image-là la fait sourire, lui rend son sourire et assèche ses yeux. Une bouffée bienfaisante aère ses poumons et son esprit morose. Bérénice se reprend. Et espère. Elle rassemble ses longs cheveux noirs, dégage son visage, passe ses doigts sur ses joues pour effacer les traces salines et se décide à pousser la porte. Pourvu qu’il soit là, son Jules, elle a besoin tellement de lui ce soir.


À peine entrée, la jeune femme aperçoit la table dressée dans la pièce à vivre, les bougies allumées, la lumière tamisée. Elle perçoit des odeurs de cuisine sans pouvoir les identifier. Elle se dit qu’il l’a vue arriver, se garer dans la rue, qu’il s’est précipité pour allumer les bougies, régler l’éclairage. Le scénario l’émeut. D’un petit coup d’épaules, elle laisse tomber son manteau au sol. Ses jambes flageolent un peu, elle s’appuie contre le mur. Jules, ô mon Jules, tu ne pouvais pas avoir meilleure idée, pense-t-elle attendrie, reconnaissante.

Et le voici, Jules, sapé comme un minet, une rose rouge à la main.



Un immense sourire illumine le visage de l’homme.



Bérénice se sent fondre :



Décontenancé, Jules ne sait plus quoi faire de sa rose, la dépose précipitamment sur la commode du couloir. Il prend le visage de sa chérie dans ses mains avant de poser doucement ses lèvres contre les siennes. Le tendre baiser tourne vite au patin langoureux, les lèvres se soudent, les langues se fourragent, les souffles se confondent. Et quand il quitte la bouche pour butiner son cou, Jules sent le corps de sa maîtresse s’enrouler autour du sien, ses mains lui tirer la chemise hors du pantalon pour se glisser dessous et ancrer des ongles assassins dans son dos. Il la sent chaude, la petite eurasienne, frémissante déjà, terriblement impatiente.



Il ne s’attendait pas à une telle frénésie ; elle qui d’habitude lui souffle toujours de savourer, de prendre son temps, de se calmer un peu quand l’envie l’aiguillonne. « Baise-moi », a-t-elle dit ?


Cette demande, brutale, nette, impérieuse, sans détour, le pique au vif. Il tente de trousser la jupe, mais elle trop étroite pour remonter suffisamment haut. D’un solide mouvement de hanches, Bérénice les fait tourner sur eux-mêmes. De plaqueur, il devient plaqué, collé au mur ; Bérénice s’est détachée de lui et fait glisser en même temps sa jupe et son slip, les fait voler à travers la pièce d’un rapide coup de pied ; alors qu’il se débarrasse à peine de sa chemise, elle est déjà nue devant lui, exposant son arrogante poitrine et ses tétons déjà érigés, sa petite motte recouverte de longs et fins poils soyeux qui dessinent une délicate plume d’oiseau sur son pubis. Il n’a pas le temps d’en voir plus, sa maîtresse déchaînée s’est collée contre lui, plaquant sa bouche sur un de ses tétons qu’elle suce, caresse, cajole de sa langue experte. Elle est déchaînée, gourmande et ouvre sans tarder la fermeture de sa braguette où plongent ses doigts impatients. Alors qu’elle a déjà attrapé l’objet de sa convoitise, elle abandonne le téton et lève vers lui un visage radieux.



Jules fait sauter le bouton de son pantalon qui lui coule aux chevilles, mais il n’a pas le temps de s’en défaire, une bouche déjà emprisonne sa queue, une langue affole son gland. À genoux, Bérénice pompe le manche avec frénésie, elle suce, lèche, embrasse, mordille, engloutit la bite, ses doigts s’y agrippent, l’étranglent, la paluche tant et tant que le pauvre garçon s’affole, craignant de ne pouvoir résister longtemps à un pareil traitement. Il tente de se dégager, mais la bougresse l’attrape par les fesses, le bloque encore un moment pour profiter encore de l’insolent braquemart. Quand elle le libère enfin, c’est pour lui prendre la main et l’entraîner vers la cuisine.



Bérénice grimpe sur la table, les fesses au bord du plateau, les cuisses écartelées, ses doigts écartant ses lèvres pour bien ouvrir sa grotte incendiée.

Sidéré par cette fougue et cette supplique impérieuse, Jules s’exécute avec empressement. Il jubile en sentant son amie tressaillir d’aise à peine la bite engagée, frémir à nouveau lorsque le gland franchit la porte, et encore lorsqu’il s’enfonce brutalement jusqu’au fond de la caverne. Il sent bien qu’elle ne sera pas longue à décoller, il se retire pour mieux s’enfoncer encore, jusqu’à la garde, jusqu’à la butée de l’antre brûlant. À chaque va-et-vient, il lit dans son regard les vagues montantes qui entraînent sa chérie vers l’extase :



Il le voit, il le lit dans ses yeux que ces paroles sont le coup de fouet qu’elle attendait, le coup de pouce aux coups de queue qui l’expédiera vers l’azur.



Avec un bonheur indicible, Jules assiste à l’orgasme de sa chérie, cette transe magnifique qui illumine son visage, contracte ses lèvres, agite sa tête de droite à gauche. Elle malaxe ses seins, se triture les nichons pendant qu’il continue encore et encore à la buriner.

Bérénice est au ciel, dans l’espace étoilé de mille feux, son corps est un brasier, sa chatte navigue entre douleur et plaisir, ses sens sont explosés. Elle n’en peut plus de ce bonheur, mais en appelle encore. Les doigts enfouis dans ses cheveux, elle se masse, elle griffe son cuir chevelu, elle n’a plus raison ni conscience véritable, son corps est tendu comme un arc, agité de soubresauts involontaires.


Quand enfin, elle sent les ultimes soubresauts de l’engin qui la fourre, elle soulève la tête et plante son regard dans celui de son amant. Elle aussi veut lire son plaisir, les petites grimaces de douleur et bonheur qui marquent alors son visage. Elle sent le foutre brûlant gicler au fond d’elle, une fois, deux fois, trois fois. Elle ne compte plus, elle est heureuse, simplement heureuse du bonheur partagé. Elle plane entre deux eaux, vole et tourbillonne dans des déserts radieux, des jardins parfumés, des édens lénifiants.


Lorsqu’il se calme, qu’il cesse ses mouvements, sans comprendre où elle en trouve la force, elle parvient à se redresser, prenant soin de garder encore la queue prisonnière en elle, elle offre sa bouche. Elle n’a plus de souffle, mais qu’importe, ils sont serrés l’un à l’autre, corps soudés par leurs bouches et leurs sexes, regards noyés. Heureux !

Ensemble, doucement, lentement, ils quittent les cimes, apaisés, repus.

Plus rien n’existe que leur fusion !




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ERRATUM : une erreur impardonnable s’est glissée dans le premier chapitre. La jeune femme ne s’appelle pas Atropos/Mélanie, mais Atropos/Amélie. Il n’y a aucune Mélanie dans cette histoire, que des Amélie, beaucoup d’Amélie comme vous allez le découvrir maintenant.

Claude Pessac


Cette erreur a maintenant été rectifiée : Mélanie est devenue Amélie, comme il se doit. NDLR