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n° 18366Fiche technique9361 caractères9361
Temps de lecture estimé : 6 mn
08/05/18
Résumé:  Une jolie croisière en Méditerranée.
Critères:  fh collègues bateau amour exercice
Auteur : Lazizanie  (écrivain en herbe qui publie des nouvelles souvent érotiques)      Envoi mini-message
L'Azur

L’Azur avait quitté le port de Marseille à midi tapant. Il longeait à présent un gigantesque pétrolier de 400 mètres de long. Le navire était vide. Le pont supérieur de l’Azur n’atteignait pas la ligne de flottaison du tanker. Les passagers, accoudés au bastingage, commentaient les dimensions incroyables du navire à quai.


La veille j’avais quitté Le Tréport. En train. Puis gare de Lyon, je montais à bord du Phocéen (époque où les trains de nuit avaient des noms évocateurs). 22 h 30, confortablement installé dans mon wagon-lit « T2 », je savourais le moment. Le train partit doucement. Quelques grincements d’aiguillages plus tard, je me rendis au wagon-bar. Boire une bière, manger un sandwich. Et surtout voir si un collègue des Bureaux de Tourisme de la SNCF se trouvait lui aussi à bord. Et avait eu la même idée. Las, point de tête connue.


« Toc-toc », l’accompagnateur des wagons-lits apporte le petit déjeuner. Chouette les voyages en wagons-lits dans les années quatre-vingts. Toilette rapide. Arrivée en gare Saint-Charles. Les passagers descendent. Finalement, il y a des têtes connues. Gisèle de la gare de Lyon, Jacques de la gare de l’Est. Et quelques autres. Jean-Claude de Lille, Xavier d’Avignon, Claude, notre animateur des ventes. Une galerie de personnages dignes d’un roman de Françoise Sagan.


Jacques, déjà sur le quai, pestait sur l’absence de porteurs dans cette gare. Il faut dire qu’il avait pris une malle. Une croisière, alors, il allait faire preuve de son élégance efféminée tous les soirs. Finalement, quelques âmes charitables vinrent à son secours. Je joignis mes efforts aux leurs. Taxi jusqu’à la gare maritime. Là tout de même, des porteurs aux petits soins pour les passagers de l’Azur. Nous sommes tout de même à la Compagnie Paquet !


Embarquement et pot d’accueil du commandant. Beau dans son uniforme blanc immaculé. Gisèle me confie son admiration pour l’homme. Et l’uniforme.


On prend ses quartiers, enfile une tenue décontractée, pantalon pastel et polo de chez Lacoste pour les garçons, robe aérienne ou légère pour les filles. Jean-Claude le Lillois, se fait remarquer avec un beau pantalon de survêtement aux trois bandes, assorti à un tee-shirt publicitaire « SNCF Marchandises ». L’animateur, Claude, lui fait remarquer son manque d’élégance vertement.


Un bel itinéraire nous attend. Capri, Le Pirée, Izmir, Haïfa et Port-Saïd. Retour en avion depuis Le Caire.


En mer, des activités pseudo-sportives. Réveil musculaire, squash, ball-trap, des jeux-apéro. Et le bar bien sûr. Déjeuner et dîner au deuxième service. Le personnel de salle n’invite pas les croisiéristes du second à quitter le restaurant. Alors que ceux du premier service doivent céder la place. Faut le savoir ! Ah, les soirées à bord. Leur réputation n’est plus à faire. On peut penser à un spot publicitaire pour une marque de douceurs au chocolat ! Ma chère, les soirées de l’ambassadeur.


Spectacle digne d’un cabaret parisien. Show du magicien. Orchestre de grande qualité. C’est fini, place à la danse. Les garçons filent au bar. Whisky, Jet 27, les deux aussi. Gisèle m’accoste au bar. M’invite fermement à danser. Et se lasse vite. Elle remarque que mes pieds tricotent. Certainement dû à mes piètres compétences en tango, java ou valse. Pas de tentative de rock. Au-dessus de mes moyens. Elle me trouve piètre danseur. La quantité des boissons ci-dessus citées n’est certainement pas étrangère à la justesse de sa pensée. Elle file dans sa cabine et me laisse en tête-à-tête avec le barman. Qui surveille avec efficacité la ligne de flottaison de mon verre.


Un type s’approche de moi et me propose un verre. Allemand. Caricatural. Double-mètre. Quintal largement dépassé. Un ventre impressionnant. Une élégance à bretelles qui laisserait à penser que Jean-Claude le Lillois est mannequin chez Lagerfeld. Il a trouvé quelqu’un qui à bord de notre navire parle la langue de Goethe. Encore des verres.


* * *



Je me réveille. La tête. Par bonheur il y a dans le nécessaire de toilette, des cachets effervescents qui aident les lendemains de la veille ! Allez, vite, on file. Direction piscine. Gisèle m’a gardé un transat auprès d’elle. Son maillot de bain une-pièce révèle des courbes généreuses.



Elle me reproche gentiment ma conduite de la veille.



Une sorte d’aversion. Ado et pensionnaire, il était de tradition de monter un spectacle pour la kermesse annuelle de l’institution. Et la religieuse en charge des festivités s’obstinait à trouver des danses issues des provinces françaises. Elle réalisait des jolis costumes. Je me suis retrouvé en auvergnate ou bretonne, je ne sais plus, avec jupe et coiffe. Maquillé qui plus est. Risée des autres garçons. Fini, terminé la danse pour moi. J’en ai éprouvé une sorte d’aversion définitive.

Dommage, car les filles aiment la danse. Quelques copains m’ont prouvé l’utilité de la pratique dans la panoplie du séducteur.



Soit. Une invitation aussi généreuse que ferme ne se refuse pas.


* * *



Haïfa. Départ pour l’excursion à Jérusalem.



Gisèle nous installe dans l’autocar. Il y a au moins deux heures de route.

Le Mur des Lamentations, le Saint-Sépulcre, le Mont des Oliviers, Bethléem. Visite pleine d’émotion dans ce pays déjà en proie aux attentats. Ambiance mystique. Des jeunes soldats, mitrailleuse lourde en bandoulière, les ceintures de cartouches pendant négligemment autour du cou. Fument à la terrasse d’un café, boivent du Coca, rient avec les filles. Insouciants. Et pourtant, la guerre est là, toute proche.



La brune a modifié ma commande à la terrasse. Elle me parle. De tout de rien. Un doux murmure. Un regard, des regards. Un frôlement sur le bras.


Re-autocar vers le bord. Re-deux heures de trajet. Il fait nuit. Gisèle s’est blottie contre moi. Je sens sa chaleur. Doucement, mes lèvres effleurent la peau de son visage. Je sens son souffle. Elle ne refuse pas mes lèvres. Qu’elles sont douces. Des caresses sur les bras dénudés, la peau du visage, les oreilles. Dans les cheveux.

Le haut parleur grésille :



Gisèle est toujours flanquée de son chevalier servant. Nous dînons. Elle m’accorde deux verres de vin.



Soit. Douche, pantalon de toile fine, chemise Lacoste. Danse. J’apprends les rudiments du tango argentin, de la polka polonaise, de la java ; enfin, un slow. Là au moins, je peux exprimer mon talent incontestable. Nos visages sont si proches. Les yeux se croisent humides, pleins de promesses.



Je prends le pied. Sait-il à ce moment-là qu’il est le prélude à des instants délicieux ? Le caresse. Et regarde la belle dans les yeux. Doucement, elle les ferme et incline sa tête vers l’arrière.

Des vêtements jonchent le sol. Un pantalon, une robe élégante, un joli soutien-gorge, une culotte assortie. On se regarde, on se sourit. On s’est plu. Un souvenir délicieux.



J’apprendrai plus tard que les deux femmes s’étaient ménagé des heures d’occupation exclusive de la cabine.


* * *



Les quelques jours qui suivirent se déroulèrent toujours de la même manière. Je rejoignais Gisèle dans sa cabine tous les soirs. Et réapparaissais au bar, passé minuit. Retrouvais ma cabine tôt le matin. Petit déjeuner avec Alka Selzer.


J’ai revu souvent Gisèle. Nous sommes partis bien des fois en voyage ensemble. Et puis la vie nous a séparés. N’empêche que je suis fidèle à sa mémoire. J’aimerais qu’elle puisse lire ces lignes.

N’empêche que toi qui lis ces lignes, je voudrais te faire toucher toute la douceur de ces moments, la sensualité des ces instants.


Ah, j’oubliais, je partageais la cabine avec Jean-Claude le Lillois. Il ronfle. Est-ce pour m’endormir malgré les ronflements que je picolais ? Bien sûr que oui.