n° 18367 | Fiche technique | 11612 caractères | 11612Temps de lecture estimé : 8 mn | 09/05/18 |
Résumé: Initiation. | ||||
Critères: grp boitenuit collection voir sandwich jeu donjon init | ||||
Auteur : Lazizanie (écrivain en herbe qui publie des nouvelles souvent érotiques) Envoi mini-message |
Surprise, Sylvie sursaute. Elle est encore perdue dans ses pensées. Elle se lève, s’avance vers la barre. Troublée. Se met à bafouiller. Elle a du mal à se concentrer.
Il est 15 heures. L’audience du tribunal de Vesoul s’est ouverte en ce début d’après-midi de janvier. Le rôle a eu lieu au début de séance et son affaire passera bien. Ne reste plus qu’à attendre que l’affaire soit appelée. Attendre, patienter, c’est comme ça que fonctionne la justice.
Elle s’est assise sur le banc au fond de la salle. Banc en bois. Inconfortable. Faudrait pas rester ici pendant des plombes. Ses fesses souffrent déjà. Mais pourquoi les bancs réservés au public sont ils aussi peu confortables ? Diable, ne dit-on pas « raide comme la justice » ? Elle sourit intérieurement.
La salle est peu remplie. À la barre, le greffier appelle la première affaire :
Le reste des paroles du greffier se perd dans un léger brouhaha fait de paroles, de bruits variés, des raclements de gorge, de chaises grinçantes, le bruit désagréable des gonds des portes battantes de la salle…
« Bon, je vais encore perdre mon après-midi à attendre. Et en plus, j’ai laissé l’Est Républicain au bureau. » Elle l’avait pourtant préparé, le journal. Elle avait prévu de faire le sudoku pour passer le temps. Ce jeu de chiffres, elle l’aime bien. Ça lui permet d’entrer dans sa bulle, de ne penser à rien d’autre. Une manière de se détendre, de déstresser aussi.
Elle regarda la cour, le président, les assesseurs ; le greffier est assis à la droite du président. Face rubiconde, certainement légèrement alcoolisée. À deux heures, on sort de table. Ils ont dû déjeuner au Bar du Palais. Le plat du jour ? Une blanquette de veau, spécialité de l’établissement. Certainement accompagnée d’un vin rouge capiteux. Elle croit entendre le président héler le patron et lui dire « Mettez-nous donc une bouteille de votre excellent gamay rouge ! »
La digestion fait son œuvre. Les assesseurs ont l’air tout aussi concentré. Tout, sauf empathiques. Un avocat rit, tressautant sur sa chaise. Son confrère lui en a certainement raconté une bien bonne… Un autre consulte son portable. « Bonne idée ; je vais consulter mes mails. » se dit Sylvie.
Ah, un message de son mari qui lui rappelle que ce soir ils sont attendus chez les enfants pour dix-neuf heures. C’est vrai, ce soir on fête les huit ans de Chaton, son adorable petite-fille. Son cadeau est dans le coffre de la voiture. Ce soir, ce sera simplement apéro et petits-fours. Dimanche, ce sera le repas, et toute la famille sera réunie. Même la maman de Sylvie sera présente. C’est tout dire, elle qui est parfois si fantasque.
Un autre de sa fille Steph : « N’oublie pas de passer prendre le gâteau chez Petter. » Petter, un pâtissier vésulien renommé. LE pâtissier de Vesoul. Meilleur ouvrier de France, et qui porte une veste blanche immaculée, ses initiales brodées sur la poitrine. Sans oublier le col aux trois couleurs de la république. Dans sa boutique, un cadre géant du pâtissier serrant la main du président de la République. Réussite assumée et peu discrète. C’est que notre homme va ouvrir des boutiques dans les Émirats Arabes Unis. Il a passé une partie de l’après-midi avec sa community manager qui réalise son site internet. Diable, quel chemin depuis le C.A.P. ! Le voilà « homme d’affaires ». Mieux que ça : businnes man. « T’es sûr que c’est pas deux s et un n ? Regarde sur Wikipédia. » Ne dit-il pas à ses Frères Maçons « L’avenir est à l’Est. » ? Bon, le Golfe, c’est pas tout à fait l’Est. Le Japon, ça lui plairait bien aussi. Car oui, il a réussi à se faire admettre à la loge maçonnique. Ultime symbole de la réussite.
Un autre message de François-Xavier qui lui dit de consulter sa boîte mail. Elle ne lit pas les autres messages. Il y a pourtant plusieurs autres messages. « On verra plus tard. » se dit Sylvie. Sylvie a ouvert discrètement une adresse mail quasi exclusivement réservée à François-Xavier. Curieux, non ? C’est que le garçon est sa récréation. Bimensuelle, parfois plus, parfois moins. Elle le voit à Langres. Suffisamment loin pour ne pas risquer une mauvaise rencontre, suffisamment proche pour ne pas trop perdre de temps pour le rencontrer. C’est que ces deux-là ont un sentiment l’un pour l’autre.
Trajectoire connue. Site de rencontre sur Internet. Un pseudo assez mystérieux pour susciter l’intérêt : « Lazizanie ». Échanges de messages sur le site. Puis on se donne une adresse mail. Le portable. « Allez, on se voit sur la place Diderot à Langres jeudi prochain à midi ? »
Déjeuner sympa. Elle ne sait plus ce qu’ils ont mangé ce jour-là. Sans doute un poisson. Elle n’est pas carnassière. François-Xavier n’a pas pu s’empêcher de lui faire la remarque : « Ce que tu es grande ! » Oui, elle est grande, fine, avec des attaches délicates.
Moins d’une semaine plus tard ils reprenaient leur souffle dans un lit d’un l’hôtel sans âme de la zone commerciale. Ils se souriaient après avoir fait l’amour.
Et c’est ainsi que leur histoire avait commencé.
Comment est-ce arrivé ? Plus personne ne se le rappelle. Ils ont voulu « aller plus loin ». Et sont allés dans un sauna public où ils se sont aimés à plusieurs. Puis un club libertin. Des pratiques aux noms exotiques : « gang bang » « trio », des salles aménagées pour les fantasmes, « glory hole ». Une salle SM. Léger, le SM. Avec une sorte de balançoire sur laquelle l’un des deux peut s’allonger, cuisses écartées, et subir les caresses et les assauts de son partenaire, ou des…
Une croix. François-Xavier attache Sylvie. D’abord les chevilles. Il se relève lentement. Lèche les jambes de Sylvie. Les jambes et l’entrejambe. Il n’a pas oublié le masque de repos. Le met sur les yeux de Sylvie. L’embrasse, caresse ses seins. Et lie les poignets. La voilà impuissante, offerte. Bras levés, cuisses écartées. Elle sent une main sur ses cuisses, une main d’homme. Pas celle de François-Xavier. Une main façon sportif ou routier… Une main légère effleure son sexe. Pas non plus celle de F-X. Une femme ? Humm, c’est doux. La main caresse les renflements de son sexe, un doigt s’insinue. Son bas-ventre se contracte. Elle sent sa chaleur. Elle sent aussi son humidité venir.
Ah, le doigt est remplacé par quelque chose de plus soyeux, plus mou. Pas de doute : une langue. Habile. Son masque a légèrement bougé. Elle devine les formes de la femme qui la lutine. Elle est penchée en avant, la bouche à la hauteur de sa chatte. Et derrière la femme, un homme se frotte contre la raie qui sépare ses fesses. La femme continue à lécher les lèvres, aspire le bouton, mordille, malaxe, triture. Sylvie sent que ça coule entre ses jambes. La femme lutineuse boit son liquide. Soudain, Sylvie sent la tête de la femme avancer et reculer de son sexe. Un va-et-vient régulier, lent, puis rapide, plus fort, moins fort. Elle aperçoit François-Xavier en train de besogner la femme. « Il la saute ou il l’encule ? » se dit-elle. Presque avec honte. « Enculer », ce n’est pas trop son vocabulaire. Et son partenaire utilise parfois des mots un peu forts. Ça l’excite et la dégoûte un peu aussi. Et à sa grande honte, elle s’aperçoit que la honte peut faire partie du plaisir. « Si j’osais… » se dit-elle.
Et elle s’entend dire, honteuse :
« Mon Dieu, que c’est bon la honte… »
Toujours assise sur son banc en bois raide, elle rectifie sa position. Elle lit les mots de François-Xavier. Qui lui rappelle leur après-midi dans ce club. Pas de doute, elle s’échauffe. Des frissons parcourent son bas-ventre. Que c’était bon, ces garçons, cette femme. Ah, elle en a touché, des bites. Enfin, pas tant que ça. Deux couples seulement. Un autre couple les avait rejoints. Elle a aimé embrasser le sexe de cette femme qui aimait qu’on la traite de salope. « Je suis ta salope. » disait-elle à son compagnon. Elle, belle brune aux yeux marrons ; lui, cheveux blanc. Des gens « classe », élégants. Et qui ont envie d’une sexualité plus débridée mais contrôlée. Ne tiennent pas non plus à ce que leurs proches soient au courant de ce qu’il faut bien appeler des turpitudes ou des fantasmes. C’est selon. Je vous laisse le choix. Et tout ça dans une atmosphère qu’on pourrait qualifier de gentille. Pourrait-on partir en vacances avec ces amis éphémères ? Sans doute, mais au Cap d’Agde seulement. Et ces gens-là nous ressemblent. Les mêmes aspirations, les mêmes fantasmes. Mais aussi la discrétion. Parce qu’on a une position à préserver. Ben quoi…
Sylvie Maresco sent ses seins durcir. Ses tétons aussi. C’est presque douloureux. Sa culotte rouge qu’elle aime bien montrer à son amant est humide. « Punaise, que c’était bon ! » Elle a envie de faire l’amour. De se laisser prendre là, tout de suite. Sans fioritures ni préliminaires. Un désir violent, impérieux. Elle croise ses jambes, serre ses cuisses…
Bon, voilà, Sylvie s’est levée à l’appel de son affaire. Elle représente un homme dont la situation est compliquée. Perte d’emploi, baisse de revenus, des retards de loyer. Et le bailleur qui veut se débarrasser d’un locataire en difficulté. L’homme n’est pas capable de se défendre seul, d’expliquer simplement sa situation. Alors elle a accepté de l’assister. À préparé ses arguments, va parler de la bonne foi de l’homme, dire et prouver que l’homme n’est pas un parasite, qu’il fait des efforts et aura régularisé sa situation dans quelques mois.
« Il faut que je me concentre ! » se dit-elle. D’un seul coup, elle reprend ses esprits. Un raclement de gorge, et de sa voix ferme expose clairement la situation.
Le président écoute, dit à son greffier :
L’homme serre la main de Sylvie. Il a des larmes au coin des yeux. Elle le regarde. Un visage durci par les épreuves. Des cheveux très blancs. Il voudrait la remercier avec chaleur, mieux qu’il ne sait le faire. Et soudain elle éprouve une compassion infinie pour ce vieil homme. Pas si vieux que ça, en réalité. À peine deux ans de plus qu’elle. Mais la vie a dû être vache avec lui. Allez, la vie est mal faite. « Moi, j’ai mon mari, mes enfants et les enfants de mes enfants. Et François-Xavier. »