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Temps de lecture estimé : 7 mn
07/06/18
Résumé:  Un salon à Paris.
Critères:  fh hplusag collègues hotel voyage nostalgie -occasion
Auteur : Lazizanie  (la zizanie)      Envoi mini-message
Porte de Versailles

Son récit (14 février 2018) : Porte de Versailles



Le patron m’annonce :



« Pas avec Nabila bien sûr. »

Beau brin de fille d’à peine vingt-cinq ans. Comme les filles du Proche-Orient peuvent l’être lorsqu’elles s’y mettent. Brune, les yeux marron, pleins de malice. Vive, expansive.


On voyage en première. Une première pour elle (sic). La minijupe. Mini, riquiqui. Doit se draper dans un châle. Le chef de bord du TGV – on ne dit plus contrôleur – ressemble à un personnage de Tex Avery. Les yeux, vingt centimètres devant leur logement. Il souffle, il ahane, le bougre. Tellement fort que je rajouterai bien un « H » devant.

Bon, comment me retrouvé-je dans ce TGV ?


Thebigboss, comme le personnage de la BD d’Uderzo et Goscinny, nous présente sa nouvelle recrue : Simone. Une petite blonde. Cachée dans un manteau de loden vert. Col remonté. Pourtant, il fait bon dans ce grand bureau que je partage avec deux autres cadres de cette petite entreprise. On la devine blonde. Pas grande.


Le lendemain, elle m’aborde dans le salon pour l’emploi du versant Nord-Est de la métropole lilloise. Je ne la reconnais pas. Doit se présenter, alors.



Soit. Je déjeunerai avec un aréopage de gens importants du bassin de l’emploi. Conversations insipides, sans saveur, comme le déjeuner plateau-repas. On se sustente. On rivalise d’humour, d’expériences insolites. On se gargarise, on se gausse. Et merde, quoi, ne sommes-nous pas des gens importants ? Des présidents ? Des directeurs ? Des ingénieurs ? Des pas-grand-chose, oui. « Merde, tu aurais pu accepter mon invitation. Je me serais moins fait chier. »


Quelques jours après, Simone entre officiellement dans l’entreprise. Commerciale. Expérience certaine, mais pas forcément concluante. Sinon, ne serait pas venue s’enterrer dans une boîte sans envergure.


Plutôt jolie. Je découvre enfin sa blondeur naturelle, ses yeux bleus pétillants, son sourire enjôleur. Plutôt gentille, sympathique, contact agréable, pas bêcheuse. Je saurai plus tard qu’elle a vécu des moments difficiles. Une grande tendresse pour son papa qui doit être d’une santé précaire. Séduisante. Divorcée, seule dans la vie, inquiète pour demain. Chercheuse de mari, peut-être. On verra que oui un peu plus tard.


« Commerciale et jolie ? Je l’emmène à Paris au Salon du Marketing Direct. » pense Thebigboss. Et il ne lésine pas. Trois nuits au Novotel de Paris.


Nabila et moi arrivons sur le stand de l’entreprise. Journée à convaincre ou à tenter de convaincre des prospects, clients potentiels, de nous confier des missions. Dix-sept heures ; les clients potentiels repartent. Les exposants que nous sommes se retrouvent au bar. Ils ont tout prévu, les organisateurs. Sur notre stand, une pompe à bière. Ça picole dur. Moi aussi. Simone aussi. Pas de la bière. Les femmes distinguées sont réticentes à la cervoise. Alors ce sera un blanc. À défaut de Veuve Clicquot Ponsardin.

Thebigboss a chargé la barque. Plus qu’à l’habitude. Ce n’est pas un alcoolique mondain. La picole délie sa langue et sa générosité. A-t-il une soirée organisée ? Sais pas. On s’en fout.



« Ben voyons… Tant mieux ! »



« Ben tiens, pour un peu ! T’as pas des trucs à te faire pardonner, toi ? On achète la paix sociale ou le silence ? » Silence. On sera muets comme des tombes. On sera allés au cinéma voir un film chiant. Genre la nouvelle vague. Tiens, La controverse de Valladolid, de Jean-Claude Carrière. Bon, savoir si les Blacks ont une âme. Passionnant. À côté de ça, Spinoza est un comique. Un Coluche au 17ème.


Bon, on passe à l’hôtel pour s’alléger. Un petit coup de peigne. Se laver les dents. Ça peut servir.



Si j’étais galant, je pourrais lui proposer de changer. Je n’ai pas envie de cailler. Alors basta.


Métro. Nous voilà à Saint-Michel. Beaux immeubles haussmanniens. Animation d’une belle fin de journée d’avril. Les terrasses sont remplies. Même s’il faut garder un vêtement, la lumière du soir embellit la Parisienne. Les passants sont élégants. Nous ne sommes plus dans nos quartiers habituels, et ça se voit à une foule de détails. Il y a quand même plus de belles personnes à Paris que dans nos pauvres communes sinistrées du Nord.


« Bon, c’est pas le tout, va falloir se trouver un restaurant. » Une tentative. Grand machin avec un service virevoltant. Trop de monde. Pas celui-là. Le suivant, Au roi du poulet. Bof… On déambule. Je suis assez fier de me balader avec une jolie femme. Qui a dit « Ça te change… » ? Bande de dégueulasses ! Si elle se laissait faire, je passerais bien un moment avec elle. On verra bien après le dîner. Donc, et puisque Thebigboss s’est montré large, profitons.


Tiens, voilà un endroit cosy. Le menu parle le poisson, le vin blanc, agréable certainement. Ça devrait le faire. Entrons. Une table ronde dans un coin isolé, façon compartiment, une banquette confortable. Nous sommes assis l’un à côté de l’autre et presque face à face.


Choix. Un dos de cabillaud ou une sole, je ne me souviens plus. Un joli vin blanc. Sauvignon ? Chardonnay ? Sais plus non plus. Mais il a une jolie robe et fait pétiller les yeux de la dame.


La conversation est aussi futile qu’agréable. On se parle d’attirance. Sûr que les phéromones agissent, ainsi que le vin blanc. Me parle de sa vie, d’un divorce compliqué, de soucis d’argent, d’enfants supportant mal la séparation, d’un futur ex-mari qui complique la vie, le pare de tous les maux : la radinerie, la méchanceté, l’alcool. Pour un peu, elle lui trouverait des morpions.



Addition. Thebigboss fera certainement un commentaire, mais ne nous a-t-il pas incités à se faire une belle soirée ? Le métro est désert. Petite marche à pied jusqu’au Novotel. La 307 et la 609, s’il vous plaît. On monte.



Je suis attendri.



J’obtempère. On arrive à la 609. La valise est énorme. Qu’a-t-elle pu prendre pour deux nuits ? Presque pas déballée. Un chemise de nuit façon Marylin repose délicatement sur le lit. Vaporeuse au delà du raisonnable. Le garçon est ému. L’imagination galope. « Putain, j’aimerais la voir avec ça… » Mes bras passent déjà par dessous, les mains empoignent les seins.

On descend lourdement chargés à la 307.



La chambre n’est pas très grande, avec un petit coin salon. Deux coupes, le bruit du bouchon, le lent glou-glou du liquide qui remplit la coupe. Les bulles qui montent. C’est frais, c’est bon. Les yeux de la belle pétillent encore plus qu’avec le vin blanc. Ou ma vue devient plus perçante.



Dix minutes à patienter seul. Je mets la télé. Une émission passionnante comme la télé française sait en faire. Un bruit de frôlement derrière moi. Simone apparaît en chemise de nuit. C’est vaporeux, c’est transparent, c’est court. Je suis décontenancé. Je dois être tout rouge.



Et elle me prend la main, m’enlace et m’embrasse. Le goût de sa bouche est frais. De chlorophylle. Elle s’est lavé les dents. La langue est pointue, dure. Ses lèvres sont douces. Si j’étais metteur en scène, les corps basculeraient sur le lit. Aujourd’hui, bien des années plus tard, je ne m’en souviens plus. Ce fut une nuit de délices, de caresses, de soupirs.

On s’endort, épuisés et ivres aussi. On se réveille :



Question idiote. Encore un baiser. Encore un câlin.


Réveil en forme. La salle de bain est petite. Je me rase. Elle se douche. Vient jouer avec la mousse à raser. Je l’enduis avec la mousse. Les corps glissent l’un contre l’autre.



English breakfast. Il faut ça pour reconstituer l’énergie dépensée. « Vous avez passé une bonne soirée ? » demandera plus tard Thebigboss avec un petit sourire entendu. Décemment, on ne peut pas lui dire que non.


Journée de salon. Les visiteurs demandent des renseignements. On va au-devant d’eux et leur proposons les activités de l’entreprise. « La moisson a été bonne. » dira Thebigboss plus tard.

Vite, le TGV. Gare du Nord. Une heure de train. Toujours en 1ère classe. Elle se blottit contre moi. Sa main touche ma peau. Je sens la sienne aussi. Elle frissonne. Arrivée à Lille-Europe. Les sourires sont jolis.



Oui, elle ne s’appelle pas Simone. Anne, c’est plus joli, plus langoureux.