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n° 18440Fiche technique37064 caractères37064
Temps de lecture estimé : 20 mn
29/06/18
Résumé:  Beisse, député de la Raie Publique, est une saloperie ; il a été assassiné. L'assassin méritant serait-il une des femmes de Beisse, un truand, ou l'une des ses victimes ?
Critères:  fh policier
Auteur : Domi Dupon  (Une antiquité sur le site)            Envoi mini-message

Série : Quatre balles pour un trou-du-cul !

Chapitre 05 / 06
Le retour de Gérard Lambert

LE RETOUR DE GÉRARD LAMBERT




Résumé du chat pitre précédent : Un inconnu libère une jeune femme des griffes du député Beisse et laisse ce dernier attaché sur une croix de Saint-André où une patrouille de la BAC le trouvera. Le commandant Riquebit est chargée de l’enquête. L’assassin méritant serait-il une des femmes de Beisse, un truand, ou l’une de ses victimes ? Un conseil, si vous voulez y comprendre quelque chose, lisez les parties 1, 2, 3 et 4 : Introduction fatale, Mise en scène… de crime, Ô capitaine, mon capitaine, L’amour rend con (et conne) !




**********




Lundi matin : DCPJ, 36 rue du Bastion


Ils tombèrent sur Mabel en entrant dans l’open-space.



Le ton impérieux du divisionnaire les glaça. Aurait-il tout découvert ? Il les rassura très vite en leur assénant une bordée d’injures dès la porte refermée.



Mabel s’assit et farfouilla dans ses papiers.



Il leur montra deux photos : l’une représentant Gérard Lambert, l’autre un utilitaire genre fourgonnette de livraison ainsi qu’un petit mot tapé à l’ordinateur : « Le pourvoyeur en chair fraîche de M. le député. »



Le regard noir que lui jeta Riquebit annonçait un échange intéressant lorsqu’ils se retrouveraient seuls ; il avait complètement oublié de lui en parler.



Ouverture des hostilités.



Le sourire qu’elle lui lança le rasséréna : y’aurait explication, mais pas de drame.



Il montra une photo de la victime numéro 12.



Tom, lui, avait compris. Il dut se retenir pour ne pas lâcher un « ouf » de soulagement. À son air, Éléonore percuta. Il allait devoir faire gaffe ; il n’avait pas intérêt à lui mentir.



« Emballé, c’est pesé ! Elle a tous les talents, cette gonzesse ! » pensa Tom.


Le fixe sonna. Mabel décrocha.



Il raccrocha.



Ainsi congédiés, Riquebit et Jaude quittèrent le bureau du divisionnaire pour s’installer à celui d’Éléonore, dans l’open-space.



Après avoir rapidement déjeuné, ils s’étaient occupés de « nettoyer » le laptop. Tom avait fait une copie des datas pour son usage personnel, malgré les réticences de sa complice. Ensuite, ils avaient soigneusement effacé toutes les empreintes que Tom avait pu laisser. Ils avaient rédigé sur l’ordi de Tom un petit mot conseillant d’étudier de près cet ordi dans le cadre de l’enquête concernant le député. Petit mot où ils avaient aussi indiqué le password permettant d’accéder à la bécane. Ils l’avaient imprimé sur une feuille dénuée d’empreintes puis l’avaient glissée dans l’ordi. Enfin ils avaient mis le tout dans un sac de courses soigneusement anonymisé lui aussi. Tout ça pour que Mabel leur dise « Démerdez-vous avec ! »


Tom attendait la seconde salve qui ne tarda pas.



Cette main et son air de chien battu eurent raison de sa colère. « Ma pauvre, il va te faire tourner en bourrique, ce mec ! »



« Ça va déjà être sa fête, alors inutile d’en rajouter. » pensa-t-il en pianotant sur le clavier.



Jaude s’interrompit à l’entrée du brigadier de la PTS.



Maître Maccart-Tenay faisait les cent pas devant la porte de la salle n° 4, furieux qu’on ne l’ait pas laissé voir son client. Riquebit le connaissait de réputation, mais contrairement à Tom, n’avait jamais eu affaire à lui. Costume anthracite sur mesure, cheveux mi-longs impeccablement peignés, l’homme, plutôt efféminé, donnait l’air d’un précieux dandy britannique légèrement pédéraste. La rumeur courait que ce n’était pas seulement dans le prétoire qu’il portait la robe. La froideur de ses yeux gris acier brillants d’intelligence démentait le sourire de circonstance affiché lorsqu’il se présenta.


Ils entrèrent dans la salle d’interrogatoire. Après avoir expédié les formalités et les dénégations d’usage (Lambert ne comprenait pas ce qu’il faisait là, lui qui avait tant de mal à faire tourner sa boîte), Riquebit plongea dans le vif du sujet.



Elle posa les deux photos sur la table, face à Lambert et son avocat.



L’avocat se saisit des clichés, les examina avec attention, prêt à dire « On se demande comment vous reconnaissez mon client sur ces photos de nuit. » sauf qu’elles étaient aussi nettes que si elles avaient été prises en plein jour. Il attaqua donc sous un autre angle.



L’avocat ravala ses objections et se retourna vers son client pour un échange à voix basse à l’issue duquel il reprit la parole.



Au fur et à mesure de la conversation, Lambert perdait l’air bravache qu’il affichait à leur entrée dans la salle. Il avait compris que, pour lui, les carottes étaient cuites. Nouveau conciliabule avec Maccart.



Lambert, qui se tenait prostré, perdit son sang-froid. Il bondit de sa chaise et voulut s’en prendre à Riquebit. Jaude ne lui en laissa pas le temps et le renvoya brutalement contre son dossier.



Tom prit le relais d’Éléonore qui lisait un texto qu’elle venait de recevoir et y répondait.



Tom faillit hurler. Élo venait de lui flanquer un coup de pied dans les tibias pour le faire taire. En même temps elle posait la main sur son poignet.



Éléonore ne répondit pas à cette attaque ; elle lui montra l’écran de son smartphone.



L’avocat avait, de fait, perdu toute sa superbe. Il ignora la remarque iconoclaste de Jaude. Feignant l’indifférence, il voulut reprendre la parole, mais il fut devancé par Lambert.



L’éclat de rire qu’il déclencha chez Tom et Élo n’eut aucun effet sur l’avocat qui faisait grise mine.



Tom se leva, agrippa ses mains à la table et amena son visage à quelques centimètres de celui de Lambert.



À ce moment-là, Riquebit reçut un nouveau texto. Elle le lut, reposa son smartphone sans un mot et attrapa Jaude par le bras. Maccart, malgré son désarroi, avait saisi l’énervement du commandant lorsqu’elle avait reposé son téléphone.



Le « cher maître » ne répliqua point, mais la pâleur de son visage dénonçait son inquiétude. En sortant, les deux enquêteurs saluèrent le commissaire de la BRB et son adjoint, qui prirent leurs places dans la salle d’interrogatoire.


Dès qu’ils furent seuls, Tom s’emporta :



Elle ne s’embarrassa pas de lui répondre, mais lui montra simplement le texto d’Ampépeur qui l’avertissait de l’arrivée de la BRB, mais surtout qui l’informait qu’à l’heure du crime, le portable de Gérard Lambert avait borné en région parisienne.



Sans un mot, au milieu de l’open-space, sous l’œil effaré d’Ampépeur, elle enlaça Tom et lui roula une pelle qui le calma immédiatement. Lorsque leurs bouches se séparèrent, elle lui glissa à l’oreille :



Leur aparté fut interrompu par un sonore :



Tom releva la tête et se trouva face à une personne de sexe indistinct en habit sombre de clergyman, au visage défiguré par une grosse paire de lunettes aux montures en écaille. Il ne manquait que le col blanc amidonné pour en faire un digne représentant du clergé. La soie du chemisier et le chignon digne des années cinquante lui indiquèrent qu’il avait affaire à une femme.





**********




Lundi, fin de matinée : DCPJ, 36 rue du Bastion


Elle était à la fois furieuse et excitée. Furieuse, car elle avait trouvé le dossier sur son bureau en arrivant ce matin. De La Cracouillette n’avait pas même daigné le lui remettre en mains propres. Un post-it était collé sur la chemise : « Je vous confie cette affaire. Prenez-en connaissance et rendez vous à la DCPJ pour faire le point avec les enquêteurs. » Quel goujat !

Excitée car c’était le premier dossier qu’elle allait instruire en solo. Elle avait vite compris qu’il ne lui avait pas fait un cadeau, que c’était un dossier brûlant, qu’il voulait ouvrir le parapluie, mais elle allait le surprendre. Si elle se tirait bien de ce guêpier, à elle la gloire.


Lorsqu’elle entra dans la salle commune de la DCPJ, elle tomba sur un couple qui, sans souci de la bienséance, collé comme deux danseurs de tango libidineux, s’embrassait à pleine bouche. Très gênée, elle leur lança :



L’homme se retourna et la regarda comme s’il se trouvait face à une extraterrestre.



Elle maudissait sa mère pour lui avoir choisi un prénom totalement en inadéquation avec leur condition. Sa mère l’appelait Baba, ses rares amis proches l’appelaient Béa. À l’ENM, ses ennemis – nombreux et envieux –, translatant son petit nom, l’avaient surnommée Klaus. Et aujourd’hui encore, chaque fois qu’elle devait se présenter elle pestait intérieurement.



Sans plus s’occuper d’elle, ils prirent la direction d’un bureau vitré à l’intérieur duquel un homme d’âge moyen et au physique de bon père de famille s’escrimait sur un clavier. La brigade la plus prestigieuse de la police française était dirigée par ce personnage insignifiant. Elle avait imaginé une espèce de Rambo (sa mère, avec sa vulgarité habituelle, vénérait Sylvester Stallone, archétype du mâle selon elle), l’arme sous l’épaule, et elle se trouvait en face d’Achille Talon. Elle allait devoir à nouveau décliner son identité, mais la fliquette lui épargna cette peine.



Celle-là, elle l’avait détestée avant même qu’elle ouvre la bouche : sûre d’elle, insolente. Une femme qui avait presque l’âge d’être sa mère et qui batifolait avec un homme comme une adolescence qui a ses chaleurs. Ce qui la mettait le plus en rage est que cette harpie avait raison : son patron la mettait sur ce dossier pour tenir ses fesses à l’abri.



Le coup d’œil amusé qu’échangèrent les deux policiers ne lui échappa pas.



Elle refusa la main tendue, restant debout face au commissaire, ignorant ostensiblement ses deux subordonnées.



Le coup d’œil qu’échangèrent les flics n’était plus du tout amusé. Comme de La Cracouillette, ils avaient peur du scandale et venaient de comprendre qu’elle ne les laisserait pas enterrer l’affaire.



Elle regarda les deux autres flics. Mabel, comprenant son embarras, s’adressa au flic :



Elle s’assit et reprit :



Jaude la salua d’un signe de tête, se retenant manifestement d’éclater de rire.



Devant le mutisme de son interlocutrice, le silence gêné de Jaude et celui amusé de Mabel, le commandant poursuivit :



Mabel s’apprêtait à intervenir ; il n’en eut pas le temps : Riquebit s’était penchée au-dessus d’elle. Elle parla à quelques centimètres de ses oreilles.



La voix du commissaire s’était élevée, sèche, tranchante, autoritaire. Elle devrait réviser son opinion : Achille Talon n’était pas si bonhomme que ça. Riquebit allait comprendre son erreur. Il poursuivit, à son grand désarroi :



Puis, reprenant un air patelin :



« Ce salaud ! » Quel mot atroce, mais elle n’en voyait pas d’autres. Elle s’était définitivement trompée. Son jugement ne valait rien. Il l’avait eue dans les grandes largeurs, mêlant menaces voilées et fausses louanges. Les deux flics non seulement rendirent compte de la comparution de Lambert, mais en sus, à son intention, oubliant leur échange musclé, de manière très professionnelle lui résumèrent tout ce qu’ils savaient.


Si elle synthétisait : ils n’avaient identifié que quatre filles sur dix-sept. Elles avaient toutes un alibi. Pour la 12, il était imparable puisqu’elle était morte. Elles avaient toutes en commun d’évoluer autour de l’Assemblée nationale, sans doute le terrain de chasse de Beisse. Lambert, s’il était coupable d’enlèvements, avait son téléphone comme alibi pour le meurtre. Elle avait assisté à une passe d’armes jouissive entre le capitaine et le commissaire à propos de l’avocat marron et des Mariani. Le capitaine était sorti de ses gonds quand il avait compris que le versant Mariani de l’affaire était dévolu strictement à la BRB et qu’il en était exclu. Ils avaient failli en venir aux mains. La violence policière : elle comprenait mieux certains arguments du Syndicat de la Magistrature. Riquebit était parvenue à les calmer en se montrant à la limite de l’indécence avec son amant.


Riquebit demanda des effectifs supplémentaires pour effectuer une enquête de proximité aux alentours de l’Assemblée. Malgré l’affront qu’elle lui avait fait subir, elle se trouva contrainte de la soutenir, trouvant son idée pertinente ; mais elles essuyèrent un refus gêné du divisionnaire, arguant qu’avec les deux autres affaires que le proc leur avait mises sur le dos, il était à court d’effectifs. En retour, elle eut droit à un remerciement sincère de la part de Riquebit pour son aide. La tactique du commissaire adaptée au faible nombre d’hommes sur l’affaire était de suivre une piste après l’autre. La priorité pour l’instant serait donnée à la recherche de proches de la suicidée.


Lorsque, sur le départ, elle retourna vers l’ascenseur, elle se demanda ce qu’elle était venue faire dans cette galère. Mais pourquoi avait-elle donc écouté son père : « Tu comprends, Barbara-Anne (jamais lui n’aurait utilisé un diminutif), notre lignée a offert à la France un magistrat par génération. Je ne peux compter sur ton aîné qui préfère jouer les intermittents du spectacle. Tu dois assurer la continuité. » Mais comment aurait-elle pu opposer un refus à ce père qu’elle idolâtrait ? Perdue dans ses pensées moroses, elle ne remarqua pas le jeune homme qui tentait d’attirer son attention.

Il la rattrapa alors que son index appuyait sur la touche « sous-sol ». Il se précipita dans la cabine avant que les portes ne se ferment.



Il avait débité ça d’un seul trait avant de se reculer, toujours aussi rouge et emprunté, dans un coin de la cabine. Elle le trouva attendrissant. Un instant, elle s’imagina presser le bouton d’arrêt d’urgence de l’ascenseur, empoigner le garçon par l’épaule et l’embrasser à pleine bouche comme elle l’avait vu faire plus tôt. Corps collés, langues mêlées, elle s’apprêtait à le violer. Elle retomba sur terre et recouvra son sang-froid tant bien que mal quand d’une voix timide il demanda :



Elle leva les yeux et se trouva face à ceux inquiets et compatissants du jeune policier. Elle fut sauvée du ridicule par l’ouverture de la porte de l’ascenseur. Elle sortit précipitamment et se rua vers sa voiture. Heureusement, sa Mini Country stationnait à deux pas. Elle détestait cette voiture de m’as-tu-vu, cadeau de sa mère pour ses 25 ans, mais elle en avait besoin. Alors qu’elle allait démarrer, elle vit le jeune flic qui courait vers elle. Il ne manquait plus que ça ! Elle appuya nerveusement sur l’accélérateur et la Mini Cooper quitta le parking dans un crissement de pneus.



À suivre