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Temps de lecture estimé : 38 mn
31/07/18
Résumé:  Une croisière met mon couple en danger.
Critères:  couplus extracon cocus vacances voyage bateau jalousie échange partouze confession
Auteur : Jeanpas      Envoi mini-message

Série : Une croisière de rêve et son influence sur ma vie

Chapitre 01 / 06
Une croisière de rêve ?

À quarante-cinq ans, j’ai tout pour être heureux. J’ai une santé de fer, je ne suis jamais malade, et même lorsque je me blesse, comme l’an dernier au karaté quand je me suis luxé l’épaule, ça ne freine pas mes activités, que ce soit professionnelles ou privées. Je suis très très grand, très costaud, presque deux mètres pour plus de cent kilos et j’ai le poil, cheveux ou barbe, noir aile de corbeau, broussailleux et assez long.


Professionnellement, j’ai atteint mon objectif initial : j’ai créé une société dans le bâtiment qui fonctionne très bien. J’ai même dû réguler sa croissance pour ne pas me retrouver à la tête d’un monstre ingouvernable. Du coup, tout est géré de manière saine, raisonnable et extrêmement rentable. C’est pourquoi j’ai décidé qu’il était temps de vendre afin d’en tirer le maximum, et les clients se sont bousculés au portillon ! J’ai choisi le plus fiable à la fois sur ses ressources financières et pour son esprit de continuité du travail que j’ai entrepris depuis quinze ans. Certains voulaient jumeler leur propre société à la mienne pour faire des économies d’échelle, mais je voulais préserver le personnel le mieux possible. Me voilà donc entre deux projets, avec un bon matelas d’euros en réserve et de nouvelles idées plein la tête.


Sur le plan privé, j’ai le bonheur de vivre avec une femme merveilleuse. Sophie est blonde, musclée elle aussi par le sport qu’elle pratique assidûment. Je l’ai entraînée aux cours d’arts martiaux et elle s’est passionnée pour le karaté. Elle mesure plus d’un mètre soixante-dix. Quand nous sortons, sa beauté lumineuse et mon côté hirsute et massif nous donnent un genre "la belle et la bête" ! Attention, je suis loin d’être laid, mais mes traits sont un peu masqué par ma pilosité. Un ours avec un profil grec, quoi.


Sophie est infirmière libérale. Elle travaille dans un groupement d’infirmiers associés, ce qui lui permet de ne pas être obligée d’aligner des heures de travail interminables et de rentrer tôt le soir. À quarante ans, elle en paraît facilement dix de moins, malgré le fils qu’elle m’a donné dès le début de notre union, il y a une quinzaine d’années. Celui-ci a maintenant quatorze ans et nous attendons sa crise d’adolescence sans la voir venir. C’est un garçon étonnamment mature pour son âge, avec une beauté qui tient de sa mère mais avec ma couleur de poil. Je l’aime autant qu’un père peut aimer un fils dont il est fier. Nous n’avons jamais eu d’autre enfant, je le regrette encore par moments, nous aurions adoré avoir une petite fille !


Sophie et moi avons décidé de fêter la vente de ma société en faisant un voyage en amoureux. Nous allons partir hors vacances scolaires et Maxime, notre fils, ira chez ses grands-parents maternels qu’il adore. Nous avons choisi une croisière en Méditerranée. Une première pour nous deux, qui sommes du centre de la France et n’avons jamais pris de bateau. Départ de Marseille, un tour en Espagne, en Afrique du Nord, retour par la Sicile et l’Italie ; bref, quinze jours de repos pendant lesquels nous allons enfin prendre le temps de nous occuper de nous deux. En juin, on pourra profiter des piscines du paquebot et vivre pratiquement en maillot de bain. Quinze jours à se câliner sur un navire paradisiaque équipé de tous les équipements qu’on peut imaginer. Le rêve !


* * *


Nous débarquons le vendredi chez des amis marseillais qui n’auraient pas accepté qu’on dorme ailleurs que chez eux. Le week-end est super agréable, il fait beau, nous sommes reçus comme des rois, et le samedi soir on fait une java à tout casser. La fin de nuit avec mon amour a été explosive. Sophie m’a avoué que si je lui assurais les mêmes prestations pendant la croisière, ce serait sûrement les plus belles vacances de sa vie. J’apprécie le commentaire : mon épouse est très demandeuse au niveau galipettes. Avant de me rencontrer, elle a déjà été mariée, mais son ex ne la satisfaisait pas et elle l’a copieusement cocufié.


C’est une bonne âme qui se prétendait être mon amie qui m’en a informé lorsque j’ai rencontré Sophie. En l’observant bien, je me suis rendu compte qu’effectivement, elle semblait collectionner les amants. Je me suis mis sur les rangs avec la ferme volonté d’écarter tous les autres et nous avons commencé une histoire qui dure toujours avec la même passion. Je reconnais que je lui ai posé quelques questions à propos de son précédent mariage et de ses aventures extraconjugales. Elle m’a répondu très calmement, sans rien dissimuler, qu’effectivement, elle avait de gros besoins sexuels et que son ex-mari s’était révélé nettement insuffisant sur ce point précis. Par contre, si je continuais de m’occuper d’elle comme je l’avais fait jusque-là, il n’y avait pas de raison qu’elle s’intéresse à quelqu’un d’autre. Sophie m’a regardé dans les yeux et m’a dit tout bas que jamais elle n’avait aimé personne comme moi. J’ai vu des larmes perler au coin de ses paupières et mon cœur a manqué un ou deux battements. Je l’ai prise dans mes bras et je l’ai aimée passionnément.

Je l’aime toujours passionnément.


* * *


Nous embarquons dimanche après-midi. Le temps s’est couvert, un orage menace à l’horizon. Nos amis nous souhaitent bon voyage et rentrent vite se mettre à l’abri. Notre cabine est de taille moyenne, confortable et chaleureuse. Nous nous installons, puis nous remontons sur le pont. Le navire est déjà en train de quitter le port. Dès la pointe de Petit Méjean passée, on a sent la poussée du vent et de l’orage qui nous arrive dessus. Il nous est conseillé de rester à l’intérieur du bateau. Avec cinq bars, quatre restaurants et des salles de sport, un hammam et un spa, une discothèque et un théâtre, on a de quoi visiter.


Il est d’ailleurs temps d’aller manger, mais je n’ai pas faim. En fait, je me sens un peu barbouillé. Nous allons au restaurant, mais rien que les odeurs des plats me soulèvent le cœur. Je préfère abandonner mon épouse à son repas et retourner m’allonger dans notre cabine en attendant d’aller mieux. En marchant vers ma cabine, je commence à être vraiment mal ; j’ai des vertiges, des sueurs froides, je suis glacé, je ne sais plus où je suis. C’est un steward qui m’a récupéré et ramené au bon endroit. Le jeune homme, s’inquiétant de mon extrême pâleur, a préféré appeler le médecin de bord. Il me propose de prévenir mon épouse mais je lui demande de ne pas le faire : je ne veux pas lui gâcher son repas pour rien. Le médecin arrive rapidement. Je grelotte sous ma couette alors qu’il fait vingt-quatre degrés dans la chambre.



Je me retourne sur mon lit de douleur. Rapidement, on frappe à la porte. Je crie à la personne d’entrer. Une jeune femme en costume de service s’approche du lit avec une bassine à la main et me propose de m’aider à aller dans la salle de bain pour vomir autant que possible. Je suis incapable de me lever, tout tourne autour de moi et mes jambes sont flageolantes. Je ne me souviens pas d’avoir déjà été si faible. La jeune femme s’appelle Chris ; elle me tend la bassine en me disant qu’il est préférable que je me vide avant de dormir. Merci pour l’image poétique, Chris !



Elle a fini par s’en aller. J’ai regardé la bassine avec un certain dégoût. J’ai la tête lourde et je ne me sens même pas capable de me redresser au-dessus de cette foutue bassine. Je me laisse glisser dans le sommeil.


* * *


Je vomis. Le spasme me réveille en sursaut. Où est la bassine ? À droite ? Je me tourne vers la droite et un geyser explose, arrosant le lit dans lequel dort tranquillement… Sophie. Elle pousse un hurlement et fait un bond hors du lit. Elle est trempée, la tête couverte de vomi nauséabond ! Évidemment, la bassine est à gauche. Le lit est souillé, ma femme hurle en secouant la tête. Ses cheveux sont gluants et collés. Je finis de me vider dans la bassine. Ma tête tourne, je me plie en deux, et dès que je sens la fin des spasmes je m’écroule du côté propre du lit. Quel bordel !


Sophie a appelé le personnel de chambre. En quelques minutes, on me porte dans un fauteuil pendant que le lit est vidé de ses couverture et draps. Même le matelas est changé, tout est redressé en un temps record. Je peux me rallonger avec soulagement. Je flotte toujours dans une sorte de brouillard. Sophie est hystérique ; elle s’est douchée mais refuse de se recoucher dans le même lit que moi. Le personnel finit par la convaincre de finir sa nuit avant de s’adresser au capitaine pour régler son problème. Je replonge dans une nuit de brume et d’oubli.


* * *


J’ai émergé dans une chambre pleine de lumière ; les rideaux sont grand ouverts. Je cherche Sophie du regard mais elle n’est pas là, peut-être dans la salle de bain. D’ailleurs il faut que j’aille aux toilettes. Je me redresse sur mon lit, et instantanément la chambre se met à flotter comme si j’étais en apesanteur. Je réussis à me lever en me tenant aux murs et j’arrive juste à temps aux toilettes pour recommencer à vomir de la bile ; je n’ai plus rien dans l’estomac. Moi qui croyais que j’allais mieux… Je fais ce que j’ai à faire et me force à me relever pour passer à la salle de bain, pensant y trouver mon épouse. Ça va un peu mieux, mais Sophie n’est pas là non plus. Je me passe de l’eau sur le corps, me lave vite fait et je retourne dans mon lit. Là, je me sens mieux. Mon téléphone m’indique qu’on est déjà dans l’après midi : j’ai dormi presque vingt heures ! Je comprends pourquoi elle est partie se balader. En fait, je suis toujours un peu dans le cirage ; je sais bien que j’en ai encore pour un jour ou deux, alors autant essayer de dormir le plus possible.


* * *


Je me réveille en entendant du bruit dans la chambre. En fait, c’est dans la salle de bain. J’appelle, pensant que c’est Sophie, et c’est bien elle qui arrive vivement dans la chambre, toute pomponnée et belle comme le jour. Bon dieu, qu’elle est belle, mon épouse !



J’ai eu droit à un chaste bisou sur le front et Sophie s’est littéralement enfuie de la chambre. J’ai regardé un peu la télé, mais ça me rendait encore nauséeux. J’ai voulu lire un peu ; mon livre m’est quasiment tombé des mains. Finalement, j’ai somnolé, dormi, somnolé encore.


* * *


Au lever du jour, une chose est sûre, c’est que ma femme n’est pas repassée par notre cabine avant d’aller se coucher. C’est idiot de ma part, mais j’en suis un peu déçu. Avec ce nouveau matin, j’espère pouvoir enfin me lever et arpenter ce navire d’un bout à l’autre.


Rien que le fait de me lever pour aller à la salle de bain m’a convaincu que tout n’était pas réglé. Je n’arrive pas à savoir si c’est le bateau qui bouge ou ma tête qui tourne. Il faut que je mange ; j’ose croire que je ne vomirai plus comme hier. Je réussis à me doucher, mais rien que cela m’a épuisé. Il est dix heures, je décide d’appeler Sophie. Je voudrais faire une tentative pour aller sur le pont, peut-être m’installer dans un transat au grand air. Essayer de manger un peu, aussi. Pas de réponse, elle est sur répondeur. Pourtant le navire est équipé pour utiliser les portables. Je décide de faire une tentative seul. Ça ne dure pas longtemps ! Au bout du couloir, je suis exténué, mes jambes tremblent, je ne suis même pas sûr d’arriver à rejoindre ma cabine ! Finalement, j’y arrive et je m’allonge de tout mon long sur le lit. De toute façon, si ça se passe mal, il vaut mieux que je sois dans ma chambre plutôt qu’au restaurant. Je commande un petit déjeuner en cabine.


Après avoir grappillé un peu de pain et de café sur mon plateau, je me rends à l’évidence : c’est dans mon lit que je suis encore le mieux. Je n’ai plus qu’à attendre mon épouse.


J’ai encore dormi deux bonnes heures avant qu’elle n’arrive dans la cabine.



Et la voilà repartie. Bon, au moins, elle ne s’ennuie pas. J’ai même l’impression que je ne lui manque pas beaucoup. Enfin, je crois que je vais mieux, donc je serai bientôt dehors.


* * *


Le médecin m’a confirmé que l’évolution est normale. Il faut que je mange et que je dorme. Demain, ça devrait aller. Je ne sauterai pas comme un cabri, mais au moins je n’aurai plus de vertiges et de nausées. En attendant, le mieux, c’est de manger et de dormir. Je me fais apporter un repas froid en cabine et je prends un cachet pour roupiller et bien récupérer.


Vingt heures. Je me sens mieux. Sophie est aux abonnés absents, elle vit sa vie sur le paquebot, je ne peux pas lui en vouloir. Demain, je vais sur le pont. En attendant, je me fais livrer un vrai dîner. J’aurais bien aimé le partager avec ma chérie, mais pas de nouvelles. Je lui envoie un SMS auquel elle ne répond pas. Elle doit bien s’amuser.


* * *


J’ai enfin passé une vraie bonne nuit. Il est neuf heures ; si Sophie est encore sortie en boîte avec ses amis, elle doit dormir. Je me douche, me lave bien soigneusement, et enfin je me sens un autre homme. Je décide de petit déjeuner sur le pont. Il n’y a pas grand-monde pour l’instant. Neuf heures et demie, ce n’est pourtant pas très tôt ! Je repère un bar où l’on peut petit déjeuner et je m’installe au comptoir. Le barman est un homme d’une trentaine d’années, jovial, serviable, mais avec de grandes poches sous les yeux. Il me confirme qu’il est en fin de service et qu’il est bien content de pouvoir aller se coucher bientôt.


En fait, on est restés à discuter pendant presque une heure, alors que son collègue était arrivé pour le remplacer. Rapidement, on s’est tutoyés et il a semblé se prendre d’amitié pour moi, à mon grand plaisir. C’était tellement agréable de parler avec quelqu’un d’aussi sympathique après trois jours bloqués dans ma cabine ! Il commençait à y avoir pas mal de monde dans le bar, alors il m’a proposé de venir boire un verre dans la salle de repos du personnel du bar. C’était très petit, mais on était mieux qu’à parler fort au milieu des autres voyageurs. Notre conversation a commencé à devenir plus intime.



J’ai pris congé gentiment de Pablo, la tête pleine de doutes. Quand même, c’est pas possible, elle n’aurait pas fait ça ? Quel numéro de cabine elle a, déjà ? En fait, je crois bien qu’elle ne me l’a pas dit. OK, j’essaie encore de l’appeler. En vain. Dans le doute, je décide de trouver la cabine 386.


Elle n’est pas bien loin, cette cabine, sur le pont numéro trois, au coin de deux coursives. Je n’ose pas frapper à la porte. J’ai vraiment l’air con. Qu’est-ce que je fais là ? Il est presque onze heures ; je devrais retourner à ma cabine et l’attendre tranquillement. Au moment où je tourne le dos, la porte s’entrouvre et un grand type brun sort de la cabine. Alors qu’il referme la porte, j’entends une voix souffler « Attends-moi. » Un deuxième homme repousse la porte et passe dans la coursive. C’est là que j’entends distinctement le premier demander au second :



Je suis les deux hommes à distance pour ne rien perdre de la conversation, mais avec mes deux mètres ou presque, je manque de discrétion. L’un des hommes me voit et ils se taisent en pressant le pas.


Voilà, je suis le mari du meilleur coup du paquebot. Tout le monde a sa chance, tout le monde profite. Si elle va à notre cabine dans quelques minutes, il vaudrait mieux que j’y sois. Ou plutôt non, je vais l’attendre devant « chez elle ». Ça simplifiera les explications.


En revenant devant sa cabine, je suis pris d’un vertige et je me laisse glisser le long de la paroi de la coursive jusqu’à me retrouver assis, face à sa porte. Je n’ai plus vraiment de doute, maintenant. Quelle galère ! La croisière de nos rêves, vraiment… Je ferme les yeux, et quelques minutes après j’entends la poignée de la porte tourner et celle-ci s’ouvrir. Je relève la tête.


Sophie ne m’a pas vu tout de suite, mais quand je me relève, elle pousse un cri. Je dois avoir l’air terrifiant. Ses yeux paniquent, elle tremble de haut en bas. Sans un mot, je la prends par la main et je l’emmène vers notre cabine. Elle se laisse entraîner sans rien dire et nous marchons dix bonnes minutes pour arriver chez nous. Chez nous ! Qu’est ce qu’il reste de nous ? Je la tire presque dans la cabine, la jette dans un des fauteuils et enfin je lui dis, plutôt doucement.



Je m’efforce de rester calme.



La confession de Sophie me poigne le cœur, et l’adrénaline qui m’a porté de sa cabine à la nôtre commence à disparaître. Je ressens de nouveau des vertiges et des sueurs froides. Je me demande combien de temps je vais tenir. Et puis brusquement, on frappe à la porte. On entend une voix d’homme qui parle assez fort.



C’est pas vrai : ils viennent la chercher jusque chez nous, dans notre cabine commune ! Mon sang ne fait qu’un tour, je me précipite à la porte. Sophie me crie :



Je m’arrête. C’est vrai que si c’est moi qui ouvre, ça pourrait mal se passer. Je la laisse passer et je me rassois dans le grand fauteuil. Elle ouvre la porte et s’adresse à voix basse à des personnes que je ne vois pas. Ça me fout en rogne ! Je veux tout savoir ; surtout pas de messe basse ! Au comble de la colère, je me relève brutalement et je perds connaissance.


* * *


Je me réveille dans mon lit. Sophie est étendue près de moi et semble dormir. C’est fou : la savoir là, avec moi, me soulage et me fait du bien. Je la regarde avec attention. Elle est magnifique, elle tient à moi, sinon elle aurait quitté la cabine avec ses amis après m’avoir mis au lit. Un fait me frappe comme une évidence : quoi qu’elle ait fait, je l’aime plus que tout.

Me voilà bien…


Elle ouvre les yeux. C’est fou comme des yeux bleus peuvent paraître innocents. Les siens sont d’un bleu transparent avec une sorte de cerclage plus sombre autour de l’iris. Je touche son visage.



Avec la tête plongée dans l’oreiller, je n’avais pas remarqué le pansement qui couvre mon arcade droite. Je le touche du bout des doigts ; c’est pas très douloureux. Je replonge dans son regard.



Elle s’esclaffe :



Mon cerveau part dans tous les sens. Je suis fou de jalousie pour ce capitaine, pour ses amis aussi qui l’ont si bien aimée. Les autres ne représentent rien, c’est vrai, mais ceux-là, comment vais-je pouvoir les affronter face à face ? Il n’y a qu’en essayant qu’on sait.



Je m’habille et on rejoint le pont supérieur, jusqu’à un restaurant de taille plutôt réduite pour ce navire. L’ambiance est moins bruyante qu’au snack ou j’avais petit déjeuné.



Effectivement, le repas a été très agréable. On a discuté de choses qu’on ne s’était pas dites depuis des années. Je retrouve la femme que j’aime, et ce repas me prouve qu’on va dépasser nos difficultés plus facilement que je ne le craignais. Après manger, nous avons flâné près des boutiques et nous sommes rentrés pour que Sophie se prépare pour son cours de karaté. Je la laisse y aller seule ; je m’inscrirai la semaine prochaine si elle me dit qu’il y a des participants assez pointus. J’ai énormément pratiqué le karaté lorsque j’étais très jeune, jusqu’à la compétition au niveau national. Quand j’ai rencontré Sophie, je lui ai passé le virus et elle a très vite progressé. Nous continuons ensemble en club au moins une fois par semaine. Elle va me dire s’il y a des gens performants dans le groupe.


Je ressors après avoir mis mon maillot pour aller à l’une des piscines. Je me mouille en faisant attention à mon pansement et je me vautre sur un transat.


Vers dix-sept heures, Sophie revient, toute fringante et ravie de son cours de karaté.



Nous nous sommes baladés sur le navire ; elle m’a montré les installations sportives, la salle de musculation, le sauna et le hammam. Je lui ai dit qu’elle pouvait retourner se faire masser : je savais qu’elle ne laisserait plus la situation déraper, maintenant. Elle a rougi et m’a regardé dans les yeux.



Un sourire resplendissant illumine le visage de Sophie.



Sophie me regarde, l’air un peu gêné.



Elle n’a pas vraiment eu le temps de finir ; je me suis jeté sur elle et ma bouche a écrasé la sienne ; j’avais tellement envie d’elle… On a fait l’amour comme des amants frustrés et pressés.


Le repas du soir a été un soulagement. Je n’ai pas fait de fixation sur le fait que les gens présents avaient presque tous couché avec mon épouse ; au contraire, j’ai essayé de les connaître, de discuter avec eux, de blaguer. J’ai fait du charme aux deux femmes – très jolies d’ailleurs – et j’ai trouvé plein de centres d’intérêt communs avec les hommes. On a rigolé comme des fous jusqu’à minuit passé. On a sérieusement picolé aussi. J’ai commencé à sentir la fatigue à ce moment-là ; j’ai décidé de renter me coucher. Les autres allaient à la discothèque. Ils ont proposé à Sophie de venir avec eux, en tout bien tout honneur, comme on dit. Elle hésitait.



Puis plus doucement, à l’oreille :



J’ai repris, plus fort, et m’adressant aux autres :



Ils ont bruyamment confirmé et je suis parti me coucher.


* * *


J’ai l’impression d’avoir eu à peine le temps de m’endormir que des appels dans la coursive et des coups violents contre ma porte retentissent. J’ouvre la porte comme je suis, nu comme un ver. C’est Lucia, l’une des filles du groupe ; elle est paniquée et tout échevelée.



J’enfile un polo et un froc et on court jusqu’à la discothèque. Quand j’entre, Sophie est seule au milieu de la piste, en position de défense et elle tourne lentement sur elle-même pour surveiller les gens qui l’entourent. Tout le monde crie et deux ou trois personnes sont allongées, sans que je ne puisse voir ce qu’ils ont. Je fonce vers Sophie en hurlant à tout le monde de se taire. On dirait un rugissement. Le silence se fait. Sophie se raidit en me voyant arriver, puis se jette dans mes bras. Je la serre contre moi et je la ramène vers notre cabine sans attendre. Sophie pleure et hoquette contre moi. Quand on arrive à la cabine, je la déshabille et la mets au lit. J’appelle la permanence médicale. Ils ne peuvent pas venir tout de suite ; ils m’informent qu’une bagarre a éclaté à la discothèque et qu’il pourrait y avoir plusieurs blessés. Dans le même temps, Sophie semble se calmer. Je pense que l’alcool va l’assommer, maintenant. Je leur dis que je vais me débrouiller et qu’il va être inutile qu’ils se déplacent.


Je m’assois près d’elle et lui prends la main. Elle se laisse enfin aller, et rapidement elle plonge dans le sommeil. Je reste une dizaine de minutes près d’elle ; je n’ai plus envie de dormir. Je vais aller voir si tout est réglé à la discothèque.


Trois minutes après, je suis sur place. La musique a repris et des gens dansent comme si de rien n’était. Je ne vois rien de spécial. Je repère Pablo au bar et je m’approche.



Je suis retourné à la cabine, Sophie dormait toujours. Dix minutes après on a frappé à la porte. Je suis allé ouvrir : c’était le capitaine.



Je l’ai invité à s’asseoir dans l’un des fauteuils du salon et j’ai pris l’autre. Il semblait avoir du mal à parler.



C’est un sacré bonhomme, celui-là ! Sophie a raison : il est classe. Je me sers un petit alcool, et dix minutes après je suis dans mon lit et je dors. Le lendemain, le débarquement est prévu à partir de huit heures.


* * *


Nous émergeons vers dix heures, et après douche et petit déjeuner nous nous rendons auprès du capitaine. La discussion ne dure pas très longtemps. Sophie se souvient que l’homme lui a proposé de coucher avec lui comme elle l’a fait avec les autres. Elle a essayé de lui expliquer qu’elle ne voulait plus, que c’était une folie qui était terminée. Il l’a pris pour lui personnellement ; il l’a insultée, l’a accusée de ne pas vouloir de lui mais de baiser avec tous les autres, lui a pris le bras pour l’entraîner de force hors du dancing. Elle l’a repoussé et lui a crié de lui foutre la paix, en ajoutant quelques noms d’oiseaux bien sentis. Il a essayé de la frapper et elle a dû se défendre. Ensuite, tout est un peu flou. Elle se rappelle avoir été isolée au milieu du cercle des amis du marin qui lui criaient dessus. Elle a dû écarter plusieurs d’entre eux qui essayaient de se saisir d’elle, et puis je suis arrivé. En entendant ma voix, toute la pression est retombée et elle s’est jetée dans mes bras. Le reste est trop vague ; elle sait qu’elle a trop bu tout au long de la soirée et elle en a honte.


Nous sortons quand même visiter Funchal. C’est aussi bien de ne pas être avec le groupe des autres visiteurs : on va où l’on veut, et à notre rythme. On se retrouve aussi. Je suis aux petits soins avec Sophie et je crois que j’arrive à lui faire oublier un peu les déconvenues de cette nuit.


De retour au navire, nous allons prendre des nouvelles de Sylvain. C’est lui, en fait, qui a écopé du coup de pied direct au ventre. Il nous le montre en rigolant : une grosse trace bleuâtre zèbre son estomac ! Il est obligé de garder un tee-shirt pour ne pas faire peur aux gens. Mais ça va, il sait bien que Sophie ne l’a pas reconnu dans sa panique et il ne lui en veut pas. Il nous confie qu’il a été assez content que Lucia passe la nuit dans son lit pour s’occuper de lui au cas où il aurait une blessure interne. Il semble dire qu’elle a fait des tas de tests sur son bas-ventre pour être sûre que tout allait bien…


Nous allons ensuite dîner avec tout le groupe. Je l’ai dit, Sylvain est venu seul. Lucia et son mari, Jean-Pierre, sont en couple, ainsi que Claire et Yann. Tous ont réservé ensemble, mais sont répartis dans trois cabines. Simplement les occupants des cabines changent assez souvent, c’est tout. C’est tout, comme dit Sophie. C’est spécial, quand même… Je me demande comment ils vivent dans leur vie de tous les jours.


Nous passons une très bonne soirée, et cette fois Sophie et moi rentrons ensemble nous coucher. Une petite douche, et j’offre le grand jeu à ma chérie en détaillant son corps de haut en bas, de bas en haut, sans oublier les coins cachés. Même les très bien cachés. Je suis en forme, on prend notre temps, Sophie est aux anges. Je ne sais pas combien de fois elle prend son pied ; moi, je jouis trois fois. En deux bonnes heures, c’est un bel hommage !


On s’endort collés nus l’un contre l’autre.