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Temps de lecture estimé : 19 mn
31/08/18
corrigé 06/06/21
Résumé:  Yvonne a été abandonnée à sa naissance. Une fois adulte, elle n'aura pas de repos tant qu'elle n'aura pas retrouvé sa génitrice.
Critères:  #vengeance #confession fh extracon pénétratio
Auteur : Tito40      Envoi mini-message
Vengeance funeste

Mademoiselle,


J’ai le regret de vous écrire que je ne souhaite pas vous connaître. Si je vous ai confiée à l’assistance publique à votre naissance, c’est qu’aucun autre choix n’était possible pour moi.


Seule, mal payée, je n’avais ni les moyens ni le cœur de m’occuper d’une enfant qui à coup sûr, m’aurait empêché d’exister.


Il faut me comprendre, Mademoiselle. À l’époque, être fille mère était un calvaire. Trouver un mari se serait révélé impossible si j’avais fait le choix de vous garder.


Je suis mariée et j’ai des enfants que j’aime. Je n’ai jamais cherché à savoir ce que vous étiez devenue et je ne souhaite pas en savoir davantage sur vous que ce que vous m’avez écrit. Je vous demanderai donc de ne plus prendre contact avec moi, à aucun moment et d’aucune façon. Occupez-vous d’avoir une belle vie, ce que j’ai moi-même réussi à faire malgré tout.


En vous souhaitant une longue vie,

Françoise.


Elle espérait quoi, Yvonne ?


Que cette femme qui l’avait mise au monde serait prise d’une envie subite de la voir ? Qu’elle aurait pu se blottir dans ses bras pendant qu’elle lui demanderait pardon ? Qu’elle ferait la connaissance de ses frères et sœurs ? Que sa mère regrettait son abandon ?


Elle n’espérait rien. Elle voulait savoir, quitte à se faire du mal. Le pire des maux, c’est l’absence de savoir, le doute.


Yvonne, l’année de ses vingt et un ans, a tout fait pour retrouver sa mère. C’est dans les dossiers de l’aide sociale à l’enfance qu’elle a su qui elle était. Fille d’Adèle, dix-huit ans à l’époque, ouvrière dans une armurerie, qui aussitôt sa petite mise au monde était partie sans laisser d’adresse. Dans le dossier, elle a trouvé une note manuscrite d’un officier de gendarmerie qui, à la demande du préfet, était allé rendre visite à sa mère et avait noté :


N’habite plus à l’adresse indiquée. La voisine indique que la dame F. serait entrée au service d’un Monsieur Formento dans le XIXe arrondissement de Paris.


Yvonne est allée fouiller aux archives de la ville de Paris pour y sonder les recensements de l’époque, et a fini par localiser l’employeur. Il y avait quatre personnes dans le logement. M. Formento Alfred, chef de famille. Formento Louise, femme du chef. Formento Noémie, leur fille. Françoise J., bonne.


Elle a mis des mois pour exploiter les minces indices qu’elle trouvait. Des Formento aux Griaud, puis des Griaud à une usine de chaussures vers Nancy. Enfin, elle a localisé sa mère qui était mariée et mère de deux enfants, dans une petite rue proche de la place Stanislas à Nancy. Elle avait visiblement épousé un contremaître de l’usine qui l‘employait.


Yvonne est passée dans leur rue de nombreuses fois, essayant de rester discrète, jusqu’à enfin apercevoir cette femme qui devait être sa mère. Elle poussait un landau à grandes roues, aidée d’une petite fille qui faisait mine de pousser, elle aussi, cette voiture qui devait contenir son petit frère.


Yvonne a été submergée par des sentiments contradictoires. Un bonheur immense, doublé d’une mélancolie encore plus grande. Cette femme semblait au moins aussi heureuse qu’elle-même était malheureuse. Elle respirait le bonheur, l’amour, la joie, alors qu’elle, petite et malingre, ne s’était jamais reposée dans les bras de quelqu’un qui l’aurait aimée.


Sa colère était grande, mais elle s’est éclipsée. Elle a préféré écrire, pour prendre le temps de raconter sa vie, et demander à celle qui l’avait mise au monde d’enfin lui expliquer pourquoi. Elle espérait que cette femme avait des regrets, et qu’après avoir ouvert sa lettre, elle s’empresserait de lui ouvrir ses bras, son foyer et son cœur.


Yvonne savait sans doute en ouvrant cette lettre qu’elle ne contenait pas ce qu’elle en attendait. Elle s’y était préparée, mais continuait d’espérer, un peu.


Elle s’est assise, froide, démolie, anéantie.


Yvonne ne voulait plus penser. Elle aurait voulu que son cerveau oublie tout, qu’il la laisse en paix. Mais l’image de Françoise et de ses enfants, dans la rue, revenait en boucle. Sans doute son mari ne savait-il pas qu’elle avait eu un enfant avant de le rencontrer. Peut-être lui avait-elle fait croire, même, qu’elle lui avait offert sa virginité. Peut-être. Elle essayait lamentablement de lui trouver des excuses pour apaiser sa colère, mais ça revenait encore plus fort. Avant de croiser Françoise, elle s’était mise à l’aimer sans la connaître. Elle l’aimait parce qu’une fille doit aimer sa mère. Mais comment accepter que cette même mère puisse ne ressentir à son égard aucun sentiment ? Pas même de la culpabilité ?


Françoise aurait pu lui demander pardon, lui expliquer qu’elle pensait toujours à elle, puis trouver une excuse pour éviter de la voir, comme lui faire l’aveu que son mari n’était pas au courant et qu’elle tenait à son ménage. Mais non. Elle ne lui a adressé que du dédain, sans un mot gentil, sans un regret.


Yvonne avait mis plus d’un an à retrouver la trace de sa mère, et le temps de lire ce courrier, elle a compris qu’elle venait de perdre une année, de perdre ses espoirs, et peut-être de perdre sa vie. Elle avait été malheureuse de ne pas savoir, puis exaltée par sa recherche de la vérité, excitée par la vision de sa mère et de ses demi-frère et demi-sœur, puis anéantie par la lecture de cette lettre assassine.


Elle en avait vécu des périodes difficiles, quand elle était ballottée de foyer en foyer puis d’employeur en employeur. Elle avait subi des indicibles humiliations quand « les autres », à l’école, apprenaient qu’elle n’avait pas de parents, ou que ses employeurs lui mettaient la main aux fesses, et même plus, en sachant qu’elle n’avait pas de parents à qui se plaindre. Mais jamais elle n’avait vécu un rejet aussi violent, aussi massif, aussi douloureux.


Yvonne a cherché un travail, tentant par-dessus tout à oublier, à passer à autre chose. Mais sans cesse elle devait lutter contre sa colère enfouie, contre sa frustration. Ses angoisses nocturnes la privaient de sommeil. Sa maigreur était devenue inquiétante, autant que son mal-être.


Un soir, elle s’est regardée, nue, dans le miroir embrumé de sa petite salle de bains. Elle faisait peur à voir avec ses cuisses toutes maigres, ses seins atrophiés, ses traits pointus, son teint pâle, ses cheveux secs. Il était peut-être temps de corriger une erreur de la nature et de disparaître, de devenir poussière, de quitter ce monde. Elle en pleurait du reste des larmes qui voulaient bien couler encore un peu. La mélancolie devenait insoutenable, comme était insoutenable cette colère sourde qui la maintenait en éveil. Elle a saisi une lame de rasoir, tremblante, et l’a approchée de son poignet. Elle voulait le faire, elle devait le faire. Et l’image de sa mère heureuse, de sa demi-sœur espiègle et gaie, du landau de son demi-frère, est venue brouiller ses sens. Elle a jeté la lame en hurlant de rage, puis elle a tout cassé dans la salle de bains en commençant par le miroir. Il fallait que sa colère sorte, qu’elle l’évacue, qu’elle la tue.


Quand elle s’est arrêtée, épuisée et couverte de sang, l’appartement n’était plus qu’un chaos. Le propriétaire venait de faire céder la porte d’entrée et l’avait saisie pour qu’elle se calme. Il l’a tenu contre lui jusqu’à ce qu’elle cesse de s’agiter, puis l’a couverte d’un drap.


Quand Yvonne a repris ses esprits, elle était encore dans les bras du propriétaire, un brave homme hors d’âge qui ne réclamait ni les loyers en retard, ni des largesses en échange de sa générosité. Il était sans enfant, avait perdu son épouse, et vivait chichement en aidant les autres. Ses bras étaient généreux, comme lui, et ses mots doux et rassurants. Elle lui a raconté sa vie, son abandon, ses épreuves chez ses employeurs alors qu’elle était encore mineure, ses recherches à Nancy, la découverte de la famille légitime de sa mère, ses espoirs, ses peurs, ses angoisses, ses nuits blanches, ses envies d’en finir, et il l’a écoutée, patiemment, plein de bienveillance.


Yvonne a dormi chez lui, mais n’a pas suivi ses conseils. Il lui avait recommandé de tout oublier, de se trouver un ami qui saurait l’aimer. Il lui a dit qu’elle était jolie, intelligente, et qu’il aurait aimé avoir une fille comme elle. Sa femme aussi, la pauvre. Il lui a offert son amitié, son aide, ses conseils de vie, mais elle n’a pas écouté. Elle aurait bien voulu, mais elle n’a pas pu.


Elle a quitté son emploi, son logeur et sa région pour s’installer près de Nancy. D’abord convaincue que sa mère aurait changé d’avis, elle a fini par se persuader du contraire. Si elle était malheureuse, elle qui n’avait rien demandé et en tout cas pas à vivre, il était anormal que cette femme qui lui avait imposé de vivre seule puisse jouir ainsi de tous les atours d’une femme comblée.


Yvonne aurait préféré que sa mère la haïsse. La haine est un sentiment moins négatif que le dédain. Au moins, quand on est haï de quelqu’un, c’est qu’on existe à ses yeux. Mais au lieu de ça, elle a préféré l’ignorer, faire passer sa « famille » avant elle. Alors elle s’est mise en tête de se faire haïr à défaut de se faire aimer.


Grâce aux lettres de recommandation qu’elle avait pu glaner, elle n’a eu aucun mal à trouver un emploi. Elle s’est remise à prendre soin de son apparence, à manger régulièrement, à domestiquer de longue chevelure brune, et à se vêtir de façon plus féminine. Ça a pris quelques mois avant qu’enfin elle ne ressemble à quelque chose de joli. Elle se souriait chaque soir devant son miroir en se voyant devenir belle, et en pensant à ce qu’elle avait imaginé.


Françoise,


Vous voyez, je n’ai pas suivi vos conseils. Je reprends contact avec vous, qui m’ignorez, quand bon me semble. Et il me semble qu’il est bon que je le fasse maintenant.


J’ai observé avec attention votre petite famille à laquelle vous tenez tant. Vos enfants vous admirent, semble-t-il, pour ce qu’ils croient que vous êtes. Votre vie est basée comme la mienne sur le mensonge, et vous vous en fichez. Paraître est plus important que tout, à vos yeux.


Je vous ai aimée sans vous connaître, juste parce que vous m’avez donné la vie. Comment ? Je l’ignore et je n’en ai cure. Les erreurs de jeunesse, tout le monde en fait. Mais à quarante-deux ans, puisque c’est semble-t-il votre âge, on sait ce qu’on fait.


Dix-huit ans nous séparent, Madame, et seulement quelques dizaines de mètres.


Jamais je ne pourrai être heureuse, alors vous ne le serez plus vous non plus, jamais. J’en fais le serment, à moins que la fibre maternelle vous revienne, que vous fassiez des aveux honnêtes à votre mari, et que vous me présentiez des excuses sincères pour m’avoir mise au monde et rejetée.


Je sais déjà que ce soir vous ne dormirez pas, que vous penserez à moi, que vous me haïrez, et déjà, j’en ressens un bonheur immense.


Yvonne


Elle Jubilait Yvonne en écrivant ces mots. C’était la première fois de sa vie qu’elle allait faire du mal volontairement à quelqu’un. Elle avait presque honte que ça lui plaise tant, et redoutait d’être au final une mauvaise fille.


Edmond était pêcheur. Edmond, c’était le mari de Françoise. Yvonne l’avait suivi, chaque fois qu’elle le pouvait, pour décortiquer ses habitudes. Du signe de la main qu’il faisait en quittant son domicile, au sourire enjoué qu’il adressait à la boulangère quand il prenait son pain le samedi matin, elle savait tout de ses allées et venues. Le dimanche, il partait tôt pêcher. Chaque dimanche. Il chargeait son matériel à l’arrière de sa voiture et quittait la ville pour aller taquiner la truite à une dizaine de kilomètres. La veille, il était allé au petit magasin du bout de la rue où il achetait des vers, des hameçons, du fil et autres matériels.


Yvonne s’est décidée, enfin, à prendre contact avec lui.


Elle est allée faire un footing matinal le long de la rivière, et s’est tordu la cheville à quelques pas du pêcheur.


Edmond, prévenant, s’est porté à son secours. Les femmes savent ce qu’il faut faire pour émoustiller un homme. Il pensait lever de la truite, mais c’est lui qui a mordu le premier.


Il était encore tout étonné et glorifié qu’une jeune femme aussi jolie ait pu, ainsi, le trouver séduisant, intéressant, beau, et qu’elle le lui ait dit aussi vite. Il aurait pu se méfier, mais son ego avait pris un tel coup de polish qu’il s’est senti pousser des ailes.


La semaine suivante, il a mis le matériel de pêche dans le coffre et a quitté son domicile comme à l’accoutumée. Mais sa voiture s’est vite retrouvée dans un garage du centre-ville, et lui dans le petit appartement d’Yvonne.



Yvonne n’avait plus mal à la cheville, et il s’en est félicité en entrant chez elle. Il venait boire un café, c’est tout. Elle avait acheté des croissants, mis le couvert, pressé des oranges, et s’était faite belle pour lui. Elle a fait mine d’être en retard pour expliquer pourquoi elle ne portait qu’un peignoir en satin à même la peau.


Edmond avait évidemment caché à sa femme qu’il irait faire une escale avant de rejoindre la rivière. Sans être un parangon de beauté, il n’était toutefois pas si mal pour son âge. À quarante-six ans, il avait de beaux restes. À l’usine, il cherchait souvent le regard des femmes de son entourage. C’était une façon pour lui de se sentir vivant. Mais il n’avait jamais trompé sa femme.


Il ne s’expliquait pas pourquoi cette jeune fille lui manifestait de l’intérêt, et moins encore pourquoi elle l’avait invité à venir boire un café chez elle de bon matin. Il en ressentait une espèce de fierté, qu’il ne pourrait partager avec personne, et aussi une forme de gêne.


En entrant dans le petit appartement, il se savait sur la corde raide. Il avait, la veille, honoré sa femme dans la pénombre. Elle avait accueilli passivement ses assauts en écartant largement les cuisses, puis s’était tournée pour dormir une fois son homme satisfait. Françoise n’était pas très expressive au lit, mais il n’avait connu qu’elle. Ces filles dévergondées qu’il avait pu admirer dans quelques films érotiques lui faisaient bien sûr envie, mais il n’avait pour elle que du mépris, le mépris qu’on réserve aux filles de mauvaise vie.


En regardant cette petite jeune femme toute menue et souriante, il n’avait pourtant pas cette distance. Elle lui semblait si proche, si fraîche, si naturelle, que ses défenses allaient mourir avec sa vertu.


Son peignoir ne cachait pas grand-chose de son intimité. Certes, elle semblait un peu maigrichonne, mais ses petits seins semblaient fermes, comme ses fesses. De profil, elle ressemblait même un peu à Françoise plus jeune, avant qu’elle ne s’encombre de quelques kilos. Yvonne était belle, et semblait tellement disponible.


Edmond tournait la cuiller dans sa tasse en essayant de ne penser à rien. Elle le regardait, assise face à lui, sa tasse entre les mains, les coudes posés sur la table, les jambes croisées, avec un sourire espiègle. Il faisait tout petit, tout timide, dans sa tenue bariolée de pêcheur à la truite.


Nulle conversation, nul échange de mots. Ils semblaient tous deux prêts à se regarder pendant des heures.


Son café terminé, elle s’est levée pour aller poser sa tasse vide dans l’évier. Nonchalamment, elle est revenue vers lui, s’est penchée vers son visage alors qu’il ne savait plus quoi faire, et a posé un baiser sur ses lèvres. Un baiser chaste, rapide, et un petit mot, simple, « merci ».


Puis elle s’est rassise, rouge comme une pivoine, pendant qu’Edmond regardait le fond de sa tasse.


Elle aurait pu attendre des heures, il n’aurait rien fait. Alors elle a pris l’initiative. Elle a ôté la ceinture de son peignoir, s’est levée, s’est approchée de lui en ouvrant les pans, puis s’est assise à califourchon devant lui, sur ses cuisses. Elle a passé ses bras autour du cou d’Edmond, et lui a offert sa bouche. Maladroit, il osait à peine entrouvrir ses lèvres, honteux de ce qu’il était en train de faire. Sentant sa résistance, elle a saisi une de ses mains pour la poser sur ses seins, et enfin il s’est activé. Le contact de ce jeune corps offert, doux et chaud, lui a fait perdre sa retenue.


Quelques minutes plus tard, ils étaient nus, à même le sol. Yvonne à genoux, et lui derrière, ne faisaient plus qu’un. Edmond regardait sa queue pénétrer cette jolie petite chatte serrée, et lui revenaient les souvenirs de ses premières fois avec sa femme. Visuellement, c’était assez semblable, mais l’intensité n’était pas comparable. Yvonne était chaude, active, vorace. Elle réclamait qu’il la prenne plus fort, qu’il la fouille profondément, qu’il la bouscule. « Baise-moi », il avait crû jusque-là ne jamais entendre ça, et elle le lui répétait à l’envi.


Elle était en sueur, ardente, exaltée.


Plusieurs fois ils se sont arrêtés pour laisser à Edmond le temps de reprendre ses esprits. Elle voulait qu’il la baise longtemps, qu’il la fasse jouir, qu’il la possède vraiment.


Puis elle s’est retournée, sur le dos, comme une femme honnête, et elle lui a demandé de ne plus s’arrêter, de profiter d’elle, de prendre son plaisir. Encore une fois, il a ressenti des émotions enfouies. C’était presque le corps de sa femme qu’il étreignait avec douceur. Elle était si belle, si tendre, si amoureuse, si accueillante.



Comme s’ils se connaissaient depuis toujours, il a compris la demande d’Yvonne et s’est laissé aller, répandant sa semence dans ses entrailles offertes. Elle l’a retenu en elle longtemps, alors qu’ils étaient allongés à même le sol. Puis à regret elle l’a laissé se retirer et a senti son sperme couler entre ses fesses.


Il était bon amant, Edmond, elle en fut presque émue. Mais c’était un salaud ordinaire, un homme qui ne savait pas résister à l’appel d’une femelle en chaleur. Elle éprouvait pour lui un mépris sourd, le mépris qu’on peut avoir pour un perdant qui ne s’est pas battu.


Un temps, elle s’est limitée aux dimanches matin. Il venait, ils faisaient l’amour, puis il partait attraper quelques poissons. Il rentrait chez lui, retrouver sa famille, et devait se sentir de plus en plus à l’aise avec cette vie. Une femme au foyer, légitime, qui s’occupe des enfants, et une maîtresse, pas chiante, qui lui suce la queue, lui offre son cul, le laisse cracher sa gourme tant qu’il veut, et ne lui pose aucune question. C’était presque trop beau.


Un matin de mai, un dimanche comme un autre, il a senti en entrant chez elle que quelque chose n’allait pas. Elle venait de pleurer. Elle était bonne comédienne, Yvonne. Avant qu’il n’arrive, elle avait puisé dans ses souvenirs douloureux de quoi alimenter ses larmes. Il a eu peur qu’elle ne soit malade, ou qu’elle ait décidé de le quitter. Mais non, elle avait juste une « mauvaise nouvelle » à lui annoncer, une mauvaise pour lui en tout cas. Elle était enceinte, de lui.


Edmond est entré dans une colère noire, se sentant piégé. Elle lui avait affirmé qu’elle prenait la pilule, et il l’avait crue.


Il lui a intimé l’ordre de se faire avorter, et elle en a profité pour lui faire une scène, lui reprocher d’avoir profité de sa candeur et de son cul, de mentir à sa famille, de ne pas avoir de couilles. Elle l’a frappé au torse de ses petits poings, en lui disant qu’elle l’aimait à la folie, qu’elle voulait garder son enfant, qu’il pouvait partir et qu’elle ne demanderait rien, qu’elle continuerait de l’aimer quoi qu’il arrive. Puis elle l’a embrassé, a glissé une main dans son pantalon, et il n’a pas résisté. Comment résister à cette fille, pugnace et entreprenante ? À nouveau ils ont fait l’amour comme des bêtes d’abord, amoureusement ensuite. Il savait qu’elle était enceinte de lui quand il a joui en elle, et d’une certaine façon, il en a éprouvé une forme de fierté. Une fierté qu’il devrait garder pour lui, mais qui lui avait fait du bien.


Les mois ont passé. À mesure que son ventre s’arrondissait, Yvonne devenait plus exigeante. Elle le voulait plus souvent, et il ne pouvait pas refuser. Il venait désormais la voir plusieurs fois par semaine, en douce. Elle réclamait de plus en plus de tendresse, de caresses, de claques sur les fesses. Quand il arrivait, elle se jetait sur lui comme une morte de faim, lui empoignait la queue et ne la lâchait plus.


Yvonne luttait chaque jour contre l’envie qu’elle avait d’abandonner son projet de vengeance. Le mépris qu’elle éprouvait pour Edmond s’était petit à petit teinté de tendresse, et peut-être d’amour. Elle avait fini par se demander si elle n’était pas même un peu amoureuse de lui. Elle ne simulait pas son plaisir. Elle jouissait vraiment avec lui. Elle aimait vraiment qu’il la prenne, qu’il la baise, qu’il l’encule. Ses orgasmes étaient réels, forts, intenses. Et quand elle jouissait, elle ne pensait à rien d’autre qu’au plaisir charnel qu’il lui offrait. Une fois retombée de son nuage, elle sentait sa colère revenir, et ses funestes projets refaire surface. Yvonne était perdue. Perdue, enceinte, malheureuse, et peut-être amoureuse.


Elle a failli changer ses plans, exiger d’Edmond qu’il quitte sa femme, et s’installer avec lui. Ça aurait fait du mal à sa mère, et après tout, elle avait fait tout cela dans ce seul but. Mais ce n’était pas le plan, et Edmond, sans le savoir, lui a fait reprendre le fil de ses idées.


Un mardi soir, alors qu’ils étaient accouplés, c’est lui qui a suggéré qu’il pourrait quitter sa femme pour elle.



Yvonne a ressenti un électrochoc. Il était hors de question que quelqu’un décide encore pour elle de ce que serait sa vie. Elle voulait contrôler, tout contrôler, décider, choisir, pas subir.


Elle a chassé Edmond de chez elle en lui interdisant de revenir.


Françoise,


Vous avez dû en baver depuis ma dernière lettre, à vous demander comment j’allais vous pourrir la vie, n’est-ce pas ? Peut-être avez-vous imaginé que finalement, j’allais vous laisser vivre vote vie.


Ma très chère maman, j’ai le bonheur de vous annoncer que vous allez être grand-mère. Vous vous trouvez sans doute un peu jeune pour ça, et j’en suis fort aise.


Sachez que tout cela ne serait pas arrivé si vous aviez fait preuve d’un peu d’humanité à mon égard. Il vous aurait suffi de me reconnaître, enfin, et d’avouer à votre cher mari et père de vos enfants légitimes que vous aviez eu une autre vie, et une fille, moi. Mais vous avez préféré votre confort factice à la justice, alors vous ne vous plaindrez pas de ce qui vous arrive.


Vous suez en me lisant n’est-ce pas ? Vous avez peur. Vous me haïssez. Vous voulez vous réveiller d’un cauchemar étouffant.


Je devrais accoucher la semaine prochaine, probablement mardi, à l’hôpital central.


Vous n’avez pas mis au monde une mauvaise fille. C’est votre dédain qui m’a rendue mauvaise. Mais je vous laisse encore une chance, une dernière, de ne pas briser vote vie. Venez me voir à l’hôpital, venez me dire que vous avez quelques sentiments pour moi, et je disparaîtrai à jamais de votre vie. Ou ne venez pas, et la foudre sera terrible.


Yvonne, votre fille.


Edmond était perdu. Il se sentait réellement amoureux et quand il avait proposé à Yvonne de vivre avec elle, il était sincère. Aussi, plutôt que de rester éloigné comme elle le lui avait demandé, il s’est montré assidu. Il est revenu, souvent, chaque jour, parfois plusieurs fois le même jour, pour lui parler. Mais elle l’éconduisait, fermement, et il rentrait chez lui. Plusieurs fois, elle l’a quand même laissé caresser son ventre rond, sentir les ruades de sa progéniture, puis caresser tout son jeune corps, ses seins lourds, ses fesses.


Il était devant la porte quand elle a ressenti les premières contractions. Il savait quoi faire, il avait déjà vécu ça avec Françoise, deux fois. Il n’a plus pensé à rien d’autre qu’au confort de sa maîtresse qu’il a transporté lui-même à l’hôpital. Il était temps.


Quand on a posé sur son ventre ce petit corps hurlant et chaud, Yvonne savait qu’elle vouerait à et enfant un amour indéfectible. Le sourire gracieux et amoureux d’Edmond, penché sur elle pour lui déposer un baiser sur le front lui a donné un instant l’illusion d’une vie normale. Puis il a pris son fils dans ses bras, lui a caressé les joues. Son regard alternait entre Yvonne, cette jeune fille qui venait de lui donner un fils illégitime, et ce fils qu’il aimait déjà.


Françoise est restée longtemps assise à la table de sa cuisine, lisant et relisant la missive de sa fille reniée. Que voulait-elle vraiment ? Elle qui avait tout fait pour oublier son erreur de jeunesse croyait jusqu’alors avoir payé le prix de sa lâcheté. Elle avait pensé à Yvonne chaque jour, et les remords lui pourrissaient la vie. Mais renoncer à sa petite vie bourgeoise n’était pas possible. Edmond ne savait pas. Ses enfants ne savaient pas. Elle trimbalait seule ce lourd secret qu’elle pensait amener avec elle dans sa tombe, plus tard, et en répondre devant l’Éternel. Mais Yvonne s’était montrée opiniâtre, acharnée, et l’avait retrouvée. Elle ne la lâcherait plus et détruirait sa vie. Sa décision était prise, elle irait lui parler, lui présenterait des excuses, lui dirait qu’elle a des sentiments pour elle, et tenterait de la faire disparaître en lui offrant de l’argent.


Il était 13 heures quand Françoise est entrée dans la chambre d’hôpital.




******************




C’était il y a vingt ans. Franck, le fils d’Yvonne et d’Edmond, a deux sœurs et un frère. Ils s’adorent. Edmond a pardonné, presque immédiatement à Yvonne dont il était fou amoureux. Françoise a traversé une période noire. Elle a perdu son mari, parti avec sa fille cachée. Puis elle a vu s’éloigner ses enfants, petit à petit, attirés par la proximité qu’Yvonne avait su créer avec eux et avec ses propres enfants.


Edmond se sentirait presque heureux. Il a connu Françoise encore jeune et fougueuse, bien qu’un peu coincée. Puis il est tombé amoureux de sa fille, dont il ignorait l’existence. Yvonne est une amante totale, une furie décomplexée. Même après ses quatre grossesses, elle reste sensible à ses avances. Elle ne se refuse jamais et crie toujours autant quand elle jouit. Et pourtant, quand il est entre ses cuisses, c’est Françoise qu’il voit, Françoise à son âge, qui aurait abandonné ses tabous.


Yvonne devrait être heureuse. Mère de famille comblée, choyée par son mari, adorée de ses enfants, en bonne santé, encore belle, mais elle n’avait d’autre dessein que sa vengeance, qu’elle aurait cru jouissive et durable. Voir sa mère malheureuse lui fut un temps agréable, puis le temps passant, elle a fini par se sentir coupable. L’âme humaine est versatile. Son entente avec Edmond est presque parfaite. Il la bichonne, la valorise, l’aide, l’aime. Il ignore ou fait mine d’ignorer qu’elle aime plaire et séduire, se sentir désirée. Régulièrement, elle s’accorde des après-midis avec des amants de passage, juste histoire de se rassurer. Elle devrait être heureuse, Yvonne, mais elle n’a jamais fait le deuil de l’amour de sa mère. L’âme humaine est versatile, mais les blessures originelles ne se referment jamais.