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n° 18540Fiche technique7015 caractères7015
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Temps de lecture estimé : 6 mn
04/09/18
Résumé:  Va-t-elle le convaincre d'adopter le polyamour ?
Critères:  fh grp -théâtre humour -fétiche
Auteur : Samuel            Envoi mini-message
Polyamour

Autour d’une table de café.


LUI – Ah, quelle nuit magnifique ! C’était torride…

ELLE – Ouais, torride, on peut dire…

LUI – C’était même fusionnel, non ?

ELLE – Ah oui, on peut dire.

LUI – C’était la première fois qu’on se… Et c’était comme si on l’avait déjà fait…

ELLE – Une impression de déjà vu ?

LUI – Ah non, pas du tout ! Je faisais référence à notre connivence sexuelle immédiate.

ELLE – Oui, ça n’a pas traîné. À peine je fermais ma porte que tu étais déjà à poil, le sexe au garde-à-vous.

LUI – C’était juste pour te montrer…

ELLE – Et puis, tu as enchaîné les positions avec une virtuosité et une souplesse d’artiste circassien.

LUI – C’est vrai qu’on n’a pas trop abusé des préliminaires…

ELLE – Ce n’est pas grave. Pour moi, les préliminaires ne sont pas éliminatoires. Franchement, c’était trop bon. Tu m’as donné un plaisir intense, sans retenue, sans limites…

LUI – Surtout le moment où…

ELLE – Je n’ai jamais compris pourquoi on dit « le moment où ». On devrait plutôt dire « le moment quand ». Tu ne penses pas ?

LUI – Oui, mais je voulais dire : le moment que…

ELLE – Mais c’est toute la nuit le moment-queue avec toi !

LUI – Ah ben, c’est gentil… Mais moi, j’ai surtout aimé quand tu m’as sus…

ELLE – J’en étais sûre. Vous, les mecs, c’est vraiment la fellation qui vous rend dingue.

LUI – Non, je disais : j’ai surtout aimé quand tu m’as susurré « je t’aime ».

ELLE – Je susurre, moi ?

LUI – Quand c’est dans le creux de l’oreille, on ne dit pas « susurrer » ?

ELLE – Vu les positions que nous avions adoptées, c’était soit le creux de l’oreille, soit le creux de l’oreiller.

LUI – Tout ça pour te dire combien j’ai apprécié.

ELLE – Bon, parlons clair. Sais-tu ce qu’est le polyamour ?

LUI – Euh, c’est du fromage ?

ELLE – Non, c’est un concept qui induit l’idée d’amours multiples.

LUI – Ah oui, je comprends. Tu m’aimes, mais tu aimes aussi ton père, ta mère, tes cousins, voire ton chien.

ELLE – Non, tu ne comprends pas. Je t’aime, mais j’ai aussi d’autres amours…

LUI – Oui, c’est ce que je dis.

ELLE – D’autres amants si tu préfères.

LUI – Franchement je ne préfère pas. Moi aussi, j’ai connu d’autres filles, mais maintenant c’est toi et seulement toi.

ELLE – Eh bien, moi, c’est toi et pas seulement toi.

LUI – C’est de l’échangisme, quoi. J’ai lu un article là-dessus. On baise avec n’importe qui dans une ambiance morbide, avec le risque de maladies multiplié par le nombre de participants. On ne sait même plus qui est qui, et ça me déçoit beaucoup que…

ELLE – Cela n’a rien à voir. À l’inverse de l’échangisme, les relations polyamoureuses supposent des attachements sentimentaux.

LUI – Franchement, Line, venons-nous de passer une nuit merveilleuse ?

ELLE – Nous venons de passer une nuit merveilleuse.

LUI – Tu crois que c’est le moment de tout gâcher ?

ELLE – Mais je ne vois pas ce qui serait gâché. La nuit reste merveilleuse. Et je te confirme que j’ai pris un plaisir à faire fondre les neiges du Kilimandjaro.


(Elle chante.)


Il n’ira pas beaucoup plus loin.

La nuit viendra bientôt.

Il voit là-bas dans le lointain

Les neiges du Kilimandjaro.


Elles te feront un blanc manteau,

Où tu pourras dormir.

Elles te feront un blanc manteau,

Où tu pourras dormir, dormir, dormir.


LUI – On était bien ensemble, si bien, si ensemble.

ELLE – C’est ce que je dis : on est si bien ensemble, tous ensemble…

LUI – Et puis, tu m’annonces cela, comme si tu me disais que tu étais végétarienne ou diabétique.

ELLE – Tu préférerais ?

LUI – Poly…

ELLE – …amour.

LUI – Polyamour ?! Jamais entendu ce mot-là…

ELLE – Manque de culture ou de curiosité.

LUI – C’est une secte ?

ELLE – Pas du tout. Et pour te rassurer, nous parlons également de polyfidélité.

LUI – Et comment c’est possible, ça ? Comment être fidèle à plusieurs personnes ?

ELLE – Je suis fidèle à mes partenaires, mais c’est un groupe restreint, et ouvert seulement aux personnes que j’aime.

LUI – Un groupe restreint…

ELLE – La relation monogame, avec ce qu’elle sous-entend de possessivité, ne me convient pas.

LUI – Mais moi, justement, je ne suis pas possessif ! Par exemple, j’avais une collection de timbres, eh bien, je l’ai donnée à mon petit frère. Tu vois, pas possessif du tout.

ELLE – Alors où est le problème ?

LUI – Oui, je ne suis pas possessif, mais de là à t’imaginer avec un autre qui te… Ah, non, ça fait trop mal !

ELLE – Qu’est-ce que ça t’enlève à toi, que je fasse l’amour avec un autre, ou une autre d’ailleurs.

LUI – Mais moi, après la nuit qu’on vient de passer, je n’imagine pas aller voir une autre fille. C’est impensable pour moi.

ELLE – Non, rassure-toi, tout est pensable.

LUI – Alors, concrètement, moi, c’est quel jour ? Le lundi ? Je dis cela parce qu’on est lundi.

ELLE – Ne prends pas les choses ainsi. Les relations polyamoureuses supposent autant d’implication de soi, sinon plus que dans n’importe quelle relation traditionnelle.

LUI – Oui, mais concrètement. Comment ça se passe ? Là, par exemple, qu’est-ce que je dois faire ? Je rentre dans ton groupe restreint, si je comprends bien. Restreint, d’ailleurs, à combien de personnes ? Il faut que je signe un papier, que je prenne une carte de membre, que je passe un examen, ou peut-être l’ai-je passé cette nuit ? Et après, on fera des parties de monopolyamour ?

ELLE – Ne sois pas aigri comme cela. Nous commençons par un grand respect pour tous les partenaires. Je n’aime pas quand tu es sarcastique comme un amant éconduit.

LUI – Tu te compliques la vie avec ce polyamour. On serait tous les deux, tranquilles chez nous. On ferait ce qu’on a envie de faire. Moi, je vais voir un film. Toi, tu préfères rester et regarder la télévision. Pas de problème. Tandis que là, il faut carrément un agenda spécial pour s’y retrouver.

ELLE – D’abord, il est hors de question que je m’installe chez toi ou que tu t’installes chez moi. On a chacun notre repaire. J’aime ce mot : repaire.

LUI – Ah oui, c’est ça. On couche tous ensemble, mais en fait le reste du temps on est tout seul, si je comprends bien. Ce n’est pas drôle. On se voit pour baiser, mais si j’ai envie de jouer aux cartes, hein, comment on fait, si j’ai envie de jouer aux cartes ? Ça peut arriver que j’aie envie de jouer aux cartes, non ?

ELLE – J’ai voulu te parler dès ce matin de ma conception de la vie amoureuse. Maintenant, c’est à toi de réfléchir et de me dire d’ici quelques jours si tu es d’accord.

LUI – Et si je ne suis pas d’accord justement ?

ELLE – On se quittera bons amants.

LUI – Et si un jour, tu veux un enfant. Comment tu vas faire ?

ELLE – Je n’aurai que l’embarras du choix.

LUI – Et si…

ELLE – Écoute, on ne va pas épiloguer jusqu’à la fin du monde. Je comprends très bien tes réticences. Moi, j’ai beaucoup réfléchi et c’est vraiment le style de vie qui me convient. Il y a trois ans, je suis sortie d’une liaison amoureuse qui m’a laissée si malheureuse, si désemparée que je n’ai plus eu envie de revivre cela. J’ai rencontré une fille sympa qui était polyamoureuse et qui vivait ça bien. Progressivement, j’y suis venue.

LUI – Le polyamour…

ELLE – Oui, le polyamour.

LUI – Tu vois, franchement, j’aurais préféré que ce soit un fromage.