n° 18558 | Fiche technique | 86118 caractères | 86118 14771 Temps de lecture estimé : 60 mn |
18/09/18 corrigé 06/06/21 |
Résumé: Pour lutter contre un démon, faites appel à un dieu. | ||||
Critères: #humour #aventure #policier fh préservati pénétratio hfisté attache | ||||
Auteur : Radagast Envoi mini-message |
En souriant, Lars Enènupi s’installa dans l’Airbus A320 du vol AF 437 qui devait faire escale à Harare. Ce paisible représentant en articles de pêche sportive songeait à son rêve qui prenait corps, qui serait bientôt en passe de se réaliser. Encore quelques contrats comme celui qu’il venait de conclure, et il deviendrait l’heureux propriétaire d’un coin de paradis.
Celui qui avait inventé le Bitcoin mériterait de voir sa statue érigée devant Wall Street, la City et la Banque de France. On fait payer ses articles de pêche en diamants, que l’on convertit en Bitcoins juste le temps d’opérer un transfert dans des banques peu regardantes sur les origines des fonds, on retransforme le tout en or sonnant et trébuchant et les traces s’effacent, se dispersent, se dissolvent dans la foule d’autres transactions. Le Bitcoin, monnaie intéressante, mais virtuelle ; mais Lars n’aimait pas le virtuel, qui pouvait s’effacer en un clic de souris.
Il préférait l’or intemporel pour, par exemple, donner un acompte sur un coin de paradis.
~oOo~
La commissaire Marika Serval se tenait dans le « sous-marin » – camionnette de surveillance discrète, à l’équipement dernier cri – devant l’écran de contrôle qu’elle scrutait avec intensité. Des jours et des nuits de planque, de vérifications et recoupements, d’écoutes téléphoniques et d’enquêtes rébarbatives se voyaient récompensés. Ils espionnaient un ensemble de bureaux abandonnés et de hangars dans une zone industrielle en déshérence.
Ses coéquipiers et elle-même se préparaient à serrer un réseau de trafiquants de drogues et d’animaux, surtout des animaux protégés et en voie d’extinction. Si les dieux tutélaires des flics se montraient généreux, le coup de filet allait faire les gros titres des journaux. Ces tristes individus faisaient aussi dans le trafic d’œuvres d’art ; ils ne sévissaient pas dans la mono-délinquance, mais faisaient plutôt penser à l’agriculture extensive : si une ressource venait à se raréfier, ils se reportaient sur une autre branche.
Policière et mère célibataire, Marika menait de front ces deux activités avec brio. Diriger un service composé de mâles gorgés de testostérone n’était pas de tout repos pour cette petite femme brune de trente-cinq ans. Heureusement, son petit ange de onze ans, copie conforme de sa mère, ne lui apportait que du bonheur.
Elle arrivait à séparer les deux emplois par une muraille infranchissable, ne parlant jamais famille au boulot, ni boulot chez elle avec Yona, petite brune pétillante résultant d’une liaison qu’elle avait entretenue durant quelques mois avec un beau flic du FBI venu en stage à Paris et qui était reparti aux États-Unis rejoindre son boulot et sa famille.
« La vie ne fait pas de cadeaux. » a dit le poète ; pourtant Yona en était un.
Marika ne regrettait rien.
~oOo~
Les services de la Police de l’Air et des Frontières – la PAF, pour les intimes – organisent des opérations spéciales sur certains vols en provenance de pays exotiques ou non ; cela consiste en un épluchage complet des bagages et des papiers d’identité de tous les passagers. Un physionomiste et un expert en langage corporel participent à la fiesta. À l’époque des portiques de sécurité, des caméras de surveillance et des mesures biométriques, la bonne vieille méthode de la fouille des valises, du reniflage par des clébards spécialisés et de l’étude des passeports fait encore ses preuves.
Cette fois, la cible était le vol AF 437 en provenance de Hararé, Zimbabwe. Selon un informateur anonyme, un personnage insaisissable et redoutable devrait s’y trouver. Cet homme, recherché par toutes les polices, plus connu sous le surnom de « Hadès », exerçait le noble métier de tueur professionnel. Le contact poussa même la gentillesse jusqu’à envoyer une photo récente de l’individu. Photo floue, certes, mais qui pourrait s’avérer utile.
Les voyageurs râlaient tout leur saoul en ouvrant leurs valises et leurs sacs. Un homme tenta d’échapper à la fouille ; dans la doublure de ses bagages, on trouva des lézards protégés par la convention de Washington. Le comportementaliste signala à ses collègues un voyageur, trop calme selon lui : alors que toute la file ronchonnait, lui se contentait de lever les yeux au ciel de temps à autre, sans plus. Aucun signe d’énervement ni de contrariété.
Chaque personne se voyait photographiée, son visage passé au détroncheur ; un ordinateur analysait chaque image et la comparait à la base de données de différentes polices de la planète selon des points de concordance : écartement des yeux, taille du nez ou de la bouche, et surtout avec la fameuse photographie de l’informateur.
L’appareil émit un bip joyeux.
On fouilla, éplucha, fit même un prélèvement sanguin, car dans une très ancienne affaire des collègues avaient recueilli des traces d’ADN que l’on comparerait avec entrain. Le brave homme fit preuve de coopération, argua de sa bonne foi, en vain. Pris séparément, les flics ou les douaniers sont déjà suspicieux ; alors, réunis, ils deviennent le mètre-étalon de la méfiance !
De gros doutes pesaient sur ce voyageur.
On plaça le représentant en articles de pêche dans un fourgon bien pourvu en gardiens de la paix musclés et armés ; on avait peut-être affaire à l’un des hommes les plus dangereux de la planète : on lui prêtait plus de cent meurtres et assassinats. Mais comme chacun sait, on ne prête qu’aux riches.
~~oOo~~
L’opération se déroula comme sur des roulettes, même si quelques sbires réussirent à s’enfuir. Quelques coups de feu furent tirés, sans gros dommages : un ou deux blessés parmi les trafiquants. Cette multinationale du crime dirigée par un Mexicain, Jorge Martinez y Calzon, possédait des ramifications en Europe, en particulier en France, dont il semblait vouloir faire sa plaque tournante.
Marika et son équipe venaient de se rendre compte que l’une des personnes arrêtées se trouvait être le fils du patron, Federico Martinez ; le big boss avait dépêché sur place son fils pour organiser un réseau avec la pègre locale, et aussi s’ouvrir des portes grâce à quelques politiciens véreux. Le secrétaire particulier d’un sénateur faisait partie de la prise ; ledit sénateur s’était déjà fendu d’un communiqué certifiant haut et fort qu’il désavouait son collaborateur et n’avait rien à voir avec ses amitiés délétères.
La commissaire allait mener son interrogatoire sur le dénommé Federico quand des collègues tout énervés firent irruption dans son bureau.
Elle se rendit dans la salle d’interrogatoire où l’attendait le fils du truand mexicain. Le gars ne dépassait pas les vingt-cinq ans. Brun, râblé, l’air suffisant, à la limite provocateur.
Le mafieux la toisa d’un air narquois.
Rompue à toutes les provocations, Marika ne répondit pas.
Son téléphone vibra. Son téléphone personnel, celui qui n’était utilisé que par quelques amis et sa fille. Elle vit que l’appel émanait de Yona, qui connaissait la consigne : ne pas déranger maman au boulot. Si elle y dérogeait, c’est que l’affaire était d’importance.
Elle sortit de la salle d’interrogatoire et prit l’appel.
Elle entendit l’appareil changer de mains.
Le silence se fit à l’autre bout de la ligne.
La communication fut coupée brutalement.
~~oOo~~
Dans un grand bureau, un homme élégant, aux cheveux blancs et au visage rond et avenant raccrocha. Il interpella son secrétaire :
Jorge songea qu’à l’avenir il faudrait développer une branche « trafic d’organes » ; paraît que ça marche bien, ce genre de business.
~~oOo~~
Lorsqu’elle revint dans la salle d’interrogatoire, elle croisa le regard narquois du jeune truand.
Elle attrapa le type par le col, et dans une sorte de rugissement arriva à dire :
Elle sortit de la pièce avant de faire une connerie.
Réfléchir, il lui fallait réfléchir.
« Tu es sortie major de ta promo, merde ! Trouve une solution. » La maman devait faire quelque chose pour sauver sa fille. Difficile de réfléchir en ayant une épée de Damoclès au-dessus de la tête. La flic savait que même en faisant sortir cette ordure, sa « colombe » serait probablement tuée : pas de sentiment chez ces gens-là. Il lui fallait de l’aide ; mais qui pouvait l’épauler dans un cas comme celui-ci ? Faire sortir un truand du Bastion relevait de Mission Impossible.
À moins que… À situation exceptionnelle, solution hors norme.
~o~
Lorsqu’elle entra dans la pièce où se trouvait le détenu, elle venait de désactiver les caméras. Il se tenait assis par terre, dans la position du lotus. Il ne payait pas de mine : visage banal, corps banal, « monsieur Tout-le-Monde » en quelque sorte, à part les yeux : des yeux bleus très foncés lui donnaient un regard étrange, pénétrant, qui vous sondait jusqu’au tréfonds de l’âme. Il pouvait aussi porter des lentilles, ce qui ne l’aurait pas étonnée.
Elle attaqua bille en tête :
Malika souffla un grand coup ; elle venait de titiller la curiosité de son interlocuteur.
Lars Enènupi soupira.
L’homme soupira une nouvelle fois.
La commissaire s’apprêtait à quitter la pièce, dépitée. Elle allait devoir se démerder seule.
La commissaire Marika Serval appela le brigadier Gaby Tanlaire pour récupérer des documents. Aussitôt entré dans la pièce, ce dernier reçut un coup de poing sur la nuque de la part de Lars Enènupi. Il renouvela l’opération par précaution. Gaby voyageait au pays des songes.
Ils déshabillèrent le brigadier, le menottèrent avec ses propres bracelets, le bâillonnèrent avec son mouchoir et son slip. Le potentiel tueur revêtit l’uniforme de l’estourbi.
La jeune brigadière Jade Mirtabit cherchait son collègue pour récupérer le sous-marin, Marika lui fit savoir que Gaby l’attendait avec impatience. À peine entrée dans la salle d’interrogatoire, Jade se retrouva assommée, déshabillée, menottée.
~o~
Il admirait Marika alors qu’elle se trouvait en petite tenue.
« Mais qui est donc ce gugusse ? Il plaisante pour un oui ou pour un non ! » Marika commençait à regretter cette aventure.
Une fois tous deux déguisés, ils sortirent du local, l’air de rien et devisant de choses futiles, la casquette réglementaire rabattue devant le visage pour le dissimuler aux caméras. Ils se rendirent dans la geôle de Federico Martinez, lui passèrent les menottes et le firent sortir.
Le Mexicain ignorait ouvertement l’autre flic, concentrant ses sarcasmes sur la commissaire.
Ils descendirent par les escaliers de service.
En bas des escaliers ils croisèrent un gardien de la paix.
Enènupi s’installa au volant d’un Duster orné d’un gros « POLICE » et muni de gyrophares. Federico à l’arrière, dûment entravé, la policière à la place du passager.
La voiture sortit sans encombre et se glissa dans la circulation fluide à cette heure.
Marika soupira et tenta de changer de conversation : son associé lui semblait par trop « gamin ».
Il se dirigeait vers le sud de Paris.
Il démonta l’appareil en quelques secondes, jetant sur la chaussée l’écran, la batterie et la carte SIM séparément.
Ils traversèrent Paris sans encombre.
Ils s’arrêtèrent à Étampes, planquèrent la voiture de police dans une ruelle.
Il partit en trottinant avant que Marika ne puisse répliquer. « Il fout le camp et me laisse seule avec mes emmerdes ! » Alors que, désespérée, elle s’apprêtait à rejoindre la gendarmerie la plus proche, une Xantia se gara devant elle.
À 3 heures et 25 minutes, la Citroën se gara devant une jolie maison isolée dans la petite commune de Fourzytou-la-Rivière, au sud du département.
~o~
Firmin Hoqû, Mehdi Terranait et Habib Hopeloulha sortaient de boîte de nuit, l’esprit embrumé, quand dans une ruelle ils découvrirent un Duster de la police, portes ouvertes et les clefs sur le contact. Soudain bien réveillés, ils firent le tour avec une prudence de Sioux, vérifiant si un flic ne dormait pas à l’arrière ; puis rassurés, ils grimpèrent à bord en poussant des hurlements de joie.
~~oOo~~
Lorsque les deux brigadiers Gaby Tanlaire et Jade Mirtabit, menottés et dénudés, furent retrouvés, l’alerte fut donnée très vite. Il fallut cependant un certain temps pour démêler les témoignages des deux victimes. Le Bastion prit l’apparence d’une fourmilière quand on découvrit la disparition de Federico Martinez. Tous les personnels en poste furent interrogés, dont celui croisé par les évadés dans le parking. Les vidéos de surveillance furent analysées, le trajet du Duster retracé, mais perdu sitôt arrivé en banlieue où les caméras se faisaient plus rares. On retrouva sa trace par intermittence de-ci de-là, tantôt direction de l’Ouest, tantôt de l’Est.
Une autre mauvaise nouvelle plomba le moral des troupes : Hadès ne trônait plus dans sa cellule. Ce n’était plus le Bastion, mais le Palais des courants d’air.
Des gendarmes très amusés appelèrent dans la matinée ; ils venaient de retrouver un Duster de la police en piteux état, moteur explosé, avec trois individus bien connus de la justice endormis à l’intérieur, dans la commune de Boissy-le-Cuitté, au nord-est du département. La police scientifique envoyée sur place ne put relever aucun indice : les trois abrutis avaient dégueulé partout. Et ils mirent un certain temps avant d’émerger et de pouvoir témoigner. Les recherches se concentrèrent alors aux alentours d’Étampes.
~~oOo~~
Federico Martinez se réveilla, la bouche pâteuse, doté d’un mal de crâne épouvantable. Il se trouvait devant une table en bois, les bras posés sur un genre d’établi, attaché à un fauteuil ; celui ou celle qui l’avait placé là n’avait pas lésiné sur les liens : cordes, menottes, ruban adhésif, toute la panoplie du parfait tortionnaire. Et il en connaissait un rayon… Une seule porte métallique ornait les murs en béton.
Il baissa les yeux et se rendit compte qu’il ne portait plus ni pantalon ni calbute. Cul nu qu’il était, et en prime il se trimballait une gêne dans le fondement qui l’inquiétait : le salopard qui accompagnait la saloperie de flic en avait profité pour le sodomiser… L’enculé !
Comme si les autres le surveillaient et n’attendaient que son réveil, ils entrèrent sitôt qu’il commença à appeler.
Federico s’énerva, expliqua ce qu’il allait faire à la dame avant de recevoir une mandale à lui donner le torticolis.
Seul l’homme parlait ; la femme se contentait de le regarder, les poings et les mâchoires serrées.
Un grand sourire illumina le visage du gars.
Le type sortit quelques instants pour revenir avec une pastèque, au grand étonnement de Federico. Il montra au Mexicain un petit objet oblong en métal doré.
Le truand se demandait où il voulait en venir.
Tout en expliquant, il manipulait l’appareil.
Martinez pâlissait au fur et mesure de la démonstration. Lars Enènupi fit une incision dans la pastèque.
La pastèque vola en éclats dans un bruit assourdissant.
Pour toute réponse ils reçurent un flot d’insultes en espagnol, anglais et français.
Il plaça quatre pastèques dans la pièce, une dans chaque angle.
Hadès et Marika sortirent, le laissant réfléchir.
Ils attendirent quelques instants derrière la porte, attendant la première explosion.
Juste après la déflagration, ils entendirent les hurlements de Federico.
Et Federico Martinez raconta tout, dans les moindres détails, devint inarrêtable : le lieu où était retenue la gamine, le nombre de gardes, les caméras de surveillance, la présence de son père, le redoutable Jorge Martinez y Calzon.
Que cette jolie gentilhommière servait aussi de centre de transit pour les animaux, les objets d’art dérobés ici et là à travers le monde, et surtout les drogues, celles qui inonderaient bientôt les trottoirs de Paris, Berlin ou Amsterdam.
Que la bâtisse était une véritable forteresse, et que si l’échange ne pouvait avoir lieu la gamine serait tuée ; mais même si la transaction se faisait, il n’était pas sûr que le vieux tienne sa promesse de rendre la petite : il n’aime pas qu’on lui résiste, et que la mère aussi risquait d’y passer lors de l’échange.
C’est fou ce que la vue d’un réveil et d’une pastèque peut délier les langues… Federico était adepte de la violence, mais envers les autres, pas qu’il en soit la victime. Il fallut l’arrêter, car il allait réciter ses tables de multiplication.
Lars Enènupi prenait des notes et enregistrait les aveux sur un petit Nagra.
Lars lui caressa les cheveux en un geste amical.
Ils sortirent tous deux de la pièce, laissant hurler le truand. Quand la porte se referma, les cris cessèrent : l’insonorisation était remarquable. Il pouvait hurler à la mort pour l’éternité, personne ne l’entendrait. Dans son cas, il allait crier le restant de sa vie, soit 9 heures et 16 minutes.
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*Joder : Putain.
**Fils de pute, va crever en enfer !
***Je t’en prie, après toi…
Le dos appuyé contre l’épaisse porte métallique, Marika tremblait de tous ses membres. Elle vacillait, la tête lui tournait, elle refoulait des envies de vomir. C’était la première fois qu’elle allait tuer un homme, sciemment, et de quelle façon ! Soudain elle faillit s’effondrer.
Ensemble ils remontèrent les quelques marches menant à la cave aux horreurs. Lui la tenant par la taille, elle s’agrippant à son épaule. Arrivés dans une pièce « normale » de cette maison – en l’occurrence la cuisine – la policière se mit à claquer des dents.
Elle avala et faillit s’étrangler.
Comme elle continuait de trembler, il la porta dans ses bras.
Il la fit asseoir sur un tabouret et la déshabilla comme on déshabille un bébé ; elle ne réagit même pas lorsqu’il fit glisser le soutien-gorge et une culotte du genre Petit-Bateau.
Il ne s’attarda que quelques instants sur les seins lourds aux tétons et aréoles larges et foncés, ainsi que sur la toison sombre et fournie sur son bas-ventre.
L’homme commença à faire ruisseler l’eau chaude sur la jeune femme avant de se rendre compte qu’il trempait ses vêtements. Sans aucune hésitation, il se dévêtit lui aussi. Une noix de savon au creux de la main, il massait plus qu’il ne lavait, passant des épaules au ventre plat, faisant mousser la toison brune et caressant les tétons qui se réveillaient.
La jeune policière leva les yeux vers lui, les pupilles dilatées par la peur, la crainte, le désarroi et l’angoisse. Il se pencha et déposa un doux baiser sur les lèvres légèrement entrouvertes. Elle répondit à cette marque de tendresse en s’accrochant au cou de son compagnon comme un jeune chaton à sa mère ; elle l’embrassa à pleine bouche, leurs langues s’enroulant l’une autour de l’autre, les mains se cherchant, se trouvant, les corps se serrant sans presque laisser d’espace entre eux. Il sentait les mamelons s’ériger contre son torse, les seins se gonfler de désir ; elle percevait le sceptre grandir, grossir contre son abdomen ; son désir s’amplifiait au même rythme que s’accroissait la tige de l’homme.
Il saisit une sortie de bain, enroula Marika dedans et l’emporta dans la chambre voisine, la déposa sur le lit et s’allongea sur elle. Nulle parcelle de son visage n’échappa à ses lèvres inquisitrices, encore moins sa bouche qu’il dévora de plus belle, ni son cou, ses épaules. Il fit une longue pause sur les seins qu’il caressa, goba les mamelons turgescents, les pinçant entre ses babines gourmandes.
La respiration de Marika s’accélérait au fur et à mesure des caresses et des baisers.
Son nez et ses doigts vinrent se perdre dans l’abondante toison encore humide de la douche. Les gémissements de la policière se faisaient de plus en plus sonores ; elle écartait les jambes en signe d’abandon. Il reprit sa reptation sur le corps de la femme, cette fois vers le haut. Alors qu’il reprenait possession de la bouche de la jolie flic, son sexe vint se nicher délicatement dans l’antre accueillant.
Lorsque leurs pubis se heurtèrent, Marika poussa un petit râle de plaisir ; cela faisait longtemps qu’elle n’avait eu de relations avec un homme. Elle fut en même temps surprise par le volume du visiteur et par sa tendresse. Il attendit quelques instants, la laissant s’habituer à l’intrusion avant de coulisser dans l’étroit fourreau. Il allait et venait en de longs et lents mouvements langoureux, sortant presque entièrement du cocon moelleux, faisant de rapides allées et venues du gland juste à l’entrée du pertuis, caressant ainsi les lèvres avant de replonger jusqu’à la garde.
Marika propulsait son bassin à la rencontre de son amant ; leurs bouches liées par un furieux baiser laissaient échapper soupirs et gémissements. Des frémissements parcoururent la peau de la jeune femme ; ses seins se gonflèrent et rougirent, ses tétons s’érigèrent encore plus, ses yeux se révulsèrent. L’homme accéléra ses mouvements, pilonnant comme un forcené le ventre offert puis se tendit, lui aussi agité de spasmes.
Les deux corps s’affalèrent dans un soupir, lui avachi sur elle.
Il roula sur le flanc, libérant sa compagne. Elle se mit en position fœtale et sombra dans le sommeil en suçant son pouce.
Hadès la regarda quelques instants, retira discrètement son préservatif, déposa un baiser sur la tempe puis se lova contre elle, la prit dans ses bras, remonta le drap sur leurs corps enlacés et s’endormit.
~~oOo~~
Une réunion de crise se tenait dans le bureau du ministre de l’Intérieur. Se trouvaient là le ministre lui-même, son directeur de cabinet, le directeur de cabinet du Garde des Sceaux, un sénateur et un député, le préfet de police, mais aussi le directeur de la Police judiciaire et le commissaire principal Jussieux, chef direct de Marika Serval.
Jussieux se fit tout petit sur son siège.
Les deux flics se regardèrent, indécis. Qui va au charbon, qui va prendre une engueulade ?
Les élus et les fonctionnaires les regardèrent, sourcils levés, quémandant des explications.
Le député s’énerva :
C’est tout juste si ne résonnait pas La Marseillaise.
Le préfet laissa passer un temps.
Le ministre sourit de ce qu’il croyait un trait d’esprit, mais devant la mine terrorisée des trois flics, il ravala sa réplique humoristique.
Le préfet fit une moue dubitative.
Le ministre, qui voulait avoir le dernier mot, ne reçut que de vagues haussements d’épaules à sa dernière question :
~~oOo~~
Marika se réveilla en sursaut, hébétée. Elle se demandait où elle se trouvait avant de se remémorer les récents évènements.
Sa fille, Martinez, l’enlèvement… Hadès. Merde, elle avait fait l’amour avec Hadès, et elle avait aimé. Comment avait-elle pu ? Comme de bien entendu, il n’était plus là. Il devait avoir pris la poudre d’escampette, comme n’importe quel mâle normalement constitué, « Tu tires ton coup et tu te casses, salopard ! »
Elle s’enroula dans le drap et partit explorer les lieux. Elle n’alla pas bien loin. Elle trouva l’homme dans une sorte de grand séjour-cuisine, attablé devant un ordinateur, une tasse de café à la main, uniquement vêtu d’un boxer.
Elle le regardait s’activer devant une bouilloire, ne sachant trop comment engager la conversation. Il ne payait pas de mine, mais était étonnamment musclé ; pas des biceps ou des pectoraux monstrueux, mais des muscles longs qui ondulaient sous la peau. Il possédait la musculature d’un fauve, genre léopard ou puma. Lors de leur première rencontre, elle l’avait trouvé banal ; aujourd’hui, il lui semblait calme et redoutable comme un grand félin, capable de frapper et de tuer à n’importe quel moment.
Il lui apporta sa tasse de thé, la prit dans ses bras et la berça.
Elle se mit à rire aussi en essuyant ses larmes.
Elle semblait stupéfaite.
Elle préféra ne pas étudier la question de suite et changea de sujet :
Il la regarda dans les yeux et respira un grand coup ; elle se dit qu’elle venait de faire une connerie.
Ils rirent ensemble.
~o~
Après une tasse de café, il redevint sérieux :
Une très grande bibliothèque couvrait un mur entier. Il fit jouer un levier ; le meuble coulissa, dévoilant une volée de marches.
Au bas de l’escalier, une porte à digicode menait à une autre pièce, encore plus étonnante que tout ce qu’elle avait pu voir durant sa vie.
Devant les yeux ébahis de Marika se trouvait le plus impressionnant arsenal qu’elle ait jamais vu. Même au ministère de l’Intérieur ils n’étaient pas aussi bien équipés.
Elle éclata de rire en entendant son imitation.
Ils firent leurs emplettes. Gilets pare-balles en kevlar/céramique/kevlar.
Des couteaux aussi : Bowie Knife pour lui, Styletto pour elle, à planquer dans une botte.
Il se choisit une carabine de sniper, un Dragunov SVD.
Il donnait des explications comme s’ils achetaient un canapé ou une tondeuse à gazon.
Puis ils choisirent des pistolets semi-automatiques.
Toutes ces armes munies de réducteurs de bruit, de munitions, ça commençait à faire du volume. En habituée, elle manipulait ces engins avec dextérité, presque autant que son compagnon.
Il amassait encore du matériel.
Perceval, Hadès ou Lars, quel que fût son nom, préparait avec beaucoup de soin l’assaut contre Martinez.
Il glissa discrètement une chose oblongue dans son sac.
Ils remontèrent avec tout leur barda. Marika venait seulement de se rendre compte de l’ampleur de la tâche.
Pour la première fois, la policière se dit qu’ils pouvaient réussir, que rien ne semblait pouvoir arrêter cet homme, et pour la première fois elle eut peur.
Dans une jolie gentilhommière située loin de toute habitation, un homme au visage rond et avenant réglait les derniers détails de l’échange qui devait s’opérer dans un peu plus de deux jours. Son fils, la chair de sa chair, le sang de son sang, se trouvait dans les geôles françaises. Certes, il venait de se faire la malle grâce à cette saloperie de flic, mais jamais pareil affront ne lui avait été fait.
De rage, il se rendit dans le boudoir. En règle générale, les « invités » étaient retenus dans la cave spécialement aménagée en chambre de torture. Mais il aimait avoir ses invités de marque directement sous la main pour calmer ses nerfs de temps en temps. Attachée sur une chaise, Yona, la fille de Marika, pleurait. Face à elle, un garde au visage grêlé la fixait sans relâche.
Une chienne berger allemand se tenait là aussi ; si la gamine tremblait de peur près de la bête, elle se rendit vite compte que le seul être doté de sentiments humains était cet animal qui lui léchait la main.
Jorge entra ; allait commencer sa relaxation sur la petite en la giflant, mais son téléphone sonna avant qu’il ne puisse se calmer les nerfs ; les affaires passaient avant tout. La petite sanglotait.
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Il sortit d’une armoire un téléphone étrange.
Les mains tremblantes, elle composa le numéro de sa fille.
Il pinça la joue de la petite qui cria.
Le lieu de l’échange se situait dans le département de l’Eure-et-Loir. Un endroit bien paumé, choisi certainement pour sa tranquillité.
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Le ministre de l’Intérieur, Maurice Tamboul, triturait ses sourcils qu’il avait fort longs, signe chez lui d’un profond malaise. Devait-il, oui ou non, prévenir le Mexicain basané que ses services n’arrivaient pas à retrouver la trace de cette satanée bonne femme ? Devait-il le prévenir que l’homme qui l’avait aidée à s’échapper était un croisement entre un T-Rex et un cobra royal ? Sa main hésitait au-dessus du téléphone. En vieil arnaqueur qu’il était, il analysait chaque situation. Si cet Hadès était aussi efficace qu’on le présentait, il pouvait le débarrasser du Mexicain, et par la même occasion de toutes les preuves que celui-ci détenait : versements sur ses comptes en Suisse ou aux Caïmans, vacances à Bali ou dans d’autres lieux paradisiaques tous frais payés. Et surtout ces saloperies de vidéos où on le voyait avec son ami le sénateur René Hauprenne… On les voyait se faire sucer par une jeune beauté d’ébène et une autre blonde ; ils semblaient tous quatre y prendre beaucoup de plaisir. Les jeunes femmes ne possédaient rien en commun avec sa quinquagénaire d’épouse, madame Tamboul étant particulièrement dodue ; ne parlons même pas de la grenouille de bénitier nommée Marguerite Hauprenne.
Ordure de Martinez… il avait des heures de vidéos comme celles-là. Martinez y Calzon détenait de quoi les placer au frais pendant plusieurs générations.
Il ne décrocha pas son téléphone. « Quand deux chiens se battent, tu n’essaies pas de les séparer. Que le plus fort gagne, et tu achèves le survivant. » (vieux proverbe corrézien).
En manœuvrant bien, il pourrait s’octroyer la victoire sur un cartel mexicain et la mise hors d’état de nuire d’un redoutable tueur. Ensuite… Matignon !
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Jorge Martinez y Calzon revint dans son bureau, alluma la télé et vit sur une chaîne d’infos en continu que la chasse à l’homme – ou plutôt à la bonne femme – ne donnait rien. En effet, la commissaire Marika Serval avait fait évader son amant, un jeune repris de justice assez dangereux. Pour l’instant, aucune trace du couple diabolique qui s’était évaporé dans la nature. Pourtant le plan Épervier avait été déployé. « Pas mal comme trouvaille, les amants démoniaques ; pas trop con, ce ministre… » songea le truand
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D’entendre sa fille crier, l’appeler à l’aide, de la savoir aux mains de ce malfrat sans foi ni loi, le trop-plein d’émotions fit craquer Marika. Elle éclata en sanglots.
La belle enfant n’était vêtue que d’un drap, lui de son boxer ; il ne fallut pas longtemps pour que les mains s’égarent sur les peaux nues, qu’elles explorent de nouveau ces territoires sacrés, que les petits bisous atteignent les bouches, que les langues s’entrelacent, que le drap glisse des épaules, que le boxer le rejoigne à terre.
Il la prit par la taille, la souleva et la posa sur la table. Allongée et alanguie sur le meuble, elle s’abandonnait aux caresses. La gorge, les seins lourds aux tétons sensibles, le nombril, tout passa entre ses mains et sous sa bouche. Il s’installa entre les jambes écartées, fit courir ses doigts sur l’intérieur des cuisses, sur la taille et les hanches, déclenchant de mini-séismes sous la peau délicate. Il souffla dans la toison épaisse, joua avec les boucles sombres. Deux doigts curieux écartèrent les lèvres et en dessinèrent et redessinèrent les plis et replis, jusqu’au sommet de la tendre faille, jusqu’au bourgeon si délicat, provoquant soupirs et râles de bonheur. Les jambes posées sur les épaules de son amant, Marika s’offrait ainsi à toutes les caresses. Il visitait les fesses et son sillon, les cuisses, le périnée si doux et si sensible.
L’homme posa son étrave sur la cavité qui palpitait. La tenant aux hanches, il s’enfonça jusqu’à la garde, tirant un gémissement de plaisir à sa complice. Il entama une série d’allées et venues dans le tendre fourreau tout en stimulant la poitrine, les mamelons et les flancs par de doux effleurements.
Marika fermait les yeux et se laissait envahir par le plaisir, ses seins dansant au rythme des secousses données par Lars, Perceval, ou quel que soit son nom. Il ne pouvait détacher les yeux de ce spectacle d’une volupté rare : petites crispations du visage, rougeur des seins, respiration haletante, gémissements, mamelons et aréoles qui se gorgeaient de sang, pulsations intenses dans la gaine qui l’enserrait, tout annonçait l’arrivée d’un orgasme dévastateur.
Il appuya sa paume sur le clitoris.
Marika bondit presque et se réfugia dans les bras de Hadès ; ils se serrèrent l’un contre l’autre, incapables de prononcer un mot durant de nombreuses secondes. Des larmes perlaient aux paupières de la jeune femme tandis qu’il s’épanchait en son sein.
La tête nichée au creux de l’épaule de son amant, elle ajouta :
~o~
Encore tout étourdie, Marika se remettait de ses émotions, assise sur la table.
Ils rirent tous deux.
Il la dévisagea, pensif.
En arrivant, quelques heures plus tôt, ils avaient garé la Xantia dans un grand garage, aux côtés d’un Range Rover dans lequel ils chargèrent les armes et le matériel.
Allongés dans le lit, enlacés, Marika lui posa la question :
Marika le prit dans ses bras et se serra contre lui. Ils s’endormirent ainsi enlacés.
~o~
Dans le château de La Courtilière, la vie continuait son train-train quotidien. À l’arrière du bâtiment s’élevaient les anciennes écuries. Les chevaux ne fréquentaient plus l’endroit depuis longtemps, mais l’odeur du crottin flottait encore dans l’air. L’édifice avait été reconverti en centre de transit et de tri pour des animaux de passage qui avaient eu le malheur de tomber entre les mains du cartel des Martinez, ainsi que des œuvres d’art, mais surtout de drogue. Jorge tenait à surveiller tout lui-même ; il repartirait au Mexique sitôt le système bien rodé, et surtout Federico récupéré.
Les sbires du patron allaient s’entretenir régulièrement avec les jeunes femmes chargées de servir au château, celles qui emballaient les pièces de musée tout comme celles qui soignaient les animaux ; il fallait bien se vider l’esprit et les burnes… Les livraisons arrivaient et repartaient dans de petites camionnettes de fleuristes ou de traiteurs, pour ne pas attirer l’attention des péquenots du coin. Le nouveau propriétaire recevait beaucoup, donnait des fêtes, d’où ce trafic de véhicules légers.
En ce moment, l’équipe de choc du patron préparait paresseusement l’échange avec la fliquette. Paresseusement, car que pouvait une faible femme seule contre une armada de brutes épaisses surentraînées ?
~~oOo~~
Pour éviter d’ennuyer Martinez y Calzon pendant sa transaction, Maurice Tamboul, ministre d’État, ministre de l’Intérieur avait discrètement orienté les recherches des fugitifs vers l’est de Paris. Une petite faveur qui ne lui coûtait rien.
Sans le savoir, il arrangeait bien les affaires de Marika et Hadès.
~~oOo~~
Dans un petit geste de courtoisie, Perceval avait réglé la sonnerie du réveil quelques minutes avant l’explosion. Lorsque la jolie mélodie retentit, les neurones de Federico disjonctèrent.
Cinq minutes avant le terme fatal, il était déjà mort.
~~oOo~~
Hadès et Marika se préparaient sans s’affoler, revérifièrent une dernière fois les modalités de l’attaque, c’est-à-dire : pas de quartier, on fonce dans le tas, on défouraille, on explose, on ventile, on achève et on ne réfléchit pas.
Cette stratégie possédait l’avantage de la simplicité.
Il semblait si déterminé qu’elle en eut des frissons. Pourtant elle ne manquait pas de détermination non plus. Oubliée, la policière bien notée, la jolie mère de famille ; elle était devenue une bête sauvage, une louve dont le petit venait de se faire enlever.
Il lui sourit.
Il farfouilla dans un gros meuble, revint avec deux verres et une bouteille.
À peine avait-elle terminé sa phrase qu’un bruit sourd retentit, accompagné d’une légère vibration.
Elle réfléchit quelques instants, puis.
Les gardes renâclaient toujours à l’idée de patrouiller dans le parc, surtout par cette nuit froide et humide ; il bruinait depuis ce matin, un crachin froid et triste. Ce soir il ne pleuvait plus, mais la nuit promettait d’être glaciale sous le ciel bas, sans lune.
Un tirage au sort les avait désignés d’office. Sans entrain, ils tournaient dans le parc en se gelant les noix alors que leurs potes jouaient avec leurs consoles, visionnaient des pornos sur le Net ou, mieux encore, s’amusaient avec les bonniches.
~o~
Allongés côte à côte dans l’herbe humide, Marika et Perceval observaient le château avec des jumelles à vision nocturne.
Un bruit léger comme un pet de lapin, et le garde de la tourelle mourut, le cœur transpercé par une munition de 7,5 et des éclats de son téléphone.
Le second à rendre l’âme se nommait Ben Malaki et se soulageait la vessie derrière un cèdre ; il mourut hors des regards de ses collègues, la bite à l’air et le sourire aux lèvres.
Les troisième et quatrième étaient frères, Yvon et Jacques Hulez. Ils n’en avaient rien à foutre de monter la garde, de faire des rondes. Ils se tenaient côte à côte, tapant des pieds pour se réchauffer et discutant du prochain week-end. Yvon ne répondit jamais à la question de son frère, vu qu’il ne possédait plus de tête. Avant que Jacques ne puisse hurler, il lui manquait les trois quarts des poumons et des intestins.
Akim Enqûlbien montait la garde au portail dans une petite guérite. De tous il était le plus chanceux, se tenant relativement à l’abri des intempéries et du froid ; la balle traversa de part en part le frêle édifice et coupa Akim en deux.
~o~
Alec Houillapla surveillait les écrans. Il ne vérifiait guère ce qui se passait au portail ou dans le parc : il ne se passait jamais rien ici. Il préférait regarder ce qui se déroulait dans les écuries, voir les jeunes femmes en très petite tenue chargées de conditionner la drogue. Le señor Martinez tenait à ce qu’elles fussent nues pour éviter les vols de marchandise. Celles de repos se faisaient expliquer les mystères de la reproduction par les hommes de main du gang ; ça valait les meilleurs pornos du web.
Alors que son copain Ali Bidault entreprenait une grande blonde en levrette, tous les écrans s’éteignirent. Il fit ce que faisait tout homme en pareil cas : il tapota les écrans puis le moniteur, sans résultat. Il voulut appeler les autres gardes, mais il n’avait plus de réseau.
~o~
Ils traversaient la pelouse au pas de gymnastique. Ils arrivaient à la porte principale quand Alec Houillapla ouvrait et passait le museau pour vérifier si les caméras fonctionnaient. Deux mains saisirent son visage et donnèrent une violente torsion de gauche à droite à ses cervicales. Il y eut un craquement et Alec s’écroula, agité de spasmes.
Un truand venait aux renseignements, car il n’avait plus de réseau lui non plus. Surpris, il commençait à dégainer pour tirer dans le dos de Hadès, mais Marika le hacha menu avec son FN P90. Cinq ou six plop étouffés mirent fin à ses velléités de combat.
Ils pénétrèrent dans le hall alors que des jérémiades commençaient à se faire entendre.
Hadès sortit le Desert Eagle de son étui.
~o~
Marika passa par le salon où cinq types baraqués jouaient au strip-poker ; quelques-uns se trouvaient déjà en caleçon. Des jeunes filles nues et gloussantes attendaient près du bar : elles servaient d’enjeux à la partie. S’ils furent surpris par l’apparition d’une femme en tenue de combat et armes aux poings, ils n’eurent guère le loisir de le dire : une rafale de SeveN mit fin à toute velléité de questionnement.
Marika criait en faisant de grands gestes vers les filles.
Même si elles ne comprenaient pas l’espagnol ou l’anglais approximatif de la nouvelle arrivante, elles ne se le firent pas dire deux fois et se sauvèrent en poussant de petits cris.
En sortant du salon, elle croisa deux types attirés par tous ces bruits étranges. Deux petites rafales et les types furent déchiquetés. « Si mes collègues me voyaient, ils me prendraient pour Terminator ! »
Dans la chambre suivante, un type tout nu s’apprêtait à prendre par derrière une jolie blonde. Marika lui flanqua une balle dans le bide, mais la blonde se retourna, un poignard à la main.
Elle sentit plus qu’elle ne vit un mouvement derrière elle. Le gars se relevait, un fouet à la main. Le Styletto se planta dans ses organes génitaux et les coupa proprement. Il poussa un cri de goret à l’agonie.
Le cri avait mis en alerte toute la maisonnée. Elle sortit très vite, visita une autre pièce. Là, une jeune femme, les fesses rougies, agenouillée sur un lit, suçait un type tandis qu’un autre la prenait en levrette sans ménagement. Un troisième semblait attendre son tour, comme à confesse. Mais alerté par les couinements de son compère éburné, il attendait, l’arme au poing. Sitôt entrée, Marika reçut deux impacts de Beretta Cougar. Sous le choc, elle vacilla quelque peu, mais ne tomba pas, au grand étonnement du truand. Il ne s’étonna guère longtemps : il reçut une poignée de pruneaux dans le buffet.
Les deux autres reçurent chacun un cadeau de consolation, une dragée dans la coucourde.
La blonde ne demanda pas son reste. « Une prière à Zeus et surtout Hadès pour ses armures divines ! »
Les cris et les tirs ameutèrent définitivement la racaille, et l’enfer se déchaîna.
~o~
Enrico Demouton, un des hommes de main de Jorge Martinez y Calzon, entra dans le bureau de son patron, affolé.
Il se mit à hurler.
~o~
Sitôt quitté Marika, Lars Enènupi grimpa quelques marches. Un type descendait, vêtu d’un slip douteux ; la lame du Bowie lui trancha l’aorte, faisant gicler le sang sur les murs. « Va falloir revoir la déco… » Face à lui, sur un palier, trois types le regardaient, hébétés. Le monstrueux Desert Eagle donna pour la première fois de la voix. Peu de recul pour une arme de ce calibre ; mais alors quel son, mais alors que de dégâts ! La même balle perfora les truands à la queue leu leu, les propulsant plusieurs mètres en arrière, tels des pantins désarticulés.
Il arriva au sommet des marches. Un autre type se présenta devant lui ; il subit la même peine. Il lui fallait trouver le bureau de la vieille ordure, mais avant tout il devait nettoyer chaque pièce pour éviter de se retrouver pris entre deux feux.
C’est à ce moment qu’il entendit crier du fond du couloir :
« Je te vois, vieille ordure ; je sais où tu te planques. Je vais te débusquer. »
~o~
Marika entendit le cri, le hurlement de haine de Martinez. Elle courut comme une folle vers la dernière porte qui restait à ouvrir. Si un ennemi était passé là, dans son dos à cet instant, elle n’y aurait pas prêté attention, offrant une cible parfaite. Mais le destin en décida autrement : quelques gardes qui restaient prenaient la poudre d’escampette à travers champs et fuyaient à toutes jambes.
Elle enfonça la porte en hurlant comme une damnée.
~o~
Le fantasme de Quiriño Faringite, dit Le Vérolé, était de tuer un gamin – ou mieux, une gamine – au couteau. Sentir la lame s’enfoncer lentement dans la chair tendre, voir la terreur dans les yeux puis, insensiblement, les pupilles se ternir alors que le sang et la vie s’échappaient du petit corps. Bien sûr, il l’avait fait avec des hommes, des femmes, mais il était sûr qu’avec un enfant ce serait le top, le summum de la jouissance. Il se disait descendant des grands guerriers aztèques et se savait voué à un destin exceptionnel.
Son patron, le señor Jorge, lui avait promis que la petite serait pour lui, même une fois récupéré el señor Federico. Il n’y avait pas de parole à tenir avec des flics : on découpe la pequeña ! Aussi, lorsqu’il entendit les premiers tirs, il se tenait prêt, n’osant sortir pour aider ses collègues et ainsi laisser la fillette sans surveillance. Il savait que son heure allait sonner.
Il se leva et sortit son Kama qu’il affûtait deux fois par jour.
La petite fille le regardait, terrorisée, ce qui ne faisait que décupler son envie. Aussi, lorsque Don Jorge cria « ¡Mate a la pequeña! » il n’hésita pas une seconde et s’avança lentement vers Yona, tel le loup de la fable de monsieur Seguin vers la petite biquette blanche.
C’était sans compter sur une grosse boule de poils de quarante kilos munie de crocs acérés et qui adorait la petite fille. La mâchoire de l’animal se referma sur le poignet de Quiriño qui hurla de douleur, jura, donna en vain des coups de pieds à la chienne. La souffrance était telle qu’il en lâcha sa lame favorite. Alors qu’il venait de se débarrasser de la sale bête et qu’il cherchait son arme, la porte explosa ; dans l’embrasure se découpait la silhouette menaçante d’une déesse de la guerre, les cheveux ébouriffés, couverte de peinture de camouflage et de sang.
Le visage déformé par la haine, elle poussa un rugissement féroce et bondit vers un Quiriño terrorisé et tétanisé. Elle plongea le Styletto jusqu’à la garde dans l’œil du truand. Faringite sut qu’il venait de mourir de la main même de la fille de Huitzilopochtli, dieu aztèque du soleil et de la guerre. Il venait de rencontrer son destin exceptionnel.
Ses vêtements étaient déchirés, son visage maculé de poussière et de larmes, mais elle était vivante.
Elles couraient dans les couloirs, la chienne ouvrant la voie. Si Yona se formalisa des cadavres gisant par terre, elle n’en montra rien. Marika fit monter sa fille dans l’énorme Hummer ; la chienne s’installa à l’arrière de son propre chef.
Elle voulait attendre Perceval, mais des coups de feu retentissaient encore dans la baraque. Elle se remémora ses derniers mots : « Si par hasard nous sommes séparés, tu vas avec la petite au Hummer garé à côté de la bâtisse et tu fonces droit vers le portail. Tu écrases tout ce qui te gêne. » La voiture démarra au quart de tour. Des gravillons giclèrent sous les pneus et le 4x4 bondit. Ils doublèrent sans s’arrêter des jeunes femmes nues.
Deux types se mirent devant pour tenter de stopper le véhicule ; la conductrice accéléra, les heurta, le gros engin tressauta et elles entendirent un petit crouicpoum. Marika accéléra encore et le portail vola en éclats sous l’impact.
Elle se gara près de l’endroit où ils avaient observé et flingué les gardes. Elle attendait le retour de Hadès. Il allait la rejoindre, il devait la rejoindre, c’était un ordre !
Quand les premières explosions retentirent, quand les flammes illuminèrent le ciel, elle attendit encore quelques minutes, mais elle savait qu’il ne réapparaîtrait plus.
Puis arrivèrent les premiers gyrophares et elle pleura, la tête sur le volant.
~o~
Quatre hommes encore tombèrent sous ses balles avant qu’il n’atteigne le bureau de Jorge Martinez Y Calzon. Ils défendaient autant leur vie que celle du patron. Même le secrétaire particulier tenta de s’interposer.
Boum. Il restait un gros trou avec un peu de secrétaire autour.
Le face-à-face eut lieu devant une œuvre monumentale de Sigismond Devénuce, célèbre peintre mexicain, représentant l’exécution de l’empereur Maximilien Ier. Planqué derrière le bureau, Enrico Demouton tira et rata sa cible tellement il tremblait ; Hadès le dézingua à travers le meuble. Jorge en profita pour tirer lui aussi et toucha la gorge de son adversaire ; le Desert Eagle tomba de sa main engourdie.
Jorge s’affola ; un Bowie Knife venait d’apparaître comme par magie dans son ventre, lancé avec force et précision de la main gauche. Le temps qu’il tente de le retirer, Perceval se trouvait tout contre lui. Le sang coulait de sa blessure, mais il ne s’en préoccupait guère.
Les explosions continuaient, plus imposantes les unes que les autres.
Il remonta la lame du pubis au sternum, la pointe du surin venant toucher le cœur. Ses yeux plantés dans ceux de Jorge, il y lut la peur, même la terreur quand il lui murmura :
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*Certains me nomment Hadès ; je règne sur les Enfers. Ma maison est ta maison.
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Les véhicules de pompiers et de gendarmerie arrivèrent ensemble. D’abord deux véhicules d’incendie et une simple voiture de patrouille de pandores. En entrant dans le parc, ils demandèrent très vite des renforts.
Lorsque le brigadier Serge Anchef sortit de la voiture et vit les cadavres éparpillés autour de lui, qu’il vit les flammes bondir vers le ciel, qu’il vit des jeunes femmes nues et terrorisées sortir d’un peu partout, il se dit qu’il allait passer une rude journée. Il ne croyait pas si bien dire… Il appela aussitôt sa brigade.
Une demi-heure plus tard, les lieux grouillaient de képis. Des journalistes attirés par toute cette agitation s’amenaient aussi. Des barrages routiers venaient d’être installés, mais trop tard pour les empêcher d’approcher.
Trois casernes de pompiers tentaient d’éteindre l’incendie et de s’occuper des femmes qui sortaient d’on ne savait où. Une équipe de médecins du Samu, de pompiers et de militaires armes au poing entra dans les écuries et découvrit un spectacle digne de l’Enfer de Dante : des jeunes femmes nues et défoncées par la drogue riaient, gloussaient, tentaient de séduire les pompiers et les gendarmes étonnés. Perfusées, enroulées dans des couvertures de survie, elles furent transportées sur des brancards et enfournées dans les ambulances.
Le brigadier Anchef visita une autre aile de ces écuries avec un collègue et un pompier. Ils ressortirent bien vite comme s’ils avaient le diable aux trousses ; des makis catta et autres lémuriens leur grimpaient sur le dos, des cacatoès les suivaient en caquetant. Quelques secondes plus tard, des araignées, des serpents et des crocodiles déboulaient, attirés par la liberté.
Ils venaient de découvrir l’autre partie de l’organisation du Mexicain. Ainsi que les œuvres d’art. Bien sûr, des pompiers racontèrent à des amis journalistes ce qui se passait dans cette propriété, vite rebaptisée par la presse « Le Château de la Bête ».
Personne ne savait encore à qui appartenait cette propriété.
Une patrouille de gendarmerie fut attirée par un Hummer garé non loin de la tuerie ; ils y trouvèrent une femme en larmes, armée et couverte de sang, une petite fille endormie et une chienne pas commode.
La femme fut vite identifiée.
Marika avait tardé à quitter les lieux, espérant le retour de son ami. Oui, son meilleur ami, un homme capable de donner sa vie pour la sauver, pour sauver sa fille.
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Au ministère de l’Intérieur, Maurice Tamboul savait très bien à qui appartenait cette propriété et à qui on devait ce bordel, mais il ne pouvait le dire ouvertement sans se dévoiler.
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Flash spécial.
La commissaire Marika Serval vient d’être arrêtée par la gendarmerie, près du lieu d’une tuerie. Elle va être interrogée par l’IGS ; selon le ministère de l’Intérieur, elle serait liée au massacre, mais aussi au trafic de drogue, d’œuvres d’art et d’animaux qui se déroulait dans ce château, de ces femmes nues utilisées presque comme des esclaves. Les services de police scientifique mettront de nombreuses semaines pour répertorier et identifier les cadavres retrouvés dans les décombres ainsi que des jeunes femmes retenues dans Le Château de la Bête. De nombreux parcs animaliers sont réquisitionnés pour s’occuper des animaux. Des experts sont déjà à l’œuvre pour répertorier les sculptures et les peintures.
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Yona fut placée dans un foyer de l’IGAS ; la chienne campait devant le bâtiment. Personne n’osait s’en approcher, à part quelques bonnes âmes qui lui apportaient boisson et nourriture. Grâce à la presse, elle était devenue elle aussi une vedette à cause de son attachement envers la petite fille.
Sa mère fut interrogée sans relâche par la police des polices.
Elle répondait invariablement :
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Flash spécial.
Des documents et des vidéos ont été transmis à la presse britannique et allemande. Il semblerait que le ministre de l’Intérieur anglais, le chef de Scotland Yard, le ministre de la Justice allemande soient mêlés à un vaste système de corruption. De fortes sommes auraient été versées à ces hommes politiques ainsi qu’à des juges et des policiers. Nous ne préférons pas diffuser les vidéos mettant en cause des responsables de haut rang dans des situations très scabreuses. Il semblerait que ces ministres offrent déjà leur démission.
Bien entendu, tout le monde se précipita sur les sites qui diffusaient ces vidéos.
Flash spécial.
Un communiqué de Matignon condamne ces agissements et rassure les Français : de tels actes et de telles pratiques ne pourraient arriver dans notre pays où chacun sait la vertu, la moralité et la probité sont les maîtres-mots de nos élus et du gouvernement.
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Elle fut présentée devant un juge qui lui signifia sa mise en examen sous les inculpations de complicité d’évasion, de meurtre, de trafic de drogue, d’œuvres d’art, d’animaux protégés, et quelques broutilles comme possession d’armes non répertoriées. Tant qu’à faire, autant tout lui mettre sur le dos.
Tout allait très vite. Juges et policiers stimulés par Maurice Tamboul et le Garde des Sceaux, Lucien de Massienne, se coupaient en quatre. Pour faire du zèle, le juge indiqua qu’il allait auditionner Yona.
Un greffier vint glisser quelques mots au juge.
L’ex-policière fit presque une crise de démence, hurlant qu’on devait lui rendre sa fille, qu’ils étaient tous des voleurs d’enfants. Elle cassa le nez d’un policier qui tentait de la maîtriser, écrasa les roubignolles d’un autre et assomma le juge avec une lampe en marbre posée sur le bureau.
Elle fut menottée et emmenée de force à l’hôpital pour y recevoir des calmants.
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Flash spécial.
Nous venons de recevoir des documents et des vidéos similaires à celles d’Allemagne ou de Grande-Bretagne : il ne fait aucun doute que Maurice Tamboul, Lucien de Massienne, des sénateurs, des députés et quelques hauts fonctionnaires de l’Intérieur ou de la Justice aient reçu de l’argent d’un certain Jorge Martinez Y Calzon, célèbre truand spécialisé dans des trafics en tout genre. Des vidéos montrent aussi sans aucune ambiguïté nos élus dans des scènes que la morale nous empêche de diffuser. Nous avons transmis le tout à la justice et à la police.
Le journaliste déprimait à l’idée de ne pouvoir montrer ces vidéos.
Flash spécial.
Le ministre de l’Intérieur dénonce une infamie, un montage grossier, un tissu de mensonges. Il demande que toute la lumière soit faite sur ces calomnies.
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Arrivés à l’hôpital, les deux flics qui surveillaient Marika refusèrent de quitter la salle d’examen. Une gentille infirmière et un infirmier revêche leur injectèrent une dose de tranquillisants susceptible d’assommer un éléphant. Marika fut calmée elle aussi, affublée d’une perruque blanche et emmenée sur un fauteuil roulant.
Hadès possédait tout un réseau de collaborateurs à travers le monde, qui, sur un appel, pouvaient l’assister en toutes circonstances.
La femme aux cheveux blancs prit le vol Rodez-Dublin, puis une rousse fit Dublin-Reykjavik, une blonde fit Reykjavik-Les Canaries, tous ces voyages effectués avec des passeports plus vrais que nature, sous des noms les plus farfelus : Marguerite Oursenoire, Simone de Bavoir, Raymonde Quenotte.
À l’aéroport João Paulo II, on perdit sa trace.
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Elle volait vers Nassau, aux Bahamas. Une gentille personne âgée lui avait certifié qu’elle allait bientôt retrouver sa fille. Elle en était heureuse, mais ne pouvait s’empêcher de songer à l’étrange personnage qui avait partagé sa vie durant ces quelques jours. Elle voyageait d’ailleurs sous le nom de madame Ker-Aréouant. Elle songeait aux diverses identités connues de son sauveur.
Soudain, au grand étonnement de ses voisins, elle éclata de rire et en sanglots.
Arrivée à Nassau, elle fut prise en charge par le sosie de Denzel Washington, en plus baraqué.
Elle ne savait pas qui était celui-là, mais riait, tellement le spectacle était féerique. Et elle allait retrouver Yona.
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Sa fille se rua dans ses bras en hurlant, la noya sous un flot de paroles.
Elles visitèrent toutes les pièces, suivies d’une chienne enthousiaste, puis Yona s’exclama :
Ma chérie – tu permets le « Ma chérie ? » –,
Si tu lis cette lettre, c’est que tu viens de trouver mon coin de paradis, mais que moi je n’y suis plus. J’ai affronté et vaincu le ténia, mais il était aussi un peu scorpion ; il m’a touché lors du duel final. J’ai réussi à m’échapper avant la grande explosion, mais je n’ai pu te rejoindre. Je me suis réfugié « chez nous » pour y finir en paix et tenter un dernier coup.
Juste avant de fuir, j’ai récupéré l’ordinateur de Martinez – il y tenait plus que tout – qu’il enfermait dans une mallette blindée, avec un disque dur que je réussis à décrypter, cryptage plus que succinct : il faisait plus confiance à ses armes qu’à l’informatique. J’y ai découvert des vidéos dignes des meilleurs pornos, mais aussi son trésor de guerre : toutes ses transactions, tous ses comptes planqués à travers le monde, avec ses codes secrets, ses versements à divers hommes politiques de différents pays.
Avant que sa mort ne soit connue, j’ai transféré tous ses avoirs sur mes propres comptes et finalisé l’achat de cette île.
Tu es la copropriétaire de mon rêve.
J’ai versé de substantiels subsides à quelques associations de femmes battues, à la Croix Rouge et la SPA. Des amis sûrs ont expédié les vidéos compromettantes aux journaux ; ils ont révélé, preuves à l’appui, les compromissions des hommes politiques. Ce sont ces mêmes amis qui t’ont fourni des faux papiers plus vrais que nature et t’ont aidée à fuir jusqu’ici.
L’esprit serein, j’attends de quitter ce monde et de rejoindre mon royaume.
Adieu. J’espère que les quelques bonnes actions que j’ai pu faire ces dernières heures compenseront un peu les horreurs que j’ai commises avant.
Pense de temps à autre à Hadès ; il t’aimait…
Marika pleurait à chaudes larmes en terminant cette lettre. Ce qu’elle craignait était arrivé. Cette fois, la barre était trop haute. Que ce personnage étrange allait lui manquer !
À côté de sa fille se tenait un homme, appuyé sur une canne, un bras en écharpe. Et là Marika sentit le sol se dérober sous ses pieds ; elle entrait dans un monde parallèle.
Aucune barre ne semblait trop haute pour un tel homme.