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Temps de lecture estimé : 22 mn
19/09/18
Résumé:  Les mésaventures d'une joueuse compulsive de poker.
Critères:  f fh ff ffh jeunes ascendant collègues bizarre école fsoumise fdomine vengeance dispute miroir fmast sandwich fsodo jouet sm bondage policier
Auteur : Calpurnia            Envoi mini-message
La joueuse invétérée

Maudites soient ces cartes qui ont fait de moi leur esclave !


Les haubans des voiliers du vieux port de La Rochelle claquent comme les gifles que je voudrais m’infliger. J’avais un jeu d’enfer : une quinte flush au roi, la combinaison presque parfaite, de celle qu’on ne voit qu’une seule fois dans sa vie, et encore, sans garantie ! J’ai cru que la Chance, avec un grand C, venait enfin d’effleurer ma main qui a saisi ces étranges rectangles de carton. J’ai ressenti jusqu’au bas de mon ventre le frisson délicieux, mais qu’il ne faut surtout pas trahir. L’orgasme du jeu, plus violent que celui que procure tout attouchement. Seulement, j’étais presque à sec, et même annoncer « tapis », pour miser l’ensemble de ce qu’il me restait, ne m’aurait qu’à peine renflouée. Avec une quinte flush au roi !

Tranquille, j’ai proposé n’importe quoi aux trois autres :



Elles m’ont regardée d’un drôle d’air. Elles se sont chuchotées à l’oreille, avec un air entendu, en hochant la tête. À l’issue de cette drôle de messe basse, Anaïs m’a proposé :



J’ai haussé les épaules. Quentin est un garçon sage qui vient d’avoir dix-huit ans et qui passera bientôt son bac pour entrer à la fac de lettres où j’enseigne. Probablement puceau – en fait, j’avoue que je n’en sais rien, parce qu’il ne me raconte pas toute sa vie, vu que son caractère est plutôt taiseux. De toute manière, avec la main en or massif dont je disposais, il n’y avait aucun danger que je perde sur ce coup-là. Anaïs m’a donc avancé les 6000 euros qui me manquaient pour rester dans la partie, et même effectuer une solide relance qu’elle a suivie sans hésiter.


Quand Anaïs a abattu sa quinte flush à l’as, c’était comme si le ciel étoilé s’abattait sur ma pauvre tête. J’étais foudroyée par le destin trois fois maudit des cartes.



Et pour cause, il est mon seul enfant, mon fils chéri, celui que j’ai fait toute seule, parce que je n’aime pas les hommes, alors j’en ai trouvé un juste pour un soir, un bon copain prénommé Arthur, hop, et on n’en parle plus ; par chance, je m’étais retrouvée enceinte sans avoir besoin de recommencer l’expérience. Même si Arthur a été d’une douceur parfaite, décidément, je ne prends mon pied qu’avec des filles.



J’ai senti sur mon visage le souffle froid de sa respiration de crotale. Un instant, elle a fermé les yeux dans un mauvais sourire : en se rendant compte à quel point j’étais désespérée, elle a dû jouir d’un orgasme sadique.



Elles ont écarté un pan de sa veste pour me montrer les armes à feu qu’elles cachent en permanence sous leurs vêtements, histoire d’insister sur les conséquences mortelles qu’aurait un manquement à mon engagement. En me jetant à corps perdu dans cette partie infernale, moi, l’innocente professeure de lettres à l’Université, j’avais oublié à quel point mes partenaires de jeu étaient de mauvaises filles, prêtes à tout pour plumer une pauvre oiselle victime de son addiction.


Nous avons quitté l’appartement qui nous sert habituellement de salle de jeu plus tôt qu’à l’accoutumée. J’ai entendu claquer la portière du Porsche Cayenne rouge sang d’Anaïs et Barbara, qui vivent en couple. Anaïs est une petite brunette aux cheveux longs et aux grandes lunettes rondes, cerclées de fer, qui mangent son visage ; elle a un joli sourire et on lui donnerait le Bon Dieu sans confession, mais son esprit est plus noir qu’une nuit sans lune et plus tordu qu’un spaghetti trop cuit. Son appétit pour le pouvoir et l’argent dépasse l’entendement, à moins que soit carrément la souffrance de ses proies qui motive son action.


Sa compagne Barbara, une jeune Africaine d’un mètre quatre-vingt-dix, taillée comme un garde du corps – elle a un passé de catcheuse professionnelle – et le crâne intégralement rasé, est son âme damnée. Elles partagent tout. Les deux compères ne se sont jamais séparées de plus d’une largeur d’épaules. La peau de la géante est transpercée de quantités de bijoux en métal précieux qu’Anaïs lui a offerts. Toute cette joaillerie tinte à chacun de ses pas : les lèvres, les tétons où deux anneaux sont reliés par une chaînette en or, le pubis épilé avec soin, les nymphes parées d’une rangée de boucles sur toute la longueur, et même le clitoris, pourtant sauvé in extremis de l’excision dans son enfance, est traversé d’une imposante manille de platine, une parure de grand prix dont elle est extrêmement fière, à cause de l’extrême douleur qu’elle a endurée lors de l’installation du joyau, une merveille qu’elle montre à qui veut l’admirer, notamment sur les plages libertines où les amantes vont s’étreindre sans voile. Car ces deux-là sont aussi impudiques que cruelles et aiment à s’exhiber en public dans leurs moments de débauche, comme des reines se pavanant en majesté devant leurs courtisanes – j’ai malheureusement été obligée d’en faire partie à cause de mes dettes de jeu.


Estelle, la jolie blonde qui monte à l’arrière de la voiture, est leur esclave sexuelle : il n’y a pas d’autre mot pour qualifier la soumission totale qui caractérise cette pauvre fille au sein du trio de lesbiennes. J’ignore dans quelles conditions elle s’est soumise à ce couple pervers, mais ce que je sais, c’est que je l’ai déjà vue passer des heures à sucer les pieds de ses maîtresses pendant que celles-ci faisaient l’amour ou jouaient aux cartes. Elles pratiquent également le shibari, l’art japonais des cordes, où Estelle est suspendue toute nue dans les positions les plus improbables et inconfortables, avant de subir d’affreuses tortures érotiques utilisant toutes sortes d’instruments barbares, puis d’être branlée jusqu’à n’en plus pouvoir avec un gros vibromasseur. Dans ce domaine comme en affaires, Anaïs est particulièrement douée, en emmenant sa victime jusqu’au bord de l’extase sans jamais la laisser exploser, ou bien au contraire en lui imposant des orgasmes en rafales jusqu’à l’épuisement complet.


Mais Barbara n’est pas en reste ; elle manie les cordes en experte, ainsi que les petites aiguilles qu’elle plante dans les zones les plus sensibles du corps de l’attachée, afin de susciter des hurlements dont elle jouit en se masturbant. Cependant, Estelle semble heureuse de cette situation et ne proteste jamais contre les sévices qu’elle subit, même lorsque je lui demande si ça va. Parfois même, c’est elle qui réclame à ses maîtresses une séance de bondage qu’elle endure avec un incroyable masochisme. Ce soir, contrairement aux habitudes, elle était de la partie, même si je la soupçonne de perdre volontairement afin d’avantager ses deux arnaqueuses de patronnes.


Pour toutes ces raisons, mise à part l’innocente Estelle, je les ai toujours profondément haïes. Et pourtant, cela fait des années que je joue avec elles au poker. L’addiction à ce jeu est plus forte que ma répulsion.


En marchant sous les étoiles pour regagner mon domicile, je sanglote si fort que je suis obligée de m’arrêter, le souffle court. Un homme me demande si je vais bien ; je lui dis que oui, et je repars. Il doit croire à un chagrin d’amour. Un instant, je songe à me jeter dans les eaux noires que l’océan me tend pour abréger ma vie merdique d’allumée du poker. Des parties à six mille balles, deux fois ce que je gagne en un mois de travail devant les étudiants. Je suis une cinglée. Tiens, il me reste un billet de cinquante dans la poche arrière de mon pantalon : et si je m’offrais une pute, une avec la peau bien douce et des formes bien placées là où il faut, en guise de dernière cigarette à la condamnée ?


Et puis non, je ne vais pas me foutre en l’air à quarante-sept ans, parce que d’une part j’ai horreur de me baigner dans la mer, et d’autre part cela ne sauverait pas mon Quentin chéri des griffes de ces trois dépravées vicieuses et perverses qui savent très bien où nous habitons.


Ma première idée est d’attendre l’ouverture de la banque afin solliciter un prêt. Sauf que je suis déjà endettée à mort, fichée, répertoriée comme une créance à risque. Mon banquier ne voudra jamais me fournir l’argent qui me fait défaut. Même si je rampais sous son bureau et que je descendais sa braguette afin de bouffer l’appendice qui doit lui brûler, à lui comme aux autres. Gorge profonde, jusqu’à la garde, et les couilles, aussi, suivie d’une sodomie, la petite jupe relevée et la culotte sur mes chevilles, à quatre pattes sur les dossiers de surendettement qui encombrent son bureau ; je suis étroite, ce qui devrait lui plaire, et je sais aussi simuler l’orgasme, pour qu’il se croie le dieu du sexe. Il est jeune, fraîchement émoulu d’une école de finance, et sûrement plein de vitalité dans la direction qu’indique sa cravate toujours impeccable. Même si je l’autorisais à utiliser mon corps pour assouvir tous les fantasmes masculins qu’on voit dans les pornos les plus glauques, ceux qu’il visionne sûrement sur son ordinateur professionnel, entre deux clients ? Il possède peut-être un long fouet dans son coffre, pour les clientes soumises qui, bien qu’insolvables, ont absolument besoin d’un crédit rapidement. Ah bon, l’établissement ne fonctionne pas ainsi, alors d’accord, tant pis, je me rhabille. Au revoir, Madame la dépravée, et bon courage.


Quatre heures du matin. Les travailleurs les plus matinaux quittent leur domicile après avoir sorti leur poubelle, les visages encore perdus dans leurs rêves trop tôt interrompus. D’habitude, je ne rentre pas avant les premiers rayons du soleil, pour ingurgiter vite fait un café très fort et me trouver en face de mes chers élèves.


Heureusement, les whiskies que j’ai bus au cours de la partie conservent quelque temps encore leur effet apaisant. Mais je sais que l’atterrissage qui m’attend dans une heure ou deux sera terrible. Je crains la crise d’angoisse à venir. Quelques pas plus loin, mes mains tremblent, mes jambes flageolent. Je vais être incapable de finir le trajet jusque chez moi. Prendre un taxi ? Non, je n’ai pas envie de croiser le regard d’un homme qui regardera surtout mes attributs mammaires. Il faut que je me calme, que je respire profondément, et surtout que je trouve une solution.


Je trouve refuge sous les arcades de la vieille ville, cachée dans un renfoncement, et glisse une main dans mon pantalon. J’écarte ma culotte déjà humide. Me caresser, c’est ça, pour évacuer le stress. Le plaisir monte d’autant plus violemment la tension est grande. Je me vois dans la vitrine d’un magasin de jouets, derrière le rideau de fer. Cette image me séduit. Le pantalon descend à mes chevilles, le cache-sexe jusqu’au milieu des cuisses entrouvertes. Si quelqu’un me découvrait ainsi !


Et si, pour payer mes dettes, je vendais mes organes ? Au secours, y a-t-il un chirurgien véreux dans les parages ? Ou mieux, accepter de jouer dans un snuff movie lesbien où une belle et monstrueuse créature découperait mes membres à la tronçonneuse, après m’avoir suspendue à un crochet par les pieds, la tête en bas, afin que je reste consciente le plus longtemps possible ? Ces fantasmes sanglants inspirent les mouvements de mes doigts – les miens ont toujours été macabres.


La jouissance vient très vite, et elle est fulgurante. Faut-il toucher le fond pour rebondir au septième ciel ? Je bloque ma respiration et mords ma lèvre inférieure pour ne pas hurler. En face de moi, un mannequin habillé en Wonder Woman me regarde fixement de ses yeux de plastique, étonnamment expressifs. Va-t-elle me sauver de mes ennuis avec sa force surhumaine ? Il faudrait que je sois cette amazone pour anéantir mes ennemies. Tiens, parmi les joujoux pour garçons en manque de guerre, un pistolet en plastique : il imite très bien celui d’Anaïs. Et si je l’achetais afin de braquer une bijouterie ? Non, le bijoutier se rendrait très vite compte de la supercherie, et me rirait au nez. Plutôt crever que le ridicule.


Sérieusement, il me faut trouver autre chose. Fuir. Dans un pays très lointain, où Anaïs et Barbara ne nous retrouveront jamais. Finie, la littérature, les textes merveilleux à lire devant mes étudiants qui sont, pour la plupart, de ravissantes jouvencelles, dont certaines ne sont pas farouches du tout ; parfois, par chance, l’une se laisse inviter au restaurant et la soirée se termine d’une façon romantique à l’appartement. Finie, la poésie que je leur lis parfois tout en leur massant doucement les pieds, avant de passer à des activités encore plus câlines. Pour payer quand même des études à Quentin, je nettoierai les chiottes, je ramasserai les ordures, et s’il le faut, nous nous cacherons dans un pays en guerre et je ferai le trottoir pour vider les couilles de soldats ivres et puants qui auront le regard éteint par de trop insoutenables combats.


Une fois rhabillée, je rentre à l’appartement. Il va me falloir expliquer la situation à mon fils. Je décide de ne même pas attendre qu’il se réveille. L’attente serait insupportable. De toute façon, il n’y a pas une minute à perdre pour faire nos valises et foncer à la gare, direction Roissy, et prendre le premier avion pour Hong-kong ou Sydney. Pauvre garçon, bientôt déraciné à cause de sa dévergondée de mère. Sur la pointe de pieds, j’entre dans sa chambre.


Surprise. Il n’est pas seul dans son lit, sur lequel il est endormi profondément aux côtés d’une très jolie fille de son âge. Ils sont charmants, tous les deux. Terriblement émouvants. Ils vont devoir se séparer. Ce sera encore plus dur que prévu. Ils dorment nus, enlacés l’un dans l’autre sur la couche étroite, par-dessus les draps. Cela sent fort ; une odeur de fauve que j’aime bien. Ils ont dû beaucoup transpirer au cours de leur étreinte. Tiens, il bande dans son sommeil. Réflexe organique, ou rêve-t-il de nouvelles étreintes avec la déesse qui dort à ses côtés ?


Quentin entre les griffes d’Anaïs et Barbara, soumis aux mêmes sévices que la pauvre Estelle ? Jamais ! Il est bien trop frêle, mon bel éphèbe à peine sorti d’enfance, avec un corps d’une élégance gracile, presque efféminé, ce qu’il ne cherche nullement à masquer à préférant porter des vêtements aux couleurs pastel, en s’épilant la barbe au lieu de la raser, et en laissant pousser ses cheveux jusqu’aux épaules. Il a toujours aimé jouer une certaine ambiguïté de genre, ce qui semble avoir plu à la belle, la très belle Vanessa.


En m’approchant sur la pointe des pieds, je reconnais la fille : elle s’appelle Vanessa et fait partie de mes étudiantes de première année de licence. Les deux jeunes amoureux doivent avoir le même âge. Son corps qu’éclairent les premières lueurs de l’aurore derrière les lattes disjointes des volets est parfait et son visage, d’une bouleversante régularité, en est la quintessence.


Elle ouvre ses yeux vert pomme, lumineux à en donner le vertige, qu’elle écarquille aussitôt de surprise. Par réflexe, elle couvre sa nudité avec le drap. Qui suis-je pour avoir osé troubler la pudeur d’un ange ?



Il se réveille à son tour, incrédule devant ma présence dans la chambre où ils ont fait l’amour une bonne partie de la nuit. Il doit croire à un cauchemar. Hélas ! Puisqu’il ne semble pas décidé à se lever pour laisser dormir sa compagne, je m’assieds sur le bord du lit pour tout lui expliquer, sans lui cacher le moindre détail de ma sordide addiction au jeu ni du fait qu’il est l’enjeu perdu de ma mise imbécile : une calamité dont je suis en grande partie responsable.



La solidité de l’érection qu’il ne fait rien pour me cacher prouve qu’il ne ment pas.



Amusée par cette brusque levée phallique, Vanessa caresse doucement le gland humide de rosée, du bout de ses petits doigts agiles, puis branle fermement le membre jusqu’à le faire éjaculer. Il n’émet que quelques gouttes de sperme. Ils ont dû copuler jusqu’à l’épuisement, dans la nuit. Puis ils s’embrassent à en perdre le souffle, comme s’ils voulaient fusionner leurs visages. Manifestement, ces deux coquins se plaisent à m’exhiber leur amour sans pudeur. Voir mon fils faire l’amour sous mes yeux me trouble d’autant plus que je brûle de désir pour sa compagne. Ils le sentent, et ils s’en amusent. Que la vie leur est légère !


Vanessa laisse glisser le drap et m’expose sa féminité dans toute sa splendeur, alors que le lever du soleil la zèbre comme si elle portait un pyjama de chair. Elle me sourit.



Elle abaisse ma culotte et respire profondément les parfums de ma vulve qui, aussitôt, s’humidifie.



Du bout de la langue, elle titille mon clitoris rendu déjà sensible par ma masturbation dans la rue. Je sursaute au premier contact, comme électrocutée par la volupté soudaine. Je lui murmure :



Je prends tendrement sa tête entre mes mains afin de guider les mouvements de sa bouche. Quentin nous regarde, incrédule. Il doit être pour le moins troublé de voir sa mère forniquer devant lui avec la fille qu’il aime. Troublé, et excité. Il se tend, puis il éjacule déjà dans un mouchoir en papier, en gémissant sous le feu orgasmique.



Ces questions me transpercent en plein cœur de la jouissance. Je n’ai pas de réponse à y apporter. À la naissance, je ne lui ai pas distribué les bonnes cartes, celles qu’il attend. Il faut que Quentin trouve sa voie au milieu du dédale de codes de la société. Au tournant. Ou bien dans la rivière.



Et dire que c’est Anaïs qui m’a donné ce godemiché que l’on peut attacher autour de la taille au moyen d’une sangle, au cours d’une partie fine à quatre, avec Barbara, Estelle et une autre fille que je ne connaissais pas, une nuit, sur la plage. Quand je reviens dans la chambre de Quentin, celui-ci est couché sur le dos et Vanessa est sur lui, accroupie dans la position d’Andromaque. Je lubrifie ma tige et entre doucement dans la gaine rectale de la belle étudiante en prenant soin de ne pas toucher mon fils, car toute idée d’accouplement incestueux avec lui est taboue et m’est insupportable. Entre lui et moi se tient cette fille extraordinaire, comme un écran entre nous, pour éviter d’avoir à nous toucher.


En jouissant, elle pousse des hurlements ; on dirait une truie qu’on égorge. Drôle d’image, me direz-vous : comparer la plus belle personne que j’ai jamais vue – et j’en ai vues beaucoup dans ma vie d’enseignante – à un cochon femelle ! La condition humaine a décidément quelque chose d’obscène. Quentin, insatiable, se répand dans le ventre de son aimée en se convulsant, les jambes tremblantes et les yeux révulsés. Autrement dit, il jouit comme une femme. Bienheureux Quentin au grand cœur pur de toute corruption.



oOo



Deux jours plus tard. Mes ennuis ne s’arrangent pas, bien au contraire. Vanessa, comme promis, m’a pourtant donné les six mille euros qu’elle a obtenus en louant son joli corps à une inconnue qui la désirait absolument. Elle n’a rien gardé pour elle. Je n’ai jamais tenu en mains une somme pareille, en billets de cent. Mais Anaïs n’en a pas voulu. Ce n’est pas une dette d’argent, m’a-t-elle asséné, mais une dette de chair. Elle veut mon fils, et rien d’autre. Je suis revenu avec l’argent, dans la nuit, alors que j’entendais Quentin et sa dulcinée dans la chambre, en train de se donner tendrement l’un à l’autre. Je n’ai pas osé les déranger pour leur annoncer la nouvelle. Devant leur porte, je me suis caressée en pleurant, au son de leurs soupirs d’amour et de leurs tremblements de chair. Il va vraiment falloir partir au loin. Si elle veut, Vanessa pourra nous accompagner. Avec cet argent, nous achèterons des billets d’avion. Nous nous aimerons à trois de l’autre côté du monde. J’espère que son passeport est à jour.


À moins que… inspirée par l’orgasme venu du bout des doigts, il me vient une autre idée. Une idée infernale.



oOo



Bâtiment du département de chimie, faculté de Sciences, vendredi, vingt heures trente. Il n’y a plus personne dans les couloirs. Je prends une grande inspiration avant d’entrer dans le labo où Pierre est seul maître à bord, vêtu de son éternelle blouse qui a été blanche un jour lointain, mais qui maintenant mélange taches de café, produits bizarres et sans doute aussi souvenirs organiques d’activités galantes. Car l’homme est connu comme un véritable obsédé sexuel qui cherche continuellement à séduire tout être humain porteur de seins : laborantines, enseignantes, jeunes étudiantes aussi, n’hésitant pas à échanger quelques faveurs sexuelles contre différents services, car il a du pouvoir et sait en abuser pour booster la carrière d’une collègue peu farouche ou au contraire nuire à celles qui se refusent à lui.


Totalement concentré derrière sa paillasse, il manipule, Dieu sait quoi, comment et surtout dans quel but. Il semble né pour cela, et sa mémoire phénoménale enregistre tous les phénomènes qu’il observe pour les croiser avec tout ce qu’il a déjà vu dans sa longue carrière – il a une soixantaine d’années. La porte est restée ouverte, mais je toque quand même pour signaler ma présence. Il ne tient à jour aucun cahier de labo, et refuse obstinément toute activité en équipe. Vu son comportement et sa manière atypique de travailler, il se serait fait virer depuis longtemps par la doyenne de la faculté s’il n’avait pas plusieurs découvertes de premier plan à son actif, avec des publications dans les revues les plus cotées.



Il tressaille. Ses yeux sont maintenant braqués comme des revolvers vers le milieu de ma poitrine. La partie cachée de sa masculinité a dû bondir violemment dans son caleçon en entendant ces mots magiques.



Je m’approche de lui pour l’amadouer : sans plus tarder, il tripote déjà mes seins sous mon corsage.



Il se fige soudain.



Il me tripote les cuisses et les fesses, me flaire comme un animal suspectant qu’on lui donne une nourriture avariée, puis il se décide à défaire les boutons de mon corsage, à toute vitesse. Je lui laisse l’initiative jusqu’à me retrouver en petite culotte qu’il abaisse avec la délectation d’un affamé devant de la providentielle nourriture. Puis il se jette littéralement sur moi, abaisse son pantalon et me pénètre sur la paillasse, en levrette – avec un préservatif, quand même, car il en garde toujours une boîte à portée de mains. Non, je n’aime pas les hommes. Mais c’est pour sauver Quentin.


Comme convenu, je le laisse disposer librement de mon corps. C’est une étrange sensation, à mi-chemin entre la volupté mécanique causée ses stimulations et l’écœurement. L’homme n’est pas délicat, mais pas violent non plus. Juste avide de femmes. Insatiable. Quand il se lasse de mon vagin, il me retourne, les cuisses relevées, et je me cambre afin qu’il me sodomise en tenant mes fesses à pleines mains et en s’agitant comme un fou, les yeux exorbités, l’écume aux lèvres, en nage. Dans un état second, il est en transe et me baise jusqu’à l’épuisement. Quand il me parle, ce qu’il dit est incompréhensible : je ne sais pas si ce sont des mots d’amour ou des injures misogynes, d’une voix étrange, comme un hurlement de loup ou autre bête sauvage. J’ai peur que dans sa rage de baiser, il fasse une crise cardiaque, une épectase en plein labo parmi ses fioles dont certaines se brisent en tombant au sol dans le feu de l’action. Il fait ce qu’il veut de sa vie, mais dans l’immédiat, j’ai besoin de lui.


Mon corps lesbien souffre de l’intrusion masculine dans cette zone intime, mais il est nécessaire que j’expie, en éprouvant cependant une joie sombre au milieu de cette douleur érotique : un mélange bizarre de plaisir et de révulsion. Cher lecteur, toi qui te masturbes derrière ton écran, je t’autorise à m’agonir d’une bordée méritée de qualificatifs orduriers, et même à cracher sur mon visage, car c’est bientôt celui d’une triple meurtrière qui se sert de ses charmes pour entraîner son collègue sur un chemin de sang. La promesse d’une explosion, la vengeance, le projet criminel. Les membres arrachés de mes ennemies, projetés dans toutes les directions. Ce sont ces images mentales, et non l’acte sexuel, qui provoquent ma jouissance. Les mâchoires ténébreuses du gouffre de l’enfer s’écartent pour y avaler mon âme comme s’ouvre en deux ma croupe sous l’action des mains velues afin d’engloutir la verge turgescente d’un satyre. Ma féminité lui est offerte en sacrifice, immolée sur l’autel de son désir, et parce qu’il l’apprécie à sa juste valeur, c’est un orgueil de damnée que j’éprouve sous les coups de boutoir qui écartèlent ma rosette et qui la font saigner. Je n’éprouve aucun regret, même au cœur du martyre, juste la mélancolie de mes amantes douces aux caresses angéliques – mais ce devait être dans une autre vie.


Quand il a fini d’assouvir la libido sur mon pauvre corps de femme déjà mûre et rudement secoué, il me demande d’un ton parfaitement normal, comme si la bête s’était subitement retransformée en être humain :




oOo



Le lendemain, à six heures cinquante, j’arrive à pied devant la faculté de Sciences où les gyrophares des pompiers illuminent les façades. Les lances à incendie arrosent à pleins tuyaux le bâtiment de chimie d’où se dégage une fumée épaisse et âcre. Debout sur le trottoir, la doyenne de la faculté regarde, impuissante, le feu dévorer une partie de son établissement. Je lui demande, affolée et pressentant ma responsabilité dans la tragédie :



Sa voix se brise. Puis, entre deux sanglots :




oOo



Quentin, vêtu d’une chemise blanche, marche dans la rue, tel un condamné à mort vers le lieu de son supplice ; il accepte son destin comme un héros romantique. Je ne suis pas parvenue à le convaincre de renoncer à se livrer aux mains d’Anaïs et Barbara, qui nous attendent sur le pas de la porte de l’immeuble où se trouve leur appartement. Vanessa a tenu à nous accompagner ; les deux amoureux se tiennent la main. Au moins, je les ai prévenus.



oOo



Douze heures plus tard, Anaïs, Barbara et moi jouons au poker. L’affrontement dure toute la nuit.


Au-dessus de nos têtes, Quentin, Estelle et Vanessa sont enfermés nus dans de minuscules cages suspendues par des chaînes au plafond. Recroquevillés, leur posture est inconfortable et ils n’ont guère la place de bouger. Et surtout, bien qu’à proximité les uns des autres, ils peuvent se contempler et se parler d’amour tendre, mais absolument pas se toucher, même du bout des doigts au travers des grilles d’acier – il s’en faut de quelques centimètres savamment calculés par la cruelle Anaïs qui a conçu toute cette installation diabolique. Le supplice de Tantale.


Je joue le seul argent dont je dispose : les 6000 euros que m’a donnés Vanessa. Sous ses yeux.


Le jour va bientôt se lever sans que la partie soit décisive. La blinde est passée à deux cents. L’attentisme coûte trop cher : plus droit à l’erreur. Pour racheter la liberté de mes amoureux, il me faut conclure par une nette victoire. Mais après la rivière, la couleur que j’espérais n’est pas venue et je n’ai même pas une paire en mains. Tant pis, je bluffe. Si elles suivent, je suis foutue.


Tapis.


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N. B. Les personnages sont totalement imaginaires et toute ressemblance avec une personne vivant à La Rochelle serait purement fortuite.