n° 18585 | Fiche technique | 12103 caractères | 12103Temps de lecture estimé : 7 mn | 07/10/18 |
Résumé: Les rêveries du voyageur solitaire. | ||||
Critères: hplusag bus cérébral revede voir | ||||
Auteur : Juleslyon |
Sous l’abribus, il n’y avait personne, sauf Maxime, trente-cinq ans, cadre supérieur. L’été, le soir, la fréquence de passage du bus était diminuée. Tout semblait ralenti. Deux affiches de publicité se succédaient l’une après l’autre derrière la vitre du panneau qui servait aussi d’appui au toit de ce mobilier urbain.
Maxime entendit, au loin, le bruit salvateur du bus se rapprochant.
Il monta sur le marchepied, salua le conducteur, composta son ticket.
Trois personnes y étaient assises de manière éparse, orientées dans la même direction, un choix qui paraissait étudié pour qu’aucun regard ne puisse croiser.
Maxime s’assit de manière à leur faire face, à une distance suffisante de la personne la plus proche, pour ne pas être perçu comme le désorganisateur de cet agencement qui se voulait être le gage d’un voyage tranquille.
Il adorait les transports en commun. Sa voiture le renvoyait à son individualité, laquelle était souvent redoublée par l’utilisation d’écouteurs diffusant de la musique ou des podcasts. À force, il en avait eu assez d’être enfermé avec lui-même. Surtout, il se plaisait, dans le bus ou le métro, à étudier des gens qu’il ne voulait pas connaître.
Maxime voulait quitter cette société saturée d’images et d’écrans, de divertissements à la carte, qui s’était fixé comme but de chasser l’ennui et le vide de l’existence humaine. Il voulait retrouver son propre écran intérieur, celui qui projette sur le monde sa compréhension et ses désirs, et accepte l’idée d’une extériorité sur laquelle il n’a pas prise.
Dans cette société de l’ultra narcissisme, de la mise en scène permanente de soi, dans ce flux virtuel monstrueux où les informations sur autrui sont hyper accessibles et où la protection de la vie privée est menacée à chaque instant, dans ce bain de temporalité accélérée où est constamment mise en avant la vitesse d’exécution, le mystère, l’opacité et la lenteur devenaient des éléments indispensables pour résister à l’uniformité du monde.
Les transports publics, qui plaçaient dans un espace partagé, pour une durée limitée, des personnes issues de tous horizons, sans que l’idée de rencontre soit l’objectif assigné, lui semblaient un terrain de jeu idéal. Il prenait plaisir à regarder les gens, tout particulièrement les femmes, et imaginer leurs vies, leurs humeurs du moment, à quelle de stade de leurs vies elles se situaient, leurs désirs secrets, tout cela dans le temps réduit et non maîtrisable du déplacement en commun.
Le bus permettait de croiser des femmes qui se révélaient à demi. La qualité des vêtements donnait un premier état des lieux, de nature économique. Les gestes disaient une certaine façon d’être. La forme du visage, le regard, la coiffure, toute la composition du corps faisait sens. Il y avait mille détails et quelques minutes pour tenter de cerner une personne inconnue et son état d’esprit.
Jamais il ne souhaitait engager la conversation ou tenter un rapprochement, il avait élaboré dans son esprit les règles de ce jeu pour trouver en lui une satisfaction basée sur son imagination, qui l’amenait parfois à dériver vers des rêveries érotiques.
*****
En face de Maxime se trouvait une jeune femme d’une vingtaine d’années, brune, regard doux, cils entretenus. Ses cheveux mi-longs étaient un peu ébouriffés, comme si elle sortait de son sommeil. Elle était plongée dans son smartphone qui renvoyait vers son visage un éclairage diaphane. Une vibration signalait de temps à autre l’arrivée d’un message, par SMS ou autre messagerie électronique.
Elle y répondait immédiatement, le plus souvent avec un sourire, avec un charmant sourire, puis semblait revenir de manière distraite à une lecture non identifiable. Un sourire peut donner l’air idiot, le sien lui donnait l’air coquin. Maxime se dit que le prénom d’Amandine lui irait bien.
Amandine portait un débardeur barré de lignes alternativement blanches et bleues. Son col commençait à la naissance des seins, un peu plus bas même, un effort limité d’imagination autorisait à penser qu’ils étaient beaux. Maxime avait envie de croire que la base de ses tétons était d’un diamètre limité et que leurs pointes se dressaient avec rectitude dans les phases de plaisir intense.
Ses bras étaient finement velus, d’une couche de poils à peine perceptible. Les cils d’Amandine n’étaient pas très fournis et Maxime en déduisit, à tort ou à raison, que la pilosité de son corps était limitée. Maxime n’imaginait pas qu’elle puisse s’épiler intégralement, elle avait réfléchi à la question, mais avait fini par considérer que sa pilosité méritait, de par sa rareté, à être conservée. Un duvet de poils à la configuration naturellement géométrique se formait donc dans le prolongement de son pubis, sans déborder, une mince couche de fils soyeux et dociles, aplatie sur sa peau.
Le bus s’arrêta à un feu rouge. Une voix féminine et désincarnée annonça par haut-parleur le nom du prochain arrêt. Maxime craignit un instant d’être interrompu, mais personne ne bougea. Amandine n’y fit même pas attention et restait concentrée sur ses messages. Le bus repartit, et les rêveries continuèrent.
La peau d’Amadine présentait une couleur mate et claire, ses lèvres étaient discrètement roses, et lisses. Maxime savait d’expérience que la physionomie des lèvres ne permet pas de savoir comment une femme embrasse, pas plus que la forme de ses fesses ne permet de savoir si elle fait bien l’amour. Mais la délicatesse de ses lèvres laissait présager une forme de suavité lente, d’abandon dans le baiser. Maxime prit plaisir à croire qu’Amandine aimait être embrassée lorsqu’elle faisait l’amour. Qu’elle donnait sa bouche, en même temps que son sexe, son ventre, ses seins, avec une implication totale de son être.
Une nouvelle vibration attira l’attention d’Amandine. La lecture de ce qui était sans doute un texto lui prit un certain temps, la fit réfléchir. L’un de ses doigts se posa sur bouche, exprimant un sentiment de perplexité.
Sa tête se releva et elle vit Maxime. Ils soutinrent leurs regards pendant une fraction de seconde, mais ce temps fut suffisant pour qu’Amandine comprenne que Maxime la regardait depuis un moment. Il détourna très vite ses yeux dans une autre direction, comme pour signifier la reconnaissance d’un abus qui ne serait pas réitéré.
Amandine baissa la tête et pianota un message sur son portable. Elle s’arrêta à plusieurs reprises pour se relire, se gratta les cheveux. Maxime bougea lentement sa tête et recommença à l’observer.
Il put constater qu’aucun vernis ne recouvrait ses ongles. Cette femme aimait ce qui était naturel et regardait de loin toute tentative de sophistication ayant pour objet de mettre sa féminité en valeur. Amandine avait compris que sa beauté était naturelle, et l’idée d’y apporter une touche artificielle aurait relevé du contresens.
Une fois le texto envoyé, elle rangea son portable dans sa poche. Sa tête se tourna vers la fenêtre, ou vers elle-même, ou les deux alternativement. Elle portait un jean bleu délavé, et des baskets blanches. Ce pantalon était à l’évidence trop juste, la serrait d’un peu trop près. Elle devait avoir des difficultés à l’enlever ou à le mettre. Au moment de l’abaisser, il est fort probable qu’une partie de sa culotte venait avec. Amandine devait enlever les deux en même temps. Apparaissait alors instantanément son entrejambe nu. Si quelqu’un la déshabillait à sa place, il devait tout retirer et l’odeur de son intimité se révélait à lui. Une odeur de peau renfermée, mêlée à celle des tissus, d’où s’échappait à peine la senteur de son sexe. Pour celui à qui cette faveur était autorisée s’imposait la nécessité de prendre le temps de la mesure du cadeau offert.
Quelques heures plus tôt, Amandine et son ami avaient fait l’amour. C’était en fin d’après-midi, après le cinéma, on était dimanche. Il lui avait proposé de passer dans son deux pièces situé au rez-de-chaussée. Amandine avait dit oui, une réponse positive à une question à double sens. La porte d’entrée renfermée, il s’était directement retourné vers elle, parce qu’il ne voyait pas très bien comment tenter un rapprochement une fois installés sur le canapé avec un verre. La surprise d’Amandine ne se transforma pas en déception. Il prit soin de l’embrasser avec douceur, elle se sentit immédiatement en confiance, il s’occuperait de son corps avec respect.
Si tout allait bien, le silence ne serait pas interrompu. Ils allèrent dans sa chambre et se collèrent l’un à l’autre sur le lit, en s’embrassant. Amandine se redressa et enleva son débardeur, puis dégrafa son soutien-gorge. Il se mit torse nu et la chaleur respective de leur peau, au contact, produisit un effet rassurant et excitant. Elle passa sa main sur sa braguette et devina sa dureté. Avec un sourire complice et des yeux pétillants, elle ôta le reste de ses vêtements, devenue intégralement nue, elle était un rêve de jeune femme. Amandine caressait le sexe de son ami, nu lui aussi, elle pensait qu’un peu plus tard elle le mettrait dans sa bouche, ferait des va-et-vient très lents, il aurait un goût salé et un peu visqueux qui se confondrait avec sa salive. Il pourrait entendre de légers et rares gémissements internes.
Les draps du lit étaient par terre, ils s’enroulèrent sur eux-mêmes plusieurs fois, retardant le moment de la pénétration. L’entrecuisse d’Amandine était trempé, elle sentait un filet liquide couler entre ses fesses, jusqu’à son anus. Ce n’était pas incommodant au milieu de tout le reste. Elle se mit sur lui, sans chercher à positionner sa bite à l’entrée de son vagin, qui trouva l’orifice seul et glissa en elle avec une grande facilité. Amadine se cambra plusieurs fois de suite, son sexe se contracta et mille sensations fulgurantes traversèrent son esprit. Au moment où les effets de sa jouissance commençaient à s’estomper, elle sentit les secousses du sexe masculin en elle, une longue et abondante semence.
Ils dormirent une heure blottis l’un contre l’autre. À son réveil, Amandine constata qu’il faisait nuit et qu’il fallait partir, elle avait indiqué à ses parents qu’elle dînerait avec eux. Elle se rhabilla rapidement après être passée sous une douche tiède, faisant disparaître les traces séchées de leur étreinte.
Elle prit le bus et son ami lui adressait des SMS. Elle se sentait cotonneuse, mais légère comme une plume, un brin planante.
Arrivée à deux stations du terminus, elle se prépara à sortir. Maxime décida de lui emboîter le pas, faisant mine de ne plus la regarder. Le téléphone vibra dans la poche d’Amandine qui le sortit au moment de descendre les marches du bus. Le rectangle lumineux lui échappa et tomba par terre, aux pieds de Maxime. Il se courba très rapidement et put lire furtivement quelques mots du SMS :
« ma caro, t’offusque pas, je t’aime, ta loute ».
Maxime lui rendit son portable, que la jeune fille prit rapidement, en le remerciant.
Sans chercher à comprendre, elle fit quelques pas et consulta son téléphone. Elle s’arrêta plusieurs secondes pour bien comprendre. Maxime prit la direction opposée, dans cette nuit d’été dont les promesses ne sont jamais taries.