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Temps de lecture estimé : 11 mn
28/11/18
Résumé:  Son père somme la princesse Hong Li de choisir parmi trois prétendants. Mais elle est amoureuse du jardinier...
Critères:  fh amour conte portrait humour -contes
Auteur : GGdeBerre
Conte chinois



Cette histoire se passe dans le magnifique palais royal de la capitale d’une province chinoise fort reculée. Dans ce palais vivait la princesse Hong Li. Elle avait dix-huit ans et n’était pas encore mariée, ni même fiancée. Cela désolait fort le roi Yang You, son père. Depuis quatre ans, comme c’était la coutume, plusieurs prétendants lui avaient été présentés. Tous avaient été éconduits : celui-ci était trop vieux, celui-là trop petit, tel autre bégayait, le dernier avait été jugé inculte, donc indigne de la princesse Hong Li. Le roi Yang You, veuf depuis fort longtemps, avait toujours respecté les décisions de sa fille unique qu’il adorait.


Mais, au matin de son dix-huitième anniversaire, il se fâcha et fit appeler sa fille dans la salle du Conseil.



Le roi, qui s’attendait à plus de résistance, accepta de patienter encore une journée. En réalité, la princesse Hong Li était tombée amoureuse d’un jardinier engagé depuis quelques semaines pour entretenir les pelouses, les massifs et les bosquets du palais royal. Elle l’avait rencontré lors d’une promenade, lui avait trouvé un visage avenant et une taille élégante. Elle lui avait demandé de lui confectionner un bouquet et de le faire porter dans ses appartements. Quand elle était rentrée chez elle, elle y avait trouvé la composition florale la plus belle qu’elle ait jamais vue mais également un flacon contenant le parfum le plus suave qu’elle ait jamais respiré et, s’étant approchée de la fenêtre, elle avait entendu le jardinier chanter la chanson la plus mélodieuse qu’elle ait jamais entendue.


Éprise de son jardinier, la princesse Hong Li ne savait comment le faire accepter par son père, le roi Yang You. Elle passa une longue partie de la journée, de la soirée et de la nuit à réfléchir comment se débarrasser des trois prétendants choisis par son père. Au matin, elle se rendit de nouveau dans la salle du Conseil et demanda à parler au roi en tête-à-tête. Une fois les serviteurs sortis de la pièce, elle s’inclina et dit :



Il s’apprêtait à frapper dans ses mains pour appeler ses serviteurs et leur donner ses ordres quand la princesse Hong Li arrêta son geste :



(La hardiesse de cette princesse et la complaisance du roi, son père, étonneront certainement le lecteur. Celui-ci doit savoir que le roi, grand amateur d’érotisme, tant au travers de livres que dans les jeux d’alcôve, avait élevé sa fille dans le même esprit. Considérant que l’âme ne s’élève que si le corps exulte, le roi avait favorisé la curiosité de sa fille pour les choses du sexe et ne pouvait donc s’offusquer de cette demande).


Le roi Yang You qui aimait profondément sa fille acquiesça à ces dispositions et en informa les prétendants qu’il avait désignés. Ceux-ci, craignant à la fois de déplaire à leur souverain mais tout autant désireux de prétendre à sa succession, se mirent immédiatement à l’ouvrage. Comme le supposait la princesse, avant d’écrire le plus beau poème, de dessiner la plus jolie aquarelle et de réaliser le plus ravissant des bijoux, ils durent prendre des cours accélérés auprès des maîtres les plus savants dans l’art de la poésie, de la peinture et de la bijouterie.


De son côté, la princesse Hong Li descendit dans son jardin pour y rencontrer son soupirant. Elle l’informa des dispositions retenues et ils prirent ensemble les arrangements souhaitables pour qu’il soit le vainqueur de la compétition. Puis elle fit venir ses trois suivantes les plus fidèles. Celles-ci étaient des veuves de soldats morts à la guerre et étaient parfaitement dévouées à leur maîtresse. Elles se réjouissaient de son idylle avec le jardinier et ne demandaient pas mieux que d’aider la princesse à parvenir à ses fins.


Au milieu de la semaine, le roi et la princesse convoquèrent les trois prétendants et l’on tira au sort l’ordre de passage dans le lit de la fille du roi. Trois bâtonnets de taille différente furent présentés aux dignitaires. L’économe choisit le plus court et serait le premier, viendrait ensuite le chambellan tandis que le général terminerait la série.


Le soir même, l’intendant était introduit dans les appartements princiers et conduit par une servante vers une chambre faiblement éclairée. Il se glissa dans le lit et se mit en devoir d’honorer de son mieux son occupante. Quand il en eut terminé, celle-ci lui fit remarquer sa dent en or. L’économe trouva que cela ne gâchait rien à sa beauté et s’en retourna, certain d’avoir mis toutes les chances de son côté pour devenir l’époux de la princesse.


Pendant que le dignitaire s’activait dans les appartements de la princesse Hong Li, le roi Yang You, l’oreille collée au mur, entendait sa fille murmurer « Ah, que c’est bon ! » et de faibles gémissements qui ne lui semblèrent pas de bon augure. Il se dit que, décidément, son intendant était économe en tous points.


Le lendemain soir, à son tour, le chambellan fut introduit dans les appartements princiers et conduit par une servante vers une autre chambre tout aussi faiblement éclairée. Lui aussi se glissa dans le lit et se mit en devoir d’honorer de son mieux son occupante. Quand il en eut terminé, celle-ci lui fit remarquer sa tache sur la cheville. Le chambellan trouva que cela ne gâchait rien à sa beauté et s’en retourna, certain d’avoir mis toutes les chances de son côté pour devenir l’époux de la princesse.


Pendant que le dignitaire s’activait dans les appartements de la princesse Hong Li, le roi Yang You, l’oreille collée au mur, entendait la princesse s’exclamer : « Ah, c’est mieux qu’hier ! » ainsi que d’autres soupirs langoureux qui lui parurent très convaincants. Il se dit que, décidément, il fallait attendre la fin des épreuves.


Le dernier soir de la semaine, comme l’avaient été les deux autres dignitaires, le général fut introduit dans les appartements princiers et conduit par une servante vers une troisième chambre tout aussi faiblement éclairée. Comme les deux prétendants précédents, il se glissa dans le lit et se mit en devoir d’honorer de son mieux son occupante. Quand il en eut terminé, celle-ci lui fit remarquer qu’il lui manquait une phalange à son auriculaire gauche. Le général trouva que cela ne gâchait rien à sa beauté et s’en retourna, certain d’avoir mis toutes les chances de son côté pour devenir l’époux de la princesse.


Pendant que le dignitaire s’activait dans les appartements de la princesse Hong Li, le roi Yang You, l’oreille collée au mur, entendait sa fille rugir : « Ce soir, tu me fais mourir ! » ainsi que d’autres grands cris de jouissance qui le mirent fort en émoi. Il se dit que, décidément, ce général était le meilleur sur tous les champs de bataille.


Le sixième jour, le roi Yang You et la princesse Hong Li examinèrent ensemble les poèmes, les aquarelles et les bijoux que les trois dignitaires avaient réalisés. Seul le poème de l’économe leur plut car celui du chambellan était insipide et les rimes du général étaient fort dissonantes. Le militaire, pour sa part, avait peint une très jolie aquarelle mais celles de l’économe et du chambellan ressemblaient à des barbouillages de petit enfant. Quant aux bijoux, chacun s’était contenté d’offrir un anneau avec une seule pierre. Et encore, si le diamant présenté par le chambellan brillait de quelques feux, les autres n’avaient aucun éclat. Tandis que la princesse Hong Li se réjouissait discrètement de ces piètres offrandes, le roi Yang You était déçu et désemparé.



Le roi accepta une fois encore de suivre l’avis de sa fille et en fit informer les trois prétendants. Le lendemain matin, tout le monde était réuni dans la salle du Conseil. Le roi Yang You et la princesse Hong Li avaient pris place sur leur trône, sous un baldaquin. Les trois fidèles suivantes s’étaient assises de côté tandis que l’économe, le chambellan et le général leur faisaient face. Le roi expliqua aux dignitaires que leurs présents n’avaient pas répondu à ses attentes et qu’il devait donc leur imposer cette épreuve supplémentaire, le récit de leur nuit avec la princesse.


L’économe fut invité à prendre la parole le premier. Il raconta qu’il avait fait comme ci et comme ça, qu’il n’avait fait qu’une fois l’amour à la princesse mais que celle-ci y avait pris un certain plaisir. Quand il eut terminé, la princesse, avec la permission du roi, posa une question :



À ces mots, la princesse Hong Li et sa première suivante partirent dans un grand éclat de rire. Puis la fille du roi montra que sa dentition était parfaite tandis que la première suivante exhibait une molaire en métal jaune.


Honteux et confus, l’intendant regagna sa place et le chambellan entama son récit. Il exposa qu’il avait fait comme ci et comme ça, qu’il avait fait deux fois l’amour à la princesse et que celle-ci y avait pris beaucoup de plaisir. Quand il eut terminé, la princesse, avec la permission du roi, posa une question :



À ces mots, la princesse Hong Li et sa deuxième suivante partirent dans un grand éclat de rire. Puis la fille du roi montra que ses chevilles étaient parfaites tandis que la deuxième suivante soulevait sa robe et dévoilait sa tache de café.


Honteux et confus, le chambellan regagna sa place et le général commença son récit. Il énonça qu’il avait fait comme ci et comme ça, qu’il avait fait trois fois l’amour à la princesse et que celle-ci y avait pris un plaisir immense. Quand il eut terminé, la princesse, avec la permission du roi, posa une question :



À ces mots, la princesse Hong Li et sa troisième suivante partirent dans un grand éclat de rire. Puis la fille du roi sortit ses mains des manches de sa robe, montra qu’elles étaient sans défaut tandis que la troisième suivante présentait son doigt raccourci. Honteux et confus, le général regagna sa place et la princesse Hong Li, se tournant vers le roi lui dit :



À ce moment-là, une grande effervescence se produisit à la porte de la salle du Conseil. Un jeune homme, porteur d’un coffret, voulait entrer tandis que les gardes s’y opposaient. Le roi demanda les raisons de ce remue-ménage. Le chef des gardes rapporta que c’était l’un de ses jardiniers qui voulait demander au roi la main de la princesse Hong Li et qu’il apportait dans sa cassette le plus beau des poèmes, la plus jolie des aquarelles et le plus ravissant des bijoux. Après avoir demandé l’avis de la princesse et malgré les murmures désapprobateurs des trois dignitaires, le roi ordonna que le jeune homme fût introduit.


Il s’approcha, fit sa révérence et remit son offrande. Quand le roi eut parcouru le poème, il convint qu’en effet c’était le plus beau des poèmes. Quand le roi eut contemplé l’aquarelle, il convint qu’en effet c’était la plus jolie des aquarelles. Quand le roi eut admiré le bijou, il convint qu’en effet c’était le plus ravissant des bijoux.



À ces mots, la princesse fit glisser le haut de sa robe et tous purent voir que le jardinier disait vrai. Le roi reprit la parole :



Ainsi fut fait : le prince-jardinier épousa la princesse Hong Li, l’économe épousa la première suivante, le chambellan épousa la deuxième suivante et le général épousa la troisième suivante. Et tout le monde fut heureux et les couloirs du palais royal retentirent bientôt des rires et des cris d’une ribambelle d’enfants.