Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 18690Fiche technique123021 caractères123021
Temps de lecture estimé : 69 mn
30/11/18
corrigé 06/06/21
Résumé:  "Les voyages forment la jeunesse", dit-on... Eh bien, pas toujours.
Critères:  fh ff hplusag oncletante copains humilié(e) vengeance exhib fellation pénétratio fdanus délire aventure -aventure
Auteur : Someone Else  (Écrire, c'est (aussi) prendre des risques.)            Envoi mini-message
La vengeance et la haine




Première partie



Cela peut paraître d’une banalité extrême, mais j’ai eu une enfance heureuse. Des parents aimants à défaut d’être riches, présents lorsque j’avais besoin d’eux et assez permissifs lorsque j’avais besoin d’air, est-ce cela que l’on appelle le bonheur ? Personnellement, il me semble bien que cela doit y ressembler…


Et pourtant, on ne peut pas dire que mon existence s’était annoncée sous les meilleurs auspices. Lorsque mes parents furent obligés de quitter le Bélizera, petit pays d’Amérique centrale, ce fut dans des conditions abracadabrantesques, poursuivis par la moitié de l’armée du pays – sans oublier la police politique – jusqu’au beau milieu des montagnes, allant jusqu’à se déguiser en bonnes sœurs et à cacher le bébé que j’étais dans leur sac à dos afin d’échapper aux contrôles.


Bref, lorsqu’ils déboulèrent à Paris en ce soir de janvier, ce n’était pas la fête ! Personne chez qui aller, aucun ami véritablement fiable chez qui passer la nuit, pas un rond devant soi… Ç’aurait pu être une sacrée galère si la chance n’avait pas été de la partie.


Le soir en question, c’était l’anniversaire du père de madame Eustache et elle voulait lui offrir un cadeau hors du commun, à savoir la même 4CV que celle avec laquelle il avait sillonné la France du temps de sa jeunesse.


Alors, madame Eustache avait épluché les petites annonces jusqu’à trouver l’oiseau rare, avait demandé à un garage ayant pourtant pignon sur rue de la remettre en état et se rendait donc à la soirée organisée en l’honneur de son paternel lorsque la minuscule carriole avait eu la bonne idée de la laisser en rade… À une époque où, rappelons-le, le téléphone portable n’appartenait qu’au monde de Star Trek.


Malgré la situation qui était la nôtre, mon père n’avait pas pu s’empêcher de proposer son aide à la pauvre femme qui, malgré son manteau de fourrure hors de prix, était bel et bien dans la panade. Là, ses doigts d’or avaient fait des merveilles et l’antique voiture avait redémarré.



Et c’est ainsi que nous nous étions retrouvés à trois dans une chambre de bonne située au-dessus de l’appartement de madame Eustache… Nous étions certes un peu serrés, mais au moins, nous étions au chaud et au sec ! Et nous eûmes très vite le ventre plein puisque notre hôtesse avait eu la bonne idée de nous faire monter de quoi manger.


La chance aurait pu s’arrêter là, mais, dès le lendemain matin, la petite voiture refaisait des siennes.



Madame Eustache se doutait-elle un seul instant que la mécanique était le métier initial de mon père ? Et qu’il n’y a pas de sot métier, il n’y a que de sottes gens ?



Dès lors, le chemin était tout trouvé, d’autant que madame Eustache avait un bon nombre d’amies qui pestaient devant les pannes à répétition de leurs superbes voitures qui, bien que luxueuses et récentes, n’en étaient pas moins quasiment tout aussi caractérielles.


Avec l’argent économisé sur les dépannages et les entretiens, il acheta une vieille Ford rarissime qu’il ressuscita de A à Z avant de la revendre à un collectionneur… Qui, devant le travail d’orfèvre qui avait été effectué, s’empressa de lui en réserver une autre, qui fit elle aussi forte impression auprès des amis de notre homme. La suite, l’on s’en doute, ne se fit pas attendre, il croula bien vite sous les commandes et c’est ainsi que trois ans après s’être pointé à Paris les mains dans les poches, il s’était retrouvé à la tête d’un petit garage spécialisé dans la restauration d’anciennes avec une petite dizaine employés sous ses ordres.


À partir de ce jour et même si nous ne roulions pas sur l’or, l’argent ne manqua plus… Et c’est ainsi que je peux dire que j’ai eu une enfance heureuse.


Tout cela aurait pu durer encore pas mal d’années lorsque, tel un boomerang, le passé décida soudain de nous revenir en pleine face… Et ce passé avait pour visage – si j’ose dire – d’un courrier de l’oncle Ernesto.


Depuis toute gamine, je connaissais le parcours qu’avaient eu les deux frères lors de la révolution qui avait secoué le Bélizera une vingtaine d’années plus tôt et qui les avait conduits tous deux aux portes du pouvoir.


Dans l’esprit de mon père – et, le croyait-il, dans celui de mon oncle – le but était de renverser le dictateur Massilio en place, d’instaurer un gouvernement de transition le temps d’organiser de vraies élections démocratiques pour que le peuple puisse enfin choisir par qui et comment il souhaitait être gouverné. Las, Massilio avait été viré depuis presque un an et aucune élection ne pointait à l’horizon…


L’engueulade entre les deux frangins avait été homérique, mais n’aurait sans doute pas eu plus d’importance que toutes les précédentes si mon père n’avait pas été victime, dès le lendemain, d’une tentative d’assassinat commanditée à l’évidence par son propre frère. Comment le savait-il ? Parce que lorsque l’on a fait partie des services secrets, il est toujours bon de garder les codes d’accès au palais présidentiel ainsi que quelques contacts à l’intérieur !


Après un coup pareil, la décision fut vite prise : décarrer du pays le plus vite possible, quitte à tout laisser sur place… Et comme ma mère avait été enseignante dans la langue de Molière et que mon père ne le baragouinait pas trop mal, la destination était toute trouvée, il s’agissait de la France, forcément !


Toujours est-il que l’oncle Ernesto, à l’occasion de mon vingt et unième anniversaire, nous invitait tous les trois à retourner au Bélizera pour l’y fêter comme il se doit.


Pour lui, et il insistait là-dessus, il était question « de faire du passé table rase » et d’enterrer définitivement la hache de guerre. Mieux même, il espérait le retour de son frère pour qu’il lui suggère quelques réformes qui aideraient à sortir le pays de l’ornière, ce qui était d’ailleurs assez peu dire quand on connaissait le niveau de misère dans lequel la gestion catastrophique d’Ernesto avait plongé la population.


Bien entendu, tout cela sentait la merde à des kilomètres… Mais il y avait eu la pression médiatique ! En plus des politiques en place, l’oncle Ernesto avait pris soin d’informer tous les médias de France et de Navarre de sa demande, faisait amende honorable, et c’est tout juste si ce n’est pas la larme à l’œil qu’il implorait le retour de mon père dans son pays d’origine…


Sans compter que la raison d’État s’était arrangée pour que le paternel passe soudainement du statut d’obscur mécano de banlieue à celui de sauveur de la patrie puisque, rappelons-le, le Belizera est, aujourd’hui encore, toujours assis sur une montagne de pétrole et que de tout temps, il convient toujours d’être bien vu de ceux qui ont la possibilité de fermer le robinet.


Dès lors, que faire ? Mes parents et moi avions été naturalisés français quelques années plus tôt, les affaires étrangères nous garantissaient notre protection quoiqu’il arrive, et les premières rencontres qui avaient eu lieu en France avaient été finalement assez cordiales. Ernesto s’excusait, n’en finissait plus d’implorer le pardon de son frère, jurait qu’il s’était trompé, qu’il avait été dépassé par les événements, affirmait qu’il avait été victime de conseillers à la solde de puissances étrangères et qu’ils en avaient d’ailleurs payé le prix…


Avec le recul, je me dis que la suite était tellement prévisible… À peine avions-nous posé les pieds sur le tarmac de l’aéroport de la capitale du Belizera que ce fut le feu d’artifice : désarmés, les cinq hommes censés assurer notre protection furent abattus comme des chiens. Mon père s’était aussitôt fait ravager la gueule par une dizaine de militaires qui l’avaient aussitôt emmené vers une destination qui a toutes les chances, aujourd’hui encore, de rester à tout jamais inconnue. Cependant, certaines sources affirment qu’il aurait été au final abandonné au beau milieu de la forêt tropicale, enfermé dans une caisse et alors qu’il était encore vivant. Quant à nous, ben…


On nous a embarquées, frappées, torturées, tabassées, humiliées, affamées… Et, par-dessus tout, violées de toutes les façons possibles et un nombre incalculable de fois. L’oncle Ernesto n’aurait soi-disant jamais digéré que ma mère, Maria, ai pu lui préférer mon père du temps où ils étaient tous trois à l’université, autant dire qu’il allait le lui fait payer ! Quand je vois ce que j’ai pu endurer, je n’ose pas imaginer les sévices auxquels elle a dû avoir droit…


La chance que j’ai eue à cette époque-là, c’est que malgré mes vingt et un ans, j’avais déjà une solide expérience du radada… Des garçons – et quelques filles, aussi – j’en avais déjà connu des tas, des biens, des moins biens, des beaux, mais aussi des moches… J’ai couché des dizaines de fois, par plaisir, par envie, quelquefois même par amour, mais aussi parfois par dépit, par désœuvrement, par colère, par vengeance… Et je ne parle même pas des défis que nous nous lancions entre copines et que je n’étais jamais la dernière à relever.


Or, j’avais bien compris dès le départ qu’au travers de ces viols à répétition, c’était bien plus mon esprit que l’on essayait de détruire bien plus que mon corps. Il fallait m’humilier, me rabaisser, me déshumaniser… Et c’est pourquoi j’avais également décidé dès le départ que je ne devrais jamais attacher d’importance à ce qu’ils me faisaient subir, me mentant sans doute à moi-même en me disant que ce n’était finalement que quelques queues de plus dans mon existence et qu’elles ne décideraient pas plus de mon destin que toutes celles que j’avais connues auparavant.


De même, ces connards avaient-ils conscience, lorsqu’ils m’attachaient dans d’invraisemblables positions destinées à me faire souffrir au-delà du supportable, que mon passé de gymnase était passé par là ? Que lorsque j’avais droit à d’intenses séances de fouet ou de cravache, j’avais autrefois expérimenté – par curiosité et de mon plein gré – l’univers du sado-maso et que je connaissais donc l’effet sur mon propre corps de toutes ces triques, de tous ces martinets, de toutes ces badines ? Que j’avais appris à ne jamais crier, à ne jamais supplier, et que ce n’était certainement pas avec eux que j’allais commencer ?


Ce n’est qu’au bout d’environ quinze jours que j’ai vu débouler ce très cher oncle à la porte de l’espèce de geôle puante qui me servait de cellule. D’une certaine façon, j’aurais bien dû me douter que j’allais recevoir la visite d’une personne importante puisqu’à quatre heures du matin, j’avais eu droit à un nettoyage soigné de mon réduit et de moi-même à grands coups d’eau glaciale et de lance à incendie !


Quasiment sans surprise, son premier réflexe avait été de vouloir me violer… À l’écouter, j’allais hurler, que ce serait absolument terrible, que jamais je n’aurais eu aussi mal, que jamais je n’aurais connu un mâle comme lui… Sauf que, compte tenu de mon passé et de tout ce qu’ils m’avaient déjà fait subir, cela n’aurait déjà pas été gagné avec une grosse bite, mais avec l’espèce de machin ridicule qui lui traînait entre les jambes, il ne risquait pas beaucoup de m’entendre gueuler !


Cela n’a naturellement pas amélioré mes conditions de détention par la suite, mais, au final, voir la gueule qu’il avait tirée lorsqu’il m’avait brutalement sodomisée sans que cela ne me fasse ni chaud ni froid valait bien quelques privations supplémentaires assorties de pas mal de coups de trique…


Je ne sais pas combien de temps ma détention dura, mais au final je fus transférée – d’abord sur un camion, ensuite sur une chaloupe, mais toujours sans eau, en plein soleil et dans une minuscule caisse en bois, cela va de soi, sur ce que j’apprendrais plus tard être le yacht présidentiel, et où je retrouvais ma mère que je n’avais pas vue depuis des semaines et que je croyais – je n’ose dire espérais – morte depuis un bail, ainsi que quatre autres filles.


Pourquoi avions-nous été attachées toutes les six en plein cagnard à des poteaux au beau milieu du pont ? Ce n’est que quand nous avons vu Ernesto himself se pointer avec ses sbires et que ces derniers avaient apporté une sorte de brasero que nous avons compris ce qui allait se passer… Ce n’était pas la peine d’avoir vu Histoire d’O pour comprendre que, comme du bétail, nous allions être marquées au fer rouge.


Je me croyais dure à la douleur, mais la souffrance a été inimaginable… Et au bout d’une bonne heure, nous nous sommes toutes retrouvées avec cette étoile à sept branches qui ornera le creux des reins jusqu’à la fin de nos jours.


Quand on connaît l’enfer, on se dit toujours que cela ne peut pas être pire, et pourtant… Les jours suivants furent atroces : la douleur du fer rouge ne s’estompait pas, nous étions toutes les six enfermées dans des cages à chien posées à même le pont, nourries également avec des croquettes qu’aucun clébard, même affamé, n’aurait consenti à ingurgiter, et n’ayant pour boire qu’une vague gamelle d’eau scellée au sol et qui aurait été tout juste suffisante pour abreuver un teckel…


Seul réconfort, pourvoir reparler à ma mère, apprendre ce qui lui était arrivé, essayer d’avoir des nouvelles de mon père – qu’elle n’avait pas plus que moi, on s’en doute – et tenter d’échanger quelques mots avec les autres filles comme si connaître leur parcours aurait pu changer quelque chose à notre triste sort…


De temps en temps, on nous sortait, enchaînées et en laisse bien évidemment, et leur plaisir était de nous obliger à pisser comme des chiennes. Là encore, s’ils espéraient m’humilier avec ce genre de combines, c’était raté ! Par contre, ils embarquaient régulièrement l’une d’entre nous et après l’avoir attachée sur une sorte de croix de Saint-André, et là tout l’équipage lui passait dessus de toutes les façons possibles… Malgré tous mes efforts pour relativiser les choses – encore une fois, il ne devait s’agir que de quelques queues de plus qui n’influeraient pas ma vie – ils ne furent quand même pas loin de me faire devenir folle.


Pour ma mère, ce fut plus compliqué… Elle eut droit au même traitement que toutes les autres, mais ces connards agrémentèrent leur petite fête d’une quantité industrielle de rhum. Résultat, après l’avoir violée encore et encore, ils étaient tous dans un tel état qu’ils l’oublièrent en plein cagnard. Déchirés comme ils l’étaient, ils n’entendirent pas ses supplications et ses hurlements lorsque la soif s’ajouta à la brûlure du soleil. Lorsqu’ils la détachèrent enfin, il était environ dix-neuf heures, mais il était trop tard : elle était partie pour un monde qui, à en juger par ce qui se passait autour de nous, ne pourrait être que meilleur. Dire qu’elle s’est éteinte à quelques mètres de moi sans que je n’aie jamais pu lui dire à quel point je l’aimais…


Dès lors, il devint évident que je ne parviendrais jamais à trouver l’occasion de m’échapper en m’y prenant de la sorte… Ernesto voulait ce qu’il appelait des zombies, c’est-à-dire de véritables esclaves suffisamment résignées pour ne plus jamais se rebeller ?


Je parvins à convaincre Jennifer et Lucienne, deux des autres filles, de jouer le jeu, mais les autres s’y refusèrent. D’une certaine façon, cela valait mieux comme ça : si nous avions subitement, toutes arrêté de nous révolter, cela aurait sans doute paru suspect ! Toujours est-il que le samedi d’après, c’est debout que nous sortions de nos cages… En effet, Ernesto organisait quasiment tous les week-ends des soirées avec ses amis où les filles – nous avions maintes fois assisté à son petit manège –, en plus d’assurer le service, étaient offertes aux invités qui pouvaient en user et abuser autant qu’ils le voulaient.


Bien sûr, nous savions que nous serions surveillées et nous dûmes donc jouer le jeu sans jamais protester, aller au-devant de la queue du type le plus immonde qui soit, réussir à faire bander les vieux déchets, lécher les vieilles moules comme si notre vie en dépendait… Ce qui n’était jamais que l’exacte vérité, d’ailleurs !


Un soir, Ernesto me convoqua dans sa cabine… Que faire ? L’insulter ? Non seulement cela n’aurait servi à rien, mais, tout au contraire, cela aurait réduit tous mes efforts à néant. Piquer une bouteille de champagne et, comme cela se fait dans les films, lui fracasser sur le crâne ? C’était beaucoup trop risqué ! Il faut tout de même savoir que le gaillard faisait un mètre quatre-vingt-quinze de muscles, avec des bras comme mes cuisses et dans les forces spéciales de la révolution, il tenait accessoirement le rôle d’instructeur principal. Autrement dit, le buter, c’était mission impossible.


Alors, je n’ai rien dit et, comme avec les autres, je me suis laissé faire… Ma chatte, mon cul, ma bouche ? Si tu savais à quel point je n’en avais rien à foutre ! Il ne m’a rien épargné, même pas quelques commentaires sur mon père qui, soi-disant, pleurait avant même d’être torturé et l’aurait imploré pour que je subisse les supplices à sa place… Que ma mère était la dernière des putes et qu’elle n’aurait convolé en justes noces que pour pouvoir rester auprès de lui… Que c’était lui qui lui avait soufflé mon prénom, Jessica, et qu’elle avait trouvé l’idée fabuleuse…


Ben voyons ! Par bonheur et en leur temps, mes parents m’avaient brossé un tableau assez fidèle du personnage, ce qui fit que j’eus finalement assez peu de mal à faire mine de le croire.


Ce qui déclencha les hostilités, une petite semaine plus tard, ce fut lorsque Pamela – une ravissante Américaine venue au Bélizera avec une ONG pour s’occuper des orphelins des bidonvilles – perdit subitement la raison. La seule réaction de l’équipage fut alors dans un premier temps de la tromboner une fois de plus par tous les orifices avant tout simplement de lui coller deux balles dans la tête et de la balancer par-dessus le bastingage avec la considération que l’on attache à un mégot de cigarette. Dès lors, il fallait faire vite, très vite…


Ce jour-là, notre cher président Ernesto avait décidé de rejoindre la capitale en hélicoptère, laissant le navire à la fois près des côtes et avec un équipage minimum… C’était le jour J, l’heure H ! On nous avait affectées au nettoyage de l’orgie de la veille et il avait suffi d’un moment d’inattention de la part de nos gardes pour que Jennifer, Lulu et moi sautions par-dessus bord avec un plan bien huilé : nous savions que nous n’aurions sans doute pas encore touché l’eau que tous les flingues disponibles auraient commencé à nous canarder, juste avant qu’une tapée de zodiacs soient lancés à notre recherche.


Il fallait faire vite… Plonger sous le bateau pour en ressortir de l’autre côté, et profiter de l’agitation pour remonter à bord et se procurer des armes. Malheureusement, nous ne revîmes jamais Lulu et nous ne sûmes jamais ce qui lui était arrivé.


Pour une fois, le ciel fut avec nous : la porte de l’armurerie était restée ouverte, c’est presque tranquillement que nous pûmes donc rafler deux énormes pétards munis de silencieux ainsi qu’une flopée de chargeurs et à partir de ce moment-là, ce fut la curée… Combien en avons-nous dessoudé, ce jour-là ? Trente ? Quarante ? Je ne saurais dire… De toute façon, du cuistot au capitaine, de l’opérateur radio au mécano de bord, tout le monde à bord de ce rafiot s’était servi de nous pour se vider les couilles et notre haine était donc sans bornes.


Le seul qui eut un traitement de faveur fut le bosco… Et à cela une bonne raison : son truc à lui, cela avait été de réinventer la gégène telle que les anciens d’Algérie la concevaient. Ça, pour t’attacher les bras en croix sur une poutrelle, te flanquer les mêmes pinces que celles que l’on utilise lorsque l’on branche une batterie sur les nichons ou sur la chatte et, bien entendu, tourner la manivelle, il y avait du monde !


Et donc, selon le vieux principe qui veut que les petits cadeaux entretiennent l’amitié, nous lui avons gardé un chien de notre chienne : un formidable coup de crosse sur la cafetière et nous l’attachions plus que solidement à l’endroit précis où il aimait tant nous tourmenter. Lui griller les burnes à la gégène ? J’avoue que cela ne nous aurait pas déplu… Mais nous n’en avions pas le temps ! C’est Jennifer qui eut alors eu l’idée du siècle : prendre un bout de fil de fer, lui entourer autour des couilles et relier le tout à la bougie d’allumage d’une disqueuse thermique qui traînait par là. Et je peux vous garantir que ce n’est pas le bruit du moteur de la fameuse disqueuse qui le tira des songes ! Assez curieusement, il prenait nettement moins son pied en se faisant griller les grelots à 15000 volts que lorsque c’était lui qui s’amusait à nous faire profiter de la fée électricité…


Est-il mort ? Sans doute ! Mais tout ce que je peux vous dire, c’est que nous l’entendions encore gueuler tandis que notre rafiot s’éloignait dans la nuit noire, destination le Salvera, petit pays voisin, destination la liberté.




---oooOooo---




Lorsque, quelques heures plus tard, notre embarcation touchait enfin le sable de la plage, nous sûmes que nous étions sorties d’affaire… À un petit détail près : les seules fringues dont nous disposions étaient celles des types que nous avions rectifiés sur le navire, et nous savions toutes deux que les relations entre les deux pays avaient toujours été houleuses et qu’avec ces tenues de la garde présidentielle, la probabilité de se prendre une balle perdue – pas perdue pour tout le monde, en fait – ou, pire encore, de se voir reconduites à la frontière était loin d’être nulle. Sans même dire que ces uniformes en question étaient largement tachés de sang.



Nous avons marché quasiment toute la journée sans jamais voir personne, jusqu’à la nuit ne tombe de nouveau. Au loin, il y avait une cabane isolée dont la faible lumière éclairait les ténèbres… Nous crevions de faim, nous étions exténuées, peut-être se trouverait-il là-bas quelqu’un qui consentirait à nous aider ?


Le quelqu’un en question était un vieux bonhomme qui vivait seul et à qui nous avions brièvement raconté nos mésaventures, le pire étant qu’il ne semblait même pas surpris de ce que nous lui expliquions.



Nous étions dans un tel délabrement autant mental que physique que je crois que nous aurions accepté absolument n’importe quoi. Sa réponse avait été surprenante !



Qu’est-ce qu’il disait, l’ancien ? Qu’il voulait que nous restions dans cette absence de tenue ? Se doutait-il un seul instant d’à quel point cela nous était totalement indifférent ? Cela faisait des mois que nous étions à loipé, cela ne nous changerait pas vraiment !


Par contre, ce fut le premier repas digne de ce nom que nous prîmes ce soir-là depuis des mois. Ce n’était qu’un méchant poulet à l’ananas – un peu trop cuit, d’ailleurs – accompagné de riz, mais à l’évocation de ce fameux repas, ce sont les vers de Brassens qui reviennent encore aujourd’hui dans mon cœur :


Ce n’était rien qu’un peu de pain

Mais il m’avait chauffé le corps

Et dans mon âme il brûle encore

À la manière d’un grand festin…


Par contre, il y avait presque un côté comique à le voir éternellement s’attarder sur nos fesses pourtant maigrichonnes, sur nos seins qui n’étaient pas au meilleur de leurs formes ou sur nos chattes qui, me semblait-il, portaient encore les stigmates de ce qu’elles avaient enduré… À côté de cela, notre homme n’avait jamais le moindre geste déplacé, nous parlait comme n’importe qui le ferait avec n’importe quelle femme… Et ça, pour nous, c’était un sacré changement !


Le soir, nous dormions toutes deux dans le même lit, Jennifer et moi, corps contre corps. À une certaine époque et dans une telle situation, je sais que tout cela aurait forcément dérivé sur une relation saphique – ou une gouinerie effrénée, si vous préférez – d’autant que nous savions que nous aurions eu un observateur qui n’aurait rien perdu du spectacle et qui n’aurait pas pour autant franchi la ligne blanche. Était-il impuissant ou quelque chose comme ça ? Nous ne le saurons sans doute jamais… Quoi qu’il en soit, nous étions dans un tel état de fatigue que jamais l’idée ne nous effleura l’esprit. Avec le recul, je me dis que nous aurions bien pu lui offrir ce petit plaisir, compte tenu que sans lui, nous ne serions probablement plus de ce monde.


Naturellement, nous n’allions pas rester chez lui ad vitam æternam… Alors, profitant d’une de ses absences où il était parti pêcher, nous primes le temps de lui écrire rapidement une lettre où nous lui exprimions toute notre reconnaissance, mais que nous étions malgré tout dans l’obligation de nous barrer, quitte à lui voler quelques vieilles fringues, histoire de ne pas provoquer d’émeute en nous baladant à poil.


Une fois en ville, le problème restait entier : notre plan était de se trouver un consulat français, de lui expliquer ce qui s’était passé et, soyons définitivement folles, de rentrer en France aux frais de la République même s’il faudrait bien évidemment la rembourser à un moment ou à un autre.


Sauf qu’il ne fallait pas rêver, des consulats français dans un aussi petit pays… Non, notre seule porte de sortie, ce serait l’ambassade de France, située comme de bien entendu dans la capitale, à savoir à plus de trois cent bornes de là. Autant dire que nous n’avions pas le cul sorti des ronces, et qu’il allait encore falloir se démerder…


Comme souvent dans ce genre de situation, le début de la solution vint de là où ne ne l’attendions pas. En pleine rue, un type que nous n’avions jamais vu se retourna sur nous et nous glissa une carte de visite dans la main.



Il faisait forcement allusion à nos vieilles frusques bien trop grandes pour nous et surtout passablement déchirées.



Inutile de dire que c’est à reculons que nous nous étions rendues dans le troquet en question… Ce n’était pas la peine de nous être barrées de chez Ernesto si c’était pour retomber dans un réseau de prostitution. Seulement, ne dit-on pas que ventre vide n’a pas d’oreilles ?


À notre grande surprise, le rade en question n’avait rien d’un bar à putes, il était même plutôt propre et en bon état… Bon, peut-être pas totalement recommandable, mais en tout cas bien plus que tous ceux que nous avions croisés auparavant. Le patron avait été très clair :



Il faisait allusion à un immense black qui se tenait dans la pénombre. Ce type, Mario, deviendrait par la suite notre meilleur ami – et notre meilleur recourt, aussi – même si nous ne le savions pas encore.



Jennifer s’inquiéta.



C’était très clair… Et le soir même, nous commencions nos petites représentations. À notre grande surprise, les clients étaient relativement respectueux, y compris lorsqu’ils glissaient leurs biftons dans nos strings. Certes, nous savions bien que leur idée première était de nous tripoter un peu au passage, mais cela restait finalement assez soft… Et quand bien même cela ne l’aurait pas été, je crois que nous n’aurions pas moufté : quasiment toutes les demi-heures, Mario s’extirpait de son coin, venait ramasser les billets qu’il rangeait par poignées dans ce qui ressemblait à deux boîtes à sucre.


Il n’était pas loin de cinq heures du matin lorsque le patron décida soudain de fermer son bouclard, et telle ne fut pas notre surprise lorsque nous jetâmes un coup d’œil sur ce qui, d’une certaine façon, était notre recette… Subitement, nos jambes nous semblèrent moins raides et nos pieds moins douloureux : toutes proportions gardées -nous étions au Salvera, tout de même – il y en avait pour une petite fortune.



Mario avait alors sorti ses clés.



Malgré la fatigue qui était la nôtre, nous n’avions pas pu nous empêcher de compter les billets.



Là-dessus, nous nous endormîmes comme des masses. Et si la fin de nos emmerdes se profilait enfin à l’horizon ?


Les nuits suivantes furent à l’avenant de la première : du fric, du fric et encore du fric. Nous n’en revenions pas, mais il faut dire que nous avions mis au point un petit stratagème qui marchait à tous les coups : lorsque le type nous faisait signe d’approcher pour nous glisser un billet, nous nous penchions vers lui et là, forcément, la tentation était trop grande… Là, nous les laissions nous caresser les seins quelques instants, nous nous relevions et, quasiment à chaque fois, le gars en redemandait, ressortait une poignée de biftons et en avant la musique…


D’autres fois, nous allions un peu plus loin, en les laissant tirer un peu plus que de raison sur nos strings et là, ça ne ratait jamais : pour bien qu’ils parviennent à découvrir ne serait-ce qu’une infime partie de la toison blonde de Jennifer, c’était de la folie. Par contre, ils étaient un peu moins dingues de ma fourrure brune, mais il n’empêche, cela marchait quand même très fort…


Et puis, aussi bizarre que ce soit, je me sentais – nous nous sentions serait plus juste, mais je me dois de parler essentiellement pour moi – doucement et paradoxalement revivre. Voir tous ces types baver devant mes courbes me redonnait un peu de la confiance en moi qui avait quand même fini par s’étioler, je me surprenais à avoir de nouveau l’envie de plaire sans que l’unique finalité ne soit que le fric qu’il y avait à ramasser.


Bien sûr et quasiment toutes les nuits, je me réveillai en sursaut, ne sachant plus où j’étais, mais absolument terrifiée de me retrouver dans les pattes des sbires d’Ernesto. J’en parle aujourd’hui avec pas mal de recul, mais il m’a fallu très longtemps pour qu’il ne vienne plus hanter l’ensemble de mes nuits.

Nous venions de nous coucher ce matin-là, le soleil commençait d’ailleurs à se lever lorsque Jennifer s’adressa à moi.



Elle hésitait.



Compte tenu de ce que nous avions enduré, sentir le désir revenir en nous avait quelque chose de totalement inattendu.



Elle avait raison, Jennifer… Lorsque j’étais dans les griffes de cette ordure, je me disais que rien ne devait jamais m’atteindre, qu’aucune de ces queues que l’on m’infligeait ne devait avoir plus d’importance que toutes celles que j’avais connues auparavant, qu’aucune de ces giclées de foutre qu’on me balançait par dizaines sur le visage ne devait influencer sur ma vie. Le temps était venu de me le prouver à moi-même.



Quelques heures plus tard, l’ensemble des marins eurent la surprise du siècle… Nous leur annoncions que ceux qui le voudraient pourraient passer un moment avec nous, mais selon un protocole bien précis : dans un premier temps, nous choisirions nos clients, et celui qui ne se comporterait pas bien avec nous aurait le privilège de se faire jeter par Mario. Par contre, celui qui parviendrait à nous faire grimper aux rideaux se verrait rembourser la moitié de la passe, ce qui était particulièrement alléchant vu que nous demandions tout simplement quatre ou cinq fois ce que les vraies putes de la rue ou des claques avoisinants réclamaient !


Mais en même temps et sans vouloir être prétentieuses, manger à sa faim, dormir tranquillement – même si, encore une fois, les cauchemars n’étaient jamais bien loin – dans un vrai lit commençait à se voir sur nos visages et sur nos corps : les traits moins tirés, les yeux moins creux, des nichons, des fesses et des hanches qui se remplumaient, nous étions en train de redevenir les deux jolies gonzesses que nous étions encore il y a quelques mois.


Bien sûr, il y eut quelques ratés, quelques gros malins qui crurent très intelligent de nous claquer le cul ou de nous insulter, parfois même avant d’avoir commencé leur affaire… À chaque fois, je cognais dans le mur, Mario se pointait et le lascar se retrouvait au milieu de la rue sans avoir eu le temps d’apprendre à voler ni de comprendre ce qui se passait.


Mais parfois, ce n’était pas du tout la même musique… Il y avait un gars – Roberto, d’après mes souvenirs – dont le trip était de se mettre derrière moi et de me caresser les seins. Il y passait de longues minutes, les cajolant, les soupesant, en faisant rouler les pointes… À tel point qu’à chaque fois où il se décidait enfin à descendre sur mon ventre, je ruisselais à n’en plus finir ! Et quand, au bout de ce qui me semblait une véritable éternité, il s’approchait de ma grotte, le seul contact de son index sur mon bouton magique ou d’une phalange dans mon antre me faisait exploser. Bien sûr, après un traitement pareil et bien que je ne sois, il me fallait bien me l’avouer, qu’une pute, il ne s’agissait pas de le laisser sur sa faim et c’est avec gourmandise que j’accueillais sa queue dans ma bouche. Là, je pompais, je mordillais, je caressais, je léchais… Compte tenu des épreuves que nous avions traversées, jamais je n’aurais cru que je pourrais un jour reprendre un tel plaisir à sucer le sexe d’un homme.


Bien souvent, le bouquet final n’était pas mal non plus… À proprement parler, Roberto n’avait pas véritablement un gros sexe, mais il savait remarquablement s’en servir dans tous les cas de figure ! Que ce soit pour me ramoner avec tendresse ou pour me bourrer avec fureur, ce type était une crème… À tel point que je crois bien que, dans d’autres circonstances, j’aurais bien fini par ne plus rien lui demander en échange de ses expéditions dans la stratosphère.


Le plus drôle dans cette affaire, c’est que d’une part notre cagnotte n’en finissait plus de grossir et que d’autre part, notre ami Roberto s’était naturellement épanché sur sa bonne fortune et qu’ils étaient désormais de plus en plus nombreux à savoir exactement comment m’expédier sur orbite.


Mais, voyez-vous, l’on a beau essayer de faire carrière dans le putanat, l’on n’en reste pas moins femme… Et il en était un qui, tout en ne profitant jamais de rien – il était allé jusqu’à refuser l’argent que nous lui proposions en échange de sa protection – était toujours là, toujours présent et toujours prompt à nous sortir d’une mauvaise passe, passe étant véritablement le mot qui s’imposait dans notre cas. Un jour, Jennifer et moi, nous sommes allées le voir.



Il avait souri.



Mais où voulait-il en venir, notre ami Mario ? La réponse, nous l’eûmes quelques jours plus tard, l’une de ces très rares journées où aucun navire n’accoste et où il n’y a donc pas qu’en mer que c’est le calme plat.



Habillé, notre homme était déjà impressionnant, mais alors, torse nu, il y avait de quasiment avoir peur ! Non content de dépasser allégrement les deux mètres, Mario était une véritable montagne de muscles, mais c’est lorsqu’il ôta son froc que nous comprîmes subitement pourquoi il avait eu tant de scrupules à accepter notre proposition.


Bien avant Ernesto, des queues, j’en avais déjà vues et j’en avais pratiquées, aussi. Des petites, des grosses, des minces, des tordues, des blanches, des noires, des circoncises… et quelques manches de pioche, aussi. Mais là… Même avec le recul, je ne parviens toujours à trouver un qualificatif qui conviendrait. Un bras d’enfant ? Même pas, ou alors celui d’un ado ! Même au repos, notre gaillard aurait fait honte à un cheval…


Alors, bien sûr et quelle que soit la taille de l’objet, nous n’allions pas rester comme des connes… Quelques gestes précis, quelques léchouilles et cet invraisemblable mandrin pointait enfin vers le ciel. Le branler ? Oui, bien évidemment ! Mais en n’oubliant pas que d’une part il y avait largement la place pour nos quatre mains et qu’aucune de nous deux ne parvenait à en faire le tour ! L’emboucher ? La mince affaire ! Rien que prendre un cinquième de cet inconcevable chibre relevait quasiment de la mission impossible, tant cela imposait d’ouvrir la bouche à s’en décrocher la mâchoire. Cependant, dans ma tête, il y avait le feu.


Sans Mario, notre projet de départ n’aurait pas eu la moindre chance d’aboutir… Et, tout au fond de moi, une idée me trépanait : cette queue-là, il me la fallait. Je voulais absolument savoir si j’arriverais à l’accueillir dans mon ventre… D’une certaine façon, j’étais tel l’homosexuel qui, passant devant la colonne Vendôme, se serait dit « non, ce ne serait pas raisonnable » et pourtant…


J’en parlais à Jennifer, mais en français, de telle façon que Mario ne capte pas notre conversation.



Je me tournais alors vers notre ami et, reprenant l’espagnol, je lui expliquais ce que je comptais faire. Il sourit.



Je passai alors ma main entre mes jambes, et j’y découvris sans surprise une caverne inondée, que je m’empressai alors de branler furieusement, autant pour la faire mouiller encore un peu plus que pour essayer de l’ouvrir autant que je le pouvais. Ce manège dura bien cinq minutes, jusqu’à ce que je m’adresse de nouveau au propriétaire de ce véritable monstre.



Se placer au-dessus de lui, c’était assez cocasse : la taille de l’objet était telle que n’avais qu’à tout juste plier les genoux pour que son sexe soit en contact avec ma vulve. Je retins mon souffle et commençai à m’empaler sur lui… Enfin, empaler est peut-être un bien grand mot puisqu’il me fallut une éternité pour ne m’enfiler qu’une toute petite partie de son chibre. J’avais l’impression que c’était un poteau de pâture qui s’enfonçait en moi…


Monter et descendre, c’était le plan, et il semblait qu’il ne fonctionnait pas trop mal, puisque mon reflet dans la glace m’informait qu’à chaque aller et retour, je parvenais à gagner un ou deux centimètres. J’avais mal ? Oh oui, et pas qu’un peu ! Je me sentais étirée, à deux doigts d’être déchirée, cela tapait dans le fond depuis un bon moment déjà, mais je ne voulais rien lâcher. Ce fut Mario qui m’arrêta.



Je m’allongeai alors sur ce torse grand comme un terrain de football et j’eus soudain l’impression d’être une gamine qui faisait un câlin dans les bras de son père… Sauf que les pères, par bonheur, ne ramonent pas leur fille ! Mario faisait ça avec une tendresse pour le moins inattendue, faisant visiblement très attention à ne pas s’enfoncer trop loin en moi. À chaque aller et retour, la douleur était plus intense, mais le plaisir aussi. Je ne voulais surtout pas qu’il s’arrête… Et encore un peu moins lorsque le premier orgasme me saisit, suivi presque immédiatement d’un deuxième. Mon partenaire souriait.



Je n’entendis pas la fin, un troisième orgasme venait de me terrasser… Et la giclée de sa jouissance à lui fut tellement violente qu’elle manqua de m’éjecter de ce monumental gourdin.

Lorsque je me déboîtai, quelques instants plus tard, c’était une véritable rivière de foutre blanc qui s’écoula de ma chatte tandis qu’elle se refermait doucement. Je me tournai alors vers Jennifer :





---oooOooo---




Quinze jours plus tard, l’Airbus qui nous ramenait du Salvera posa ses roues en France, mais, contrairement à ce qui nous était arrivé vingt ans plus tôt, j’avais un point de chute où aller poser mes valises. Jennifer, quant à elle, avait décidé de rester avec moi : elle ne se sentait pas de retourner dans son Kosovo natal où plus personne ne l’attendait et où l’avenir ne lui semblait pas beaucoup plus rose que celui qui lui aurait été promis au Belizera…


Enfin, quand je dis un point de chute, c’était en fait très théorique, dans la mesure où cela faisait quasiment un an que mes parents et moi avions disparu. Dès lors, qui aurait tenu la boîte puisque le patron n’était pas là ? En général et dans ce genre de situation, les banques, les assurances et les impôts ne sont pas les derniers à réclamer leur dû tout en sachant que c’est impossible ! Sans oublier que notre cher Ernesto aurait très bien pu envoyer quelques sbires à lui pour foutre le feu à tout cela, histoire de clore le dossier du frangin une bonne fois pour toutes…


Mais, à ma grande surprise, non seulement le bouclard n’avait pas brûlé, mais, en plus, il semblait fonctionner du tonnerre de Zeus comme en témoignait la bonne quinzaine de vieux tromblons qui stationnaient sagement dans la cour en attente de leur restauration. Comment cela avait-il été possible ?


La vérité – je n’allais pas tarder à la comprendre – c’est que l’on n’est jamais à l’abri d’un coup de bol, et que les cercles vertueux n’existent pas toujours que dans les livres : demander à un garage spécialisé de ressusciter une vieille chignole, cela demande certes d’être passionné, mais il convient surtout d’avoir un sacré budget à y consacrer, puisque certaines renaissances sont facturées avec six chiffres. Avantage, ceux qui ont un portefeuille avec vue sur la mer ont également et assez curieusement de bons amis dans les hautes sphères qui, comme par hasard, sont capables de résoudre les problèmes a priori les plus insolubles…


Et quand l’avocat spécialiste en entreprise veut absolument que sa Jaguar E revive, quand le directeur régional de la banque machin veut absolument rouler en Cobra, quand le responsable de la perception du département a promis à sa vieille mère qu’elle roulerait enfin dans la Maserati qui la faisait rêver lorsqu’elle était jeune fille, il n’y a subitement plus de problèmes, rien que des solutions…


Bon, ajoutons à cela que mon père avait su recruter quelques magiciens à la fois passionnés et surdoués de la clé à molette… Et que Michael, en plus d’être le chef de garage, était surtout devenu le meilleur ami de mon père. En me voyant réapparaître, toute l’équipe m’était tombée dans les bras.



J’avais dû prendre sur moi pour ne pas éclater en sanglots.



C’est ainsi que, sans l’avoir voulu, je m’étais retrouvée à la tête de l’entreprise familiale… Jennifer avait suivi des études de comptabilité, elle avait aussitôt intégré l’équipe comme si elle en avait toujours fait partie. Quant à moi, j’accueillais les clients, je leur expliquais mon parcours en deux mots et qu’il me restait encore pas mal de boulot avant d’en connaître autant que mon défunt père, mais que je faisais de mon mieux. Et puis surtout, je ne décidais jamais rien sans consulter Michael, ce qui m’évitait pas mal de déconvenues… Bref, je me réinstallais dans une vie presque ordinaire, bien loin des études d’architecture entamées avant l’épisode Ernesto, en ayant l’impression que m’occuper de ce garage était le plus bel hommage que je lui pouvais lui rendre à mon père et à ma mère, le tout en étant épaulé par une équipe assez exceptionnelle.


En quelques mots, tout allait bien jusqu’à… jusqu’à il a quelques semaines. La seconde partie de cette aventure allait commencer.




---oooOooo---




Deuxième partie



Comme à chaque conférence de presse que notre mentor a organisée, la salle est pleine. Les questions s’enchaînent, même si elles se ressemblent toutes.



C’est toujours marrant, les compliments que l’on fait à un mannequin. Depuis quand avoir été gâtées par la nature est-il une performance ? Avoir un corps de rêve – ou prétendu tel – demande-t-il des années d’études ? Quel talent y a-t-il à servir de portemanteau de luxe ? Et puis, dans notre cas, le public est loin de se douter que tout cela fait partie d’une mise en scène qui, si cela venait à mal tourner, pourrait bien nous péter à la gueule.


Quoiqu’il en soit et puisque nous avons accepté de jouer le jeu, autant le faire bien.



Jennifer éclate de rire.



Un autre journaliste lève alors la main.



Principe de ces conférences de presse d’après défilé, chaque journaliste a droit à une ou deux questions auxquelles nous nous efforçons de répondre. C’est donc le représentant d’un autre hebdomadaire qui se manifeste alors, et je sais qu’il est plus orienté people. Du coup, sa question ne nous surprend pas vraiment.



Je ne sais pas pourquoi, mais il me semble que j’attendais cette question. Je souris.



Voyant qu’il n’obtiendra pas d’autre réponse à sa demande, le journaliste décide de botter en touche.



Cette fois, c’est Jennifer qui répond.



Le pire étant qu’il ne s’agit que de l’exacte vérité : certes, Jessica et moi partageons le même lit depuis notre retour en France, mais nous n’avons jamais réellement fait l’amour. C’est bien connu, c’est souvent lorsque l’on pose ses valises et que les choses se calment que les mauvais souvenirs reviennent le plus à la surface.



Je coupe court :



Et pourtant, ce sont ces étoiles qui sont à l’origine de tout… Et notamment de ce casting totalement bidonné et destiné à faire de nous des mannequins vedettes qui n’auraient qu’à défiler en prenant soin que, précisément, cette foutue étoile finisse par être connue et remarquée partout dans le monde. Mais, avant d’aller plus loin, il me semble que quelques explications ne nuiraient pas au bon déroulement de l’histoire.




---oooOooo---





Dans le métier qui est le mien, il est très rare d’avoir l’historique complet d’une ancienne… Parfois, la bagnole qui déboule devant toi a fait trois ou quatre tours du monde – en vrai, hein, pas au compteur – a connu trente-six propriétaires sur cinquante ans et, là-dedans, va t’assurer qu’elle n’a jamais été volée, accidentée ou trafiquée ne serait-ce qu’une fois alors qu’elle voyageait entre le Mexique, le Japon et la Russie ! Du coup, recevoir la visite des flics, généralement pour une affaire de succession, n’est pas si rare que ça. Je les fais asseoir dans mon bureau.



Pas besoin d’avoir étudié dans la police scientifique pour comprendre que ce qui fut probablement une très jolie jeune femme est morte noyée, et qu’elle a été repêchée alors que la faune marine commençait tranquillement à la boulotter. Par ailleurs, malgré les stigmates de son séjour dans l’eau, je remarque que son corps porte de nombreuses traces qui me font penser à celles d’un fouet : dans la série « j’ai testé pour vous », je sais de quoi je parle… Par contre, mon sang se glace lorsque j’aperçois une marque bien particulière au creux des reins de la malheureuse.



En français, il paraît que cela s’appelle le réalisme économique… Les deux flics haussent tristement les épaules, résignés.



De fait, je me souviens très bien que nous avions été obligées de spécifier ce signe particulier lorsque nous avions déposé nos demandes de passeports dans nos ambassades respectives.



Comme si un homme tel qu’Ernesto serait du genre à envoyer l’armée quand il s’agit de réprimer une rébellion ou à mettre une mitrailleuse au bout de la rue lorsque les manifestations commencent à prendre trop d’importance… Je souris tristement.



À son tour, il a un sourire plein de sous-entendus.



D’une certaine façon, je n’en suis pas plus surprise que ça : s’il avait eu connaissance de notre évasion, je doute qu’il nous aurait laissées tranquilles, Jennifer et moi.



Il me tend une carte avec une adresse qu’il vient de griffonner à la va-vite.



Sans être de grandes spécialistes, il y doit y avoir du côté du Belizera quelques macchabées qui ont sans doute un avis sur la question… Cependant, il semblerait que certaines choses n’aient pas besoin d’être ébruitées, cela pourrait faire jaser !



Il se penche alors sur sa serviette dont il sort deux petits étuis de velours.





---oooOooo---




Un petit mois plus tard, nous sommes donc passées de l’ombre à la lumière… Ce qui est un rêve pour des milliers de filles à travers le monde ressemble pour nous à un cauchemar, un cauchemar où il faut éternellement sourire alors que l’on sait pertinemment que l’on n’est là que pour tenir le rôle de la chèvre.


Par bonheur, l’équipe qui nous entoure est constituée de grosses pointures : par exemple, celui qui est censé être notre manager et nous trouver des contrats, Mike, travaille en fait pour la CIA. Notre voiture est blindée, notre chauffeur, notre préparateur physique, notre maquilleuse, nos gardes du corps, et j’en passe, sont tous des membres d’unités d’élite… Et au vu de toute la ferraille qu’ils trimballent avec eux, je me demande comment ils font pour que cela passe inaperçu aux yeux du grand public. De même, quand nous posons nos valises quelque part, tout est minutieusement fouillé, inspecté, ausculté, testé et vérifié…



Quand Mike nous a parlé de matériel, cela comprend satellites-espions, écoutes de tout ce qui entre et qui sort du palais, micros, drones, caméras, machins, trucs, bidules divers et variés, rien n’est censé leur échapper.



De fait, les services de Mike avaient eu vent qu’il suspectait qu’une taupe se soit introduite dans son entourage… Et avec lui, les problèmes sont très vite réglés : tous ceux qui étaient susceptibles de pouvoir l’approcher, du garde du corps à la femme de chambre, du maître d’hôtel au jardinier, du cuistot au dernier des larbins, tout le monde a été rectifié. Non, mais franchement, si l’on se préoccupait d’épargner les innocents, où irait le monde ?



Pour être passée par là, quelque chose me dit que pour la nénette en question, ces bastos ont sans doute bien davantage sonné comme une délivrance qu’autre chose.



Multiples reprises, ce n’est pas le mot que j’utiliserais, mais peu importe.



J’explose.



Et de fait, je le suis encore, tout comme Jennifer d’ailleurs. Simplement, je m’efforce de ne pas le montrer, précisément parce que je sais que ça ferait trop plaisir à môssieur le président.



Aucune queue ne devra jamais davantage influencer sur ma vie que la précédente, c’est une promesse que je m’étais faite il y a fort longtemps. Cela reste d’actualité.



Commence à véritablement me taper sur le système, notre gaillard.



Vu l’incongruité de la situation, cela peut sembler curieux, mais cela fait partie de notre fierté, à Jessica et moi.



Je soupire.





---oooOooo---




Une demi-heure et un passage aux toilettes plus tard, je file sous la douche. Jennifer, comme à son habitude, vient m’y rejoindre : rien de sexuel là-dedans, juste un endroit tranquille où il est possible de discuter sans être ni dérangées ni écoutées.



Je hausse les épaules.



Subitement, son regard jusqu’ici préoccupé change du tout au tout.



Je m’agace.



Là-dessus, elle colle ses lèvres contre les miennes dans un baiser aussi passionné que tendre et, à ma grande surprise, je me sens fondre, au propre comme au figuré.



Je souris.



Je lui rends son baiser, sa langue se mêle à la mienne… Et à partir de cet instant, tout va très vite : ses mains qui se posent sur mes hanches, les miennes qui partent à l’assaut de ses seins sur lesquelles elles s’attardent en en faisant rouler les pointes, ses doigts qui vont à la rencontre de mon pôle Sud, qui s’y glissent, qui s’y immiscent, qui s’y introduisent, qui s’y attardent…


Cela ne fait pas trois minutes que notre petit jeu a débuté et pourtant je suis déjà sur le pas de tir… Puisque c’est ainsi et qu’en amour tous les coups sont permis pourvu que l’on se fasse du bien, je décide de l’attaquer sur ce que je sais être son point faible pour l’avoir constaté à de nombreuses reprises au Salvera : je glisse ma main entre ses cuisses, remonte jusqu’à sa case trésor où je ne titille son petit bouton que quelques instants, juste pour faire diversion… Et, alors qu’elle ne s’y attend plus, je lui enfonce deux doigts tout au fond de sa chatte.


Les clients du plus ou moins claque où nous go-go-dansions s’étaient donné le mot, ils savaient que c’était un moyen quasiment imparable d’expédier Jennifer sur orbite, et ils ne s’en privaient pas ! Et là, j’en ai une magnifique illustration… Elle cesse instantanément son petit manège autour de mon sexe à moi pour, le plus simplement du monde, m’enfoncer ses ongles soigneusement manucurés dans le bas de mes reins, tandis qu’elle pousse un hurlement digne d’un animal blessé…


Mais, aussi violent soit-il, son orgasme ne dure qu’un instant, juste le temps pour elle de reprendre ses esprits et de me décalquer sur le décor de céramique, sa bouche de nouveau collée sur la mienne. Quelque chose me dit qu’elle a l’intention de me rendre la monnaie de ma pièce…


De nouveau, les choses vont très vite et avec bien moins de chichis que ce à quoi je m’attendais : elle se glisse derrière moi et, tout en me mordillant l’oreille, c’est quasiment sans ménagement que sa main gauche s’occupe de mes seins, les soupèse, les malaxe, les triture… Tandis que sa main droite œuvre passablement plus bas, au niveau de mon entrejambe. Là encore, elle me connaît bien : deux doigts qui me trifouillent le clito, histoire de bien me faire monter en température, avant que ces mêmes deux doigts n’investissent ma grotte affamée. Le résultat ne se fait pas attendre, me revoilà de nouveau prête à quitter la terre… Allo, Houston ? Nous n’avons pas de problème…


Enfin, pas de problème, c’est vite dit. Déjà, parce que ce petit voyage n’a été qu’un court aller-retour qui ne m’a en réalité pas vraiment propulsé au nirvana. Ensuite, parce que Jennifer a de nouveau l’air sombre, préoccupée.





---oooOooo---




Il y a des petits matins comme ça où, sans que l’on sache pourquoi, tout va outrageusement bien. On vide des chargeurs entiers d’armes diverses et variées dans des cibles de carton sans quasiment en mettre dans le paysage, on parvient presque à manier le bâton, l’épée ou le katana sans être ridicule, et les coups que l’on porte à son adversaire lors d’entraînements au combat commencent à le secouer sérieusement.


Et, compte tenu du petit numéro que nous sommes censées réaliser ce soir, la petite révision concernant les danses de salon ne s’avère pas inutile du tout… Le plus difficile étant paradoxalement de parvenir à se tutoyer respectivement tout en ayant l’air naturelles, et l’exercice semble aussi compliqué pour nos deux instructeurs que pour nous. Pourtant, tout à l’heure, nous serons comme au théâtre, il faudra être convaincantes : il n’y aura pas de seconde prise.




---oooOooo---




L’immense salle de bal est pleine, comme d’habitude… Je ne sais pas si Mike est véritablement à seul responsable de tout cela, mais, le moins que l’on puisse dire, c’est réussi. L’animation musicale a été confiée à un DJ aussi français que mondialement connu, à qui l’on a demandé de passer quelques morceaux plus classiques au milieu de ses créations, histoire de contenter les jeunes people autant que les moins jeunes.


Et du people, il y en a : des stars du cinoche, des rock-stars, des stars du fric, des stars de la particule sans compter quelques stars – star sans S en fait – dont on se demande si repeindre leur geôle couleur ardoise ne serait pas le seul moyen de s’assurer qu’elles ont au moins une cellule grise.


Et, bien sûr, au milieu de tous ces gens connus ou qui aimeraient bien l’être et de cette noria de serveurs et de porte-flingues plus ou moins discrets, il y a nous. Nous qui nous déhanchons sur la piste de danse, nous qui jouons à frotte-frotte avec nos cavaliers, nous qui passons notre temps à nous galocher à n’en plus finir, nous qui n’hésitons pas à en rajouter encore un peu en laissant nos deux chevaliers servants glisser leurs mains sur nos courbes. Aucune volonté de leur part de profiter de la situation, c’est Jennifer et moi qui avons insisté pour qu’il en soit ainsi, histoire de faire plus vrai.


Parce que bien sûr, tous les photographes de la planète ont été invités, et ils n’en ont presque que pour nous… D’autant que les robes qui nous ont été confectionnées sont parfaitement dans l’esprit lingerie et ces montagnes de dentelles quasiment transparentes ne se contentent que de cacher nos endroits stratégiques qu’il ne convient tout de même pas de trop montrer au public. Par contre et comme par hasard, elles sont échancrées très bas dans le dos, ce qui laisse toute latitude à nos chers paparazzis pour flasher nos étoiles encore et encore.


Logan, mon cavalier, se penche à mon oreille :



Il sourit. Je ne sais pas quelle est l’idée qu’il a derrière la tête, mais elle doit se voir depuis la lune.



Je manque d’exploser de rire. Sait-il, mon bon ami, qu’au lycée nous faisons des concours entre copines pour savoir laquelle d’entre nous serait capable de venir au bahut avec simultanément la jupe la plus courte et le cul à l’air ? Et que si je n’ai que rarement gagné, j’étais quand même régulièrement élue candidate la plus gonflée étant parvenue à ne pas se faire virer du cours ? Et que donc, me la jouer plein air ne me faisait ni chaud ni froid ?



Minuit un quart. Logiquement, la soirée est très loin d’être terminée, mais nous devons défiler demain soir à Los Angeles, et il est hors de question de se pointer sur scène avec des cernes sous les yeux… Il est donc temps pour nous d’aller nous pieuter.


Le hall est vide, tout comme l’ascenseur. Peter, faux compagnon, mais vrai garde du corps de Jennifer, nous accompagne, Logan et moi. Même si nous venons de passer notre soirée collées à nos cavaliers, tout se passera comme à l’habitude : flingue en main, l’un d’entre eux va entrer inspecter la chambre pendant que l’autre nous protégera toutes les deux, jusqu’à ce que nous nous disions bonne soirée et qu’ils aillent tranquillement pioncer dans les deux piaules situées de chaque côté de la nôtre.


Enfin, c’est ce qui se passe habituellement… Parce que l’accueil, sur le palier, est plutôt du genre chaleureux ! Une première bastos qui fait voler le miroir de la cabine en éclats, et c’est tout bonnement une dizaine d’hommes en armes, tous du type sud-américain, qui nous tombent dessus. Seul petit détail que les zigs n’avaient pas prévu, c’est les deux calibres qui commencent à défourailler avant même qu’ils n’aient ouvert la bouche… Ça pétarade dans tous les coins et à cet instant précis, le souvenir de notre évasion du navire d’Ernesto me revient en mémoire : je fouille dans mon sac, en sors le minuscule pétard et commence, moi aussi, à tirer dans le tas. Bon sang, il n’est pas bien gros, mais il semble faire du dégât ! À moins que ce soit celui de Jennifer qui, à genoux, est en train d’allumer tout ce qui passe à sa portée…


La fusillade s’arrête enfin, juste le temps pour nous de constater que, malgré les innombrables impacts de balles tout autour de l’ascenseur ainsi que dans la cabine proprement dite, personne n’a été miraculeusement blessé… À l’exception de Jennifer dont le genou a été légèrement entaillé par des éclats de verre. Par contre, la fumée qui commence à se dissiper nous confirme que la musique n’a pas été la même de l’autre côté, puisque tous nos assaillants sont morts. Tandis qu’il fouille les poches à la recherche de papiers d’identité, Peter s’interroge :



Non, Jennifer n’est pas blessée, mais elle est tout simplement en train de faire une crise de nerfs. Tout son corps tremble, elle hurle, se roule à moitié par terre, tandis qu’elle blêmit et que ses yeux se révulsent. Après l’avoir allongée tant bien que mal sur le côté, Logan efforce de prendre son pouls.



Pendant ce temps, l’état de Jennifer, qui semblait s’être légèrement calmée, empire brusquement, à tel point que les quatre-vingt-cinq kilos de muscles du garde du corps ne parviennent qu’à grand-peine à l’immobiliser. À ma grande surprise, je vois Peter trifouiller dans sa braguette et en sortir un sexe de belle taille, mais, pour parler communément, il s’agit d’une demi-molle. Son collègue s’étonne.



Et là, je le vois tout bonnement écarter les jambes de mon amie, arracher la culotte pour libérer la petite touffe blonde avant d’enfourner sa queue dans le sexe de Jennifer, qui accueille l’assaut avec un rugissement de bête à l’agonie. Là, l’invraisemblable se produit puisqu’elle semble instantanément se calmer, son souffle redevient régulier tandis que Logan lui reprend le pouls.



Dix minutes plus tard, il y a foule sur le palier : flics, toubibs, personnels de l’hôtel, enquêteurs de tous calibres, tout le monde est là. Nous, par contre, nous nous sommes mis à l’abri dans l’appartement.



Selon que vous serez puissants ou misérables…



À l’exception de son genou bandé, Jennifer semble être totalement remise de ses émotions. Depuis que nous sommes rentrés, elle s’accroche au bras de son sauveur, ce qui me laisse à penser qu’elle ne lui en veut pas trop de ce qui s’est passé.



De toute façon, une chose est certaine : au moment des faits, Peter ne bandait pas vraiment, il me semble même qu’il prenait sur lui pour ne pas l’avoir dans les chaussettes. Bref, tout porte à croire que ce n’est pas par plaisir qu’il a fourré mon amie ! Elle s’adresse d’ailleurs à moi.



L’intéressé sourit.





---oooOooo---




Quatre jours s’écoulent sans incident, et où Jennifer et moi avons partagé la couche de nos deux gardes du corps. Comme je m’y attendais, nous deux zouaves ont sans doute pensé qu’ils n’étaient pas encore assez proches de nous pour nous protéger et sans doute la raison pour laquelle ils ont souhaité venir de temps en temps visiter notre petit intérieur ! Cela peut paraître bête, mais lorsque Logan me l’a proposé, j’ai eu le sentiment que je lui devais bien ça… Et maintenant que nous faisons l’amour régulièrement, j’avoue que c’est plutôt moi qui réclame ses fougueux assauts ! Et même pas besoin de faire une crise de nerfs pour ça…


Ce matin-là et alors que nous sommes à Porto-Rico, le téléphone sonne, Peter décroche. Les infirmations qui lui parviennent semblent importantes.





---oooOooo---




Sur l’immense mur d’écrans, les images satellites ou de drones se succèdent se passent de commentaires : l’immense palais présidentiel d’Ernesto n’est quasiment plus qu’un champ de ruines fumantes et le peu qui reste debout est dévoré par les flammes.



Pour l’avoir un peu trop bien connue, la demeure de mon très cher oncle grouillait de militaires armés jusqu’aux dents. Tout y était : gardes à chaque porte, surveillance rapprochée de toutes les fenêtres – ce qui ne les empêchait pas d’être blindées – mitrailleuses dans tous les coins, missiles sur le toit, radars un peu partout, cela m’avait tout l’air d’être une forteresse imprenable.





---oooOooo---




Gilet kevlar, casque sur la tête, deux flingues – et cette fois-ci, du gros calibre – à la ceinture et des chargeurs en pagaille, il faudrait être observateur pour deviner que ce sont deux mannequins qui se cachent derrière ce qui pourrait bien passer pour deux soldates classiques. Peter et Logan nous accompagnent bien évidemment, portant chacun de quoi faire face à une véritable armée. Mais d’armée, il n’en a plus… Tout n’est que ruines encore fumantes, bâtiments éventrés et cadavres par dizaines. J’ignore ce qu’il est advenu des éventuels survivants, mais j’avoue qu’en vérité leur sort m’indiffère totalement, tout comme celui de tous ceux dont les corps mutilés jonchent le sol : je ne sais pas qui ils étaient ni pourquoi ils étaient là, mais je sais pour qui ils travaillaient et surtout ce qu’eux ou leurs collègues nous ont fait subir, que ce soit à ma mère, à Jennifer et toutes les autres ainsi qu’à moi. Désolée de dire ça, mais il fallait choisir un autre métier.


Au fil des couloirs, je reconnais quelques salles : celles où nous fûmes détenues et violées à un certain moment, celles où nous étions censées dormir et où l’on nous violait régulièrement, celles où nous étions interrogées sur des sujets dont nous ne savions rien et où, devinez quoi, nous étions violées, sans oublier ce qui était la salle de réception d’Ernesto où, finalement, nous aurions préféré n’être que violées… L’électricité, les coups de fouet, de badine et d’instruments contondants en tous genres ou les saucissonnages de toutes sortes pendant lesquels nous restions des heures dans des positions invraisemblables et nous faisait subir le martyre, tout cela avait principalement lieu ici. Rien que d’y repenser, j’en ai encore des frissons…



L’intérieur est conforme à ce que l’on s’attend à trouver dans le bureau d’un dictateur : dorures plus que rococo, tapis épais, statues de marbre le représentant en pied, mobilier pseudo louis XVI, miroirs un peu partout, le tout est d’un kitch et d’un bling-bling totalement écœurant. Par contre, au milieu d’une flopée de photos punaisées sur un mur l’une d’entre elles m’interpelle. J’appelle mes trois acolytes.



Dans ma tête, c’est soudainement un puzzle qui vient de se mettre en place : mon paternel m’avait une fois emmenée dans un parc situé à quelques kilomètres de la maison. Un parc comme il y en a des milliers, où des centaines de personnes viennent ranger leur voiture dans des garages tous identiques, et où sommeillait anonymement la vieille dame. Je comprends maintenant pourquoi il tenait tant à laisser traîner intentionnellement des pièces de cette antiquité, et pourquoi la boutique avait été visitée plusieurs fois pendant notre séjour tous frais payés dans les geôles d’Ernesto, et puis aussi pourquoi tant de monde questionnait le personnel pour savoir où était le reste de la voiture…



Mike, qui vient de nous rejoindre, s’énerve.





---oooOooo---




Presque quatre mois s’écoulent sans qu’Ernesto n’ait donné le moindre signe de vie. Pour nous, la vie de mannequin continue comme si de rien n’était, à sillonner la planète de long en large pour y exhiber d’invraisemblables dentelles et faire baver à la fois le friqué et le pékin moyen. Est-ce que tous ces gens qui nous applaudissent ont conscience que si c’était à refaire, Jennifer et moi préférerions être restées dans l’ombre et que, même s’il reste toujours au fond de mon sac, c’est désormais le calibre dans la main que je franchis chaque porte tellement j’ai toujours la peur au ventre ?


Seul petit réconfort, le garage m’envoie régulièrement des photos de la résurrection de la 601… L’on dit souvent que les voitures restaurées sont encore plus belles que lorsqu’elles étaient sorties de l’usine, et c’est le cas ici. Avec sa carrosserie tout en dégradés de vert et son intérieur cuir crème, elle commence à être à tomber… Sans compter que, au vu de l’usage que l’on veut en faire et qu’il serait malvenu qu’elle tombe en carafe en plein milieu de la présentation, toute l’électricité a été mise aux normes d’aujourd’hui. En clair, je vais pouvoir faire mumuse avec le toit escamotable – et donc épater la galerie – autant que je veux sans risquer de voir flancher les batteries !



Grande présentation : la Belle et la Bête

Château de Chantilly

16 septembre.



L’idée, au départ, c’était de monter un concours d’élégance tel qu’il en était organisé dans les années trente : de superbes filles – bon sang que je n’aime pas parler de moi ainsi, mais puisque l’on passe son temps à nous le dire – parées de leurs plus beaux atours viennent présenter une somptueuse voiture, et la tradition veut que ce soit le plus bel ensemble – bagnole plus nénette – qui gagne le concours. Mais, devant l’ampleur de la mise en place, Mike a préféré que notre petite mise en scène soit intégrée à une manifestation déjà mise en place, à la fois par facilité et par souci de vraisemblance.


Parce que, soyons clairs, depuis quinze jours, le monde entier sait que Jennifer et moi allons présenter cette bagnole à Chantilly… Il n’y a pas un seul journal spécialisé dans le people où l’automobile à qui nous n’ayons pas accordé une interview et qui n’ai pas publié des photos de nous dans ou devant ce qui est présenté comme la voiture de mon grand-père. Et, comme si cela risquait de ne pas suffire, sous prétexte de pub, nos tronches sont placardées quasiment partout dans le monde en quatre mètres sur trois, en soutif et culotte, porte-jarretelles ou guêpière au vent… Mais toujours avec la rutilante 601 en arrière-plan.





---oooOooo---




La présentation bat son plein, tout le gratin de la planète semble s’être donné rendez-vous devant le célèbre château… Mais aucune trace d’Ernesto. Au fur et à mesure que le temps passe, mon rythme cardiaque s’accélère : on a vu passer une Eldorado 1959 – rose, comme il se doit – aux mains d’une ex-page centrale de Playboy, une Atlantic conduite par le mannequin vedette de Vogue, une BMW 507 conduite par les filles de l’agence Elite, une 540 K avec une célèbre strip-teaseuse de Las Vegas en guise d’ornement de capot, plus quelques autres merveilles du même tonneau… Mais là, c’est à notre tour d’apparaître. J’entends Mike donner ses consignes dans l’oreillette.



Lorsque nous apparaissons, Jennifer et moi aux commandes de la 601, c’est un tonnerre d’applaudissements… Qui ne doit doublement pas nous tourner la tête : d’abord, toutes les autres concurrentes y ont eu droit, et ce triomphe ne doit certainement pas nous faire oublier la raison pour laquelle nous sommes là. D’ailleurs, c’est à la fois pour épater la galerie et compliquer la tâche d’un éventuel tireur embusqué que je ne cesse de jouer avec le toit amovible, un coup en place, un coup dans le coffre, un coup entre les deux… Au bout de quelques minutes de prestation, nous regagnons les coulisses.



Bien planqué dans un buisson, un photographe est en train de nous mitrailler, persuadé de ne pas avoir été repéré. Dans un geste digne du cinéma, je pose mon doigt sur mon oreille.



J’attrape Logan par le bras.



Je le vois poser son doigt sur son oreille.



Logan m’attrape par la main et, après m’avoir longuement embrassée à pleine bouche, m’attrape par les hanches pour me déposer sur le morceau de marbre, quelques verres s’entrechoquent et tombent sur le sol, mais nous n’en avons cure. Par contre, c’est de façon presque théâtrale que mon partenaire remonte doucement ma robe, dépose un chaste baiser sur la dentelle de ma culotte avant de me la retirer sans hâte. Là, il me caresse doucement du bout des doigts, s’attarde sur mes petites lèvres, joue quelque peu avec mon bouton magique… À chaque instant, je scrute la réaction de notre photographe du coin de l’œil, n’hésitant pas à en rajouter avec force grimaces imitant le plaisir ou en prenant d’invraisemblables positions toutes destinées à lui offrir une vue imprenable sur mon terrain de jeu. Logan l’a également bien compris, et c’est également pour cela qu’il prend tout son temps pour ouvrir sa braguette, en sortir plus que tranquillement son membre viril pour notre ami puisse immortaliser la taille de de la bête, avant de me le présenter devant ma grotte détrempée et de s’enfoncer en moi.


Je n’ai jamais été véritablement exhibitionniste, même si me montrer nue ou en petite tenue devant n’importe quel public ne m’a jamais gênée. Oh, bien sûr et même si toutes les femmes ne se l’avouent pas, voir les hommes se retourner sur vous – et il n’est nullement besoin d’être nue ou simplement sexy pour cela – fait partie du plaisir d’être femme !


Mais là, pour la première fois de ma vie, j’ai véritablement pris du plaisir à être observée… Oh, ce n’est pas tant la perspective des mecs en train en train de se palucher devant ces clichés qui m’excite, c’est plutôt le fait d’imaginer la gueule que va tirer Ernesto quand il tombera sur ces photos. Eh oui, mon oncle, tu as tout essayé pour tenter de me détruire, mais tu n’as réussi à rien ! Regarde, ta nièce est en train de se faire fourrer au vu et au su de tous et, pire encore pour toi, elle le fait avec bonheur et ravissement !


Eh oui, – et ça, ce n’était pas véritablement prévu – je suis en train de prendre mon pied. Certes, j’avais envie de faire l’amour, ce n’était pas simulé, mais je n’avais pas prévu que ce ramonage finalement assez banal allait avoir un tel effet sur moi. Logan s’en rend compte et tandis que je m’efforce de ne pas dégringoler de cette foutue table, il accélère son pilonnage… Mon orgasme sera-t-il photogénique ? Je m’en cogne, en vérité ! Et tandis que je rouvre les yeux, c’est pour voir mon partenaire qui vient de se retirer précipitamment de mon ventre et qui décharge, le plus naturellement du monde, une quantité invraisemblable de foutre sur ma toison brune. Juste le temps de lui laisser recouvrer ses esprits, j’en profite pour récolter un peu de cette semence sur le bout de mes doigts et de les porter à ma bouche comme s’il s’agissait d’un divin nectar… J’espère que l’autre gland, là-bas, aura prévu une carte mémoire assez grande et qu’il n’en perde une miette.


Quelques instants plus tard, ma culotte remise en place et le matériel de Logan rentré au garage, nous réapparaissons dans le grand monde comme si de rien n’était. Tous ces gens ont-ils la moindre idée de ce qui vient de se passer ? Et tout cas, j’imagine assez bien la tronche qu’ils tireront lorsqu’ils apprendront ça dans les journaux…


Jennifer, qui vient de me rejoindre, est sur le point de monter dans la voiture lorsque nos écouteurs grésillent. C’est la voix de Mike.



Tout en mettant ma main devant ma bouche pour ne pas donner l’impression de parler toute seule, je demande :



Pour éviter les guignols en tout genre, chaque enchérisseur doit prouver en temps réel qu’il dispose bien de l’argent qu’il annonce… Dans le cas qui nous intéresse, le piège est imparable ! Cela dit, cela ne signifie pas forcément que notre homme est réellement là où il est censé être, mais cela restreint les recherches.



Autrement dit, il faut s’efforcer de ne rien montrer, les images des enchères étant retransmises aux quatre coins du globe… Dans l’oreillette, j’entends Mike qui donne ses consignes aux organiseurs, qui sont bien entendu dans le coup.



Bien évidemment, je n’ai aucune réponse, mais l’immense tableau lumineux sur lequel étaient affichées les enchères en cours et en plusieurs monnaies se met soudain à pixéliser, affichant de plus des sommes complètement aberrantes… Cela a le bon goût de durer plusieurs minutes pendant lesquelles toute offre est suspendue. Et quand l’affichage semble enfin être rétabli, cela ne dure que quelques instants, juste le temps de voir s’afficher un superbe écran bleu… Et d’entendre le speaker nous expliquer qu’ils sont victimes d’une attaque informatique et que les enchères reprendront bientôt, juste le temps que le problème soit résolu.


Juste le temps pour nous de sauter dans un avion militaire – dans nos robes de dentelle, inutile de dire que nous faisons un petit effet, même si nous nous sommes évidemment changées ensuite – et nous voilà, deux bonnes heures plus tard, sur le théâtre des opérations.



Simplement, sur place, les choses ne se passent visiblement pas comme prévu… En fait, notre homme a eu le temps de s’établir dans un véritable camp fortifié, et cela canarde sec. La cinquantaine de militaires présents répondent au coup par coup, l’ordre ayant été donné de prendre Ernesto vivant.


Nous, bien sûr, nous sommes hors de portée des combats… Et pourtant, je sais que Jennifer brûle autant que moi d’aller prendre un flingue – un gros, de préférence – et d’aller tirer dans le tas. Bordel, Ernesto est là, au bout du fusil et à quelques mètres de nous ! Au bout d’une demi-heure, elle craque, s’empare d’une mitrailleuse légère – qui, avec sa bande de cartouches, ne doit pas être beaucoup moins lourde qu’elle, en vérité – et, casque sur la tête et pare-balles en bandoulière, la voilà partie à l’assaut…


Dès lors, que faire ? La laisser se débrouiller seule ? Même dans les moments les plus sombres, Jennifer ne m’a jamais laissé tomber… Après avoir ramassé un calibre qui traînait, me voilà également partie à l’attaque, instantanément suivie non seulement par Logan et son acolyte, mais conjointement par le reste de la troupe.

En face, c’est la débandade… Ceux qui ne tombent pas sous nos balles s’empressent de se débiner ou au contraire, viennent vers nous les mains en l’air. L’ultime porte n’est plus qu’à quelques mètres, cette fois, la partie est gagnée… Enfin, presque, puisqu’une rafale vient de me cueillir en pleine bille. Game over.




---oooOooo---




J’ouvre les yeux. Paradis ou enfer ? En fait, ni l’un ni l’autre, il s’agit d’une chambre d’hôpital, et Mike se trouve à mes côtés.



De la chance, de la chance, Il en a de bonnes, l’ami ! Mon épaule et mes côtes me font atrocement souffrir, quelque chose me dit qu’il y a dû avoir de la casse, là-dessous.



Mike semble embarrassé.



Là, il se rembrunit carrément.



Oh putain… Tout mon monde s’écroule.



Il me tend son téléphone et là, un type avec un accent sud-américain à couper au couteau s’adresse à moi. En substance, il prétend être le colonel Ramos – dont mon père m’avait effectivement parlé en son temps – que c’est un ancien compagnon d’armes de mon père, qu’Ernesto est en sa possession et qu’il souhaite me rencontrer au plus vite, sans quoi je ne reverrais jamais cette ordure.



Apparemment, je peux même prendre des armes, il n’est pas contre.





---oooOooo---




Deux heures plus tard, le bras en écharpe et à moitié shootée à la morphine, la bonne ville de Rouen est en vue.



À ma grande surprise, l’hélicoptère se pose près d’une voie quasiment désaffectée du dépôt de Sotteville, tout près d’une somptueuse 231 Pacific visiblement prête à partir, son panache de fumée blanche n’en est témoin. Qu’est-ce que cela signifie ? Personne n’en a la moindre idée…


À ma grande surprise, c’est Ramos qui m’accueille à la porte de l’hélico : même si je ne l’ai jamais vu qu’en photo et que ces clichés remontent sans doute à plus de vingt ans, il ne peut s’agir que de lui. Il me serre chaleureusement la main.



Il se tourne alors vers le pilote.



Je suis le bonhomme, qui m’invite à grimper dans le poste de pilotage de la locomotive. Par bonheur, le tender de charbon n’est pas complètement rempli, sans quoi nous y serions à l’étroit… En plus de Ramos et de moi, il y a deux hommes en armes, plus un vieil homme qui regarde un corps déposé à même la tôle du wagon avec une haine absolument indescriptible. Mon sang se glace brusquement.


Là, sur le sol, il s’agit d’Ernesto, j’en mettrai ma tête à couper… Mais un Ernesto fort mal en point, et ce n’est rien de le dire ! Pas une parcelle de son corps partiellement dénudé ne semble avoir été épargnée : ecchymoses, blessures diverses, brûlures, il y a même des endroits où la peau semble avoir été pelée… Cependant, une blessure m’interpelle plus que les autres, celui qui lui vaut une mare de sang au niveau de son entrejambe.



J’ai toujours su que mon cher oncle était vraiment la pire des ordures, mais j’imagine que vous pouvez comprendre ?



Je me tourne alors vers le vieil homme :



L’intéressé, précisément, me pose la main sur l’épaule :



Notre homme – qui fut autrefois conducteur de locomotive, mon père me l’avait dit – effectue alors quelques gestes précis et l’ensemble s’ébranle dans un vacarme infernal. Au bout de quelques minutes et au fur et à mesure que nous prenons de la vitesse, le bruit devient plus supportable… Ramos pose alors un genou à terre tout près d’Ernesto et m’invite à faire de même. Et là, il n’est nullement besoin d’avoir fait de hautes études pour comprendre qu’il a effectivement quelque chose à me dire, mais également qu’il tient à ce qu’Ernesto l’entende.



Soudain, dans mon esprit, tout s’éclaire, et notamment le pourquoi de toute cette mise en scène : dans le film en question, Delon est aux prises avec un gros méchant pas beau mafieux – qui a accessoirement fait buter Belmondo dans le premier film – et, exactement comme nous le sommes en ce moment, tout ce petit monde se retrouve au final à l’arrière d’une loco à vapeur lancée à pleine vitesse.



Les deux soldats, qui étaient jusque-là restés immobiles, empoignent violemment Ernesto qui, brisé de partout, hurle à la mort. Ramos lui enjoint de se taire en lui collant une monstrueuse patate en pleine tronche, ce qui ne doit pas arranger l’état de sa mâchoire déjà sérieusement amochée.



Puis, s’adressant aux soldats :



Là-dessus, Ramos ouvre lui-même la porte du foyer, la température déjà infernale dans ce minuscule espace augmente encore. Et là, les yeux écarquillés, je les vois doucement introduire Ernesto dans le foyer… Il m’avait promis mieux que dans le film ? En effet, je me souviens très bien que c’était tête la première que le napolitain avait droit à sa petite séance de barbecue, sauf que là, c’est par les pieds qu’ils ont commencé ! Ses hurlements parviennent même à couvrir le vacarme ambiant tandis qu’une odeur atroce de viande carbonisée envahit la cabine.


Voir cette ordure d’Ernesto crever dans les plus grandes souffrances possible, j’en ai rêvé cent fois… Mais là, alors que les portes de la chaudière viennent de se refermer et que ses cris se sont enfin tus, je me sens étrangement vide… Et quelques mots de mon père me reviennent en mémoire :

Prends-garde, ma fille, à ne jamais te laisser envahir par la vengeance et la haine, ces diablesses dévoreront toute ton âme et pourtant, elles ne seront jamais rassasiées.


Tandis que je redescends de la locomotive et que je me dirige vers l’hélicoptère, un flot de questions envahit soudain mon esprit : certes, mon oncle est mort, mais cela ne me ramènera pas mes parents, et pas davantage Logan avec qui mes rapports étaient de moins en moins professionnels. De même, Jennifer ne sera plus jamais là pour me tenir la main dans les moments difficiles… J’ai l’impression d’être détruite de l’intérieur.


Certes, je pourrai toujours continuer l’œuvre de mon père, ce sera une façon de perpétuer sa mémoire et c’est sans doute ce qu’il aurait voulu. Mais y a-t-il une seule personne sur cette planète qui puisse comprendre à quel point tout cela me semble vain ?