n° 18799 | Fiche technique | 10417 caractères | 10417Temps de lecture estimé : 7 mn | 26/01/19 corrigé 06/06/21 |
Résumé: Si on ne voit pas la tête, on peut voir le sexe, et inversement. | ||||
Critères: fh inconnu jeu humour | ||||
Auteur : Samuel Envoi mini-message |
On sait désormais qui est la femme peinte par Courbet dans son célèbre « L’Origine du monde ». Il s’agit de Constance Quéniaux. Il a fallu 152 ans pour qu’on apprenne le nom du modèle, et tout bêtement par une lettre d’Alexandre Dumas fils à George Sand, où il parle de « l’intérieur de Mademoiselle Quéniaux » (et non de « l’interview » comme on l’a cru jusqu’ici). L’écriture de Dumas n’est pas toujours très lisible. Ah, ces bons écrivains qui écrivent mal ! Toujours est-il que, comme l’a dit Frédéric Pommier sur France Inter, « L’Origine du Monde », c’est le bas-ventre d’une prostituée bisexuelle qui n’a jamais eu d’enfant.
Mais le problème n’est pas tant que l’on sache désormais qui est cette femme, mais pourquoi Courbet lui avait-il caché la tête. Il semble bien que la bienséance exige cette dichotomie, pour ne pas dire cette schizophrénie. En effet, on peut montrer sa tête tant qu’on ne montre pas son sexe, et on peut montrer son sexe tant qu’on ne montre pas sa tête (puisqu’on ne sait pas à qui il appartient). Il est d’ailleurs une anecdote, racontée dans l’ouvrage « Le Nu au théâtre » (1909), qui en fait foi. Une jeune actrice se retrouva un soir nue devant le public après que le rideau de scène en se levant eût retroussé tout ce qu’elle portait sur elle. Au directeur qui lui demanda pourquoi elle ne portait pas de dessous, elle répliqua : « De toute façon, ce n’est pas grave, ils n’ont pas vu ma tête ». Déjà, dans certains mystères du Moyen-Âge, les personnages qui portaient des masques de diables ou de sorcières faisaient parfois des apparitions dénudées.
Et que dit Mistinguett, dans sa chanson « Il m’a vue nue » en 1924 ?
Il m’a vue nue,
Toute nue,
Sans cache-truc ni soutien-machins,
J’en ai rougi jusqu’aux vaccins.
Il m’a vue nue,
Toute nue,
Je me suis, par respect humain,
Voilé la face de mes deux mains.
Mais je crois bien
Que par ce geste irréfléchi
J’ai négligé d’voiler quelques petits chichis.
Il m’a vue nue,
Toute nue,
Plus que nue.
Elle pense d’abord à se voiler la face… Nous avons aussi de cette époque beaucoup de photos de nus anonymes. On posait, mais anonymement…
C’est ainsi qu’une fille acceptera vraisemblablement de vous montrer son sexe si vous n’avez pas vu sa tête. Seulement comment faire ? Je me creusais la tête et je passais par un site internet de messagerie. Une certaine Mélanie m’avait bientôt à la bonne. Elle me parlait de plus en plus précisément de ses aventures et de ses folâtreries.
Après quelques semaines d’échanges dans la bonne humeur, elle me demanda une photo. Je lui dis clairement que je voulais bien lui envoyer une de moi, mais qu’en aucun cas, je voulais en recevoir une d’elle. Elle me dit qu’elle était d’accord et qu’il fallait respecter les volontés et les fantasmes de chacun.
On a continué comme ça assez gentiment jusqu’au jour où il apparut qu’une rencontre devenait souhaitable, en tout cas souhaitée par les deux parties. Chez moi ? Chez toi ? Ailleurs ? Je prends le téléphone et je lui dis un petit texte que j’avais sous le coude depuis quelque temps :
Mélanie éclate de rire et souscrit complètement à mon idée, tout en disant que ça ne peut venir que d’un type dérangé. Mais, a-t-elle ajouté, je préfère les dérangés aux rangés.
Le samedi suivant, tout se passe exactement comme il était écrit. Sauf qu’elle a un très beau corps, un pubis délicat et ombragé d’une légère touffe rousse, des seins en poire qu’on croirait faits pour remplir parfaitement le creux de la main, des fesses harmonieuses et rondement joyeuses. Inutile d’ajouter que j’ai claqué la porte embarrassé par une érection qu’il n’aurait pas fallu titiller trop longtemps.
À peine revenu chez moi, le téléphone sonne :
À vrai dire, je ne m’attendais pas à un tel retournement de situation. Mais je ne vois pas comment refuser. Sa proposition est d’un pur bon sens. J’ai une semaine pour me préparer psychologiquement. Il faut quand même que j’en parle à ma femme. Je lui conte un peu notre histoire et ses prolongements jusqu’à chez nous.
Il faut dire qu’avec Camille, on s’entend bien et qu’on vit assez librement notre grand amour.
Le samedi, je suis donc nu au milieu de la pièce avec un tissu épais et fleuri qui me couvre la tête. À l’heure dite, la porte s’ouvre. Un parfum entre et circule autour de moi. J’ai l’impression que cela dure une éternité, ce que ne confirmera pas la pendule. Puis la porte claque. Je n’ai rien fait, je n’ai pas bougé, mais je suis épuisé… Ce jour-là, pas de téléphone ni de message. Mais le lendemain :
À moi aussi, il me faut trouver une fin à cette belle histoire. Une fin ou une continuation… J’y réfléchis toute la nuit, mais je ne trouve rien qui ne soit à la hauteur de ce qui précède. J’espère que Mélanie sera plus inspirée.
Je ne comprends pas bien ce qu’elle veut dire. Mais elle a raccroché. Il reste à attendre le samedi. Mais les émotions se multiplient et à ce rythme je ne sais pas si je vais tenir la cadence. D’un côté, il est vrai que j’ai commencé le jeu, mais comment prévoir que j’allais tomber sur une joueuse de ce calibre ? D’un autre côté, je me vois mal reculer maintenant. Même Camille ne me le pardonnerait pas.
Samedi. J’entre. Je me déshabille complètement. Je couvre ma tête de ce joli tissu en tergal qui me va donc si bien. Je tape trois fois du pied. J’attends. J’entends le voisin d’en dessus frapper trois fois avec son balai. Elle entre. Toujours le même parfum. Elle me prend la main et la promène sur son corps. Je fais de même. Et nous arrivons en même temps à caresser le sexe de l’autre. Sa main donne de la vigueur à ma verge, pendant que mon doigt constate l’état huméfié de son clitoris.
Comme elle connaît les lieux, c’est elle qui mène la barque que nous formons. Elle nous conduit jusqu’à une table où elle s’appuie, jambes écartées, me faisant comprendre qu’elle veut être prise ainsi. J’obtempère. Zob tempère. Mais c’est de moins en moins tempéré, et de plus en plus tropical. La table geint, ce qui doit faire sourire le voisin d’en dessous. Mélanie geint autant que la table et arrive à un paroxysme en forme d’orgasme tellement contagieux que je me libère de ma semence dans un dernier spasme. Quelques minutes plus tard, j’entends alors la porte claquer. Je n’ai plus qu’à me rhabiller et à sortir discrètement en saluant le voisin sur son paillasson.
Camille m’a consolé en me disant que j’avais vécu une belle aventure.