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20/05/19
Résumé:  Je dois vous avouer quelque chose : je paye les hommes qui me baisent.
Critères:  fh copains prost amour fellation fsodo portrait -tarifé
Auteur : Gamahuche      Envoi mini-message
Camille

Je dois vous avouer quelque chose : je paye les hommes qui me baisent.


J’ai quarante ans. Je suis grande, blonde, les cheveux coupés courts, des formes généreuses et souples, mais sans excès, et toujours un certain succès dans les pince-fesses que je fréquente parfois. J’ai une petite fille aussi, que j’aime de tout mon être, un bon métier de graphiste-designer qui me fait vivre très confortablement, du goût, je crois, pour les belles choses, mais aucun pour la vie de couple et les obligations.


Adolescente, j’étais assez ignorante des choses du sexe, en dehors de ce qu’on voyait dans les films hollywoodiens ou de ce qu’on pouvait lire dans les romans de gare. Cela resta quelque chose d’assez lointain, finalement, jusqu’à ce qu’une copine me passe une cassette vidéo piquée à son grand-frère – un film porno classique qui me montra une étendue assez large des pratiques et des possibilités offertes dans le domaine. C’était assez excitant, intellectuellement du moins. Je me caressais un peu, mais sans véritablement décoller. Sympa sans plus, en somme.


L’été qui suivit la fin du lycée, j’avais trouvé un petit boulot dans une station balnéaire venteuse – à confectionner des cônes de glace toute la journée. Le soir, je traînais parfois sur le front de mer, entre les stands de la fête foraine et les lampions des manèges. C’est l’un des garçons de la foire qui eut mes lèvres pour la première fois. Il avait su me charmer dans ma solitude. On est resté ensemble pendant deux mois – largement le temps pour que j’apprenne à le branler et à le sucer.


Rétrospectivement, il avait une belle queue, très dure, toujours plaquée contre son ventre plat. Il ne s’occupait pas tellement de moi, sauf pour me caresser la poitrine et les fesses, et se contentait volontiers de se laisser aller dans ma bouche ou dans mes mains, une ou deux fois toutes les nuits. Ça me convenait – je passais parfois les doigts dans ma culotte sous la jupe pour sentir l’humidité de ma fente ou la fermeté de mon petit bouton, sans aller plus loin. Le reste du temps, c’était un compagnon parfait, un peu timide, silencieux, attentif et souriant, qui aimait les longues balades sur la côte, le plus loin possible de sa caravane et de sa famille.


Une quinzaine de jours avant la reprise, il manifesta le désir de venir en moi. Ma foi, c’était la conclusion naturelle des choses et nous nous organisâmes. Préservatifs, mouchoirs, un grand plaid. Là encore, ce fut sympa. Pas vraiment douloureux, plutôt plaisant, mais pas une épiphanie. J’étais contente d’avoir sauté le pas, d’être une femme, de connaître en vrai ce dont les copines de lycée parlaient parfois. Nos dernières nuits ensemble furent donc consacrées à jouer à la bête à deux dos, à sommeiller entre les dunes et à remettre le couvert avant de grappiller quelques heures de repos.


La rentrée dans mon école de design renvoya cette expérience à sa place réelle, une parenthèse amusante dans ma vie. Je me jetais dans le travail avec enthousiasme – après des années assommantes d’école, j’apprenais enfin ce que je voulais vraiment apprendre. Il y eut bien quelques soirées éparses, histoire de décompresser ou de fêter un succès, mais je restais concentrée sur mes études.


Jusqu’à ce que je rencontre Matthieu. Matthieu était en dernière année dans mon école. Un grand brun ténébreux avec des yeux terribles et pas mal de popularité auprès de la gent féminine. Ce qui ne l’avait pas empêché de se faire larguer par la fille avec qui il était depuis la première année. C’est dans ces conditions que je le récupérai, un peu par hasard, à la fin d’une sortie cinoche avec quelques amis. J’avais bien conscience d’être un rebond, un coup en passant, mais il avait le même charme solitaire que mon amoureux sur la plage et je craquais grave.


Il m’emmena chez lui et me fit l’amour. Rien à voir avec ce que j’avais connu l’été précédent. Je ne sais toujours pas comment il s’y prit, mais il avait une langue, des lèvres, des doigts inquisiteurs, des paumes caressantes, une très belle bite, très épaisse et un peu longue. Et il me fit jouir. Plusieurs fois. Je crois que j’en pleurai un peu. Au matin, je le suçais encore avant qu’il ne me fasse jouir à son tour avec ses lèvres et ses dents, deux phalanges plantées dans mon petit postérieur timide.


Jusqu’à la fin de l’année, on se revit régulièrement – en sex-friends – pour des soirées ou des week-ends de galipettes corsées. Je lui dois certainement la découverte de mon corps et des sensations qu’il peut ressentir. Il me fit chercher ce que j’aimais et ce que je détestais, ou mieux les conditions nécessaires pour que, tour à tour, j’aime ou je déteste. Il me baisa le con, le cul, la bouche, avec sa queue orgueilleuse et divers jouets aux formes et aux couleurs changeantes. Je le baisais aussi, avec ces mêmes jouets. Bref, je m’éclatais enfin – et sans que mes études n’en souffrent pour cause d’investissement émotionnel trop intense. On se quitta bons copains, avec la promesse de se retrouver un jour, mais il partait bosser à l’étranger et on sait ce que valent ces serments de quai de gare.


L’été suivant, j’avais un internat dans une boîte de design. Je faisais le café, rangeait ou classait des papiers, effectuait des copies et, de temps en temps, on me collait devant un ordi pour que je traite des images. Pas ultra passionnant, sauf le midi à écouter les professionnels qui discutaient de leurs projets et des concepts qu’ils développaient. J’évitais soigneusement les tentatives de drague des célibataires et des loups de la boîte, mais allais régulièrement en soirée. J’étais beaucoup moins timide et j’avais soudainement des envies que les jouets abandonnés par Matthieu ne comblaient pas toujours. Je commençais à baiser ici et là, au gré des rencontres et des coups de foudre.


Mais trop souvent, j’étais incroyablement déçue. Quand ils n’étaient pas simplement maladroits, mes amants étaient seulement égoïstes ou indifférents. Entre ceux qui n’assumaient pas leur virilité et ceux qui ne voyaient qu’elle, je me sentais étrangère au moment. J’ai même essayé les filles, mais c’était moyennement mon truc – il leur manquait quelque chose entre les cuisses… Avant la fin de l’été, j’en étais venue à me contenter de mes compagnons en plastique et je restais chez moi le soir à bosser sur mes propres projets de design. J’en profitais pour remplir d’idées et de croquis plus ou moins aboutis des dizaines de carnets et de cartons.


Les années suivantes restèrent au même niveau de marasme sexuel. Je me laissais parfois embarquer par un mec ou un autre. Je butinais des hommes de loin – parfois une simple pipe dans l’ombre d’un balcon, d’autres fois une baise torride dans une chambre pleine de bougies. Mais je me rendis compte que je n’avais pas du tout envie de me mettre en couple ou simplement de tomber amoureuse, même quand l’expérience avait été satisfaisante. Mon esprit était ailleurs – toujours mes études, mon boulot, mes illustrations, mes concepts.


J’enchaînais la première école avec une autre, pour obtenir des diplômes supérieurs. L’été, je parvenais à trouver des stages dans des cabinets de design ou de communication influents. Petit à petit, on me confiait des petites missions, on me demandait d’assister des concepteurs seniors. Je ne comptais pas mes heures et j’avais accumulé une belle expérience personnelle à travailler seule au lieu de me mettre à la colle, comme pas mal de collègues avaient fait. Et je me contentais toujours d’expédients sexuels.


Je venais d’être diplômée, engagée dans la foulée, avec un bon salaire, dans un très bon cabinet – peu de collaborateurs, mais de haut niveau, et une patronne exceptionnelle – quand ma vie changea de nouveau. Une copine d’école se mariait. Sa meilleure amie avait trouvé fin et délicat d’organiser son enterrement de vie de jeune fille dans un club à gogo, avec danseurs nus et lap dance fripons. Il faut reconnaître que les mecs étaient bien foutus, avec tous les muscles là où on aime qu’ils soient et des membres aux formes et textures appétissantes. Les choses dégénérèrent – les petites filles sages ne devraient pas mélanger les shots de tequila et la crème chantilly. On finit toutes par sucer les queues qui se présentaient devant nous, entre éclats de rire, culottes mouillées et rouge aux joues. Ensuite, je restais un moment à discuter avec l’un des garçons qui nous avaient « servies ». Je découvris alors qu’il avait une carte de visite et proposait de discrets services d’escort.


Quelques jours plus tard, je sautais le pas et je l’appelais. Il était chez moi une heure plus tard, très bien habillé, une mallette de cuir et une bouteille de Jurançon frais sous le bras. Le temps de faire connaissance et de siroter un verre de ce nectar des dieux, il m’expliqua la manière dont ça se passait : il était là pour moi et il resterait tant que je ne serais pas totalement et complètement satisfaite ; il pouvait y avoir ou non éjaculation, selon mes désirs ; il pouvait prendre le contrôle, me l’abandonner complètement ou laisser faire les choses. Je posais alors les billets sur le coin du bar américain et l’entraînait dans ma chambre – j’avais un vrai salaire maintenant, autant en profiter.


Pour cette première fois, je lui laissai toutes les initiatives et je ne le regrettai pas. J’avais déjà eu un très bon aperçu de son organe au cours de la soirée précédente, mais cette fois, je l’accueillis de diverses manières. Il avait aussi apporté quelques jouets discrets, qui m’emplirent le cul ou le con tandis qu’il me prenait de l’autre côté. Il semblait deviner mes besoins et mes désirs – mais je me rendis vite compte que la voix rauque qui emplissait la pièce et donnait des ordres était la mienne. Il me baisa longtemps et j’enchaînais les orgasmes comme rarement depuis Matthieu. Je lui permis de se répandre sur mon visage, sur mes seins et même dans ma bouche lorsque, épuisée, le sexe rouge et gonflé, je le suçais encore pour finir la séance.


Le mois suivant, je le rappelai. Je payais encore pour me faire sauter – mais le service était impeccable et je n’étais pas obligée de faire la causette pendant des heures ou de m’assurer que la virilité de mon amant avait été satisfaite. Dès qu’il fut parti, je me remis au travail. Bientôt, tous les quinze jours, je me réservais un après-midi pour recevoir chez moi – je n’avais pas envie de me retrouver dans un hôtel déshumanisé pour ce genre de choses.


Assez vite, sans me lasser vraiment de mon gigolo, je me dis que, tant qu’à payer, je pouvais exiger un peu de variété. Je lui demandais alors s’il avait quelques collègues disponibles, histoire de varier les plaisirs. S’il fut un peu chatouilleux au début, il finit par me livrer une petite liste, en échange d’un bonus pour chaque nom. Il m’assurait toutefois de leur professionnalisme.


Je commençai ainsi une nouvelle vie. Il me suffisait d’appeler pour avoir un amant poli, serviable, bien monté, peu timide et attentif à mes désirs. Je pouvais me laisser aller à mes passions les plus licencieuses entre ses bras. Parfois, je faisais l’amour, tendrement et gentiment ; d’autres fois, c’était une baise brutale, presque violente ; de temps en temps, j’abusais de mes serviteurs avec leurs propres jouets ou les miens. J’étais chatte et tigresse, soumise et maîtresse, au gré de mes envies. Le reste du temps, je travaillais sans contraintes de couple, laissant mon esprit dérouler ses réflexions, emplissant des pages de notes et de théories. Mon corps était comblé, mon cerveau fonctionnait à deux cents pour cent – j’étais ravie de la tournure que prenaient les choses.


Je venais de fêter mes trente-deux ans et la parution d’un article consacré à mon travail dans la revue Intramuros, quand je reçus le plus étrange des e-mails. C’était une voix ancienne, comme revenue d’outre-tombe. Matthieu. Il était en ville pour quelques jours dans le cadre de son travail et avait eu mon adresse par une connaissance commune. Il proposait qu’on se voie.


Deux heures plus tard, il sonnait à ma porte. Il n’avait pas vraiment changé – ténébreux, sûr de lui, un peu plus mûr sans doute, quelques cheveux blancs aux tempes et des pattes-d’oie aux coins des yeux. Je me haussai pour lui claquer la bise et puis me retrouvai soudain contre lui, les bras autour de son cou, les cuisses autour de ses hanches, nos deux langues entremêlées. Il referma la porte et me porta jusqu’au sofa. Le temps de remonter ma jupe et d’écarter ma culotte et il était en moi, puissant et énergique. Nous ne nous quittions pas des yeux, les lèvres crispées, les dents serrées, haletants. Je crois qu’il ne me fallut pas plus de deux minutes pour me tendre violemment et crier mon plaisir. Ses doigts s’enfoncèrent dans la chair tendre de mon ventre et il se crispa à son tour, se vidant tout au fond de mon vagin. Un instant de silence et nous éclatâmes de rire comme des gamins. Il m’embrassa sur la joue.



Le lendemain matin, j’appelai ma patronne et la prévins que je prenais quelques jours de RTT. Matthieu et moi avions passé la nuit à discuter, à parler de nos vies, de nos carrières, de nos amours (ou de nos non-amours). À baiser et à faire l’amour aussi. Deux jours plus tard, il repartait pour sa vie normale. Je crois que c’était la première fois de ma vie que j’avais le cœur serré par une séparation. Je pleurai un peu, haussai les épaules, repris le boulot et, le mois suivant, rappelai l’un des amours tarifiés.


Plus tard, je fis une pause dans mes fréquentations – le temps que naisse ma fille, quelque deux cent soixante-dix-huit jours après la visite de Matthieu, que je reprenne mon poids de forme et que ma libido se réveille.


Étrangement, si j’ai toujours considéré la vie de couple comme un poids et une contrainte, j’ai immédiatement adoré ma petite et j’ai réussi à lui ménager toute la place qui lui revenait dans ma vie. J’aurais sans doute pu depuis longtemps monter ma propre agence et quintupler mon salaire – mais, et je me surprends à le dire, c’est beaucoup trop de travail. Je préfère concevoir et inventer plutôt que de gérer l’administratif et le financier. Ma fille me donne des dizaines d’idées tous les jours en me compliquant et en me simplifiant la vie.


Ma vie sexuelle n’a guère changé. Un après-midi tous les quinze jours, parfois toutes les semaines quand la pression s’intensifie un peu au travail, je m’envoie en l’air avec bonheur, complètement dans l’instant partagé, serrée dans les bras puissants de mes hommes. Ils n’ont rien à me prouver et rien à m’imposer. Sur la proposition de l’un d’entre eux, j’ai testé avec deux garçons à la fois. C’était très bien, terriblement excitant de les sentir l’un et l’autre en moi – j’ai même obtenu qu’ils se caressent et se lèchent. Mais ce n’est pas pour moi. Je me suis découverte d’un classicisme bourgeois effroyable. J’aime mes amants à l’unité, un par un, sans chichi et sans interférence. J’ai pareillement refusé toutes les invitations à des parties fines ou des sorties en clubs. Je crois que j’aime la solitude plus que tout – la foule m’ennuie et peu de personnes l’ont compris autour de moi – et mes gigolos n’ont pas besoin de le comprendre. Il leur suffit de venir et de repartir.


Sur ce, je dois vous laisser. On sonne. J’ai un rendez-vous coquin avec un petit nouveau qui vient de revenir en ville. J’en ai entendu le plus grand bien.


Il s’appelle Matthieu.