Bien sûr j’avais hâte de recevoir ce colis, discret et jouissif en même temps. Il avait fallu des mois de préparation pour ce laboratoire suisse, et cela après des années de recherche par un groupe de médecins et d’ingénieurs du plus haut niveau. Mais le résultat était là dans cette boîte au carton anonyme. Certes j’ai dépensé des milliers d’euros, mais franchement je ne les regrette pas. En effet, j’ai à ma disposition désormais une femme. En morceaux certes, mais capable de donner toutes les jouissances imaginables.
Ce qui était extraordinaire dans cette nouvelle invention, c’est que l’objet pouvait à la demande devenir une bouche, un vagin ou un anus par simple pression sur un minuscule bouton. Vous avez là tout le confort d’une fellation avec toutes les variations possibles de vitesses et de température – du plus chaud à la glace –, toutes les positions envisageables depuis le simple rapport sexuel jusqu’aux plus élaborés, toutes les introductions sodomites des plus larges aux plus serrés. Bref, une merveille de technicité. Aucune femme ne peut rivaliser.
- — Mon chéri, c’est tout de même terrible ce que tu me dis là… Que va-t-il advenir de nous ?
- — Mais rien.
- — Comment ça rien !?
- — Je veux dire que tout va continuer comme avant.
- — Ah, tu me rassures. Mais alors cet instrument ?
- — Ce n’est pas un instrument, c’est beaucoup plus que cela.
- — Bon, si tu veux. Mais quelle place me reste-t-il, à moi ?
- — Toujours la même place.
- — Toujours le même amour ?
- — De quoi tu parles ?
- — Tu m’aimeras toujours autant ?
- — Toujours autant, évidemment, mais n’appelons pas cela de l’amour, s’il te plaît.
- — Pourquoi ?
- — Enfin, tu sais très bien. Nous sommes ensemble par instants, par hasard, par paresse, par lassitude, par curiosité au début.
- — C’est vrai que je n’ai pas toujours privilégié notre relation, je le reconnais. J’ai eu, un temps, une liaison que tu connais avec Amory.
- — Et avec d’autres.
- — Oui, enfin, mais pas plus que toi. Mais finalement nous nous sommes toujours retrouvés.
- — Parce que c’était plus simple pour l’un comme pour l’autre.
- — C’est vrai aussi. Mais si cette… chose fait mieux l’amour que moi, à quoi je vais servir, moi ?
- — On continuera à baiser, ne t’inquiète pas.
- — Tu sais, on fait aussi ce genre de gadget pour femme maintenant…
- — Ce n’est pas une chose ! Ce n’est pas un gadget ! S’il te plaît, essaye de comprendre ça !
- — Ne t’énerve pas. Je disais cela comme ça pour te dire que moi aussi, si je voulais…
- — Mais tu ne veux pas.
- — Non, moi, ça ne me dit rien. J’ai bien essayé les boules de geisha, ça fait un peu d’effet, mais je préfère nettement ta verge au fond.
- — Au fond ?
- — Au fond de moi, si tu veux bien.
- — Bien sûr.
- — Mais je ne comprends toujours pas quel besoin tu as encore de moi. Puisque tu m’as fait comprendre qu’il n’y avait pas plus d’amour entre nous que de beurre au cul, que tu as désormais une femme plus femme qu’une femme à ta disposition, que puis-je t’apporter ?
- — Écoute, j’ai essayé Zone – oui, c’est ainsi qu’il faut l’appeler – la semaine dernière et franchement tout a changé pour moi. Au début, effectivement, j’ai pris cela pour une poupée gonflable. Mais ça n’a rien à voir. Ce n’est pas du caoutchouc, c’est vraiment de la peau, de l’épiderme. Je ne sais pas comment ils sont arrivés à cette perfection. Si on veut, on arrive très vite à la jouissance. Mais je me suis dit : tant d’argent pour cinq minutes, c’est au-dessus de mes moyens. Alors, certes j’ai joui, mais ensuite il s’est passé quelque chose qu’on ne ressent que lorsqu’on est véritablement amoureux. Josy, quelque chose qui ne s’est jamais passé entre nous. Et ce n’était même plus sexuel. La grande erreur de l’homme, c’est de penser qu’on ne tombe amoureux que d’un être humain. Non, il s’est produit là un acte fort et, je le pense, réciproque.
- — Réciproque ?
- — Oui, Zone a aussi son mot à dire, même si elle ne formule pas ainsi. Tout est beaucoup plus subtil. Mais je sens bien qu’elle ne me lâche qu’à regret, qu’elle m’attire et me retient, qu’elle prend une place de plus en plus importante dans ma vie. C’est une belle âme.
- — Tu te rends compte de ce que tu dis ? Tu délires !
- — On est un peu fou quand on est amoureux…
- — Tu es tombé amoureux de …
- — De Zone. Et c’est pour ça que je dérai… Zone.
- — Tu pourrais m’éviter tes jeux de mots à trois sous, mais passons. Maintenant je ne comprends toujours pas ce que je fais là, à poil, dans ton lit. Si Zone fait bien mieux l’amour que moi que c’est même pas comparable, si mademoiselle Zone est amoureuse et que toi tu en es fou, je me rhabille et je me casse.
- — C’est pourtant simple. Avec Zone, c’est l’amour, et même le grand amour. Mais tu sais combien l’amour exclusif est dangereux, voire suicidaire. Avec toi, c’est la tendresse et l’amitié. C’est autre chose. Et puis, j’aime pimenter ma relation avec Zone d’une liaison secrète avec toi.
- — Secrète ? Mais tout le monde est au courant que nous sommes ensemble.
- — Mais Zone ne le sait pas. L’idée de la tromper m’émoustille énormément, de voir comment elle réagira quand elle s’en apercevra… Bon, je la ferai un peu souffrir, mais cela renforcera notre attachement.
- — Je ne sais pas où tout cela nous mènera…
- — Mais au mariage, ma chère. En Suisse, il existe déjà un projet de votation autorisant les mariages avec des êtres non animés.
- — Allez, viens, on va faire l’amour. Toute cette discussion me déprime.
Josy prend délicatement le pénis d’Antony dans sa bouche.
- — Mais pourquoi tu m’appuies sur l’épaule comme ça ? Je n’ai pas de bouton, moi ! Dis-moi ce que tu veux. On peut encore parler tout de même.
- — Excuse-moi. C’est vrai, j’ai tellement l’habitude d’appuyer sur le bouton. Pour tout te dire, ce bouton sur Zone est tellement minuscule que je ne l’ai pas trouvé tout de suite, c’est pourquoi je t’ai appuyé sur l’épaule plusieurs fois, ne me souvenant plus que toi tu n’as pas de boutons.
- — Bon, ça va. Prends-moi. Comme tu veux. Par où tu veux. J’ai envie. Vite. Qu’on jouisse, bordel !
- — Tu vois, ce qui est formidable avec toi, ce sont tes bras et tes mains qui se promènent sur mon corps.
- — Eh bien voilà ! Enfin un bon point pour moi. Mais oui, gros bêta, Zone n’a pas de bras, pas de mains, pas de doigts. Imagine où je vais loger ce doigt à l’instant… C’est pas du bonheur ?
- — Si, tu as des mains magiques. Et c’est pour cela, qu’il faut que nous restions tous les deux. Mais je pense à quelque chose. Non, non, je n’ose pas…
- — Allez, dis-moi. Il faut aller au bout de ses fantasmes, bordel !
- — Est-ce que tu serais d’accord quand je fais l’amour avec Zone de venir faire les bras ?
- — Voilà à quoi j’en suis réduite… Mais est-ce que tu te poses la question de savoir si Zone serait d’accord. Susceptible comme elle est…
- — Oui, c’est vrai, des mains de femmes sur mon corps pendant qu’on copule, j’ai peur qu’elle le prenne mal. Il faudrait que je trouve des mains d’homme.
- — Des mains d’homme !?
- — Oui, à ce moment-là, c’est davantage un rapport homo et elle le supportera plus aisément.
- — Donc, un mec va venir te peloter pendant que tu baiseras ton jouet !
- — Tu insultes Zone et je ne l’accepte pas ! Ce n’est pas un jouet. À la rigueur, ce qui serait un jouet, ce sont tes deux bras qui me procurent un frisson mécanique. Mais on ne touche pas à Zone. Moi, c’est le grand amour ou rien !