n° 19099 | Fiche technique | 29458 caractères | 29458 4884 Temps de lecture estimé : 17 mn |
25/07/19 |
Résumé: La perte d'un ami entraîne Benoît dans une succession de surprises aussi étonnantes les unes que les autres. | ||||
Critères: fh couple amour cérébral revede voir photofilm fetiche portrait -regrets | ||||
Auteur : Couple.libertinage Envoi mini-message |
DEBUT de la série | Série : La boîte à chaussures Chapitre 01 / 03 | Épisode suivant |
Chapitre 1
Un oiseau chante plus fort que les autres. D’une façon si particulière, avec une telle insistance que ma fin de nuit s’abrège prématurément. Je suis encore rempli de sommeil, mais la curiosité me pousse à entrouvrir un œil. J’évalue que le lever du jour est dépassé depuis longtemps. Le soleil se fait timide à travers les interstices des lames du volet roulant. Regarder le réveil est au-dessus de mes forces et de toute façon à quoi cela me servirait-il ? Quel jour sommes-nous ? Peu importe, je m’en moque éperdument.
Malgré tout, mon cerveau cherche à savoir, pour se rassurer, peut-être. Ah oui, nous sommes samedi. Mes pensées divaguent, rien ne trouve grâce à leurs yeux pour se fixer, même provisoirement. Tout cela m’épuise. Quand cela va-t-il s’arrêter ? Si seulement je pouvais me rendormir sur-le-champ. Seulement, c’est impossible. Quelque chose me chagrine sans que je l’identifie formellement. Je désespère de cette situation si désagréable et finis par me mettre sur le dos dans le lit. J’ouvre les yeux en grand.
À mes côtés, je sens Françoise, mon épouse, repositionner sa tête sur son oreiller. Elle me tourne le dos. Un coup d’œil vers elle me fait remarquer d’autant plus le petit haut qu’elle porte que ses fesses sont découvertes. La courbe joliment dessinée de ses hanches est décidément toujours aussi féminine. Elle doit dormir encore et pour être franc, je n’ai pas la tête aux caresses et à l’amour. C’est en regardant le plafond de notre chambre que la nature de mon malaise me saute au visage. L’origine de cette sensation pénible prend la forme d’une boîte à chaussures. Quelle idée ! Soudain, avec cette image dans la tête, les évènements de la journée d’hier refont surface immédiatement.
Hier vendredi, je passais mon début d’après-midi dans une église. La dizaine de personnes présentes à l’extérieur était vêtue de noir. C’est en effet la première chose que je remarquai en stationnant un peu à l’écart et cela eu pour effet de me faire prendre conscience de la réalité des choses. Une demi-heure avant de m’y rendre, j’hésitais encore à faire le déplacement. Jérôme était l’un de mes meilleurs amis et nous partagions assez régulièrement nos joies, nos déceptions, nous parlions cinéma, musique, mais aussi photographie. Nos perceptions étaient souvent les mêmes.
Ma présence ici me coûtait énormément. Un ami cher s’en est allé, sans rien me dire et il serait faux de dire que je n’accusais pas le coup. Dans mes hésitations à venir, le reproche essentiel tenait au fait qu’il ne m’ait pas fait part de son malaise. Certes, lors de notre dernière rencontre qui remontait à quelques jours, il m’avait paru triste et pour le moins désabusé. J’avais essayé tant bien que mal de le faire sourire en racontant deux ou trois anecdotes amusantes, mais l’effet escompté n’avait pas été au rendez-vous. Cela aurait dû me mettre la puce à l’oreille ; à quoi bon, maintenant qu’il est désormais loin d’ici…
Les larmes que je tentais de retenir finirent par m’engloutir. J’étais content d’être resté en retrait. Pleurer, en ces circonstances, est certes chose courante, mais je n’avais pas envie de la partager avec les autres.
J’attendrai que la modeste assemblée prenne place dans l’église pour y aller ensuite. Mais Véronique, la veuve de Jérôme, en décida autrement. Depuis plusieurs minutes, alors qu’elle adressait la parole tantôt avec l’un, tantôt avec l’autre, elle regardait régulièrement dans ma direction. Ce n’est que lorsque le prêtre vint la trouver, qu’elle lui fit signe de patienter quelques instants. Elle descendit la dizaine de marches d’un pas peu assuré et sa sœur lui proposa de l’accompagner. D’un geste aussi surprenant que déterminé, elle refusa. Si bien que tout le monde avait désormais le regard tourné vers nous deux.
Véronique et moi nous nous connaissions depuis de nombreuses années sans que nous soyons vraiment proches. Maintenant l’un en face l’autre, nous adoptions une attitude distante. Un simple bonjour, aucune embrassade, tout juste lui fis-je part de mes sincères condoléances, de ma très grande peine et de mon envie d’être ailleurs en ce moment.
Véronique acquiesça d’un simple hochement de tête. Nos yeux finirent par se croiser un bref instant. Non loin de là, quelques personnes s’étaient discrètement rapprochées et cela déplut manifestement à Véronique qui les regarda sévèrement. Tandis qu’elles manifestaient leur agacement, la veuve de Jérôme me dit :
Je ne m’étais guère montré depuis l’annonce du décès et j’avais mes raisons. Plus prosaïquement, mon regard traduisait la surprise.
Nous rentrâmes tous dans la petite église. L’après-midi se déroula aussi bien que possible dans de pareilles circonstances ; sauf qu’une averse inattendue eut pour conséquence d’abréger la cérémonie au cimetière. Alors que l’assistance filait vers les voitures, je trouvai refuge sous le petit auvent d’une mini chapelle fermée par une grille. Un amas de feuilles mortes gisait sur le sol, des restes de bougies sur le petit autel témoignaient d’un semblant de vie. Je me retournai pour regarder la pluie terminer de tomber quand soudain une vague de nostalgie me gagna. La chanson d’Hélène, qui accompagne si merveilleusement le film de Claude Sautet « Les Choses de la vie » venait d’envahir mon esprit. C’était l’un de nos films préférés à Jérôme et à moi et nous aimions de temps en temps, avec un brin de malice, nous rappeler qu’étant plus jeunes, nous aurions fait n’importe quoi pour passer ne serait-ce qu’un instant aux côtés de Romy Schneider.
Je restais immobile plusieurs minutes, pensif, jusqu’à ce qu’un rayon de soleil ne vienne me ramener à la réalité. La scène de la machine à écrire m’était aussitôt revenue en mémoire et le retour du beau temps voyait aussi mon regard s’éclairer à la pensée de la très jolie nuque de notre actrice fétiche. Dans ce même film, Jérôme en pinçait aussi pour Léa Massari. Nous avions l’un et l’autre des goûts très différents lorsqu’il s’agissait de préférer telle ou telle femme. Que ce soit au cinéma ou plus souvent encore, dans la vie de tous les jours. Pour autant, nous ne ressemblions pas aux deux héros d’Amicalement Vôtre, toujours prêts pour de nouvelles aventures, surtout en bonne compagnie. Nous évitions aussi de parler en public de nos critères respectifs, de nos sentiments les plus personnels, pour la simple raison que nous voulions nous démarquer à tout prix de ces hommes, des goujats, qui ne pensent qu’à la chose.
Nous nous considérions, à tort ou à raison, comme plus fins d’esprit ; sans faire partie non plus de cette classe de gens que l’on dit respectables, ou tout simplement sûrs d’eux, possédant un statut social supérieur à la moyenne. Ni l’un ni l’autre nous ne possédions ni belle voiture ni belle maison et nos épouses respectives n’auraient prétendu pour rien au monde être assimilées à des top-modèles ou bien à des femmes pleines d’assurance. Parfois, nous nous retrouvions à « aimer » la même femme, en tout bien tout honneur. Alors, nous jouions, comme des adolescents à l’imagination débordante, à nous épater mutuellement, en nous racontant de que nous aurions dit ou fait en compagnie de la charmante personne en question. À ce jeu-là, je dois dire que je gagnais le plus souvent. Jérôme semblait avoir moins d’inspiration ou de désirs. Mais qu’importe, peut-être gardait-il certaines choses pour lui. C’est sur ce constat que je décidai de quitter les lieux, mais pas avant d’être retourné une dernière fois sur la tombe de mon ami.
Chapitre 2
J’habitais dans une ville à une vingtaine de kilomètres de l’endroit où résidait Jérôme. Un petit village encore préservé, mais pour combien de temps, de la désertification. À l’époque de leur installation là-bas, il y a quinze ans, lui et Véronique avaient relevé le défi lancé par le Maire, à savoir faire rouvrir l’école fermée quelques années auparavant. Pari réussi et leurs enfants étaient donc allés à l’école à pied. Avec d’autres familles, ils se sont battus pour que la commune garde une boulangerie-épicerie. Et pour y avoir été invités à plusieurs reprises Françoise et moi-même, il faut bien reconnaître que nous avons été gagnés par la bonne humeur qui régnait aux fêtes et autres manifestations en tous genres organisées là-bas.
Il était trop tôt pour aller chez Véronique récupérer le souvenir, appelons cela comme ça. À la simple évocation de cette boîte à chaussures, je visualisais déjà son contenu, à savoir des babioles, à la manière des gamins. Emballages de chocolats, de bonbons en tout genre, quelques papiers arrachés à la va-vite d’un cahier sur lesquels nous avions griffonné quelques plaisanteries ou mots doux destinés à celle que nous voulions avoir à nos côtés le samedi soir. À moins que ce ne soient deux ou trois vieilles photos, des polaroids ou de simples clichés assombris pris avec un Instamatic bon marché. Mais alors, pourquoi me remettre ces choses qui prennent aussi peu de place, dans une boîte à chaussure ? Véronique n’a-t-elle pas exagéré en décrivant ainsi ce qui devait plutôt ressembler à une petite boîte à gâteaux. Le couple avait certes des petits-enfants, mais ils vivaient au loin avec leurs parents et tous venaient du reste très peu souvent dans la région. J’écartai donc la possibilité d’une boîte à chaussures d’enfant, aux dimensions cependant plus réduites.
Plutôt que de divaguer par-ci ou par-là jusqu’à l’heure fatidique, je décidai de regagner notre appartement. Sachant que je ne verrais pas Françoise avant la fermeture des magasins, je lui envoyai un SMS avant de prendre la route, pour avoir la liste d’articles qui manqueraient à la maison. En chemin, une petite musique m’informa d’une réponse et c’est une fois sur le parking du supermarché – je me doutais bien qu’il faille y aller – qu’à la lecture de son message, j’éclatai de rire :
Quelle plus belle occasion pour annoncer que je devais effectivement passer chez Véronique pour récupérer un souvenir qu’avait laissé Jérôme à mon intention.
On venait de franchir un cap et j’eus une fois de plus la preuve que la férocité féminine pouvait se cacher au plus profond d’un gant de velours.
Véronique et Françoise ne s’appréciaient guère beaucoup, mais aucune d’entre elles ne prendrait le risque de déclencher les hostilités. Si les maris s’entendaient à merveille, les couples ne se croisaient qu’en compagnie d’autres personnes. Cela n’empêchait pas les deux femmes, chacune de leur côté, de se moquer de l’autre. Le message que je venais de recevoir illustrait bien le climat qui régnait. D’ailleurs, il n’y a pas si longtemps un soir, profitant de l’absence de mon épouse, nous avions décidé d’écouter le disque de rythm’n’blues que je venais d’acheter.
Une grande bouteille de bière finissait de nous tenir compagnie et alors que la conversation s’était portée sur le récent documentaire sur le thème de la sensualité, diffusé sur Arte, mon ami m’avoua de façon à peine voilée que Véronique détestait le naturel que mon épouse affichait et cette sensation de liberté dans tous les domaines qui la rendait souvent rayonnante. Nous venions tout juste d’entamer chacun la version réduite de cette même bière du nord de la France, mais en dépit de la fatigue je gardais suffisamment de lucidité pour m’étonner d’une telle perception et j’en profitai pour demander des preuves justifiant de ce que Véronique avançait.
Tout sourire, Jérôme se leva, manqua de buter contre le fauteuil et alla remettre le disque de Don Gardner.
Jérôme me souriait toujours et devant les marques flagrantes de mon agacement, il rompit soudain le silence :
Nous n’avions pas entendu mon épouse rentrer et si je craignais vraiment que Françoise ait en réalité entendu toute notre conversation, mon ami gardait le même sourire béat, sans chercher à la contredire. Sur le chemin du retour, Françoise se contenta de conduire, en silence. Craignant de réveiller sa curiosité, j’en fis de même. Mais une fois dans la salle de bains et alors que nous nous brossions les dents, elle se plaqua tout contre moi. Je me tournai vers elle et nos yeux se croisèrent. M’attendant au pire, je restai immobile. Et c’est alors qu’en un éclair elle s’accroupit, baissa mon caleçon et frotta sa bouche d’abord sur ma pilosité.
La surprise était totale pour moi et si le bon sens aurait voulu que je mette fin à ce moment de folie, je fus pris au contraire d’un énorme fou rire. L’effet ainsi produit poussa Françoise à lever la tête et à plonger son regard dans le mien. Le mystère de l’amour venait de nous toucher au cœur et je voyais maintenant sa langue au parfum de menthol descendre le long de mon sexe. Jérôme avait sans doute raison : Françoise était tellement naturelle …
Chapitre 3
C’est bien évidemment les mains vides que je me présentai un poil en retard au rendez-vous fixé par Véronique. Elle était seule, comme je l’avais imaginé. La principale incertitude résidait dans le fait de savoir si elle allait ou non me dire ce qu’elle avait sur le cœur. Après les banalités d’usage, je n’eus pas à attendre longtemps :
Que pouvais-je répondre à cela ? Qu’elle avait raison ? Sans aucun doute. Mais je n’allais tout de même pas me montrer désagréable vis-à-vis d’elle en lui rétorquant que Jérôme aurait aimé que son épouse fasse preuve d’un minimum de sex-appeal. Je remarquai malgré tout qu’après plusieurs jours à remplir de la paperasse, à répondre aux questions des enquêteurs et à organiser les obsèques, Véronique n’avait pas jugé bon d’adopter une tenue plus décontractée. Elle portait toujours la même tenue grise et noire que cet après-midi et la vue des chaussures de ville encore à ses pieds me fit froid dans le dos.
J’évacuai tout cela en ramenant la conversation sur la boîte à chaussures qu’elle devait me remettre. Et ce, tout en sachant que le sujet pouvait l’inciter à réitérer ses griefs envers nous. Sans doute fatiguée, elle me proposa plutôt de prendre place dans le canapé, le temps pour elle d’aller chercher ladite boîte. Elle revint au bout de quelques minutes, les yeux rougis, encore humides et me tendit l’objet. La couverture d’un « Martine » passa comme un éclair devant moi et, tout en saisissant la boîte, je réalisai que la réflexion de Françoise était vraiment déplacée. Un peu confus, je me montrai également maladroit lorsque rapidement je pris congé.
L’horloge de la voiture indiquait dix-neuf heures et quelques minutes quand je mis le contact. Je ne vis aucune silhouette derrière la fenêtre de la cuisine ou des chambres à l’étage. Il y a des moments où je devrais peut-être me montrer plus compatissant, mais je n’en avais pas le courage, pas ce soir. À la sortie du village, je me garai sur la zone destinée au covoiturage et j’éteignis le moteur. J’arrachai les ficelles qui cerclaient la boîte – une vraie boîte à chaussures, soit dit en passant – et je me rendis alors compte que Jérôme avait de surcroît scotché attentivement le couvercle au corps de la boîte. Tout en coupant l’adhésif avec ma clé d’appartement, je m’interrogeai vraiment sur la nature de ce que j’allai trouver. Une fois le couvercle soulevé, je découvris d’abord une feuille manuscrite, aux dimensions exactes de la boîte et fixée aux côtés par des gommettes. Manifestement, je devais commencer par de la lecture.
« Mon cher Benoît,
Ainsi, tu as pris possession de mon cadeau d’adieu. Tu vas voir, il n’y a rien d’extraordinaire, tout juste de petites choses sans importance pour les autres, mais qui pour moi constituent de petites pierres magiques que je ne peux emmener. Alors, je te les laisse. Elles ne chambouleront pas ta vie, j’en suis sûr, comme elles l’ont fait avec moi. J’ai toujours su que tu me croyais incapable d’avoir beaucoup d’imagination, mais je veux que tu saches qu’au contraire, j’en possédais trop, beaucoup trop pour que je le supporte plus longtemps. J’en retirais des bienfaits instantanés, mais en gardant tout pour moi, et surtout en l’absence d’une porte de sortie, je n’avais pas d’autre choix.
Pour terminer avec le sourire, je ne te demanderai pas comme Jacques Brel dans sa chanson « Le Moribond » de t’occuper de ma femme. Tu connais Véronique, elle était une très bonne maîtresse de maison, mais pour le reste…
Adieu l’ami (décidément Brel me poursuit),
Jérôme
Les larmes coulaient une nouvelle fois sur mes joues. Partir pour de telles raisons me paraissait tellement inconcevable que j’avais besoin d’être autrement convaincu. Je détachai la lettre et je fus stupéfait de trouver ensuite une dizaine d’impressions de photos puis un grand carnet à la couverture cartonnée, sur laquelle Jérôme avait collé une image en couleurs. Je ne sais où il l’avait trouvée, mais je ne pouvais qu’approuver son choix.
On y voyait le buste d’une femme ainsi que le bas de son visage. Elle était nue et il apparaissait sans nul doute que cette photo avait été prise par la personne qu’elle chevauchait. Le léger flou du cliché attestait à merveille du couple en mouvement et alors que mon imagination s’apprêtait à me transporter, un regard appuyé sur les seins de la femme puis aussitôt sur sa bouche calmèrent subitement mon emballement. Subitement, cette photo n’était plus le symbole choisi par quelconque voyeur. Elle était devenue le témoignage d’un amour. La poitrine de cette femme était petite, mais la forme de ses seins, en forme de poire rendait cette vision presque idyllique.
Les mains d’un d’homme portant une alliance s’étaient posées de chaque côté, en dessous des seins et les tétons roses et déjà gonflés laissaient supposer que l’aboutissement du plaisir était proche. La bouche entrouverte semblait laisser échapper quelques mots. Je n’avais sous les yeux que cette photo. Aucun bruit, aucun son ne s’en échappait, et pour cause, mais je me surpris à les créer de toute pièce dans mon imagination. Je ne vis bientôt plus que le détour de ce corps emporté par la fougue et le désir de partage. Je ne sais pourquoi, mais tout à coup je fis à nouveau la mise au point de mon regard sur ce ventre féminin délicatement proportionné, mais ô combien si ordinaire. Je perçus alors le petit détail qui avait échappé à ma conscience : cinq grains de beauté dont certains semblaient minuscules emportaient de manière définitive toute raison d’être sage. Je savais que l’aspect naturel des choses pouvait nous transformer et je dus reconnaître, une fois de plus que Jérôme et moi éprouvions sur ce point la même sensibilité.
Quelques minutes plus tard, remis de mon inattendue divagation érotique, je feuilletai rapidement le carnet, m’arrêtant notamment sur les premières pages. Survolant des bribes de phrases, je ne fus pas surpris d’y découvrir des mots qui résonnaient positivement en moi. Il me fallut un certain temps pour me rendre compte que mon sexe s’était épanoui et qu’il se trouvait bien à l’étroit dans mon boxer. Mais je n’avais pas envie de me rendre l’instant plus beau encore. Il faisait encore jour, une voiture pouvait arriver à tout moment et de toute façon, si j’ai pu par le passé céder plus facilement à la tentation, je considérai dorénavant que cela n’était pas la panacée. Au lieu de cela, je me projetai par l’esprit le visage de Françoise et commençai à lui sourire mentalement. Je verrais plus tard pour aller plus loin.
Je posai le carnet sur le siège passager et pris ce qui se révéla être une feuille de papier pliée à de multiples reprises sur elle-même. Des mots étaient écrits et j’eus hâte de les lire en totalité. Je souris alors, car non content de retarder ma lecture, Jérôme avait fait en sorte de prendre au moins une feuille de format A3 et surtout de la compacter au maximum. Je m’étais mis à lui parler, à lui dire que jusqu’au bout il aura eu l’esprit farceur et quelle ne fut pas ma surprise de découvrir, cachée en son centre, une toute petite clé USB. Diable, mais où va-t-il chercher toutes ces idées ? me dis-je à haute voix, espérant secrètement qu’il m’entendrait.
Par habitude d’écouter en voiture ma musique préférée sur ce matériel, je mis sans réfléchir l’autoradio en marche et après avoir choisi l’option, j’introduisis la clé. Inquiet, j’étais inquiet, parce que je ne savais plus à quoi m’attendre. Et puis, finalement, cette clé USB ne contenait peut-être que des photos ou bien du texte. Le système recherchait et au moment où je m’apprêtais à retirer la clé, un léger bruit sortit des haut-parleurs. J’augmentai le volume et je perçus avec difficultés ce qui m’apparut être des mots chuchotés. Je tournai le bouton au maximum et très vite je constatai que j’écoutais les ébats d’un couple.
La scène dura plus de cinq minutes et force est de reconnaître qu’elle fit son effet ! Il faut dire que les préliminaires furent sûrement très sensuels, car tour à tour les amoureux se donnèrent moult caresses. À en croire les encouragements prononcés avec douceur, presque susurrés, surtout par la dame, la vision de ce moment devenait une nécessité. Bien évidemment, je restai sur ma faim de ce côté-là et je ne pus m’empêcher de réécouter le passage où la voix féminine s’exclame : « Non, ne te retourne pas ! Pas maintenant ! Laisse-moi encore profiter de ta queue. J’aime quand tu me baises, mais te voir si dur me procure tant de plaisir ». Et quelques secondes plus tard, de poursuivre « Hum… Hum… J’ai envie de te croquer. Regarde ton gland ! Comme il est beau, comme il est doux ! Oh oui… dis-moi encore que tu aimes… ». Plus encore que les mots eux-mêmes, j’étais subjugué par tant de sensualité dans la voix. Décidément ce couple était très inspiré et tout au long du spectacle sonore, je ne débandai pas et il me sembla plus que nécessaire de faire découvrir au plus tôt cette merveille à mon épouse.
Le soleil était passé derrière les arbres et raisonnablement, j’aurais dû regagner mon domicile. Françoise allait finir par croire que j’avais emporté vraiment un « Martine ». Je replaçai la clé et les tirages photo dans la boîte en remarquant au passage les très belles fesses, parfaitement arrondies, de la femme qui posait dans un boxer de couleur fuchsia. Placée à moitié dans l’ombre, aux abords d’une fenêtre, elle se trouvait ainsi mise en valeur de la plus belle des façons. Tout était si subtil, si délicatement exprimé, y compris par les cheveux ondulant entre ses épaules et son dos. Je ne pus résister à la tentation de regarder aussi attentivement les autres souvenirs laissés par mon ami et en définitive, j’aurais été totalement incapable d’effectuer un classement. Les thèmes choisis par Jérôme pour alléger ma peine allaient donc des fesses, culottées ou non, jusqu’au malheureusement silencieux râle de plaisir d’une dame blonde au moins cinquantenaire dont les yeux traduisaient la jouissance absolue, en passant par un simple regard de rousse aux yeux verts, le nez inondé d’impudiques taches de rousseur ou encore ce charmant couple âgé, posant nu à visage découvert dans les bras l’un de l’autre.
Sur cette impression de totale liberté, je pris la décision de rentrer et pour ne pas rester seul, je remis la clé USB. Arrivé à l’entrée de la ville, je décidai au dernier moment de faire un détour par le dernier café encore ouvert et d’aller méditer devant une bière fraîche, au risque de mécontenter Françoise. Elle dormait déjà quand je pénétrai dans la chambre.
À présent, le jour s’est totalement levé. Le souvenir des évènements d’hier soir encore en tête, j’ai ressenti le besoin de plonger dans les bras de mon épouse et c’est après m’être tourné vers elle que je l’ai entendue dire :