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n° 19130Fiche technique55869 caractères55869
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Temps de lecture estimé : 39 mn
12/08/19
corrigé 05/06/21
Résumé:  Le 11 août, il doit y avoir un nœud spatio-temporel qui régit mon existence, ou alors c'est le destin!
Critères:  #humour #aventure fh fplusag jeunes bateau strip 69 pénétratio fsodo
Auteur : Radagast      Envoi mini-message
Ça s'est passé un 11 août

Notre première rencontre se déroula le 11 août 2011. Le lendemain, je devais fêter mon seizième anniversaire.

À cette époque, dans mon esprit d’ado crétin, quelqu’un de dix-huit ans était un vieux. Ou une vieille, c’est selon. Je sais, c’est raisonnement complètement idiot mais beaucoup de jeunes débiles ont cette idée implantée dans le crâne. Je ne vous parle même pas des vieillards de trente ou quarante ans ! Sans oublier les momies de soixante-dix.


Elle allait fêter ses dix-huit ans le lendemain, ça ne s’invente pas. Toute la planète louait sa beauté et son talent, du moins tous les adeptes de comédies romantiques pour ados boutonneux, pour adolescentes prépubères aux hormones en folie ou pour les amoureux de chanteuses gnangnans.


Car, oui, cette adolescente devint en l’espace d’une année une vedette interplanétaire que tout Holivoude s’arrachait. De plus, elle venait de sortir un « single » qui passait en boucle sur toutes les radios, dotée d’un nombre de vues sur « YouTube » qui reléguait les Rihanna, Shakira, Lady Gaga ou Beyonce au rang d’illustres inconnues.


Moi, elle ne me faisait ni chaud ni froid. Plutôt froid que chaud d’ailleurs. Je ne faisais guère attention aux filles, des pintades justes bonnes à glousser entre elles.

Je ne pensais qu’au foot, aux jeux vidéo – violents si possible, ne le répétez pas à mes vieux – et au rap pour la musique. J’étais en passe de devenir le prototype de l’ado décérébré ; j’en portais déjà l’uniforme : sweat à capuche, pantalon qui te donnait l’impression de porter des couches-culottes – pleines – sans oublier la casquette de débilos.


Mes parents essayaient de me canaliser, sans trop de succès. Il en allait de ma notoriété face à mes potes.


Puis un jour, pour une raison qui toujours m’échappa, ma mère m’offrit comme cadeau d’anniversaire une entrée au Royaume de Mickey, à Eurodisney. L’horreur ! Je n’y allais pas seul bien entendu, ma petite sœur et mes parents m’accompagnaient.


Moi ? Chez Donald, la petite Sirène ou les Sept Nains, c’était Plutô Dingo non ? Autant amener Sébastien Bras au Quick ou chez Kfc ! Je n’allais pas dire non, mais ma réputation allait en prendre un coup si jamais cela s’ébruitait. En effet, seuls les bambins de moins de dix ans ou les parents desdits bambins se payaient un voyage à Marne-La-Vallée, pas un lycéen en pleine crise mystique « Boobastique ».


Tout se déroula parfaitement, du voyage jusqu’à la porte d’entrée. Dans le Saint des Saints, le merdier commença.

Car il faut savoir que, dans ce truc, tu passes plus de temps à faire la queue devant les attractions qu’à t’amuser dessus.


Donc, après avoir poireauté un peu partout, en début d’après-midi un genre d’émeute eut lieu. Des zones entières devinrent désertes d’un coup, tout le monde se rassemblait au même endroit, ça criait, gesticulait, hurlait, trépignait, s’agglutinait.



Aidlinn Llewellyn, la fameuse star dont je n’avais strictement rien à br… cirer.

Je suivis quand même le mouvement initié par ma sœur et ma mère, c’est à dire se précipiter vers le maelström, le chahut dunkerquois.


Même la ligne d’avants des Alls Blacks ou des Springboks ne se serait pas risquée là-dedans. Pourtant ma petite sœurette s’y engouffra tête baissée, traînant à sa suite sa mère et par conséquent les deux mâles de la famille, dépassés par les évènements. Je crois avoir perdu quelques décibels d’audition, mon paternel y laissa une godasse.


Mais nous arrivâmes tout de même dans l’œil du cyclone, c’est à dire à proximité de la cause de tout ce bordel.

Je ne la voyais que de dos. Elle était vêtue d’une robe de mousseline blanche – je parle sous les conseils réunis de ma mère et ma sœur – qui lui arrivait aux genoux. Elle faisait très princesse Disney, ce qui me révulsait, me hérissait le peu de poils que je possédais à l’époque.


Tout le monde se battait pour obtenir un autographe, pour la photographier, pour prendre un selfie, – maintenant, je préfère égoportrait – , mais ça, c’est maintenant, à l’époque, j’étais con, je sais je me répète.


Donc, je regardais cette masse hurlante et trapizante avec dégoût. Comble de l’ironie, personne ne voyait vraiment la diva, la vedette, dans cette marée soi-disant humaine, cette marée de stupidité.


Mais, le destin, de son doigt souillé – il se cure le nez aussi, le destin – allait frapper. Je fus entraîné, tiré, poussé par cette horde, mon père tenta de me rattraper, en vain, j’entendis le cri désespéré de ma mère :



Je croisai le regard envieux de ma sœur. Je fus happé, serré, malaxé, broyé par une meute d’adolescentes hystériques, au bout de plusieurs secondes d’horreur absolue à me faire pétrir par des myriades de petits nichons et de fesses rebondies ou pointues, le monstre prépubère me recracha au contact du service d’ordre débordé. Service d’ordre représenté par un molosse de près de deux mètres qui tentait de protéger cette petite chose fragile et blanche.

Un mouvement plus violent des crétins qui m’entouraient envoya au tapis le garde du corps et la vedette qui tomba à mes pieds.


Pris d’une rage froide, j’avoinai à droite et à gauche, empêchai les autres barbares de prendre des photos d’elle en position ridicule, et surtout de lui faire mal. Pourquoi ? Aucune idée.

Toujours est-il que j’écartai mes bras maigrelets – manipuler les manettes de consoles ne gonfle pas les biceps – , je bourre-piffai à qui mieux mieux. Un réflexe de gamer qui dans certains jeux protégeait la princesse et les faibles, la veuve et les deux orphelines.


Le temps que le molosse réagisse, j’avais fait le vide autour de nous, je tendis la main pour l’aider à se relever.

Elle la prit, leva les yeux vers moi et me fit un grand sourire.

Je n’y étais pas préparé. Nul n’est préparé à ça !


Comme toute Irlandaise qui se respecte, Aidlinn avait – et a toujours – les cheveux longs et sombres, ébène… corneille… corbeau… anthracite… guinness, que sais-je, moi ? Des cheveux couleur de nuit qui ondoyaient à chaque mouvement, tel un champ de sarrasin dans le vent.

Et des yeux… des yeux… deux yeux. Intensément verts, immensément verts, divinement verts. Rien qu’à plonger dans son regard, j’entendais harpes celtiques, fiddle, uillean pipes et autres flûtes.


Je restais là comme un idiot, le regard soudé au sien, quand une ombre nous recouvrit. Le garde du corps venait de se relever, aussi aimable que Cerbère en pleine crise d’hémorroïdes pendant un toucher rectal.

Il voulut me repousser, c’est alors que j’entendis le son de sa voix. Pure, cristalline, une voix angélique. Si tant est que l’on puisse se faire une idée avec un simple no.



Mais ce fut le plus joli, mignon, délicieux no que j’entendisse jamais. Je l’aidai alors à se relever, son regard toujours planté dans le mien.



Heureusement la bave ne dégoulinait pas de mes lèvres. Sur ce, toute une troupe de gus du parc se précipita en se lamentant, faisant diversion.



Effectivement, une estafilade ornait maintenant son divin genou et une écorchure enlaidissait la paume de sa jolie menotte.


Elle me serrait toujours les doigts, elle retenait toujours mon regard, nous nous trouvions dans une petite bulle hors du temps, et , ma mère et le restant de ma famille intervint, brisant cet instant de magie, tels des éléphants dans un jeu de quilles.



La honte ! Je voulais me glisser sous une table, sous les jupes de Minnie. Fuir !



Elle ne savait dire que ça. C’était une poupééééée qui disait no, no, no!


Elle se lança dans un discours très animé en anglois avec la chargée de communication d’Eurodisney, une Américaine grand teint. Elle me désignait, véhémente. Je regardai cet échange, bouche bée. Au lycée, la langue de Shakespeare me gonflait un max, je n’y entravais que dalle. Alors suivre une discussion entre une Irlandaise et une Étasunienne en rogne, fallait s’accrocher, je lâchais prise après le second no.



Je regardai mes mains écorchées, du sang coulait aussi de ma bouche.



Elle m’entraîna à sa suite me tenant toujours par la main, le restant de la famille nous suivant comme des canetons suivraient papa et maman.

Une fois désinfectés, sparadrapisés, bref soignés, elle ne me lâcha pas comme ça. Elle tint à ce que je l’accompagne, visitant ensemble la totalité des attractions – sans faire la queue ! s’extasia mon père. Comme nous n’avions pu voir l’ensemble du parc, elle nous invita à rester une journée de plus, chambres d’hôtel et repas inclus, et à fêter ensemble notre anniversaire, avec énorme gâteau et bougies à l’appui.


Pour ma sœur je faisais maintenant partie des Super-Héros, des Dieux de l’Olympe. Nous fîmes moult photos, elle nous signa nombre d’autographes, mais surtout nous gratifia de sa présence, de son rire, de sa grâce, de sa gentillesse.

Le soir, elle fit la bise à mes parents et à ma sœur.



Elle parlait djust liteule français m’avait-elle avoué.

Surtout, elle m’embrassa deux fois. Là et là, sur les joues, presque à la limite des lèvres. Mon visage devint rouge vif. Je lui rendis la pareille et je ne touchais plus le sol.

Et petit secret très secret, tout en m’embrassant elle me glissa un morceau de papier plié en quatre dans la main. Une fois rentré chez nous, bien caché sous les couvertures, je dépliai la missive ; elle ne contenait qu’une série de chiffres, son numéro de téléphone très personnel et très secret. Petit bout de papier que je gardai précieusement dans le tiroir de ma table de nuit, telle une relique de Sainte Aidlinn.




~~oOo~~




Les gens prennent souvent de bonnes résolutions le jour de l’an. Moi je prenais comme résolution de ne jamais prendre de résolution de quelque ordre fussent-elles, jusqu’à la journée du 13 août 2011. Juste après le retour du royaume de Mickey.


Première résolution. Il me fallait tout d’abord refaire la décoration de ma chambre. Je me mis à la tâche de suite, sans même prendre de petit déjeuner.

Exit les posters rieurs de l’équipe de France de football, exit la tronche de Ribéry. Disparu aussi celui de Solid Snake, le héros de la série de jeux vidéo Métal Gear Solid.


Ma mère vint aux nouvelles, je faisais un boucan de tous les diables, paraît-il. Je lui sautai sur le poil.



Je la traînai de boutiques en boutiques et revint avec une série d’affiches et posters qui plongea ma mother dans un abîme de perplexité.

Sur chaque mur, même au-dessus de mon lit, nul ne pouvait échapper à Aidlinn Llewellyn.

Je revendis presque tous mes jeux vidéo pour pouvoir me payer tous ces trucs. J’achetais aussi les CD de ses tubes, les DVD de ses films, je passais mes journées sur YouTube à regarder ses clips.


Mon cœur se brisait à chaque fois que je voyais des photos d’elle en couverture des hebdomadaires de caniveau, lui créant une liaison avec tel ou tel bellâtre. Heureusement, elle ne confirmait jamais ces rumeurs, laissant toujours l’espoir survivre dans mon cœur.

Bref, j’étais tombé en amour. Ma mère et ma sœur comprirent très vite la situation. Mon vieux, pas du tout.



Merde ! Qu’on me foute la paix. Il n’y a pas d’âge pour être amoureux, regardez tatie Huguette, qui se marie en maison de retraite à quatre-vingts ans, avec un gamin de soixante-quinze ans.

Si nous ne pouvons plus rêver, que nous resterait-il ? Le rêve est le propre de l’homme amoureux, je voulais atteindre l’inaccessible étoile, je voulais rêver, je voulais croire au miracle, quitte à forcer la main du destin – oui, celui qui se cure le nez.

Elle est plus âgée que moi, soit, mais qu’est-ce qu’un an ou deux ? Je pouvais rattraper facilement ce retard.

Oui, j’allais raconter cette histoire… à nos enfants !


Pour me rassurer et répondre à ma mère, je ne pouvais croire qu’une fille qui te donnait son numéro de portable pouvait t’oublier aussi vite.


Deuxième résolution, apprendre l’anglais, comprendre ce qu’elle me racontait de sa voix merveilleuse.

Seul problème, le prof d’anglais bourrin du lycée n’allait pas m’apprendre grand-chose. À ma grande honte, j’avais redoublé ma sixième, à cause de l’anglais justement.

Je détenais la solution, je devais devenir autodidacte en visionnant tous les films possibles en VO, ne pas traduire mes jeux, tant pis si l’écrit laissait à désirer… l’écrit, on verrait plus tard. Je voulais faire une déclaration d’amour, pas réécrire Oliver Twist, Trois hommes dans un bateau ou Hamlet.

Jusqu’à ce que ce soit elle qui me donne des cours. Des cours de langue !


Tant qu’à faire, je devais assurer en classe, ne plus me contenter de la moyenne. Maths, français, culture générale, lire, lire, lire…


Troisième résolution. Mon apparence :

A) Faire du sport ; une fille comme elle ne pouvait aimer un avorton épais comme une crevette.

B) Changer de tenue ; quitter ces sacs qui me servaient de vêtements.


La vache ! Tomber amoureux s’apparentait aux travaux d’Hercule.




~~oOo~~




L’adolescence est le moment où l’on commence à répondre aux questions que l’on se pose, c’est aussi l’époque des grands chambardements, celle où les poils poussent et celle qui transforme un gringalet en grande asperge. L’époque où tu t’intéresses aux choses de la vie. À l’amour. Aux fesses des filles aussi, ne nous leurrons point.


Un dicton dit que l’amour donne des ailes, c’est vrai !


Bien sûr mon étrange addiction me fit perdre de soi-disant amis, je m’en fis d’autres. Car ce genre de choses finit par se savoir très vite. On ne passe pas en un instant fan de La Fouine ou de Booba à celui d’Aidlinn Llewellyn.

Un peu comme passer de la vénération de Bernadette Soubirous à Clara Morgane ou Riley Reid – ben ouais, il m’arrivait de visionner quelques œuvres cinématographiques de référence en loucedé.


Bien sûr, on me charria pour cet amour étrange et biscornu.

Bien sûr certains crétins me cherchèrent des embrouilles. Pas longtemps. On ne cherche pas des poux dans la tête d’un gars qui mesure 1,90 m et qui pratique la savate !


Je tentais aussi de tenir une conversation avec une personne du sexe opposé sans bafouiller, la plus dure des épreuves, pas évident en effet de paraître sérieux face à une adolescente – j’ai nommé Chantal Gique – quand ta voix oscille entre celle de Barry Whyte et celle de Titi. Putain de mue !


Je collectionnais toutes les infos que je pouvais trouver sur elle, vis trois fois les films qu’elle tourna durant cette période.

Je me refusais d’utiliser son numéro. Je ne voulais pas la harceler ni passer pour le gros lourdaud de service. Ce jusqu’à la Noël, où j’envoyais un texto.



Je vous souhaite un joyeux Noël ;

Votre chevalier servant.



Dix secondes plus tard, une réponse me revenait :



Je me demandais quand tu allais me contacter !

Merry Christmas, my White Knight

.



Ma sœur me demanda pourquoi j’affichais ce visage d’imbécile heureux. Elle ne le sut jamais, mais comme toute femme, elle se douta.


Je lui présentai mes vœux de Nouvel An, et souhaitai son anniversaire. On ne pouvait dire que j’abusais de la situation avec trois textos par an. Textos auxquels elle répondit chaque fois, me devançant même une fois pour la Noël suivante. Je mettais un point d’honneur à lui écrire en anglais – en même temps je ne risquais pas grand-chose avec un Merry Christmas, Happy New Year ou Happy Birthday – et elle me répondait en français.




~o~




Mon passage au lycée laissa mes parents sur le cul, le bac ne fut qu’une aimable plaisanterie, fingers in the noze. Ma mère s’imaginait qu’avec le temps, ma lubie passerait, mais ne s’en plaignait pas au vu de mes résultats.


Ma lubie ne faisait que se renforcer. Je continuais de suivre sa carrière avec attention, sur les résôsossios, au cinoche ou par le truchement de ses chansons. Je prenais même des cours de gaélique, pour pouvoir un jour lui déclarer ma flamme dans la langue de ses ancêtres, c’était dire la gravité de mon cas.


Seule préoccupation, suite à notre dernier échange de SMS lors du Nouvel An, elle m’annonça sa prochaine venue en France, pour le travail. Avec un peu de chance et l’aide du destin, peut-être nous rencontrerons-nous.

Oui, oui, on va me laisser m’approcher d’elle comme qui rigole, elle qui était aussi gardeducorisée que la reine d’Angleterre.

Enfin, je devais faire confiance au destin, toujours lui !


Certains oiseaux se choisissent une compagne pour la vie, un de mes aïeux dut fauter avec l’un d’eux, je devais posséder des gènes d’aigle ou de cigogne. Elle, je ne savais pas, mais j’espérais tout de même un peu.




~~oOo~~




Je mettais la dernière main à mon inscription en fac, sans réelles convictions. À dix-neuf ans, on hésite encore. J’hésitais sur mon avenir professionnel. Prof ? Vétérinaire ? Architecte ?… Amoureux !




Recherchons jeunes hommes entre 15 et 20 ans, hommes mûrs entre 65 et 70 ans pour figuration dans une production cinématographique qui se tournera dans la région pendant dix jours à partir du 11 août. Rémunération à la journée, gîte et couvert assurés.




Aidlinn Llewellyn !

Je sortis en trombe de la maison pour rejoindre la salle des fêtes où se déroulait la sélection.




~o~



L’histoire : en 1944, une colonne de soldats allemands descend du Nord vers les lieux du débarquement en Provence et en cours de route, ils raflent les habitants d’un village, adolescents et vieillards mâles.

Les résistants dans le maquis ne peuvent faire grand-chose, coincés par une offensive de la Wehrmacht. Les femmes et les mères décident de prendre les armes et les choses en main.

Les maquisardes dirigées par une espionne anglaise qui se trouve là par hasard tentent de délivrer les otages.



Capillotracté comme scénario.


À ma grande joie, je fus embauché. Le premier jour tous les figurants attendaient l’arrivée des vedettes avec impatience. Certaines nous snobèrent avec suffisance, d’autres vinrent nous dire bonjour. Elle arriva la dernière. Elle était toujours…non, elle était encore plus belle. Elle possédait maintenant la silhouette d’une femme adulte et gardait la candeur de l’adolescence.


Elle fit quelques photos, puis passa devant moi sans s’arrêter. Je la regardais, bouche ouverte, l’air idiot, incapable de dire un mot. Toutes ces années pour en arriver , années d’études, de souffrances et de sacrifices, toutes ces années d’espérances pour avoir l’air d’un con.


Je me maudissais intérieurement, les yeux au ciel, bouillant de rage, quand je la vis revenir sur ses pas, s’arrêter devant moi et me dévisager, pensive. Elle réfléchissait, la tête légèrement penchée sur la droite, puis la gauche. Je retenais mon souffle, heureusement je venais de refermer le bec, mais souriais d’un air niais.


Les couvertures des magazines ne lui rendaient pas hommage. Là, à peine maquillée, simplement vêtue d’un jean et d’un pull informe, elle éclipsait toutes les femmes depuis la nuit des temps.


Aidlinn se tapotait les lèvres d’un index perplexe en me fixant de ses yeux de chat. Lors de notre rencontre chez Mickey, elle était un peu plus grande que moi, cette fois, je la dominais largement d’une tête. Enfin, dominer est vite dit, je glaglatais des roustons sous son regard.

Son entourage commençait à s’impatienter, elle s’en foutait comme de sa première tétine.



Les autres se demandaient si c’était du bacon ou du cochon. Elle me prit par la main, comme au bon vieux temps. J’étais rouge comme une écrevisse à la nage du bout des orteils à la racine des cheveux, et affublé du sourire le plus crétin heureux imaginable, je devais ressembler au ravi de la crèche. Je sentais encore ses seins pressés contre mon torse, mon cœur s’emballait comme celui de la centrale nucléaire de Tchernobyl.



Bordel de merde, elle parlait mieux français que bon nombre de mes compatriotes, avec un accent que je voulais déguster.

Je lui répondis en à peu près anglais.



Je lui racontais ma vie, très vite, et lui expliquais que mon principal centre d’intérêt, c’était elle. Plusieurs fois elle me serra dans ses bras, me plongeant dans un état second au bord de l’apoplexie. Ses seins devaient avoir marqué au fer rouge mon poitrail d’athlète.


Des maquilleuses et habilleuses s’étaient occupées de nous, nous coiffant et nous habillant tous à la mode de l’époque.


Le tournage commença, sous les ordres du metteur en scène très énervé et sous le regard des autres acteurs intrigués. Ils allaient en avoir des conneries à poster sur Touiteur ou Instagram.


Les figurants devaient prendre l’air effrayé devant les soldats allemands qui les menaçaient de leurs armes.

J’essayais de paraître terrifié et en rogne.

J’assistais aussi en curieux à quelques scènes où elle donnait la réplique aux autres acteurs.



Pris d’une subite inspiration, je tentai ma chance.



Et moi donc !



La ramener chez moi. Rahhh !




~o~




Ma mère s’écria mon Dieu, mon père en eut la mâchoire décrochée et ma petite sœur fit une crise d’élipepsie – *1* .Pour la première fille que je ramenais à la maison, je faisais fort. Une meute de paparazzis campait devant chez nous.


Ma sœur lui fit visiter la maison et malgré mes dénégations forcenées la fit entrer dans ma chambre, garnie de ses photos. Je ne savais plus où me fourrer. Elle regardait les posters, puis moi, de nouveau les photos. À mon grand soulagement nulle moquerie dans son regard.



Le soir, je la raccompagnai à son hôtel. Je ne lui fis pas la bise. On n’embrasse pas la fille de ses rêves devant trois cents objectifs braqués sur vous deux. Je la sentais hésitante.


Le lendemain, elle avait fait changer un peu le scénario. Lors des scènes finales, l’héroïne recevait une balle dans la jambe. Elle insista pour qu’un des jeunes otages qu’elle venait de délivrer la porte tandis qu’elle arrosait les poursuivants avec son arme. Cela donnait plus d’intensité à la scène que de la voir courir en boitillant.

Évidemment, je fus désigné comme porteur, étant le plus baraqué.

Le plus dur fut de ne pas sourire béatement en la portant, mais de prendre l’air teigneux et épuisé.


Au bout de cinq ou six prises, ce fut chose faite, je crachais mes poumons. Pas qu’elle fût grosse, mais c’était tout de même une fausse maigre.

Tout le temps du tournage, nous le passâmes ensemble, à plaisanter, rire et nous raconter nos vies.


Lors de sa sortie, le film reçut de bonnes critiques, eut un beau succès populaire, mais je ne fis jamais d’autres apparitions devant les caméras. Tant mieux, diront certains.


Une fois le tournage terminé, tout le monde regagna ses pénates, elle entre l’Irlande et les States ; moi… chez moi.

Je repris mon casse-tête pour continuer mes études, sans grand enthousiasme, mais l’esprit de plus en plus tourmenté.

Mon tourment prit fin lors du repas du dimanche soir suivant. Nous dégustions une glace à la framboise quand mon téléphone se rappela à mon bon souvenir.



Ma mère et ma sœur me zieutaient, bouche ouverte, la cuillère de glace à mi-chemin entre l’assiette et les lèvres.

Ma mère murmura à sa fille :



Ma sœur de répondre sur le même ton :



Je ne me laissai pas distraire par leurs messes basses.



Je répondis sans hésitation, même sans savoir où aller, quoi faire ; ma mère, inquiète, secouait la tête dans l’espoir de me faire changer d’avis.



J’éludais d’un geste évasif de la main.

Elle aurait tourné sur Saturne, pendant cinquante ans, j’y serais allé sans hésiter, études ou pas.




~~oOo~~




Nous volions dans un petit hydravion au-dessus d’un océan totalement bleu. Assis à la place du copilote, j’admirais le paysage et mon pilote : Aidlinn.



Elle réfléchit quelques instants.



Bien. Que répondre à cela ? Je n’allai pas me plaindre, une bonne partie de la population mâle de la planète m’envierait.

Après quelques heures de vol, une barre sombre se forma sur l’horizon.



Elle examina ce phénomène avec intensité durant une minute.



Elle réfléchit quelques secondes et reprit, très inquiète :



Elle s’affolait et mélangeait l’anglais et le français. Ce franglais eut le don de m’affoler aussi.



Je ne voulais pas mourir, pas maintenant ! Je ne voulais pas qu’elle deade maintenant non plus, je voulais deader avec elle le plus tard possible.

Il nous fallait… un porte-avions, ou un truc de ce genre. Je scrutais la mer déjà déchaînée, dans l’espoir de découvrir un miracle.



Je venais de trouver notre miracle, un bout de terre d’à peine deux kilomètres de long sur un de large, avec des rochers, une plage, des arbres sur une colline avec au milieu un volcan. Nous devions nous trouver aussi sur la ceinture de feu du Pacifique, pas étonnant qu’il y en ait un.



Elle répéta plusieurs fois ce message, des crachotements nous répondirent. Puis elle empoigna les commandes du coucou et plongea dans la tourmente. Putain, que j’aimais cette nana, une aventurière, une véritable héroïne.



L’appareil valdinguait de droite et de gauche, de haut en bas. J’allais bientôt déposer une gerbe sur nos futures tombes.

Elle volait au ras des vagues qui me semblaient de plus en plus grosses, elle se rapprochait le plus possible de l’île, près d’une petite plage, elle baissa les volets, réduisit les gaz.

L’hydravion se posa dans un grand plouf, rebondit, prit des lames dans le museau, le pare-brise éclata sous un choc plus violent, j’entendis Aidlinn crier, l’appareil se retourna comme une crêpe et nous nous enfonçâmes dans les profondeurs marines.


Je me débattis, enlevai tant bien que mal ma ceinture, à tâtons j’en fis autant avec ma pilote inerte. Je la tirai hors de l’appareil et tentai de rejoindre l’île, la plage, la relative sécurité.




~o~





Je me réveillai, me croyant encore dans un rêve semi-érotique. Mais non, je ne rêvais pas. Elle se trouvait au-dessus de moi, me secouait, l’air inquiet.



Non, non, je n’étais pas morte, j’étais même bien vivant. Je ne souffrais pas de troubles de l’audition ni d’acouphènes, elle m’avait bien dit my love, my darling, le goéland à quelques pas de là pourra le confirmer.



Ses cheveux étaient hirsutes, ébouriffés, ternis par le sel, une plaie au ras du cuir chevelu barrait son front, mais qu’elle était magnifique ainsi, avec son petit air inquiet. Elle portait un débardeur blanc sous un chemisier déchiré, ses tétons sombres pointaient à travers le tissu, je rêvais de les goûter.

Un reste de retenue m’empêcha de la serrer dans mes bras. Je me levais en titubant un peu et ce fut elle qui m’étreignit. Wahouh, je me sentis mieux tout à coup.


Elle s’écarta de moi, à mon grand regret. Je jetai un œil autour de nous. Le ciel redevenait bleu, la mer était toujours agitée, notre hydravion gisait sur le dos, les flotteurs en l’air, à moitié dans l’eau, à moitié sur le sable, inutilisable.



Je me voyais déjà construire une cabane en feuilles de palmier, vivre d’amour et d’eau fraîche… surtout d’amour.

Nous fîmes le tour de l’île, effectivement nous ne trouvâmes âme qui vive, à part des iguanes installés sur des récifs côtiers. Nous nous abreuvâmes dans un ruisseau qui prenait sa source un peu plus haut, elle était fraîche et sentait un peu le soufre.

Le sol tremblait légèrement, le volcan ne dormait que d’un œil.


Après un dernier câlin à un iguane qu’Aidlinn voulait adopter, nous revenions sur la plage, et là, surprise, un navire mouillait près de la côte. Nous n’étions pas les seuls à avoir souffert du cyclone.

Mon Irlandaise chérie commença à pousser des cris, à s’agiter.


Là-bas sur le bateau, ça bougeait, un zodiac fut mis à l’eau, cinq gugusses y embarquèrent. Une mauvaise impression me taraudait l’esprit. Je saisis le bras de ma comparse.



En effet, les passagers du canot affichaient des tronches pas tibulaires, mais presque.

Nous détalâmes vers les arbres, dans notre dos nous entendîmes les méchants hurler giléjone, giléjone, ce qui dans leur sabir voulait dire Vise la meuf!


Ils nous rattrapèrent juste à l’orée de la forêt, je m’arrêtai pour laisser une chance à Aidlinn de se sauver. En même temps, sur une île grande comme un timbre-poste, elle ne pouvait aller bien loin.


Je fis face à mes adversaires. Deux d’entre eux m’évitèrent et suivirent ma bien-aimée.

Les trois autres rigolèrent en s’approchant de moi. Ils possédaient le même sourire qu’un oryctérope ! *2*


Ils ne souriaient plus lorsqu’ils prirent un direct en pleine poire ou un coup de pied fouetté dans la mâchoire. Le dernier fut mis hors d’état de nuire par une poignée de sable dans les yeux et un crochet dans le plexus. Guère élégant, mais efficace.

Je voulais vite me débarrasser de ces abrutis pour aller au secours d’Aidlinn. Abrutis, car trop sûrs d’eux, ils ne daignèrent même pas sortir leurs armes.


Mes pirates se tortillaient sur le sable quand je perçus des hurlements de terreur derrière moi.

Les deux ruffians restants passèrent en courant devant moi.



Aidlinn les poursuivait, une machette dans chaque main.



C’est le moment que choisit le volcan pour se réveiller. Badaboum gronda-t-il dans un grand panache de fumée et de lave.



Nous courûmes vers le bateau pneumatique tandis que les pirates valides entamaient une danse de Saint-Guy entre les projections de bombes de lave. Alors que nous montions dans le Zodiac, le plus téméraire de nos adversaires se jeta à l’eau pour tenter de nous arrêter. Je lançai le moteur, faisant tourner l’hélice à fond, le malfaisant poussa un cri strident en se tenant le bas-ventre.

Je venais de pratiquer ma première circoncision.


Aidlinn, qui farfouillait dans le bateau, brandit un étrange pistolet, un truc qui balançait des fusées de détresse. Son petit bout de langue pointant entre ses lèvres, elle visa avec application. Je me demandais ce qu’elle fabriquait quand la fusée partit et décrivit une courbe parfaite.

Elle percuta le ventre de l’avion, juste sous le réservoir et dans les vapeurs de kérosène. L’explosion envoya valdinguer les flibustiers au loin comme des pantins désarticulés.


Nous abordâmes « le Vermicelle »*3* comme des fous furieux. Il restait un pirate à bord qui venait de mettre le moteur en route aussitôt qu’il vit le volcan se réveiller.

Aidlinn se précipita vers lui, les machettes virevoltantes devant elle.



C’est curieux chez les marins ce besoin de faire des phrases.

Il tenta de combattre avec son propre kriss, elle le lui fit sauter d’un coup d’estoc.



Le pirate préféra affronter la mer, les requins et le volcan plutôt que cette folle, il sauta à la baille.




~o~




Après avoir trifougné l’espingoulette pour remonter l’ancre, accéléré légèrement grâce à la manette triphasée à géométrie variable sise dans la cabine, mis la barre au 180 – ça fait plus marin que demi-tour – et largué les artémuses, je mis les gaz et cap au large.

Aidlinn, postée à la poupe, adressa un bras d’honneur aux pirates restés sur la plage.


La scène qui suivit se déroula comme au ralenti.


Elle se retourna, courut vers moi de sa démarche de gazelle, les cheveux au vent, se jeta à mon cou et m’embrassa fougueusement. Le plus ardent baiser jamais enregistré par les sismographes – car ce baiser me fit trembler de la tête aux pieds.


Jamais je n’aurais imaginé des lèvres si douces, une langue si curieuse, des mains si caressantes dans mes cheveux, sur mon dos. Car si elle prit l’initiative de ce baiser, j’en étais la victime consentante, très consentante même.

Ceci était mon premier vrai baiser. Celui avec Chantal Gique n’étant qu’un vague échange de salive.

Mes mains ne restèrent pas inactives, car après un instant de béate stupéfaction, je palpai, passai sous son débardeur, découvris la délicatesse de sa peau, la douceur de son sein, la rondeur de ses fesses à travers le jean.


Elle se détacha de moi ; nous nous observions, les yeux pleins d’étoiles.



Mon sang bourdonnait dans mes oreilles, me picotait les mains, me faisait tourner la tête comme après avoir bu une Maredsous ou une All the leave are brown ; elle devait se trouver dans le même état que moi.


Mon pantalon me semblait avoir rétréci depuis quelques minutes, je devais me faire des idées.



Elle s’éclaircit la gorge.




Ma raison s’égara, mon cerveau fit des pirouettes, je me méfiais les illusions auditives, d’habitude ce sont les hommes qui proposent cela, mais en ce jour étrange la raison semblait s’être fait la malle. Surtout quand cette demande se fait de façon si timide, hésitante et tellement jolie.



Elle me fit le sourire le plus tendre, le plus doux qu’une femme ne me fit jamais.



De nouveau la tête me tournait.



Nous n’avions ni curé, ni pasteur, ni maire, chamane ni sorcier vaudou sous la main.



La tête me tournait vraiment, je vivais dans un film Disney !

Nous fîmes le tour du propriétaire, trouvâmes de la nourriture, beaucoup de boissons alcoolisées, des vêtements et des bijoux.


Nous passâmes des vêtements propres, en guise d’alliance découvrîmes deux anneaux d’acier, nous ne voulions pas utiliser des bagues ayant appartenues aux victimes de nos pirates. Lors de nos fouilles, je questionnais ma future épouse.



Toute de blanc vêtue, elle m’intimidait, ma guerrière celte.




~o~





Elle me passa un anneau au doigt.



S’ensuivit le deuxième baiser le plus torride jamais recensé dans l’histoire de l’humanité.



Je vacillais quelque peu, mon démonte-pneu qui, quelques instants auparavant, ressemblait à une barre d’acier au tungstène se guimauvisait tout à coup.



Gloup’s ! Quelle pression sur mes frêles épaules ; en même temps, je désirais cet instant depuis de trop nombreuses et longues années.

Que demander de plus, serrer entre mes bras la femme que j’aimais et qui m’aimait ; mieux : ma femme ! Et surtout, elle disait vouloir faire des choses cochonnes avec la voix d’une lionne en rut.


Ce que nous vivions actuellement se rapprochait du conte de fées. Nous tenir l’un contre l’autre et nous embrasser, sur un vaisseau pirate, seuls au milieu de l’océan avec comme uniques témoins la lune et les étoiles, des dauphins et un albatros. Très Disney tout ça.


Très vite, mes pensées changèrent de registre, plus Disney du tout. Ma belle faisait glisser d’un geste élégant sa robe qui gisait maintenant à ses pieds. Dessous, Aidlinn ne portait rien d’autre que sa beauté naturelle. Une œuvre d’art, une réincarnation d’Aphrodite. Ou plutôt Aïné, la déesse irlandaise de l’amour.


Je réfrénai ma tentation bien compréhensible d’y porter les mains, je caressai d’abord avec les yeux ; ses épaules délicates, ses petits seins bien fermes et orgueilleux, aux tétons et aréoles sombres et tendus. Son envie ne faisait aucun doute.

J’admirai sa taille fine et ses hanches rondes, son ventre plat et ses cuisses fuselées, façonnés par des heures de sport.


Mais surtout ce joli triangle de soie noire qui recelait tant de trésors. Je réalisais alors que contrairement à nombre de ses consœurs, elle ne posait jamais en sous-vêtements, ni même en maillot de bain, histoire et pudeur familiale obligent, et que, profitant de cela, elle possédait un buisson très fourni, une sorte de jardin à l’anglaise, où tu découvrais un trésor à chaque détour.


Cédant à la tentation, j’osais porter la main sur cette poitrine altière.

Pendant ce temps, elle ne restait pas inactive, me débarrassant vite fait de mes seuls habits, une chemise et un bermuda. Je m’agenouillais devant tant de grâce et de charme, je la sentais frémir sous mes baisers, ses framboises d’amour se dressaient, imploraient une caresse que j’accordais volontiers.


Prévoyante, elle avait entassé sur le pont une épaisse couche de vêtements récupérés dans le navire,

Elle tenait entre ses mains mon sabre d’abordage. Nous nous embrassions comme des forcenés et nous nous allongeâmes sur cette couche de fortune.

Mes doigts se faufilèrent dans une douce fourrure, découvrant ces monts et ces vals où la main de l’homme n’avait encore posé le pied. Je regrettais de ne posséder plus de dextres et senestres pour mieux la caresser.


Je voulais découvrir, cajoler, faire durer le plaisir de la découverte, la goûter par tous les pores de ma peau et toutes mes papilles. Mais elle eut vite envie de plus, elle voulait de l’action.

Elle me plaqua les épaules au sol et vint s’asseoir sur mes bijoux de famille. Un sourire machiavélique naquit sur ses lèvres.

Sa jolie fourrure dense et sombre cachait à peine sa faille intime aux lèvres bien dodues, cette faille tectonique gourmande et mutine qui allait me mettre le feu, me déclencher séismes et tremblements, provoquer des tsunamis dans mes gonades.



Elle entama alors une danse du ventre des plus excitante, sa rose et ses pétales gorgés de rosée s’étalant autour de mon concombre – non masqué – , le massaient, l’oignaient de ses onguents parfumés. Elle partait de la base pour s’arrêter sur le museau de mon cucurbitacée à moustache.


Je ne savais que geindre son prénom sur tous les tons, à tous les temps, surtout l’admiratif. Je n’allais pas résister très longtemps à cette torture.



Elle posa sa jolie corolle sur ma tige et se laissa descendre doucement, mais sans appréhension. Son regard planté dans le mien, comme lors de notre première rencontre.

Je ne sus jamais si elle ressentit une quelconque douleur, mais toujours est-il qu’elle afficha un merveilleux sourire lorsque nos ventres se rejoignirent.

Logé bien au chaud au creux de son giron, je lui caressais les seins, le visage. Par de petits et lents mouvements du bassin, je m’agitais en elle. Aidlinn me mordillait les doigts, me palpait le torse, ronronnait comme une chatte comblée.

Je songeais un instant à Lucky Luke, l’homme qui tire plus vite que son ombre, je n’étais pas loin d’en faire autant, mais ne pouvais la décevoir, je me devais de nous mener ensemble au bout du chemin.


Puis la jolie chatte planta ses griffes dans ma peau alors que sa respiration s’accélérait, ses seins tout roses palpitaient et que son fourreau de velours m’enserrait de plus belle. Elle émit un petit cri et s’effondra sur moi alors que je me lâchais en elle.



Nous frissonnions ensemble, nous donnant de petits baisers tendres, nous faisant de douces papouilles.



Je sursautai à retardement :



Une farouche envie de balancer des mandales me tenaillait.



Je me marrai et espérai rencontrer très vite ce brave homme, mon joli-papa.

J’adorais aussi sa façon de prononcer les woubignoles. Un détail me turlupinait toutefois.



Une petite pensée à ce personnage aux doigts pas toujours propres, mais bien sympathique.


Une demie heure plus tard, nous refaisions l’amour, cette fois une classique missionnaire, recommandée par Sa Sainteté le primat des Gaules – le bien nommé. Les mains posées de chaque côté de son visage, les bras tendus, imbriqués l’un dans l’autre, je faisais de langoureux allers-retours dans son minou gourmand.


Elle plaça ses talons sur mes fesses pour m’imposer son rythme ; au fur et à mesure de la manœuvre mes bras me brûlaient, je terminais sur les coudes et lui dévorais les lèvres, ses tétons tendus défiaient les miens en un duel de caresses, nous poussions des grognements ; frénétique, je m’activais de plus en plus en elle tandis qu’elle lançait son bassin à la rencontre du mien. De tendre, notre étreinte devint furieuse.


Tellement furieuse qu’elle me mordit la lèvre alors que j’explosai dans son bénitier.




~o~




Nous naviguions au hasard, c’est à dire droit devant nous, en espérant trouver sur notre route une île ou un navire. Des cordages fixés à la barre tenaient le cap de notre gouvernail. Trois jours après notre fuite nous n’avions encore rencontré personne, à part l’albatros qui nous suivait depuis le début. Pas de GPS, ni même de boussole sur ce rafiot, les anciens proprios devaient naviguer au pif. Par contre, il était équipé d’une radio sur laquelle Aidlinn envoya un message. Comme nous ne savions pas où nous nous trouvions, elle se contentait de donner le numéro de son appareil. La chance finirait bien par nous aider.




~~oOo~~




Une routine paisible et agréable s’installait à bord. Nous ne nous servions pas des couchettes des anciens occupants, trop crades à notre goût. Par contre, la petite douche nous était bien utile. Nous passions la plupart du temps sur le pont à surveiller l’horizon ou alors dans la petite passerelle – bien grand mot pour quatre planches et une vitre – pour nous protéger du soleil.

Nous ne manquions ni d’eau ni de nourriture, les frères de la côte avaient fait le plein avant de nous rencontrer.


Surtout, nous ne manquions pas de temps, alors nous nous racontions nos vies entre deux séances de jambes en l’air. Qu’est-ce que nous avons pu faire l’amour sur ce navire que nous avions rebaptisé L’Albatros !


Couché, debout, assis, tout y passa. Même tête-bêche ; nous n’allions pas bouder notre plaisir. Elle m’emboucha la trompette avec ardeur, me poupougna les siamoises.

Je plongeai le nez dans son volcan, embrassai, butinai sa fleur et en récoltai son nectar ; puis, lorsque je sentis un pincement au creux des reins, j’agrippai ses fesses et ensemençai les étoiles en un geyser qui caressa les cieux et retomba un peu partout en une pluie féconde ; elle hurla son plaisir à la lune, les mains pleines de ma jouissance.


Un soir, nous eûmes la visite d’une troupe de dauphins, ils accompagnaient notre navire, faisant des bonds hors de l’eau et replongeaient dans les flots sans une éclaboussure, telles des flèches vivantes. Nous fîmes l’amour en la présence de ces admirables animaux, Aidlinn assise sur le bord du vaisseau s’accrochait à mon cou, je me tenais entre ses jambes écartées. J’étais contre elle, j’étais en elle, nous ne faisions qu’un ; les dauphins célébraient notre union, baignés par le soleil couchant. Que demander de plus pour un voyage de noces ?




~o~




Puis survint le drame.



Elle me disait ça, agenouillée devant moi, en tortillant des fesses. La levrette : position que nous n’avions pas encore tentée. De voir ces miches rondes et blanches, relevées et le dos cambré ; cette fente onctueuse dont je commençais à connaître chaque détail, mon dard se mit à la verticale de suite.


Posté derrière elle, je pris ses hanches à pleines mains et me plantai d’un seul coup au plus profond de sa grotte.



Je me retirai entièrement de sa conque, pour y revenir aussitôt et aussi fort. Au bout d’une minute de ce traitement, elle grondait et me demandait d’aller plus vite en me gratifiant de noms d’oiseaux.


Tout à notre activité récréative, nous n’avions pas vu qu’une houle un peu plus forte venait de se former, et au moment où je m’apprêtai à envahir de nouveau sa salle des fêtes, un paquet de mer nous heurta, déviant ma trajectoire.



Je venais de pénétrer par le Vélux®. Elle se roulait par terre en se tenant les fesses.



Évidemment, sur ce rafiot, pas de congélateur où puiser des glaçons ; mais je trouvais de l’huile d’argan.

D’un doigt délicat, j’humectais son popotin endolori. Je massais en lui chantant une berceuse.


Une chanson douce,

Que me chantait ma maman

En suçant mon pouce…


Elle finit par se calmer, ses sanglots se firent plus rares. Je la serrais alors contre moi, une main sur ses fesses et la consolais tendrement.



Elle laissa le silence s’installer quelque temps, puis elle reprit la parole, à ma plus grande surprise.



Elle s’endormit entre mes bras.

Je profitais de son sommeil pour oindre mon rostre d’huile sainte, car ce malheureux organe venait de prendre mal, lui aussi, dans cette opération. Moins que le sanctuaire de ma bien-aimée, mais quand même. Les hommes sont douillets, chacun le sait.




~o~




Dans la nuit nous fûmes réveillés par un rayon lumineux puissant pointé sur nous. Après l’ouragan, les pirates, nous allions être enlevés par des extra-terrestres !



Étrange, des extra-terrestres à l’accent texan !


En fait trois navires de guerre américains nous entouraient, dont un porte-avions.

Des secours traînaient dans le coin après l’ouragan, et l’appel de détresse lancé avant notre amerrissage avait été capté. On nous expliqua que nos appels suivants furent interceptés et triangulés, nous retrouver fut alors un jeu d’enfant.


Après nombre claques dans le dos, après nombre verres de Bourbon ingurgités, après avoir raconté des dizaines de fois notre histoire à l’Amiral, au commandant, aux marins de l’USS Bruce Springsteen, nous arrivâmes à Hawaï, dans la base de Pearl Harbor, puis d’un saut de puce à Honolulu.


Le récit de nos aventures nous avait précédés, une foule immense de journalistes, de reporters de tous poils et de curieux nous attendaient. Tous nous croyaient gisants au fond de l’océan, bouffés par des requins, nous refaisions surface, et de quelle manière !

Perdus dans cette masse, nos parents respectifs, souriants, rassurés et nos mères en larmes.

Par contre, un gus qui faisait la gueule, c’était son soi-disant fiancé de l’époque, un certain Justin Bièraubeurre. De nous voir serrés l’un contre l’autre et nous embrasser lui faisait tirer une tronche de constipé.


Notre histoire fit le tour de la terre en quelques heures, le romantisme de la chose amplifiant le phénomène. Nous y gagnâmes un surnom, Anne Bony et Captain Rackham.




~o~




Notre étrange mariage tint six ans.

Elle tourna de nombreux films, obtint plusieurs Grammy Awards, enregistra tube sur tube. Je devins scénariste, il nous arrivait souvent de travailler sur le même projet.


Six ans de bonheur et de joie, surtout six ans à se faire harceler par ses parents et les miens !



Si. Non. Si. Non…

Et ainsi de suite. Ma mère, la sienne et sa grand-mère menaient la guérilla, usaient nos nerfs. Ce qui les emmerdait le plus, c’était de ne pas l’avoir vue toute vêtue de blanc dans l’église. Aussi, exaspérés, nous cédâmes. Nous allions nous marier, mais je nous préparais une surprise de taille.


Six mois avant la date fatidique, je partis en secret avec une bande de potes, de techniciens, décorateurs, mécanos et autres touche-à-tout de génie pour une mission de la plus haute importance.




~o~




En ce 11 août – nous n’allions pas rater un si bel anniversaire – au lieu d’arriver bien sagement en voiture à l’église de Cill Chaoi – sa ville de naissance – nous entrons dans le port, tous deux à la proue de L’albatros que nous avons retrouvé, retapé et ramené en Europe. Nous en sommes les propriétaires, droit maritime oblige.

Elle se tient devant moi, les bras écartés, les cheveux et sa robe blanche flottant au vent, Aidlinn rit aux éclats. Je la retiens par la taille, serrée contre mon corps.


Pour un beau mariage, c’est un beau mariage. Tout le gratin du septième art s’est déplacé. Il y a là D’Georges Nescafé et son épouse, Brave Bitt et Angéline Trébel, Branlon Mado et Brute Lancastré, Brice Woulousse, Tom Écrevisse, ainsi que Jean Dupotager, Omar Égoïne, Marion Chatouillard, Audrey Caniche et tant d’autres, Anglo-saxons ou Français. Même l’amiral qui nous porta secours est venu avec une délégation des marins du porte-avions.

Mais surtout toute sa famille, la mienne et tous les habitants du comté de Clare, venus féliciter la fille du pays.



Nous ne regrettons pas cette cérémonie, car nos deux enfants ont vu leurs parents se marier. Bientôt notre histoire va se retrouver sur les écrans, elle ne tiendra pas son propre rôle, mais va réaliser son premier film. Enfin, presque toute l’histoire, certains passages seront passés sous silence, chacun à ses petits secrets. Puis c’est une production Disney, pas Marc Dorcel, ceci expliquant cela.

Nous portons toujours nos alliances d’acier, celles du premier jour.


Pour ceux que ça intéresse, mais que cela ne s’ébruite pas, je suis repassé plusieurs fois par le Vélux®, en prenant toutes les précautions et lubrifications d’usage, bien entendu ; mais uniquement pour les fêtes et les grandes occasions… aujourd’hui est justement une très grande occasion.



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1 – Élipepsie : Merci Béru !

2 – Oryctérope : Mammifère, sous-ordre des Xénarthes, ordre des Édentés.

3 – Vermicelle : car son nom était écrit en caractères ressemblant aux vermicelles.

4 – My ass hurts : J’ai mal au cul. Je précise, mais je suppose que tout le monde avait compris.


Un remerciement tout particulier à Michel Audiard, Serge Gainsbourg, Coluche, Frédéric Dard, Alain Chabat, Mandrika et Jean-Claude Van-Damme.