n° 19164 | Fiche technique | 28520 caractères | 28520Temps de lecture estimé : 18 mn | 28/08/19 |
Résumé: J'ai découvert un texte de Sylvia, ma compagne, sur le bureau de mon ordinateur... | ||||
Critères: fhh fellation pénétratio confession -couple+h | ||||
Auteur : Sylvia (via Juda) |
Cher Rêvebébé, je suis tombé sur ceci : un texte qu’elle a oublié sur le bureau de mon ordinateur. Comme je le trouve à la fois beau, stimulant, excitant et touchant, je me suis dit que je pouvais vous le faire parvenir. L’auteure de ce texte est ma compagne. Elle ne sait pas que je vous l’envoie, mais je suis certain qu’elle sera aux anges de le voir publié. Elle a déjà tenté à plusieurs reprises de faire éditer des textes qui relatent nos aventures, mais personne, à mon grand étonnement, n’a jamais été réellement intéressé. Celui-ci est, pour moi, l’un des plus aboutis : vous pourrez aisément en juger… Elle sera heureuse qu’il soit enfin disponible pour un grand nombre de lectrices et aussi de lecteurs. Je le serai aussi, même si j’y ai découvert des choses que j’ignorais et qui me troublent et m’excitent beaucoup (je parle de ce qu’elle relate au trois quarts du texte). Mais il me semble que la qualité humaine et littéraire de ce texte doit l’emporter sur mon propre embarras. Merci pour elle et bonne lecture, surtout !
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J’ai toujours un petit moment d’appréhension au moment du rendez-vous. Une petite boule dans le ventre, une pointe d’inquiétude, un peu de stress. À peu près comme c’était avec les résultats scolaires de fin d’année. Parmi les choses qui me trottent en tête, il n’y a pas tant la question de savoir si nous aurons du plaisir ou de savoir si nous allons nous plaire. C’est le rituel lui-même, je pense, qui me pèse.
Car bien sûr, tout cela est assez fragile. Nous nous sommes parlé un peu via cet écran qui est notre territoire mutuel de séduction. Nous avons échangé des images, nous nous sommes téléphoné, nous avons convenu de ce rendez-vous, de cette heure, de ce lieu. Logiquement, les choses devraient aller de soi. N’empêche, il y a cette boule.
Je vais d’abord parler des lieux. Un grand café à Paris, un grand café à Caen, une petite terrasse au Havre et puis aussi une rencontre dans un atelier à Rouen et puis un rendez-vous donné en bord de route dans la banlieue de Lille : nous avions suivi la voiture jusqu’à destination. Bien entendu, un lieu public permet plus simplement de décliner. Dans cet atelier rouennais où nous avions sonné ou bien dans ce cabinet lillois où la voiture finalement nous mena, ça aurait été moins aisé si nous n’étions tombés d’accord. Je ne sais comment, mais jusqu’ici les choses se sont toujours bien passées : la capacité d’effectuer des choix judicieux peut-être et sans doute aussi l’intuition nécessaire pour éviter d’humilier quelqu’un ou bien de l’être par lui.
Il n’y a pas très longtemps que j’ai commencé à me rendre à ces rendez-vous. Un peu plus de deux années, je crois. Est-ce que je dois préciser que je ne suis pas l’instigatrice de ces rencontres ? Sans doute non. C’est une idée d’homme d’inviter un autre homme aux plaisirs d’une femme. Pour autant, pourquoi une femme renoncerait-elle à ces moments dont elle serait la principale bénéficiaire ? Est-ce que j’ai longtemps hésité ? Non. Et lors de notre première rencontre, tandis que dans cet atelier rouennais nous en étions encore à deviser des différentes rencontres que notre hôte avait faites et des souvenirs vifs qu’il en gardait, c’est même moi qui ai pris littéralement les choses en mains. Je veux dire que j’ai saisi la queue de notre comparse et l’ai amenée à ma bouche. Mais je viendrai plus tard à ces détails. Car bien sûr, je sais qu’ils plairont et aussi qu’on les attend.
Quoi qu’il en soit, il est des moments aujourd’hui où je propose de hâter telle ou telle rencontre, de revoir l’un de nos complices ou d’en découvrir un autre. Je me réjouis de la promesse à venir comme du cadeau renouvelé de deux hommes à mes côtés. Pourquoi alors, me dira-t-on, cette appréhension dont je parlais au moment d’un premier rendez-vous ? Passons, passons, ai-je envie de dire. Ne nous attardons pas trop à ces phrasés de bienséance, à ce que l’on échange devant un café ou un verre de vin blanc. Un mot et un regard sont bien suffisants. Nous savons tous les trois que dans une heure au plus, je serai nue, caressée, peut-être déjà pénétrée. Pourquoi nous infliger alors ce supplice, comme s’il fallait que nous nous séduisions ? Dans aucun des cas, dans ces rencontres de Paris, Lille, Caen ou Rouen, pour n’évoquer que celles-là, je n’aurais sans doute choisi de baiser avec l’un de ces hommes avec qui nous étions attablés. Je ne dis pas qu’ils ne me plaisaient pas. Je dis qu’ils ne me déplaisaient pas, ce qui est bien différent. Nul besoin alors de tous ces salamalecs et de ces mots de présentation toujours un peu embarrassés.
Ces hommes, de leur côté, auraient-ils choisi de me séduire si nous nous étions rencontrés à une autre occasion ? Sans doute pas non plus. Je n’ai plus cet âge qui aimante le désir. Je suis attirante, cependant. Je le sais. Ce n’est pas la question. Mais, à choisir, je sais qu’ils auraient opté pour une jeunesse mieux galbée peut-être, aux fesses plus fermes ou aux seins plus hauts. Nous serions probablement passés les uns à côté des autres sans nous accorder un regard. Et maintenant, tandis que nous sommes là à nous jeter des œillades, je pense que le plus simple serait encore d’aller directement à l’essentiel : une queue dressée – et que dire alors de deux – enlève bien des inhibitions. C’est peut-être pour cela que j’ai cette boule au ventre. Pourquoi donc doit-on se laisser aller à tous ces faux-semblants lorsque l’on sait que les accords déjà sont passés et que le contrat du jour est signé ?
Je sais que l’on pourrait déduire de ce que je viens d’écrire que je n’en peux plus d’impatience en regardant le café refroidir et que je voudrais gagner au plus vite un lit inconnu et nouveau. Mais non, ce n’est pas ça. Il est vrai qu’une fois rendue dans ce genre de lit, j’éprouve à grand-peine l’envie d’en sortir – et de cela, je m’expliquerai plus loin –, mais ce n’est pas pour autant que je brûle d’y entrer. J’ai beau apprécier ces moments – je l’ai dit : j’aime aussi parfois, et de plus en plus souvent, les appeler de mes vœux – je les trouve aussi peu naturels qu’il est possible. Par « naturels », entendez bien que je ne veux pas dire qu’ils contreviendraient à quelque sorte de choix moral que ce soit. Au contraire. Par « naturels », je veux dire spontanés. Il serait tellement plus souhaitable de ne pas devoir recourir à tous ces rendez-vous pris par écrans interposés et de succomber plutôt à une attirance impérieuse, dans la rue, au théâtre ou au travail.
Si nous pouvions inviter des gens à notre lit comme nous convions des amis à notre table, j’en serais bien plus apaisée et je ne sentirais plus, je crois, ce poids dans mon ventre. Cette spontanéité me manque. Comme ne laisse pas de m’interroger non pas l’acte lui-même – j’en évoquerais bientôt la beauté et les saveurs –, mais plutôt ses raisons. Celles qu’ont des hommes à vouloir se glisser dans l’intimité d’un couple alors qu’ils pourraient s’en tenir à des rencontres plus conventionnelles, du genre précisément de celles qui se produisent entre deux personnes dans la rue, au théâtre ou au travail. Que cherchent-ils ainsi ? Quel est ce plaisir particulier qu’ils prennent ? Et surtout quelle est donc cette propension qu’ont ces hommes à vouloir baiser sous le regard d’un autre homme ? Il nous est arrivé de rencontrer des partenaires à la bisexualité déclarée pour lesquels le choix d’un couple paraissait judicieusement adapté à leurs désirs. Le fait de préciser que, pour ce qui nous concerne, ces rencontres visaient exclusivement ma personne – je suis en effet d’un naturel possessif, on voudra bien m’en excuser – ne les a cependant pas dissuadés : la présence d’un homme à mes côtés semblait leur suffire. On comprendra alors qu’envers ceux qui revendiquent haut et fort une hétérosexualité sans partage, ma perplexité soit totale. Que se passe-t-il donc entre les hommes et, surtout, qu’est-ce qui peut bien passer d’un homme à un autre tandis qu’ils baisent ensemble la même femme ?
Je pourrais pareillement m’interroger sur les raisons de l’homme qui m’a menée vers ces rencontres, que j’ai suivi et que parfois même, comme je le disais, je devance désormais. Pourquoi donc vouloir partager ce qu’on lui a accordé pour lui seul ? Lorsque nous en parlons, ce qui arrive souvent, il me dit avoir toujours estimé qu’aucune femme n’avait à prendre pour seul amant l’homme avec lequel elle vit. Et j’en suis bien d’accord, pour le penser également et en avoir connu aussi les bonheurs avant de le rencontrer, lui l’homme avec lequel nous vivons ces moments suspendus… Mais qu’une femme couche avec son amant et son conjoint le même jour est encore toute autre chose que de les pratiquer en même temps. À cette objection que je fais, il répond une chose toute simple :
Ainsi que je l’ai déjà précisé, je n’ai pas mis beaucoup de temps à suivre ce chemin qui, lorsqu’il me fut décrit, me parut d’emblée loin d’être impraticable : je ne suis pas née d’hier et j’aime les hommes depuis longtemps. Même si, comment dire, il me semblait que ce chemin serpentait dans un autre monde, sur un autre continent. J’en percevais fort bien la géologie et je voyais aussi parfaitement ce que pouvait représenter sa géographie : c’était simplement que l’idée de l’arpenter vraiment, de le reconnaître et de le connaître ne me semblait pas concerner tout à fait mes propres pieds, mes propres jambes, mon propre corps. Je me dis aujourd’hui que nous aurions pu fantasmer longtemps là-dessus si je n’avais reconnu, dans cette proposition d’aller randonner en compagnie, un désir authentique qui ne me paraissait pas contrevenir à la façon dont nous nous rendions ensemble à la sensualité.
J’ai connu suffisamment d’hommes pour savoir discerner ce qui, chez eux, appartient au souhait, à la pulsion ou au désir. L’on peut volontiers laisser venir les trois : l’on peut accéder à un souhait, l’on peut céder à une pulsion, mais un désir, l’on ne peut que l’accueillir et, pour peu que l’on soit un peu amoureuse, le saluer et l’honorer. C’est la raison pour laquelle il ne m’a pas paru que l’océan qui me séparait de ce lointain chemin, soit à ce point infranchissable, pour que je diffère trop le moment de me jeter à l’eau.
Je ne voudrais pas laisser penser cependant que j’ai plongé la tête la première et il m’a semblé justifié de savoir si, en toutes circonstances, j’aurais pied. J’ai donc voulu savoir si je pourrais connaître le plaisir sexuel en dehors de l’homme pour lequel je m’étais promis d’observer une stricte exclusivité et qui était celui-là même qui me proposait de la briser.
Je vais parler alors de ces deux heures pleines passées dans un institut de massage d’un genre particulier, toute rendue aux mains fort expertes d’un grand et bel homme qui n’avait pas fait mystère de la mission qui était la sienne d’amener ses clientes à la jouissance. Il le fit, de belle manière. Et me procura à plusieurs reprises un plaisir profond. Mais tandis qu’à mon tour j’avais entrepris, alors qu’il avait guidé ma main vers son sexe, de lui retourner la plénitude sexuelle qu’il m’avait apportée, je retins pourtant mon geste. Il me sembla que je ne pouvais pas vivre ce moment-là hors de la présence de l’homme qui, par un bel après-midi, m’avait fait le cadeau de ces moments : une enveloppe cachetée posée sur un oreiller avec, à l’intérieur, une invitation à ce plaisir singulier que j’aurais à vivre seule.
Au retour de ces heures où j’éprouvai un plaisir qui continua de rayonner longtemps, certainement plusieurs jours sinon quelques semaines, et qui fut accueilli sans aucune distance ni réserve, j’étais parfaitement convaincue que la perspective d’arpenter vraiment ce chemin se rapprochait à pas de géant et que l’océan était devenu un ruisseau que je traverserais à gué. À vrai dire, l’idée maintenant m’excitait bellement.
Lorsque le moment fut venu de nous mettre vraiment en mouvement, nous exclûmes d’office les amis et les proches, explorâmes un peu plus les relations plus lointaines qui ne nous semblèrent pas plus pertinentes et finîmes par nous rendre aux écrans et aux sites qui sont, si l’on veut éviter les clubs ou les bars à thème, la seule voie empruntable pour qui souhaite ne pas livrer sa recherche à un trop improbable hasard.
Je pense avoir déjà fait comprendre combien tout cela me semble fabriqué et combien je suis vite lassée des mots et des images qui tentent de dire le désir et qui n’arrivent, souvent, au mieux, qu’à éviter de peu le vulgaire et le convenu. Oui, je vois parfaitement ce que peut être une bite en érection. Mais si vous le permettez, je préfère en être pleinement responsable plutôt que d’avoir à constater sans effort le résultat sur une photo surex. J’envoyai donc mon homme en éclaireur. Il pouvait rester des heures devant l’écran et, au terme de dialogues qui me semblaient interminables, finissait par me présenter sa moisson du jour comme un chat ramène une souris. Lorsque j’étais intéressée, je me mêlais aux conversations, soupesais le pour et le contre et finissais par trancher. Il était entendu que j’aurais sur la question toujours le dernier mot, même s’il importait que mon choix s’arrange aussi un peu de son goût et de ses affinités. Des jours et des semaines pouvaient passer sans que quelqu’un m’intéresse et mon homme se trouvait parfois bien embarrassé d’avoir à rapporter un refus à quelqu’un avec qui il avait pourtant sympathisé. C’était son lot.
Mon sort à moi était ailleurs et il me paraissait invraisemblable d’être chevauchée un jour par un type qui arborerait cette chemise fuchsia ou cette chaînette dorée que je voyais sur le profil des prétendants… Dans l’ensemble, nous fîmes peu de fautes de goût, même s’il arriva que, le voyant désespérer de mes réticences répétées, je finisse par convenir que peut-être en effet celui-ci ou celui-là n’était pas si mal, après tout. Je dois avouer à ce propos qu’à une reprise au moins, ces choix par défaut furent étourdissants… Mais enfin, on l’aura compris, je cheminais sans hâte, sachant que les échéances de toute façon se présenteraient et que je m’y rendrais alors sans autre détour.
Le premier amant sur lequel nous nous accordâmes fut celui qui nous accueillit dans son atelier de Rouen et c’est avec lui que j’ai commencé à vivre cette situation étrange, mais tellement troublante du commerce sexuel avec un inconnu. Je ne l’avais pas pris dans ma bouche que je savais qu’une nouvelle étape de ma vie sexuelle venait de s’ouvrir. C’était si simple. Et si bon. Pour ma chance, sa queue était délicieuse. Que serait-il advenu de nos rencontres avec ces inconnus si je ne l’avais trouvée à ce point à mon goût, je ne saurais dire. Mais il est évident que cela n’a pas été sans influence sur la suite. Encouragée par la puissance et l’évidence de cette sensation, je me laissai aller à des plaisirs vifs sans retenue aucune.
Le moment l’emporta sur le reste, j’étais pleinement au présent, rien ne m’importait d’autre que l’intensité de l’instant. Mon homme n’était pas absent de ces moments et j’allais de l’un à l’autre comme s’il s’était agi d’une vieille habitude. J’avais ces corps pour moi, je leur partageais volontiers le mien et je n’étais pas perdante à l’échange, me semblait-il. Je ne saurais dire mieux ce qui a changé en moi à ce moment précis, mais j’ai compris à quel point j’avançais à la fois sereinement et résolument sur ce nouveau chemin que je venais d’emprunter.
Avec le temps, j’ai appris à apprivoiser ces moments où nous découvrions l’homme qui deviendrait notre complice, certes lucide sur le côté furtif et éphémère de sa présence, mais très désireuse aussi de me jeter pleinement dans cette rencontre. Une inquiétude sourde ne m’a pourtant jamais quittée, largement compensée à la longue par la confiance que m’avait procurée une suite de rencontres heureuses. Et s’il demeure assez habituel que je reste en retrait de la conversation, plus ou moins explicite, qu’entretiennent les hommes lors de la première rencontre et dont je suis évidemment l’enjeu, il me semble que j’ai aussi à montrer que je ne suis pas dupe de ce qui se passe et que mon rôle est entier et central. Il m’est ainsi arrivé d’aller au rendez-vous fixé avec un nouvel arrivant sans porter de culotte sous ma jupe, mais les jambes pourtant ornées de fort aguichants bas noirs. Peu m’importait qu’il s’aperçoive de la situation pendant que nous étions assis à la terrasse du bistrot, mais je voulais qu’un peu plus tard, au moment où ses doigts chercheraient mon entrejambe, il se rende compte que je m’étais rendue disponible pour lui sans attendre et que je faisais bien complètement partie prenante de ce jeu à trois : je n’étais pas une malheureuse chose présentée par son mari à un amant de passage, mais la belle et l’authentique salope que chaque homme rêve de rencontrer.
Je ne pense pas avoir à beaucoup détailler l’effet produit au moment de la découverte de ma chatte nue et disponible, mais, si je peux expliciter un peu les raisons de ce type de petit jeu excitant, c’est que j’aime aussi à me projeter un peu plus tard : au moment où notre complice, revenu chez lui et rêvassant dans son lit, se repasse le film de la journée. J’aime fournir des souvenirs qui éclaboussent les draps. À chacun de nos complices, il me semble avoir réservé une image, une sensation, un geste sur quoi ils puissent se branler plus tard et penser à moi. De temps à autre, j’aime aussi me plier aux scénarios de nos prétendants. Je me suis ainsi retrouvée nue, assise sur une chaise, les yeux bandés, tandis que notre invité, après un temps qui m’a paru interminable, entrait dans la chambre et me saisissait les seins par-derrière, frottant contre mon dos son dard dressé. Mon homme nous rejoignant tandis que, maintenant redressée et appuyée sur le dossier du siège, j’étais prise debout par l’invité. Notre comparse du jour avait toujours eu envie de vivre cela.
Ce n’est pas grand-chose et les hommes sont reconnaissants de ces petites privautés que je leur accorde. Mais je voudrais que l’on ne se méprenne ni sur ma posture ni sur ma nature : il y a eu fort peu de cas où je n’ai pas participé aux négociations au bistrot ou à l’accueil à la maison et c’est bien moi qui, au final, mène le jeu. Je branle fort bien. J’ai les doigts sûrs et le poignet délié. Dès que j’ai en main le sexe d’un homme, je sais que j’ai partie gagnée. Je passe le relais au moment de la pénétration si ce moment vient (il ne vient pas toujours en effet) : là, c’est bien l’invité et mon homme (ou l’invité ou mon homme) qui guident la partie. La présence de mon homme est constante, même s’il y a deux principes auxquels il déroge rarement (par exemple, dans le cas où nous aurions affaire à une demande inverse de notre invité) : il laisse toujours la préséance à notre complice pour la pénétration et il aime aussi à s’éclipser un moment plus ou moins long pour donner à notre invité l’occasion de me faire part de requêtes qu’il n’oserait peut-être pas évoquer en sa présence.
Nos trios se transforment donc souvent, à un moment au moins, en duos et je dois reconnaître que j’aime particulièrement ces instants d’abandon complet à un corps nouveau et inconnu. Il s’agit bien entendu d’une ivresse particulière puisqu’elle fait partie d’un accord – d’un contrat pourrait-on même dire : si je m’abandonne, c’est au vu (souvent) et au su (toujours) de mon homme. Cela n’empêche pas la jouissance profonde et le plaisir plein et complet. Une fois baisée, surtout si je l’ai été convenablement, j’appelle à ce que l’on poursuive ensemble vers des horizons à chaque fois changeants. Je peux être exigeante à ces moments-là et il est arrivé que notre invité rende les armes en premier, mon homme finissant alors l’ouvrage entamé.
J’aime le temps long, j’aime que l’on m’occupe longuement. Deux hommes, alors, c’est une friandise pour femme gourmande. Les avoir pour moi est un cadeau pour petite fille gâtée. Et lorsque, à quelque occasion, ils se donnent le relais (cela ne se passe pas à chaque rencontre, hélas), il me semble qu’il ne peut exister de jouissance supérieure. Je suis emplie d’un plaisir total, irradiant, et mon cerveau envoie des images qui me surprennent à chaque fois, on dirait que j’entre dans des univers insoupçonnés où tout se passe comme en rêve, je veux dire que la part onirique est présente, que j’ai vraiment décollé, je vois comme un film se dérouler devant moi, c’est indescriptible, et les sensations physiques que j’éprouve à ces moments sont d’une intensité sans égale. Si je crie mon plaisir, et je le crie longtemps, c’est aussi sans doute pour retenir ce rêve. Je sais que d’autres femmes préfèrent être prises de deux côtés à la fois (et j’aime moi aussi qu’ils prennent leur place et qu’ils échangent leur rôle dans ma bouche et dans ma vulve), mais je n’ai jamais apprécié qu’on me pénètre doublement, ce n’est pas là que réside et s’accomplit mon extase. Je préfère la constance à la fougue et il m’est plus profitable de vivre un très long moment de successions et de remplacements de leurs sexes dans ma vulve qu’un moment intense et très vif où mes hommes tentent de résister à l’excitation de se toucher presque (ou tout à fait) dans mon corps. Je peux aussi exploser bien entendu avec mon amant ou mon homme seuls : je parle ici des pratiques qui me sont les plus chères lorsque nous baisons à trois.
Pour beaucoup de lecteurs (de lectrices aussi sans doute, mais c’est un peu moins sûr), la question de savoir si je jouis plus et mieux avec mes amants qu’avec mon homme fait partie de celles qui chiffonnent le plus. Je le sais, certains amants même me l’ont demandé, mon homme pareillement. La réponse est oui, non, ça dépend, c’est différent, ça arrive, quelle importance ? Mais si la question est de savoir si nous jouissons plus ou mieux, mon homme et moi, depuis que nous invitons ces passagers dans notre lit, la réponse est sans équivoque et c’est un oui majuscule. Ce que j’ai dit plus haut des plaisirs qu’éprouvent nos complices à se remémorer des moments précis de nos rencontres vaut aussi pour nous. Et c’est à chaque fois un souvenir bienvenu auquel nous nous abandonnons sans autre retenue, il bande et je mouille au souvenir de ceux que j’appelle mes « passagers » et nous nous donnons un plaisir dans lequel il n’est pas certain que nous soyons seulement deux…
Il arrive que je me réserve pour moi seule des souvenirs que j’estime plus intimes que d’autres. Je n’ai par exemple fait allusion à aucun moment à cet homme qui sortit de ma bouche qu’il avait baisée avec entrain pour exploser pile au centre de la vasque que j’avais formée avec mes seins afin qu’il y déverse un jus qui avait fini par s’écouler jusqu’à mes cuisses et que j’avais laissé sécher sur moi, une situation qui, je ne sais pour quelle raison, va me chercher profondément à chaque fois que j’y pense. Cela tient sans doute à l’étonnement que je vis dans les yeux de mon invité quand je le lui demandai de me baiser de cette façon précise, à l’entrain qu’il y mit et à la gratitude qu’il exprima au moment de se répandre sur ma peau. C’était un cadeau fait à un petit garçon triste, je le vois comme ça encore aujourd’hui. Ce souvenir précis n’est consigné qu’ici, dans ce petit texte, non pas que j’en sois gênée et que je n’ose m’en ouvrir à mon homme (avec qui un tel événement ne s’est jamais produit et qui en serait à coup sûr fort excité), mais il me semble que le trouble que j’ai ressenti au moment précis où je vis cette queue exploser m’appartient en propre pour toujours. C’est mon jardin secret, on me pardonnera bien d’en avoir un… Moi qui me suis partagée entre tous ces hommes et ces passagers, j’ai le droit aussi de garder par-devers moi des images précieuses, comme des reliques. Mes seins lâchant les vannes à ce sperme s’écoulant sur mon ventre et mes cuisses en font partie. La petite larme qui se forma au coin de l’œil de mon baiseur au moment de jeter son dernier jet, aussi.
J’ai parlé au début des endroits de rencontres et de la géographie de nos passages. Je sais que le nombre de passagers embarqués compte au moins autant pour celles et ceux qui voudraient, à leur tour, s’engager sur ces chemins d’intensité amoureuse. Je dis « amoureuse » parce qu’il s’agit aussi de cela. Je n’ai pas été « amoureuse » de ces hommes, mais je le suis de ces moments. Il y a eu beaucoup de ces moments, j’espère en connaître d’autres encore, même si le temps commence lui aussi à compter et que les prétendants se font plus rares (ou plus laids, aussi, souvent). Combien ? J’ai connu une trentaine d’hommes et de passagers, qu’ils soient là pour quelques heures ou quelques années. Mais quelle importance cela peut-il bien avoir ? Sauf pour mon homme, bien sûr, qui se réjouit de mon appétit de vivre en sa compagnie des rencontres répétées et singulières où j’exulte et m’abandonne. Je sais que, dans son for intérieur, il aimerait que ce nombre gonfle encore et que d’autres passagers viennent creuser ce chemin qu’il adore emprunter une fois la voie ouverte. Il m’aime élargie par un autre, c’est son moindre défaut et c’est loin d’être le pire que je connaisse aux hommes…
Alors, j’aimerais que demain nous ayons rendez-vous dans un café, il ferait beau et nous aurions rendez-vous sur la terrasse. Je sais que si nous arrivions à l’avance, j’aurais ce pincement et cette boule. Je sais que s’il était déjà là, j’éprouverais aussi ce trouble délicieux. Je le verrais m’ausculter des pieds à la tête, s’attarder sur mes seins, suivre mes jambes, jauger mon cul. Moi, j’aurais un regard vers la braguette. Je me verrais l’ouvrir, défaire la ceinture, aller chercher cette queue promise, la sortir et la sentir vibrer sous mes doigts. Avant qu’elle ne durcisse tout à fait, je me pencherais pour la prendre dans ma bouche. Je penserais à ça. Je me verrais faire. Je serais là et je serais déjà ailleurs, déjà plus tard, juste avant d’être nue, avant de lui donner mes seins, de lui ouvrir mes jambes, de lui offrir mon cul. Je respirerais très fort. Je sentirais mon ventre frémir et mes lèvres gonfler. Et j’entendrais du fond de ma rêverie :