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Temps de lecture estimé : 34 mn
30/08/19
Résumé:  Le Service de Renseignement pour lequel je travaille m'a octroyé une mission importante. Mais seul. Sans moyen matériel ni financier subséquent. J'ai donc recruté Raïssa.
Critères:  fh fhh hplusag hotel fsoumise hdomine contrainte fellation anulingus fsodo sm policier
Auteur : Samir Erwan            Envoi mini-message

Série : "1000fleurs"

Chapitre 01 / 04
Un miel de mille fleurs - Première partie

– 1 –



La femme exhale la fumée de sa cigarette en regardant en l’air. Elle est loin, trop loin, il faut que je la laisse parler doucement, il faut qu’elle me relate ce qui s’est passé. Dans tous ses détails. Il ne faut rien rater. Peut-être que dans une remarque dite, une blague faite, un indice sortira. Il me faut tout savoir.



Elle acquiesce en prenant une bouffée de cigarette puis se penche pour écraser son mégot dans le cendrier propre. Combien y en aurait-il, à la fin de notre entretien ?



Elle me regarde dans les yeux en se redressant. Ils sont noirs, ses yeux, insondables, mais il y brille quelque chose à trouver, à chercher. Elle me regarde avec un air de défi en me répondant :



Et sa voix est chaude. Sensuelle et traînante. Presque provocante. Elle suggère que je continue à lui dire comment réagir. Je me fais déjà des idées. Reste pro. Mais cette femme me remue. En la regardant seulement, je sens une vibration soudaine entre mes jambes. Reste pro.



Elle opine en prenant une cigarette dans son paquet ouvert. Elle ne rajoute rien.



Elle met la cigarette entre ses lèvres rubis, des lèvres qu’elle a bien dessinées, assez grandes, pulpeuses : aguichantes. À embrasser. Puis elle me fixe et me répond :



La flamme de son briquet éclaire son visage bronzé en un éclair. J’en ai le souffle coupé. Elle est magnifique. Et j’ai touché le but. Reprends-toi ! On s’en fout qu’elle soit magnifique ; qu’elle fasse le boulot, un point c’est tout !



Elle hoche la tête et ses longs cheveux noirs et ondulés glissent sur son épaule. D’un mouvement de son cou gracile, d’un geste habitué, elle les repousse derrière son dos, comme s’ils obéissaient à son corps tout entier.



Elle s’installe dans le fauteuil du studio fonctionnel que j’ai loué pour ce soir seulement. Mais cet endroit sera mon repaire pour les deux mois qui suivront cette conversation. Cet Airbnb de la tour Elizabeth sera mon cauchemar et mon fantasme. Et elle, elle, Raïssa, de parents d’origine sahélienne, qui fume tout en me regardant fixement, comme si elle souhaitait lire en moi, me répond :



Je la désire tout simplement.




– 2 –


Jacob, j’ai son dossier. Je le connais. Je sais ce qu’il fait, ce qu’il aime, ce qu’il chante quand il est saoul, ce qu’il achète et avec quelle devise. Il est un pion dans l’organisation sur laquelle j’enquête. Je cherche son patron, mais pour l’instant, c’est sa piste que je renifle. Pour ne rien dénoncer, et pour respecter le secret professionnel qui me lie à mon Service, je peux dire qu’il fait partie d’une forme de mafia. Et que les achats et ventes qu’il met au point tournent autour des armes, de la drogue et des voitures. Mon Service cherche son patron, qui joue avec les politiques. Département d’État, paramilitaires Américains, Russes, Anglais, Français.


Nous avons reçu des infos comme quoi Ethan, celui que mon Service croit en haut de la pyramide – ma cible prioritaire – cherche à infiltrer le milieu montréalais. Des Italiens se sont montrés intéressés, des motards aussi. Jacob est en ville depuis peu et semble prospecter. Il leur faut, à la structure de Jacob, de l’argent frais pour continuer quelque guerre au Moyen-Orient. C’est ce que je crois selon les dossiers de mon enquête. Or, il nous faut une preuve. Il nous faut véritablement connaître ses intentions.


Mélissa, du département « Analyse » du Service, ne m’a fourni que très peu de données sur Ethan et Jacob.



Mélissa et moi venions de rompre une aventure de quelques mois. Elle me rabaissait régulièrement, me laissait entendre que je n’avais pas l’étoffe des héros, que je ne la faisais pas suffisamment jouir : « Tu aurais pu faire mieux. J’ai besoin de relâcher la pression, me comprends-tu ? » me crachait-elle après que je croyais l’avoir fait jouir, dans le lit de sa chambre aux rideaux roses. Je n’en pouvais plus de sa personnalité, de ses reproches, de sa prétention. Je lui répondais : « Mais qu’est-ce qu’on fait ensemble ? » et elle me regardait, pimbêche : « Je me le demande ». Ces quelques mois ont été de trop dans ma vie. Après la rupture qui s’est terminée en claquements de portes et en assiettes fracassées par terre – Mélissa n’acceptait pas que je la quitte : « C’est moi qui te quitte, Okay ? » – on m’a fait l’honneur de m’octroyer la mission « Jacob ».


Obligée par son travail de faire affaire avec moi par la suite, Mélissa du département « Analyse » a de nouveau tenté de détruire ma confiance.



On m’a donc fait l’honneur d’une mission primordiale, à mon avis. Mais seul. Sans moyen matériel ni financier subséquent. Et sans collègue distinguo, jargon de notre Service pour l’agent binôme qui analyse les données rapportées par l’agent de terrain. Il a fallu que je me débrouille.




– 3 –



J’ai suivi son garde du corps à l‘extérieur de la tour Elizabeth. Un grand 4x4 était garé devant, j’ai eu de la difficulté à y grimper, ma jupe était plutôt serré, comme vous me l’aviez demandé… L’intérieur avait été réaménagé, il me semble, comme si on avait enlevé des sièges au centre, refixé d’autres. Jacob était assis dans le fond, les jambes allongées et m’a demandé de le rejoindre, de son index, sans autre mot. J’ai pu faire quelques pas dans l’habitacle pour m’asseoir sur un siège lui faisant face. Son garde a démarré et nous sommes partis faire un tour de ville. Je me suis retournée, j’ai vu une vitre opaque coulisser pour cloisonner la partie avant et celle arrière, où Jacob et moi étions. Une lumière tamisée éclairait l’intérieur, toutes les vitres du 4x4 semblaient fumées. On voyait à l’extérieur, mais on ne nous y voyait pas.


Jacob a souri d’un sourire satisfait, me voyant observer tout ce luxe. Sans plus de préambule, en anglais, il a demandé mon nom. J’ai menti :


  • — Jamila.

Il a rétorqué :


  • — Look at me when I talk to you ! d’une voix qu’il était impossible de ne pas obéir.

Nous nous sommes regardés, je lui ai souri en répétant :


  • — Jamila…

Je tenais mon sac sur mes jambes croisées et Jacob a soufflé quelque chose comme :


  • — Not bad, not bad… mais je n’en suis pas certaine.

Comme sur les photos que vous m’avez montrées, Jacob a la cinquantaine, de fortes épaules dans son costume trois-pièces, sans cravate. Il est chauve, avec une cicatrice sur la joue droite. Il est corpulent sans être gros, il n’est pas laid… Tout en me regardant de son éternel sourire fat, il a débouclé sa ceinture, et enlevé son pantalon. J’ai alors remarqué qu’il ne portait pas de chaussure, il était pied nu. Son sexe était gros, large, déjà rigide. Toujours d’un doigt, il m’a fait signe de le rejoindre. Je n’ai pas fait ma mijaurée, je savais pourquoi j’étais là…


Elle se tait, rallume une cigarette en fuyant mon regard. J’attends qu’elle se ressaisisse. Je l’observe. Qu’elle est belle ! Elle porte une jupe crayon taille haute, noire, avec un chemisier de la même couleur : le parfait costume pour une femme d’affaires. Ses seins sont compressés, rehaussés dans le chemisier qui laisse deviner sa peau mate. Regardant par terre, le coude sur le genou, son corps penché vers l’avant me donnant un point de vue sur son décolleté, elle met sa cigarette à ses lèvres, sensuelle, elle aspire, ses joues se creusent…



Elle retourne sa tête vers moi, et me sourit à demi, éhontée :



Mais qu’est-ce que tu fous ? Pourquoi ? Pas besoin de savoir ça ! l’important est le résultat ! Mais c’est sorti tout seul, comme un lapsus : « Racontez-moi… » Je reste stoïque, comme toujours, mais je me mordrais le poing. Raïssa écrase sa cigarette à moitié consumée, puis se redresse dans son fauteuil, sûre d’elle. Ses seins semblent vouloir vivre leur vie et s’échapper du chemisier.


Très bien. Comme j’ai dit, je n’allais pas faire ma mijaurée. J’ai laissé mon sac sur le siège et j’ai fait les trois pas nous séparant, Jacob et moi. Je me suis agenouillée entre ses jambes. J’ai caressé ses couilles, son gland… j’ai mouillé mes doigts de ma salive pour caresser son prépuce… puis j’ai mangé son sexe. Je l’ai aspiré, je l’ai pompé. Je l’ai léché. J’ai léché ses couilles aussi.


Il m’a donné des coups de queue sur le front pour que je revienne lui tailler sa pipe. Il a continué de me donner des petits coups sur ma joue. J’ai alors souri, lui faisant croire que j’appréciais. Je suis retournée à l’assaut de sa queue. Vous voulez savoir quel goût elle avait ? Eh bien, elle était propre, elle avait bon goût, il ne doit pas fumer. Jacob dégageait un je ne sais quoi d’érotique. Est-ce suffisant ?


Il a ensuite mis sa main dans mes cheveux et c’est lui au final qui a rythmé la fellation. Il y a été doucement au départ. Puis, comme je m’y attendais, il y a été de plus en plus vite. Il m’a vraiment baisé la bouche en me contrôlant. Je ne sais combien de temps cette séquence a duré. J’ai senti son sperme jaillir dans ma bouche, j’ai tenté de me dégager, il m’a maintenu, j’ai pris tout son sperme dans ma bouche.


  • — Show me, qu’il m’a dit.

Je retenais son sperme sur ma langue en coupe, j’ai ouvert les lèvres :


  • — Swallow !

Et j’ai avalé.


Exactement comme dans les films pornos. Je ne comprends pas. Je n’ai aucun souci à avaler le sperme : pourquoi fallait-il que je lui montre ?


La question s’adresse à moi. Elle me fixe et attend une réponse. Je hausse les épaules et tente de ne pas lui démontrer que son récit m’a excité. Ses mots crus, cette simplicité d’expression, l’objectivité de l’acte. Son regard noir, mais lumineux entre en moi et me perfore le cœur, je tente de lui sourire, ne sais ce que je fais, elle secoue la tête en éteignant son charme, et dit, d’une voix hargneuse :



Et elle claque de la langue à la manière des Africaines.

Je me reprends :



Raïssa s’est énervée, elle cherche une nouvelle cigarette, n’arrive pas à en saisir une, laisse tomber lorsque je lui lance :



Raïssa me regarde, intriguée. Sourit rapidement, pouffe de rire nerveux en soupirant en même temps.



Plus que ce que vous pourriez me donner, aurait-elle pu répondre. Ses yeux noirs semblent chercher une faille en moi.



Je ne lui réponds pas, je l’observe avec un œil que je ne veux pas lubrique. Je suis simplement estomaqué par la simplicité de la mission. J’ai réussi sans trop d’effort à me procurer une agente et à l’envoyer dans le lit de Jacob. Je sors un papier plié en quatre de ma poche.



« J. appâté comme souhaité. Demain, 20 h, même place, pour rendez-vous. Peut-être. »



Elle hausse la voix, Raïssa.





– 4 –


Jamila était sublime dans sa robe de soirée. Assis au bar de la tour Elizabeth, elle portait une robe en organza, légère, agrémentée d’une encolure en V, d’un ourlet asymétrique et d’une magnifique dentelle. Elle semblait décontractée et sophistiquée. De fines bretelles en tour de cou apportaient une touche de glamour et ses bijoux aux oreilles et autour du cou complétaient sa parure de princesse arabe. Le charme du noir agissait grâce à la dentelle, et aux motifs jouant sur la transparence. Elle s’était peu maquillée, mais son khôl faisait éblouir ses yeux.


Jamila attendait, tranquille, quelque peu ennuyée. Elle s’était installée au bar à 19 h 40, en attente. J’y étais depuis plus d’une heure, ne voulant la rater ni manquer le rendez-vous prévu, installé à une table près des fenêtres, caché de la salle derrière une grande plante verte, près de la console de son. Il y avait le spectacle d’un jeune artiste à la guitare acoustique à qui je n’ai pas prêté attention. Il y avait foule, au bar de la tour Elizabeth, ce jeune artiste semblait en vogue.


Quelques hommes tentaient des approches vers Jamila, mais elle semblait au-dessus de la plèbe, personne n’insistait. La personne qui s’occupait du son du spectacle était une belle femme de mon âge, les cheveux noirs avec des reflets rouges attachés en queue de cheval. J’avais reluqué ses fesses dans sa jupe en jean effilochée en m‘asseyant, mais j’ai rivé mon regard sur Jamila.


Un Anglais, non loin d’elle, semblait se plaindre que sa femme était partie, qu’il avait essayé de la retenir, mais non, rien n’avait fonctionné. De jour au lendemain, elle était partie : « Where she gone, I just don’t know… » se lamentait-il à tout le monde. Il avait cru trouver une oreille attentive lorsqu’il a vu Jamila tout en beauté et en gestuelle princière. Celle-ci s’était détournée, arrogante, ignorant les soucis de l’Anglais. Un de ses copains est venu lui tenir compagnie, a bu un demi, il devait avoir autre chose en tête, car il n’a pas reluqué Jamila, et est parti après cinq minutes. Il a croisé un homme grand, bâti, habillé d’un costume à cravate qui s’est directement dirigé vers mon agente. Il s’est installé près d’elle, n’a rien commandé, j’ai cru voir ses lèvres bouger, a fait glisser une clé vers Jamila. D’une manière professionnelle de pickpocket, mon agente a fait disparaître la clé. Elle a bu son verre, sans agitation. Le messager est reparti du bar. Jamila s’est ensuite retournée, a appuyé ses coudes derrière elle, gonflant sa poitrine, s’est concentrée sur le spectacle le temps de terminer son verre, avant de se diriger vers les ascenseurs.


Je ne pouvais la suivre. J’ai commandé une autre bière. Je me suis demandé ce que j’allais faire de la soirée, sinon écouter le spectacle et zyeuter la femme qui s’employait au son, mon agente partie en mission.




– 5 –


Un mois auparavant, avec l’accord de mes chefs sur la poursuite de mon enquête sur la structure de Jacob, bras droit de Ethan, je me suis trituré l’esprit pour trouver une voie. Ayant peu de moyens financiers, je m’en suis remis aux classiques de l’espionnage ; le honey trap, le honeypot, le piège à miel. Lui mettre une fille dans les pattes. Qu’il ait confiance en elle. Qu’il lui donne des informations. Qu’elle me les rapporte. Pas plus compliqué.


J’ai cherché dans les dossiers de Jacob ses envies, ses appétits. J’ai demandé à connaître son historique amoureux, un complément sur toutes ses relations. J’ai analysé le résultat des recherches. Il ne m’a pas fallu longtemps pour découvrir l’archétype de la femme idéale, pour lui. Sur les huit relations ouvertes depuis qu’il est sous nos radars, quatre femmes sont originaires du nord de l’Afrique, deux Égyptiennes, une Marocaine, une Tunisienne. Deux autres sont Israéliennes. Une noire du Sénégal. Une seule « blanche » des États-Unis. Il n’est pas marié, mais tout en étant maqué avec l’une de ces dernières, il a eu de nombreuses autres relations, dites « cachées », qui ont précisé la recherche : 85 % de ces relations étaient originaires soit du Maghreb, soit du Moyen-Orient. Il avait une obsession. Étrange pour un mec qui trempait dans le trafic balançant des bombes en Libye ou en Syrie.


J’ai donc cherché dans les agences d’escortes. Je n’ai rien trouvé. Sinon plusieurs qui me plaisaient bien. Mais encore, n’ayant pas beaucoup de subsides pour cette mission, je ne pouvais tester les futures agentes potentielles. J’ai fini par errer dans les universités de la ville. Plusieurs « prospects » semblaient intéressantes. Mais comment les aborder ? J’ai joué avec certaines ficelles pour avoir les dossiers de tous les étudiants, laissant de côté ceux de sexe masculin. Puis, rabattant les Canadiennes blanches et catholiques, les Françaises, les Belges, toutes les Occidentales. J’ai mis les femmes asiatiques de côté aussi, me concentrant uniquement sur les « Arabes », musulmanes ou non.


Il me fallait une femme libérée, ouverte d’esprit, belle, qui savait parler anglais. Ne pas aimer le néolibéralisme et les États-Unis cochait une majoration sur ma grille de recrutement. Ne me restait que trois sujets potentiels après de longues nuits d’analyse de dossier, de demandes de renseignements supplémentaires après de Richard, du Service, de recoupements et de liaisons.


Raïssa, Ezzahia et Ousila. Trois jeunes femmes dont les prénoms terminaient par un A.


Après enquête sur chacune d’entre elles – Ezzahia s’est révélée mariée à vingt-deux ans, suivant un corpus universitaire en médecine, issue d’une famille établie depuis deux générations au Canada – Ousila étant un peu trop jeune à dix-neuf ans, vivant en banlieue sans voiture ni permis de conduire et ne parlant pas anglais – ne me restait que Raïssa. Si ça ne fonctionnait pas avec elle, il me faudrait revoir la stratégie. Surtout que je venais de recevoir la confirmation « officielle » que Jacob s’installait à Montréal pour lancer de nouvelles opérations pour la structure d’Ethan.


J’ai donc abordé Raïssa en lui demandant du feu, au coin des rues Sainte-Catherine et Sanguinet. Je la pistais depuis un temps, je commençais à connaître son train de vie, qui me plaisait. À vingt-quatre ans, elle était chargée de cours à l’université, tout en bossant son doctorat en science politique. Sa spécialisation était l’identité, les conflits interethniques, le rôle de la femme dans les conflits.


Ses parents ont quitté l’Algérie en 1991 pour demander l’asile au Canada. Son père non pratiquant, il a dû fuir lorsque les islamistes ont pris le pays. Médecin, la demande a rapidement été acceptée et Raïssa est née Canadienne, en 1995, en octobre. Sans frère ni sœur, Raïssa a été élevée avec un esprit critique. Et une forme de haine gauchiste envers les États-Unis. Sa première manifestation a été celle de mars 2007, contre la guerre en Irak, elle avait douze ans et avait mobilisé son école à sortir dans la rue.


En 2019, aux coins des rues Sainte-Catherine Sanguinet, après que ses copains l’ont saluée pour se diriger vers le métro, j’ai demandé du feu à cette jeune femme de vingt-quatre ans, belle, libre, souriante, Raïssa. Elle m’a donné son briquet sans complication. J’avais cinq minutes pour l’aborder. Ayant dix ans plus qu’elle, je ne pouvais me rapprocher aisément, ne voulant pas passer pour un pervers cherchant de jeunes universitaires. Il me fallait faire attention. Après deux bouffées de clopes, alors qu’elle me regardait du coin de l’œil, intriguée, j’ai seulement été franc avec elle. J’ai dit son nom complet, elle s’est retournée vers moi :



Fumeuse, elle s’est malgré tout étouffée en riant :



J’ai souri, voulant même m’esclaffer, cette fille connaissait déjà certaines techniques d’espionnage !

Devant nos croissants et nos cafés, j’ai hésité. Elle m’a relancé : « Alors, cette proposition ? » comme si elle voulait prendre l’avantage. J’ai expliqué l’enquête à demi-mot, sans nommer de nom. Raïssa, assise devant, me scrutait avec intelligence. Elle était avenante, élégante, bien galbée. Son grain de peau hâlée, la forme de sa mâchoire, ses pommettes rebondies. Elle avait un visage de femme comparativement aux autres étudiantes dans le café, qui semblaient plus « jeunes filles ». Raïssa avait atteint une maturité de corps. Avec des vêtements adaptés, elle se transformerait, elle ne serait plus cette universitaire habillée en militante. Elle avait une cascade de cheveux qui tourbillonnait sur ses épaules.


Mélissa, du département « Analyse » du Service, pouvait faire tous les efforts possibles : elle n’arriverait jamais à la cheville de cette rebelle dans la fleur de l’âge…


Raïssa était intéressée par mon exposé. Elle possédait un sourire à faire chavirer les cœurs, et les corps, une sorte d’espièglerie enfantine, lutine, de compréhension, comme si elle jouait déjà trois tours d’avance. Elle a posé des questions pour mieux comprendre certaines facettes. Par ses interrogations, elle souhaitait comprendre the big picture. J’aurais souhaité lui en dire plus :



Elle a hoché la tête, est restée silencieuse un temps, réfléchissait avant de revenir vers moi. Je me sentais dans un tunnel, il n’y avait qu’elle devant moi, j’aurais voulu prendre sa joue dans ma paume et me fondre sur ces lèvres. Engouffrer ma langue en elle, sentir son corps contre le mien, sa taille sous ma main, ses fesses sous mes caresses, ses mains sur mon sexe, sa bouche partout. La lécher, la humer, parcourir ce corps exotique du désert et la bulle a explosé :



Estomaqué, je me suis rapidement repris :



Raïssa m’a coupé :



J’ai hésité de nouveau, elle l’a senti. Elle a continué :



J’ai hoché de la tête ;



J’ai laissé les trois points de suspension entrer dans son esprit. Elle ne me regardait plus, elle fixait la table, le fond de son café. Réfléchissait, faisait la moue, a émis un « Oh » lorsqu’elle a imaginé un futur possible. Puis a relevé son regard vers moi :



Ça a été aussi facile que ça. Raïssa était une volontaire pour les services de renseignements. Je ne pouvais tomber mieux ! Je venais de créer un début de réseau et je devais lui trouver un nom. Pourquoi pas « 1000fleurs » ? Oui, c’est bien.


Plus tard dans la semaine, je l’ai briefée, lui ai montré des photos de Jacob. Aurait voulu lui en montrer de Ethan, mais je n’en avais aucune. Elle acquiesçait à mes exposés. Le point de rencontre sera le bar de la tour Elizabeth.



J’ai donc informé Raïssa qu’elle devrait se procurer une nouvelle garde-robe.



Elle s’est arrêtée, m’a fixé du regard. Nous étions près l’un de l’autre, je sentais son odeur, je pressentais des phéromones qui me troublaient. Ses yeux semblaient cacher un appétit concupiscent.



Elle a rasé mon bras du bout de ses doigts en disant cette dernière phrase, mon poil s’est dressé, j’ai dit, en me rapprochant de son visage :



Nous aurions pu nous embrasser à ce moment. Mais ne l’avons pas fait. Nous ne nous sommes pas touchés tout au long de ces heures d’organisation et de logistique. Je lui ai donné un montant d’argent pour qu’elle se procure de nouveaux habits. Pour qu’elle se transforme en Jamila.





– 6 –



C’est la femme qui s’occupait du son des spectacles qui me parlait ainsi, elle m’avait remarqué, je n’avais pas été si invisible que je l’espérais.



D’un hochement de tête silencieux, elle a accepté la réponse et est retournée près de la console de son, près de moi. Suis-je bête ! Si je l’avais remarquée, cette belle femme de mon âge, il va de soi que c’était réciproque ! Elle était jolie, bien faite, sexy sans être vulgaire, pas très grande, mais l’élancement de son corps ne le laissait pas paraître. Peut-être n’avait-elle pas la classe de Raïssa, mais elle portait toujours de courtes jupes moulant ses fesses, montrant ses fines jambes qui semblaient douces, et ses chemisiers laissaient entrevoir qu’elle possédait une belle poitrine. Un nez fin, une mâchoire fine, de belles lèvres, elle était belle, la soundwoman ! Mais j’étais obnubilé par ma mission. Derrière sa console, la femme a retourné son regard vers moi, m’a fait un beau sourire, un rien coquin, je lui ai souri en retour. Il faut bien passer le temps !


Il n’aura fallu que deux soirs pour que Jamila soit abordée par le garde du corps de Jacob. Le premier soir, Jacob est venu prendre un verre, comme prévu. Il l’a longuement reluquée de loin, avant de partir. Le second soir, Jacob n’est pas entré au bar. Jamila l’a plutôt rejoint dans son 4x4. Elle a « passé le test ». Il lui a donné un nouveau rendez-vous le lendemain. Où je l’ai observée, esseulée, prendre l’ascenseur pour l’inconnu.


Jamila et moi n’avons pas eu de contact les cinq jours suivants. Je relevais notre « boîte aux lettres », là où elle devait me laisser des messages, mais elle était toujours vide. J’ai donc campé soit au bar Elizabeth, soit au Airbnb loué pour l’occasion. J’espionnais les allées et venues des clients. Le premier soir, j’y ai vu Jamila quitter la tour, trente minutes après qu’elle soit montée. Suivie par un sbire de Jacob. Je n’ai pas bougé.


Toutefois, je me suis renseigné au Syndic Elizabeth et un prénommé Mark avait loué l’un des plus gros appartements de la tour. Mark était le chauffeur et garde du corps de Jacob. Ils s’installaient deux étages au-dessus de mon petit Airbnb.


J’ai vu Jamila revenir le lendemain dans une autre tenue, toujours plus somptueuse. Attendre au bar. Mark le sbire non loin. Se faire donner une clé. Retourner aux étages. J’ai observé tout cela, mais ne pouvais l’approcher. Elle a quitté la tour deux heures plus tard. Jamila, ou Raïssa ? Savait que je l’espionnais, assis derrière ma plante verte, elle m’a remarqué le troisième soir. Les épaules dénudées dans sa fine et scintillante robe de soie, elle m’a adressé un sourire enjôleur. Un sourire salace, sa langue pointue léchant sa lèvre supérieure. Puis, clé reçue, elle est repartie.


Sept nuits durant. Elle restait dans la chambre de plus en plus longtemps. Un soir, le bar a fermé avant que Jamila ne quitte la tour. Je me morfondais. Puis, les soirs suivants, j’ai constaté que plus aucun sbire ne suivait Jamila. Peut-être avait-elle gagné leur confiance ?


N’en pouvant plus, j’ai quitté la cachette près de la console de son, ignorant la soundwoman en jupe courte qui abordait souvent la conversation, et me suis installé au bar, là où mon agente avait pris habitude d’attendre Mark, le garde du corps de Jacob. Elle est entrée et sans faire attention à moi, s’est assise à mes côtés. Elle a commandé un mojito. Le barman la reconnaissait. Je lorgnais sa robe blanche, moulante, à manches longues, mais qui laissait ses épaules dénudées. Son dos aussi, dénudé avec des lacets descendant jusqu’à sa cambrure. Ses seins maintenaient-ils la robe ? Ressaisis-toi ! À la manière d’un ventriloque :



Je lui ai glissé la clé de mon studio loué :



Jamila la professionnelle a subtilisé ma clé. Je l’ai attendue. Elle est venue me rejoindre vers quatre heures du matin. Personne dans le couloir, personne ne l’avait suivie. Très bien.


Jamila en robe blanche et moulante est allée se doucher dans mon studio. J’ai patienté. Raïssa est revenue vers moi, habillée en femme d’affaires, avec certains vêtements que je lui avais préparés. Phase de débriefing.




– 7 –



Je n’en doute pas. Mais a-t-elle appris quelque chose ? A-t-on de nouveaux renseignements à exploiter ?



Cigarette entre les doigts, Raïssa a gonflé sa poitrine pour prendre une grande respiration. Un sourire de gamine est apparu sur ses lèvres, le même que j’avais vu lors de notre première conversation, au café.



La première nuit, Jacob assis dans un fauteuil attendait Jamila. Il lui a ordonné, sans plus de préambule, de se déhancher, de danser, de se déshabiller. Jamila a obtempéré avant de lui offrir la fellation demandée. Entièrement nue, et lui toujours habillé, seul le sexe sorti de son pantalon, il lui a maintenu les poignets d’une main et il l’a prise en levrette. Trente minutes de présence dans la chambre de Jacob. Jamila s’est retrouvée dans le couloir, le garde du corps l’enjoignant de se tenir disponible le lendemain, qui sait ? en échange d’une enveloppe fournie.


Le deuxième soir, pareillement, mais Jamila y est resté deux heures. Jacob lui a attaché les poignets devant elle et l’a baisée tout habillée, la robe de petite vertu remontée sur ses hanches. Jacob a ahané en elle, elle couchée sur le côté, une jambe relevée, les mains liés, avant de se faire éjaculer au visage. Elle a léché le sperme et Jacob l’a abandonnée sur le lit, les bras toujours ligotés devant elle. Elle a attendu, le temps qu’il se serve un scotch. Il s’est assis non loin, n’a rien dit, reluquant la jeune femme étendue sur le lit. Ils s’observaient. Il s’est déshabillé entièrement avant de lui commander de la rejoindre. Son sexe était de nouveau dur. Assis dans le fauteuil, il a soulevé ses jambes et s’est maintenu les genoux : « Lick my asshole » ont été les seuls mots qu’il lui a dit ce soir-là. Jamila s’est exécutée et Jacob, avant de la congédier, lui a éjaculé dans les cheveux. C’est Mark, dans le couloir de la tour Elizabeth, qui lui a libéré les poignets avec un sourire aux lèvres, en remarquant le sperme de son patron dans ses cheveux noirs et en glissant une enveloppe dans son sac à main.


La nuit suivante, Jacob l’a reçu nu, en lui disant en anglais : « Prends l’initiative ! » Jamila a obéi, quelque peu déconcertée, car toujours contrainte les fois précédentes. Elle l’a chevauché en amazone pour qu’il voie bien le profil de son corps et alors qu’elle croyait le faire jouir, et qu’il se laisserait aller simplement, il a repris le contrôle en la culbutant sans scrupule, lui écrasant le visage dans le matelas. Elle a crié, a tenté de se dégager, il l’a immobilisée. Ce soir-là, ils ont enfin parlé. Il lui a révélé qu’il était en ville pour le business, que si elle était disponible, qu’il aimerait bien la revoir. Régulièrement. « I love wild sex ». Jamila a répondu : « My pleasure ». Il a ri : « No, no, isn’t for fun, but for cash ». Elle lui a souri. Il lui a intimé de lui montrer son cul, d’écarter ses fesses, il a été doux en la sodomisant au départ après l’avoir lubrifiée d’huile, pour terminer en acte envahissant, brutal et primaire.


Chaque soir, les prises de possession du corps de Jamila franchissaient des étapes. Soit il l’attachait, soit il la bridait sous ses mains fermes. Elle a eu des douleurs dans les épaules la nuit où il a joint ses bras dans le dos, et qu’il a joué avec ses seins s’échappant du bustier. Des fois, il la voulait nue, d’autre fois il la prenait habillée. Un soir, il l’a sommée de se vêtir du costume dans la chambre adjacente. Jamila s’y est soumise et est revenue à la rencontre de Jacob en parfaite Arabe, avec une jebba traditionnelle, vêtement ample en lin orné de broderies couvrant tout le corps et d’un niqab ne laissant entrevoir que les yeux. Elle était nue en dessous, elle ne s’était pas posé de question. Jacob a conquis le cul de cette : « bitch ! where’s your brotha ? We know that he made the attack ! »


Ce n’était qu’un jeu pour lui : Raïssa a été traumatisée, Jamila lui a souri, en espionne un peu trop parfaite. C’est le lendemain soir que je suis intervenu : « Je n’en peux plus… » m’a-t-elle murmuré et mon cœur s’est emballé.




– 8 –


Maintenant, alors que Raïssa est venue me rejoindre, je déplore l’avoir envoyée dans les rets de cet Américain fou. Elle a repris sur elle après m’avoir raconté tous les tableaux dans le détail. Involontairement, une érection me meurtrissait tout au long de son exposé. Je me suis imaginé toutes les positions subies. Jamais, moi, je ne l’aurais traitée comme telle. Elle prend une grande inspiration avant de terminer :



Moi non plus.



La question me trottait en tête depuis le début de son histoire, je ne voulais pas la poser, mais elle a jailli à brûle-pourpoint. Un nouveau lapsus ? Raïssa a pincé les lèvres, a cherché quelque chose dans la pièce pour accrocher son regard avant de revenir vers moi et a lâché le mot que je ne voulais pas entendre :



J’ai gardé le silence. Mon corps extérieur restait immobile, mais je tremblais partout à l’intérieur. « Mais pourquoi ? aurais-je voulu dire, crier, pourquoi ? c’est inconvenant ! » et comme si elle avait lu mes pensées, elle a théorisé :



Raïssa hausse ses épaules, allume une nouvelle cigarette, prend son temps :



Ses yeux noirs maquillés au khôl me percent. Je bande.



Elle hésite à le dire, même si elle l’a déjà réalisé, compris, elle le sait. Vicieux à mon tour, je l’encourage :



Elle pouffe de rire en secouant la tête, ahurie par ce qui se produit, elle écrase sa clope, se lève brusquement, qu’est-ce qu’elle est belle ! Elle marche à travers le studio puis s’exclame, un sourire désarmant aux lèvres :



Je me précipite, oui, oui, bien sûr ! il y a du vin, de la bière. Raïssa choisit le vin blanc, s’enfile le premier verre rapidement, encore ! Elle lève le coude, se reverse du vin, puis apaisée, se rassied en croisant les jambes.



Je suis abasourdi par les changements de rythme de Raïssa, par ses réactions, par le fait qu’elle soit capable de se ressaisir rapidement, et qu’elle souhaite poursuivre la mission malgré tout. C’est mon Service qui sera content de ce recrutement. Monsieur Jonathan, mon supérieur, cherche toujours de nouvelles recrues.



Je hoche la tête, sérieux, anxieux, avant de me lever pour prendre une enveloppe et un petit étui. J’ouvre l’enveloppe et montre à mon agente son indemnisation. Nous sommes près l’un de l’autre, quelle chaleur exhale-t-elle ! Je lui tends un stylo et une feuille sur laquelle sont inscrits le montant de l’enveloppe, et une série de chiffres codés.



Raïssa fait la moue, prend un stylo et écrit : « Jamila » avant d’empocher l’enveloppe. Je reprends la feuille comptable d’une main presque tremblante et me mords l’intérieur des joues, inquiet. Raïssa me surprend en rompant le silence de la transaction :



Elle a dit cette dernière phrase, quelque peu gênée. J’aimerais l’avoir rencontrée en une autre occasion. À mon tour de reprendre mes moyens.



Reste pro ! Je me rassieds, de nouveau en tant qu’agent traitant opérationnel.



Raïssa ouvre la cassette du fard à joues, ne voit rien d’anormal, le referme puis me dit, de sa voix grave et traînante, libertine, en vrillant ses yeux dans les miens :



Je toussote dans mon poing. Raïssa a un sourire épanoui.




– 9 –


La semaine suivante a été une torture pour moi. Au supplice et à l’affût, le casque sur les oreilles, espérant capter des confidences sur l’oreiller. Mais ce n’était que roucoulements et gémissements. Jamila n’avait pas la même voix que Raïssa. Mon étudiante en science po sur les conflits interethniques et le rôle de la femme dans les guerres s’exprimait d’une voix grave et sensuelle, un peu traînante, pour s’emporter à l’excès. Une diction d’adulte, de femme sûre d’elle.


Celle de Jamila semblait plus enfantine, hésitante, plus haut perchée. Elle acquiesçait, posait peu de questions. Mais ses gémissements pouvaient être rauques et émoustillants. Était-ce Raïssa, ou Jamila qui émettait ces cris ? Mon calvaire a pris forme.


Bruit de porte qui s’ouvre, des pas mesurés. Silence. « Hi. » de Jamila. Silence.



Elle appelait Jacob, Sir, avec un S majuscule ! Silence.



Silence, bruit de fauteuil qu’on tire, de cousin, de tissu qu’on soulève, de slip qu’on enlève. Puis, cinq minutes de crescendo, de bruit doux, de soupirs, de râles :



Lève tes genoux. Je n’ose pas imaginer. Des halètements, des plaintes rauques venant de loin. D’un cri. Orgasme essoufflé. Un rire masculin. Il dit, toujours en anglais : « Tu n’es pas si ingénue que tu en as l’air… » Il l’a découvert, il l’a démasquée, ça y est, il me faut intervenir, mais Jamila, entre deux respirations :



Plus tard, un autre soir, n’importe ! bruit de porte : « Hello, I’m here… », écho d’étreinte, tintement de verres et de liquide, son de canapé qui s’enfonce : « Put off your cloths. » et viens vers moi, retourne-toi, voilà, assied-toi, vas-y, remonte, reviens, encule-toi toi-même, des geignements, un rire étouffé, des râles, des soupirs, un grognement de mâle versus ce qui ressemble à un sanglot qui se termine en une prière : « Go on… » continue… comme tu es une petite « slut », un rire de puissance, un rugissement, des halètements…


Ces jours ont été infernaux. Cérébraux. Je m’imaginais Raïssa sucer ma cible, prise en levrette, enculée, je l’entendais hurler, je voyais ses mains crispées sur les draps, sa bouche ouverte, ses cheveux virevoltants. Je l’envisageais hors d’haleine, couchée sur le dos, poussive, les seins maculés de sperme, les yeux perdus dans un autre monde. J’en avais mal d’ouïr les succions, les glapissements, les claquements. « Can I do something for you, Sir ? » Les mots crus de Jacob, les réponses dociles de Jamila. Le silence, dix secondes, un coup entre les reins, un cri de mon agente. Dix secondes encore : une nouvelle exclamation. Dix nouvelles secondes comptées, Jamila qui hurle, surprise. Un souffle exténué, un éclat de voix, rauque. Il prenait son temps. Il prenait son pied en la défonçant. Et elle, Raïssa, Jamila, mon agente, mon amour – qu’ai-je dit ? – appréciait les émoluments nécessaires à la mission… « You’re astonish… » tu es incroyable, lui a-t-il dit… lui aussi, courbu, rompu de fatigue. « I know Sir… » a-t-elle répondu d’une voix mutine, suivi d’un rire mâle de satisfaction.


Peu d’informations ont filtré. Dix jours. Seize heures de coïts sur les vingt-trois enregistrés. Jusqu’à ce que je relève : « Tomorrow. You’ll stay here, with me. All night long… » Acquiescement obéissant. La nuit a été longue le lendemain. J’ai cru comprendre qu’il lui a attaché un collier autour du cou. J’ai peu entendu mon agente, il a dû la bâillonner, avec un gag ball ou un foulard. Elle a dû avoir les mains attachées, encore une fois. Il a dû se réjouir et la ravir, en rire et l’étourdir.


Il l’a probablement libérée. Ils ont repris leur respiration. Jamila lui a dit, d’une voix sage et douce, en anglais, toujours :



Au bruit de l’aspiration et de la déglutition, elle a dû téter son sexe.




– 10 –


Pas de message dans ma « boîte aux lettres » morte. Mais Jamila reste toutes les nuits avec Jacob, et dans la chambre de la tour Elizabeth une bonne partie de la matinée. Elle en sort vers midi pour se changer, et revenir en soirée. Elle ne va plus à l’université. Ne donne plus ses cours. Et Jacob est heureux de la voir, de l’avoir, la nuit. Vers vingt-trois heures, après qu’elle lui a léché l’anus et qu’il lui a éjaculé dans le fond de la gorge, il lui a dit :



Une petite hésitation



J’ai fait mes recherches. J’avais deux jours pour trouver qui étaient Trudeau et Pearce. Ça n’a pas été difficile. Les liens se sont croisés. Ils appartenaient à un gang de motards qui contrôlait la majeure partie de la ville, une partie de la province, et leur chapitre dirigeait aussi, avec des bandes affiliées, tout le nord-est des États-Unis – le Maine, le Vermont, le New Hampshire.


The Wanderers – les Errants, en français – étaient en collusion avec le cartel de Villahermosa, au Mexique. Ce dernier recevait de la cocaïne en provenance du Pérou ou de la Colombie et l’acheminait vers le marché du nord de l’Amérique. Le cartel de Villahermosa transformait aussi le pavot en héroïne qui suivait le même chemin. Mais il y avait tant d’intermédiaires pour l’heure qu’il me serait impossible de voir si les cibles guerrières de la structure de Jacob étaient les fournisseurs de Villahermosa…

Quelque chose de gros ! Je me rapprochais du but pour coincer Jacob, et plus tard son patron, Ethan !




– 11 –


Habillé de mes plus belles fringues pour me camoufler, j’ai suivi le groupe hétéroclite – deux motards habillés en jean et en cuir, deux Américains vêtus de leur traditionnel trois-pièces, et une poule de luxe, mon agente. Ils se sont repus à un restaurant italien, l’Aperitivo, avant de repartir à la tour Elizabeth. Je suis retourné à mon repaire, ai branché le moniteur pour les entendre causer de marché, d’itinéraires, de compagnie d’avions et de navires. Ils ont semblé écrire des montants sur des papiers, des refus, des négociations :



Il a continué :



Deux paires de pas ont quitté la pièce. Ceux de Jacob et de Mark, de son bras droit, presque toujours avec lui. Silence.


Voix d’homme (hésitante) : — Euh, tu ne pars pas avec eux ?

Jamila : — On m’a demandé de rester avec vous, pour vous aider à prendre la meilleure décision.

Voix d’homme 2 : — Yves, tu te rends compte du marché ?

Yves : — Oui, oui, mais il fallait rester ferme.

James : — Mais on a jamais eu une aussi bonne offre !

Yves (en colère) : — Tu vas te la fermer, oui ? On va pas parler de ça devant elle ! Elle travaille pour eux !

James : — Ah ouais, merde…

Yves : — Comment t’appelles-tu ?

Jamila : — Jamila. Je suis la compagne de Sir Jacob.

Yves : — Et euh… on t’a demandé de nous aider à prendre la bonne décision, c’est ça ?

Jamila : — Oui. Et de vous proposer de ne pas être trop gourmands. Sir Jacob a d’autres associés possibles…

James (énervé) : — On aurait pas dû tirer sur la corde à ce point !

Yves (d’une voix malicieuse) : — Et si on baissait un peu notre prix… que nous proposerais-tu ?


James s’étouffe. Silence de la part de Jamila.


Yves (doux) : — T’as un beau sourire de délurée…

James (surpris) : — Yves, qu’est-ce que tu fais ?

Yves (calme) : — Elle me fait bander cette petite… dans sa mini robe de libertine. Elle m’a aguiché toute la soirée… alors, viens ici, s’il te plaît…


Le reste, je l’ai vécu. Comme si j’y étais. J’ai vu Jamila sourire à Yves le motard à moustache. Elle a quitté son fauteuil et docilement a marché à quatre pattes pour s’installer entre les jambes d’Yves. Elle l’a léché, puis l’a pris en bouche. James n’en pouvait plus non plus, et a à son tour enlevé son pantalon. Jamila s’est attaqué à ce second sexe tendu pour elle. Suçant l’un, masturbant l’autre, les souffles des deux membres du chapitre The Wanderers s’exhalaient de bien-être et ils l’encourageaient :



Jamila a replacé sa robe tandis que les hommes se sont désapés. Ils ont pointé leur membre vers son visage et Jamila s’est évertué à les pomper les deux en même temps, qu’aucun d’entre eux ne perde de la force, allant de l’un à l’autre comme la professionnelle de l’amour qu’elle devenait, plus la mission continuait. Yves lui a baisé la bouche jusqu’au fond et James l’a calmé :



Il a tenu sa queue sur son ventre, lui a mis ses couilles en bouche et Jamila l’a happé, salivant partout. Yves a ri et s’est mis à déshabiller mon agente. Elle a dévoilé son corps de bronze, ses seins pointus, son ventre plat, elle portait un bijou en argent au nombril, les motards ont sifflé en la matant.


Yves a pris l’initiative et a soulevé Jamila du sol. Il la tenait sous les fesses, son membre entre ses jambes et Jamila a entouré son cou. James s’est approché du couple, a pris ma Jamila en sandwich et Yves l’a pénétrée en premier, debout :



Portant cette fille de petite vertu toujours dans ses bras, le sexe toujours en elle, Yves s’est dirigé tranquillement vers la chambre à coucher puis l’a déposée sur le dos, la tête pendante hors du lit. James n’attendait que ça, et lui a enfoncé son pénis dans sa bouche. Jamila connaissait toutes les techniques de deep throat, et par chance ! En même temps, Yves a plongé en elle et il l’a trouvé audacieuse, cette petite garce arabe, qui a elle-même soulevé ses jambes pour les maintenir sous ses genoux. James, toujours pistonnant sa gorge, s’est emparer de ses chevilles, et les deux motards se sont perdus en elle, ignorant que tel était le plan de leur futur associé, Jacob.


Après un temps, en cadence avec ma main, Yves a libéré Jamila de la double étreinte et l’a couchée sur le côté. Le corps de Jamila suivait les mouvements demandés et malgré le mouthfuck de James, son khôl n’avait pas coulé. Jamila était une bonne affaire, elle était une créature sexuelle ayant pour ambition de faire jouir ses partenaires, de les écouter, de les satisfaire, d’exécuter ce qu’ils exigeaient, une matière physique égarée dans des spasmes de transe.


Derrière elle, sur le côté, Yves a levé d’une main sa jambe supérieure et a aisément introduit son sexe entre ses fesses en grognant. Jamila en a eu le souffle coupé et a donné son aval à cette pénétration anale, tandis que James, se masturbant, a grimpé debout sur le lit.



Son acolyte s’est exécuté, Jamila s’est retrouvée empalée par le cul chevauchant le motard, et James a continué son activité dans sa bouche. Les seins de Jamila bondissaient, ses cheveux virevoltaient et James a appuyé son sexe dans le fond de sa gorge pour qu’elle s’étende de dos sur le corps d’Yves. Alors James l’a pénétrée à son tour, et Jamila a crié de cette double pénétration, elle l’avait déjà espérée dans ses plus profonds fantasmes. Elle couinait de n’être plus qu’un sexe et les deux motards grommelaient d’efforts et de rassasiements. En ahanant, l’un des deux motards a glissé à l’oreille de mon agente :



Jamila (ou bien Raïssa ?) dans les limbes d’un orgasme délibéré et impétueux, songeait à la mission qui l’avait amené sur ce lit de la tour Elizabeth. Cette mission, était-elle celle de mon Service ou bien celle de la structure de Jacob ? Quand les motards ont éjaculé en elle, elle hurla, prise entre deux feux, et a songé à moi, moi qui étais derrière mon ordinateur, dans une autre chambre, seul, un casque sur les oreilles à écouter toute cette perversité, le sexe tenu par ma main frénétique, mon sperme jaillissant partout.