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n° 19167Fiche technique19212 caractères19212
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Temps de lecture estimé : 13 mn
30/08/19
corrigé 05/06/21
Résumé:  Une histoire loufoque de tondeuse à gazon.
Critères:  #poésie #humour f fh jeunes oncletante collègues prost nympho travail collection cérébral pied fsodo hsodo jouet partouze
Auteur : Calpurnia            Envoi mini-message
Une famille Husqvarna

Le petit Henri, quatre ans, s’ennuie. Joan, le jeune baby-sitter catalan que ses parents ont engagé pour s’occuper de lui pendant l’été ne veut pas jouer avec lui aujourd’hui, ni à la console, ni aux Playmobil, ni le pousser sur la balançoire. L’enfant estime que ce n’est pas juste. Joan, installé en maillot de bain dans un transatlantique, préfère regarder les reflets bleutés sur la surface de la piscine en songeant à la fille qu’il a laissée de l’autre côté des Pyrénées. Au fond du bassin, image grise déformée par les vaguelettes, un robot nettoyeur œuvre silencieusement, inlassablement. Perdu dans ses considérations sentimentales, Joan sursaute, car soudain, la tondeuse automatique Husqvarna, luxueuse marque suédoise, se remet en route, sort de son socle et zigzague entre les massifs d’azalées et les rhododendrons. L’orage du mois d’août finissant tourne autour des collines sans jamais se passer à l’action, comme un loup prudent qui jauge sa proie avant de l’attaquer. Lueurs lointaines d’éclairs, grondements étouffés dans la touffeur estivale. Henri transpire. Dépité par la désertion du jeune homme, il retourne dans la maison climatisée pour attraper sa manette de jeux. Il est vingt heures dix. Les vérins du portail de fer forgé s’animent.


La lecture du morceau de slam qui suit n’est pas indispensable à la compréhension de l’histoire. Il faut l’entendre comme une bande-son qui accompagne l’image, scandée par une voix féminine sauf le vers qui est entre parenthèses pour lequel il faudrait un cœur d’hommes, séquence rapide de plans, cadrages débullés, serrés sur la voiture lorsqu’elle est en mouvement, puis sur la femme.


Porsche Cayenne turbo coupé rouge,

Incandescence sans nuances chromée de luxe,

Débauche mécanique qu’elle cravache, qu’elle arrache au bitume ;

L’orchidée pourpre aphrodisiaque crache son prêche de charme,

Accroche le regard aux pare-chocs de phosphore.

Porsche K hyène en bas nylon

Patronne de traders tordus

Mâles que le dard létal du capital torture,

Mais devant la capitaine les phallus capitaux capitulent

En osmose avec son entreprise,

Elle palpite avec elle et palpe, intégrée jusqu’à la pulpe intime ;

Elle impose son pouvoir vaginal

Gang-bang d’actions et de warrants, bingo sur l’OPA ;

Opacité dans la cité aréopage de guerriers en rage pour la finance.

Elle contrôle son cartel autant que la tôle rutile et ne tolère aucun tremblement :

Pythonisse babylonienne, bancable en abondance,

La femme revêtue d’incarnat s’incarne en quatre roues dans l’immense démence spéculative.

Réciproquement, la carrosserie est un concentré féminin,

Nymphomane hédoniste,

Du coupé jusqu’à la croupe, infiniment humaine,

Substance à prix d’or, elles font corps

Concupiscence d’acier loin du peuple,

Le calice complice et la muqueuse vulvaire

Accouplés sur le siège d’une union de chair et de fer ;

La bagnole séductrice et sa conductrice,

Celle qui affole et l’aide à tenir son rôle,

Témoin sépulcral de la société de la démesure,

Lupercales de métal charnel,

Incantation constrictor, quintessence industrielle,

La violence du moteur est un chant de décadence,

De l’imminence de la fin de l’existence,

Caricature du désir d’être, la soif de sens,

De par le matériau dans sa puissance aérodynamique,

Enveloppe de fer et carbone, protectrice ;

Crissement de pneus,

Garée sous la tonnelle de laurier rose d’une manœuvre virtuose,

Elle ouvre la portière,

Accouchement, nouvelle naissance qui chaque jour recommence,

Métamorphose, coquille automobile close, en épiderme rose :

L’élégance est dans sa nature

(elle se sent nue hors de sa voiture).

Vénus sortie des eaux

Chaussée de ses lunettes obscures,

Elle quitte un siège de cuir caressant,

Jette un coup d’œil vers la piscine

Et se dirige vers la maison.


C’est à ce moment que Candice, la maman du petit garçon, rentre du travail dans son véhicule rouge dont le bruit sur le gravier blanc couvre celui de la tondeuse (1). Elle interrompt l’autoradio (2) et descend avec précautions pour ne pas se tordre la cheville malgré les talons hauts qu’elle s’empresse de retirer avant de fouler l’herbe fraîchement coupée. Cadre supérieure dans une multinationale, elle se doit de se vêtir selon son rang : tailleur abricot impeccable, boucles d’oreilles dorées sous ses cheveux blonds et disciplinés par un serre-tête, quelques bijoux discrets, mais de grand prix, dont son alliance, et montre suisse à l’avenant. Son mari, Pascal, qui est directeur d’une agence bancaire, dispose d’un salaire à peine inférieur. Pour le moment, il n’est pas encore rentré. Ensemble, protégés par les hauts murs de leur villa cossue de la banlieue lointaine, dans un environnement bucolique, ils forment une famille Husqvarna.


Bonheur sophistiqué, amis du même milieu : une vie effrénée en marge du monde réel.

Deux mois plus tôt, Pascal a désiré cette tondeuse durant toute une semaine, ce qui, pour lui, correspond au délai maximum envisageable entre la naissance de l’envie et la satisfaction. Béat comme un enfant gâté devant son nouveau jouet, il a passé tout un dimanche à la configurer dans toutes ses fonctionnalités qui sont fabuleuses et dignes d’un jardin de science-fiction, où la technologie est si avancée qu’elle permet de recréer l’Éden. Il n’a parlé que d’elle pendant le dernier repas de famille, pour l’enterrement de la grand-mère de Candice. Le nirvana botanico-numérique l’a rendu prolixe. Converti par une démonstration sans faute au moment de l’apéritif, son frère s’est précipité le soir même pour acquérir à son tour, à crédit, son instrument de tonte automatique. Voici donc une nouvelle tribu Husqvarna.


Pendant ce repas, Candice se sentait légèrement dépitée par le fait que son mari, bien qu’attablé en face d’elle, ne la regardait plus au profit de cette étrange rivale à roues, vêtue de noir et d’orangé. Elle a essayé de regagner l’intérêt de son époux à l’aide de ses pieds nus, en le branlant discrètement sous la table tout en poursuivant une conversation anodine, et en le regardant droit dans les yeux. Habituellement, il adore ce geste où le danger d’être surpris par les autres convives ajoute au plaisir des petits orteils agiles. Candice est une experte dans ce domaine, et ne manque jamais une occasion pour le prouver. Mais, ce jour-là, peine perdue. Elle a senti qu’il ne bandait même pas sous son caleçon. En représailles à cette indifférence, elle l’aurait bien attrapé par la cravate afin de l’obliger à lui prodiguer un cunni, à quatre pattes sous la table, quitte à ce qu’il pochât aux genoux le pantalon de son beau costume qui sortait tout juste du pressing. Ou bien à lui lécher les pieds, toujours dans cette position de mâle soumis, jusqu’à les nettoyer de la moindre poussière. Voire même, profitant qu’Henri et ses cousins et cousines jouaient au trampoline derrière la maison, elle l’aurait bien contraint, sous peine de divorce, à boire une deux ou trois rasades de rhum, puis à se mettre entièrement nu et à se masturber devant tout le monde, debout sur la table, en entonnant une chanson salace. Elle l’aurait peut-être accompagné en agissant de même, quitte à déclencher le scandale. Pourquoi ne pas revêtir un gode-ceinture et traiter Pascal comme un giton servile, en l’attrapant par les cheveux tout en lui pilonnant l’orifice arrière, sous le regard horrifié de toute la famille ? Malgré son allure de petite fille sage, elle a le goût inné de la provocation. Avec un peu de chance, d’autres les auraient peut-être imités, point de départ d’une orgie. Cependant, parce que sa mère était présente, Candice n’a pas osé, et n’a vécu cette scène indécente que sous forme d’un rêve éveillé, tandis que Pascal la berçait de détails robotiques qu’elle n’écoutait pas. Sous ses jambes croisées, les cuisses serrées, elle sentait sa culotte s’humidifier.


Alors l’épouse contrite s’est décalée d’une chaise et a jeté son dévolu sur son neveu Arthur dont elle est également la marraine. Arthur, un grand dadais boutonneux dont un fin duvet de barbe au menton soulignait l’immaturité, était autant fasciné par les personnes de sexe féminin que timide et maladroit avec elles. Il restait désespérément puceau, malgré ses efforts. D’un regard, elle lui a fait comprendre qu’il fallait qu’il ouvre sa braguette et libère l’oiseau trop longtemps enfermé. Lui n’a pas fait la fine bouche devant la surprise du cadeau royal d’une femme libre qui lui massait la virilité avec ses pieds ! Il croyait rêver. Pendant ce temps, elle lui racontait l’interminable agonie de l’aïeule qui venait de décéder presque centenaire, ce qu’elle évoquait dans des termes à faire se dresser les cheveux sur la tête. Le jeune homme ne savait que répondre pendant qu’il éjaculait des cataractes de semence sur les petons charnus aux ongles peints d’écarlate. Candice donnait le change en parlant de viscères malades et de morphine inefficace. Tout tremblant de joie, il savait juste qu’il pouvait trépasser après un orgasme si puissant, que demeurer impassible constituait un défi.


Elle a toujours trouvé qu’évoquer la mort, la sienne ou celle de proches, lui procurait une inexplicable excitation sexuelle, parfois jusqu’à la jouissance sans même se toucher. Depuis ce jour, chaque vendredi, sur le temps de midi, elle a initié le jeune Arthur aux délices de la fornication dans une chambre d’hôtel, en lui apprenant pas à pas le massage sensuel et le cunnilingus, l’exploration par les doigts et la langue des cavités intimes, et bien sûr toutes les positions, afin de le transformer en un amant convenable, et avant tout qu’il ait confiance en ses capacités de séduction. Elle lui a offert une prostituée aussi belle que coûteuse, à consommer devant elle dans les règles de l’art. Puis il n’a pas tardé à se trouver une petite amie de son âge : la formation était terminée.


Candice regarde le ciel s’obscurcir. Parfois, elle se dit que ce bonheur est artificiel. Cette idée lui trotte dans la tête depuis qu’ils sont rentrés de vacances aux îles Maldives, l’année dernière. Trop d’argent, trop de travail, de soucis, de conventions à respecter, de gaspillage, trop de tout, sauf de profondeur. On n’appartient pas impunément à une famille Husqvarna. Il faut accepter d’en payer le prix. Il lui semble que sa vie prend parfois le goût de ce qu’il reste au fond d’un barbecue entre amis, une fois la côte de bœuf dévorée : la cendre. Elle considère le ciel d’orage et ne s’étonnerait pas d’y trouver un tsunami, même à trois cents kilomètres de la mer, ou bien un champignon atomique, ou toute autre apocalypse qui redistribuerait totalement les cartes. La civilisation doit s’écrouler, la farce prendre fin, les masques tomber, le rêve s’achever – elle ne sait plus très bien si c’est un cauchemar. Elle troquerait bien cette vie contre une évasion au bout du monde, pour assouvir ses deux fantasmes : l’érotisme et la mort, comme travailleuse du sexe ou thanatopractrice, actrice porno ou fossoyeuse, tueuse à gages prostituée, nécromancienne et nécrophile : tout cela simultanément.


Elle entre dans la fraîcheur de la maison et en sort cinq minutes plus tard, vêtue d’un bikini rouge vif, armée de deux verres, d’un seau de glace pilée et d’une bouteille de cognac de dix-huit ans d’âge. Son regard croise celui de Joan. Celui-ci, elle le sait, a éprouvé autant de misère qu’elle a connu le velours d’une famille bourgeoise. Elle verse l’eau-de-vie ; ils trinquent. Elle se sert à nouveau. Le paysage tourne autour d’elle. Elle s’en fout, boit au goulot, vide le flacon. Comme souvent lorsqu’elle est ivre, un désir sexuel impérieux lui brûle le bas-ventre. La maison, la piscine, les nuages accélèrent leur ronde. L’un d’eux, remarque-t-elle, possède une forme phallique qui aurait bien sa place entre ses cuisses. Tout le jour, elle a songé à Joan. Elle a pensé qu’elle a trente ans, qu’il en a douze de moins et qu’il n’est pas tout à fait innocent, mais presque, qu’il n’est pas abîmé par la cupidité du monde des affaires, pas encore.


Tout le jour, pendant que les réunions s’enchaînaient, ses fantasmes ont tourné à pleins tubes autour de Joan qu’elle avait surpris au petit matin, en pyjama, en train d’uriner dans le jardin, debout devant un saule, se croyant à l’abri des regards. Elle s’est éblouie d’un sexe de jeune faune, long, violacé, palpitant, le gland bien fendu ; et pourtant, il ne bandait pas vraiment, ou juste mollement, d’un reste d’érection matinale, d’un reliquat de rêve érotique à peine évaporé où la maîtresse de maison tenait peut-être un rôle actif.


Cette image gravée dans la tête, elle a envisagé de se rendre aux toilettes afin de se masturber, avec le petit vibromasseur qu’elle garde toujours dans son sac à main, malgré le manque de confort pour le plaisir solitaire de ces lieux d’aisance féminine. En début d’après-midi, au retour du restaurant d’entreprise, elle a croisé le regard du technicien informatique venu dépanner son ordinateur, un garçon fraîchement embauché, beau, sympathique, souriant, propre sur lui, mais pas coincé du tout. Ils sont allés forniquer dans un local technique, en hâte, d’une sodomie sans préliminaires ni lubrification artificielle, culotte baissée, jupe levée, braguette ouverte. Le couple se trouvait presque dans l’obscurité pour ne pas attirer l’attention, copulant seulement à la lueur des diodes électroluminescentes des éléments actifs du réseau, lampions multicolores d’une étrange danse sexuelle, comme un chenillard de fête foraine clignotant au rythme des coups de reins du jeune homme, un ballet de zéros et de uns, en cadence, et tout s’est affolé, comme en une tempête de broadcasts, a-t-il pensé en déchargeant, mais c’était plutôt un ouragan charnel. Jusque-là puceau, lui aussi, il a éjaculé à grands flots dans la gaine rectale ; elle a joui aussitôt, debout, penchée en avant, agrippée sur les poignées métalliques d’un châssis, en laissant s’échapper un râle étouffé du fond de sa gorge. Le foutre lui dégoulinait sur les cuisses, le long de ses bas. Elle a aimé cette abondance, elle en voulait encore plus, elle a ordonné, il s’est exécuté comme un soldat zélé, second service Madame, il n’en pouvait plus, alors elle a remonté sa culotte et elle est sortie du minuscule lupanar avec précautions, car il ne fallait surtout pas qu’on les voie ensemble. Elle s’est rendue aux toilettes afin de rajuster sa tenue, et aussi se procurer un autre orgasme, avec son inséparable sextoy, avant de se diriger vers la salle de réunions, fraîche et sérieuse, les chiffres de sa présentation financière bien en tête.


Maintenant, Candice veut soumettre Joan à son désir féminin, puisque c’est lui a qui a allumé le feu, même involontairement. Qu’importe qu’il n’ait pas envie de s’occuper de son fils. Elle aime les rêveurs et les paresseux, et elle est prête à le payer à ne rien faire, hormis une chose pour laquelle l’outillage se trouve à l’intérieur de son slip de bain. Elle y glisse ses orteils afin d’en extraire le bel organe mâle qui l’a tant troublée au matin. Joan ne résiste pas. Dans sa manière à lui de vivre la sensualité, il veut bien se donner, à condition que ce soit sans effort. Il retire son maillot et lui murmure en catalan des mots qu’elle ne comprend pas. Ce sont les mots de la luxure, de la joie d’étreindre une femme au sommet de sa beauté. Comme un fruit tout juste mûr sur la branche, il se donne avec nonchalance, puisqu’elle le lui demande et qu’il est dans sa nature d’offrir sa beauté fragile de statue antique aux femmes qui le veulent.


Le transat se change en autel de temple inca, le temps d’une relation intime. Candice reste bouche bée devant la grâce de l’éphèbe qui se laisse immoler aux dieux avides de son désir féminin. Toutes les promesses qu’elle n’a qu’entraperçues au matin sont tenues. Puis elle reprend ses esprits, s’avise qu’ils ne disposent que de peu de temps, attrape son téléphone portable et commande à la tondeuse de se positionner au milieu de l’allée. Ainsi Pascal, lorsqu’il rentrera de son travail, sera obligé de descendre de voiture afin de ne pas écraser l’engin, et il pestera bien-sûr, une bordée de jurons qui évitera aux amants de se laisser surprendre en plein ébat. Naïade expérimentée, elle aimerait mieux se cacher au fond de la piscine pour pratiquer l’adultère en apnée, mais Joan ne sait pas nager, dommage.


Elle dégrafe le haut de son maillot et se libère les seins, avant de se caresser elle-même les aréoles brunes et de se pincer les tétons, ce qui lui procure un soupir de volupté. Normalement, les messieurs finissent de devenir fous à ce moment-là. Ouf, ça marche. Elle se contente d’écarter le tissu du bas de son maillot pour s’empaler sur Joan, toujours alangui dans son fauteuil. Le transat proteste de tous ses montants en bois lorsque Candice tortille sa croupe, chaloupe ses hanches, se décule et s’encule à nouveau, active son sphincter et toutes les ressources de son périnée pour aspirer le vit et le masser de l’intérieur, les mamelons lourds offerts aux doigts gourmands du jeune homme qui les pétrissent sans ménagement comme des pains à enfourner dans sa bouche affamée. Le fourreau anal est toujours farci de la semence de son technicien de l’après-midi. Elle sait que les mâles raffolent de s’introduire dans un orifice où d’autres sont passés avant eux, d’en percevoir l’humidité, afin d’y ajouter leur contribution liquide. Ici encore, cela fonctionne. Joan est subjugué. Il sent ses testicules se contracter. Quand elle perçoit qu’il est sur le point de venir, elle ralentit son mouvement pour prolonger l’action. Bien que beaucoup moins ingénu qu’elle le croit, il n’a jamais connu de partenaire aussi avide que Candice.


Tout s’assombrit. L’orage annoncé éclate enfin. Des trombes d’eau s’abattent sur le couple. À l’intérieur de la maison, le petit Henri pleure, parce qu’il a peur du tonnerre et que personne n’est là pour le rassurer. Cependant, les deux amants, absorbés par leur union de chair, n’entendent rien de ce qu’il se déroule autour d’eux. Ils trouvent même agréable la caresse de pluie dense sur leurs peaux dénudées, après la chaleur du jour. Au moment où Joan s’épanche, Pascal arrive enfin, à toute vitesse ; il est déjà tard et il a hâte de retrouver les bras de Candice. Il ne voit pas la précieuse tondeuse Husqvarna, miraculeusement épargnée, passer entre les roues hautement suspendues du véhicule tout-terrain. À travers le pare-brise que les essuie-glaces tentent désespérément de rendre transparent, le mari distingue l’étreinte du baby-sitter avec sa femme, l’expression de l’orgasme sur le visage féminin, ce qui l’énerve, déjà que sa journée de travail a été pénible ; il va exiger des explications, des excuses, voire une repentance… son orgueil est bafoué, il veut la voir contrite… mais comme il ne veut pas sortir sous ce rideau de pluie, il manœuvre dans l’allée pour rentrer sa voiture dans le garage. Rageusement, moteur emballé, il engage la marche arrière. C’est d’ailleurs en reculant que les roues réduisent la précieuse tondeuse en une bouillie de plastique et de métal tordu.

Les vitres closes ne lui permettent pas d’entendre le rire de Candice.


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(1) Pour les amateurs de cinéma, c’est l’occasion d’imaginer un effet stroboscopique sur une roue de la voiture.

(2) Bande son en mode sourdine : Vénus sortie des eaux…