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n° 19172Fiche technique90211 caractères90211
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02/09/19
corrigé 05/06/21
Résumé:  Raïssa a tellement bien infiltré la structure sur laquelle j'enquête qu'elle est devenue agent double. Et comme dans n'importe quelle histoire d'espionnage, il y a un retournement de situation.
Critères:  fh ffh hplusag nympho hotel amour contrainte trans fellation anulingus hdanus policier
Auteur : Samir Erwan            Envoi mini-message

Série : "1000fleurs"

Chapitre 02 / 04
Un miel de mille fleurs - Deuxième partie

Précédemment :

J’enquête sur la structure criminelle de Jacob. J’ai utilisé une technique digne de l’espionnage, le honey trap, le pot de miel : j’ai recruté une belle jeune femme, Raïssa et l’ai envoyée dans le lit de ma cible. Elle récolte des informations importantes et je la désire…






– 12 –


C’est dans une ambiance électrisée que je suis retrouvé quelques jours plus tard. Un bar underground, sombre, avec des murs et des colonnes en bois rouge. La musique était forte, des lumières rouges et bleues parcouraient les murs, l’alcool en pinte coulait à flots, le public était jeune et lâchait son fou en soir de semaine. Les discussions tournaient sur la révolution, le marxisme, le commandant Marcos du Chiapas et encore. Les jeunes ne fomentaient pas de complots, mais soliloquaient sur la manière de renverser le pouvoir, de rendre la société plus juste. L’un d’entre eux a raconté des faits d’armes lors d’une manifestation, comment il avait relancé la grenade aux flics, comment ils s’étaient taillés en vitesse, comment la balle en plastique pouvait faire mal sur la fesse.


Mon Service faisait partie de ce maintien de l’ordre, mais qu’est-ce que je fous ici ? Et alors que je me posais la question, un jeune homme a surgi devant moi, et m’a pointé du menton.



Jeune, la vingtaine, cheveux mi-longs, barbe de trois jours, des yeux sombres et intelligents, habillé en subversif, une bière à la main, quelque peu agressif :



Il a acquiescé en silence et en prenant une gorgée. Très bien, c’était celui que j’attendais dans ce cloaque d’universitaires survoltés. En effet, j’avais peu de contact avec Raïssa. La « boîte aux lettres » morte restait désespérément vide et j’attendais comme un con au bar de la tour Elizabeth les allers-retours de mon agente. Mais le rituel du messager qui lui donne une clé pour qu’elle rejoigne son sugar daddy n’existait plus, Jacob avait accepté Jamila dans son cercle rapproché, et je ne pouvais plus la rencontrer. Ni presque lui parler.


La femme en mini-jupe, aux cheveux noirs aux reflets rouges, qui s’occupait du son des spectacles, tentait régulièrement d’engager une conversation, mais j’étais distrait. Il m’aurait fait plaisir de discuter avec Charlène – j’ai appris son prénom quand même –, mais je pistais Jamila marchant au bras de Jacob. Ils embarquaient dans le 4x4 et mangeaient dans divers restaurants avant de revenir à la tour.


Alors que Charlène me parlait d’un groupe de musique rockabilly, Jamila s’est installée où elle en avait l’habitude, il y a plus d’un mois. Je me suis excusé auprès de ma nouvelle amie et me suis précipité près de mon agente. Le barman lui disait que ça faisait longtemps qu’elle n’était pas venue, Jamila a commandé son mojito en s’excusant. Une fois le barman dragueur parti, nos yeux en coin se sont croisés, à Raïssa et moi :



Elle a hoché la tête en fouillant dans son sac. Elle a sorti un bout de papier et son fard à joues, contenant le micro me permettant d’accéder à sa plus grande intimité. Sur le papier, le numéro de téléphone du contact. Puis, elle a tapoté du bout des doigts le fard à joues en me dévisageant :



Son regard marron s’est fait plus attentionné, j’étais en train de parler à Raïssa, et non à Jamila.



Toutes les scènes de baises et de décadence me sont revenues en tête, mon agente la bouche pleine, la salive sur le menton, ou bien attachée, sodomisée, en train de crier, de jouir, de…



Elle a bu son verre d’une traite et est partie, et je n’ai pu m’empêcher de regarder onduler son corps, tel le serpent perse qui danse, beau d’abandon, au son de la clarinette. Charlène avait remarqué notre discussion, je l’ai saluée de loin, et me suis réfugié dans mon repaire.


J’ai donc contacté Éric, le coloc de Raïssa, qui m’a donné rendez-vous dans bar empli de contestataires anticapitalistes.



Il a dit ça d’une phrase, rapidement, j’ai perçu une forme de désespoir en lui, il ne me regardait plus dans les yeux, il s’inquiétait vraiment pour sa coloc.



Du désespoir, il a déversé sa rage et a fini sa bière d’une goulée.



Il a réfléchi. De la même manière que Raïssa au début de notre action, avec intelligence. Ils devaient bien s’entendre, tous les deux. Il est revenu vers moi :



Nous avons donc déambulé dans les rues de la ville, sous un ciel d’été étoilé. Je mesurais mes mots, je ponctuais mes phrases, je lui ai parlé de Jacob, de Ethan, des bombes en Syrie et en Libye. Il semblait fier de son amie :



Je l’ai informé qu’elle s’était infiltrée chez eux, je ne lui ai pas raconté comment. Je ne pouvais pas l’aborder aisément. Il me fallait un intermédiaire… Éric a renchéri :



Mon corps s’est crispé en l’écoutant. Elle se donnait pour que j’obtienne des résultats ! et « des fois », elle en pleurait…



Je ne savais pas où nous menait cette discussion, et si j’aurais besoin seulement de son local, mais je préférais mieux con naître mes futurs acolytes. Éric hésitait à me répondre, mais a dit, souriant :



J’ignorais si l’occasion viendrait de l’utiliser, mais on ne savait jamais. Éric a acquiescé de manière solennelle lorsque nous nous sommes serrés la main. Sans aucuns frais, je venais de recruter un nouveau membre dans le réseau « 1000fleurs ».




– 13 –


Les semaines qui ont suivi ont été riches en informations. Et les scènes torrides de nuits se sont espacées. Certes, Jacob enfilait encore Jamila, souvent avec des contraintes, mais ces baises semblaient plus sensuelles. Moins expéditives. Mais un couteau me traversait régulièrement le cœur, encore.


L’avantage de cette attente, de ce mal, de cette infiltration, c’est que Jacob baissait ses barrières, il se confiait à Jamila comme je l’espérais. Elle était devenue sa « régulière », elle dormait à la tour Elizabeth, avec lui, il ronflait, elle se douchait. Mais après l’amour, il lui racontait son passé, son ambition. À petite dose toujours, mais assez pour que j’aie un aperçu de plus en plus grand de son organisation. Ainsi, le siège social, bien qu’il soit basé à Panama – ça ne surprend plus personne – ses bureaux non officiels semblaient être dans l’État du Delaware, aux États-Unis. Nous approchions du but, pourrions mettre la main sur eux et démanteler l’organisation de cette pyramide trempant dans la drogue, les armes, les cibles terroristes, le bombardement de civils…


J’ai continué à les suivre. Jacob et Jamila se baladaient ensemble, de déjeuner d’affaires en soupers d’affaires. Jamila toujours superbe, en robe scintillante ou fuseau, en tenue sophistiquée ou dévoilant son corps à moitié. Jamila quittait Jacob et Mark pour aller se changer à son appartement, le sbire l’escortant à l’occasion. Le fard à joues toujours dans son sac – même si Jamila changeait de sac à main en fonction de sa tenue – j’ai pu entendre le bras droit de Jacob lui intimer de tourner à gauche, alors que tous deux se dirigeaient vers le 4x4 dans le parking souterrain. Il l’a acculée dans un coin et je l’ai entendu dire :



Et il a baissé la fermeture éclair de son pantalon. Jamila a soupiré et a répliqué d’une voix ferme :



Le bras droit a suivi mon agente, penaud :



À l’appartement, Jamila se transformait pour quelques minutes en Raïssa, prenait de longues douches, laissait des messages à Éric sous les coussins du sofa comme nous avions convenu, et repartait jouer sa double vie. Éric était rarement à l’appartement l’après-midi, lorsqu’elle avait ses moments de répit. Peut-être était-il à ce « local à l’abri des regards » qu’il me disait utiliser lorsque lui et ses camarades anarchistes fuyaient la police ? Cependant, il me téléphonait plus tard pour me dire qu’il avait reçu un message, le déposait dans la « boîte aux lettres » morte. Lui et moi, nous nous voyions que très rarement. Écoutant la relation entre Jacob et Jamila grâce au micro, puis ayant plus de contenus par l’intermédiaire d’Éric, j’ai pu apprendre que le deal avec The Wanderers était conclu, et que Jacob cherchait des modérateurs pour sécuriser les transactions.


Ils sont retournés au restaurant italien l’Aperitivo rencontrer don Baldo, le chef actuel de la pègre dans la ville. Jacob, Mark, Jamila, don Baldo et son chiourme à lui. Un repas de fin de soirée tous les cinq ensemble, pour sceller les négociations déjà entamées durant tous ces déjeuners ou soupers d’affaires. Formalités, amabilités, les deux Italiens ont accueilli mon agente, telle la princesse qu’elle était, ils lui ont tiré la chaise, Jamila s’est assise en lissant sa robe. Je m’étais vêtu d’un beau costard emprunté au Service, et mangeait seul dans un coin quand ils sont arrivés. Les informations transmises par Éric, notre coursier, me donnaient quelquefois deux coups d’avance !


Jamila était délicate dans sa robe claire, mettant en valeur son teint sombre. Délicate, et hyper sexy : robe d’une pièce, son bas était moulant et court, avec une ceinture assortie de trois anneaux. Son haut lui couvrait cette fois-ci les épaules, et les larges emmanchures lui apportaient une sensualité à fleur de peau. On pouvait discerner ses seins, sans soutien-gorge, si l’on se mettait dans le bon angle. Son ventre plat était dévoilé par une ouverture en forme de goutte, on remarquait son bijou, et ses seins maintenus par un mini zip. Il était difficile de lui résister, Jacob en était fier, et j’ai arrêté de manger, la bouche pendante, lorsque je les ai vus entrer.


Les cinq ont discuté de tout et de rien tout au long du repas. Je n’avais pas mis mon écouteur pour ne pas me faire remarquer, mais tout s’enregistrait à ma planque. Au café et au dessert, don Baldo a donné du poing sur la table. Jacob l’a écouté, compréhensif. À rétorqué des arguments. Ils ont pris des digestifs, ont allumé des cigares ou des cigarettes. Don Baldo écoutait Jacob avec attention. Celui-ci s’est retourné vers Jamila, cette dernière lui a souri. Subrepticement, elle s’est glissée sous la table du restaurant. Les deux portes-flingues des négociateurs se sont regardés, ont tenté de jeter un regard sous la table. Don Baldo s’est raidi, Jacob a continué de parler. Le garde du corps s’est raidi aussi par la suite, Jacob a souri, a continué à enfoncer ses arguments de vente. Mark, le bras droit de Jacob s’est à son tour mieux assis sur sa chaise et a lancé ses yeux au ciel. Don Baldo s’avachissait sur sa chaise, un petit sourire aux lèvres, acquiesçant aux propos de Jacob. Puis il a fermé les yeux, a attendu, Jacob s’est tu, patient. Au tour ensuite de Mark d’étreindre fortement ses couverts avant que son corps ait semblé se relâcher. Puis le dernier Italien s’est penché le buste sur la table, puis s’est redressé, souriant.


Jamila s’est glissée sur sa chaise. À pris une serviette, s’est essuyée les lèvres. Puis sa main droite. Au tour de sa main gauche, elle a regardé Mark qui avait tenté de la prendre dans le parking, a léché la peau entre son pouce et son index avant de terminer avec la serviette déjà souillée.

Don Baldo, vieil homme d’une soixantaine d’années, plutôt rond, a souri à Jamila qui lui retournait un regard taquin, et a dit :



Jacob a souri, s’est adossé, et a commandé une tournée. Jamila était l’arme secrète de Jacob. Alors que le serveur arrivait avec des liqueurs, Jamila a levé son regard vers moi, provocante. Ses compagnons de table trinquaient à cette nouvelle entente, elle braquait son regard marron sur moi, tournant son verre de cognac, soulevant son verre quand il le fallait, soudainement souriante, pour me rejoindre ensuite, lascive, évoquant je ne sais plus quelle scène de baise ni dans quel film hard.




– 14 –


Combien de jours plus tard ? Ou le lendemain ? Ou bien était-ce avant ? Il faudrait que je consulte mes notes et réécoute les enregistrements, mais l’enquête sur l’organisation de Jacob et d’Ethan s’est rapidement tendue. Lors d’une conversation enregistrée entre Jamila et Jacob en début de soirée, je me suis mis à transpirer : ma couverture de simple habitué au bar Elizabeth, car j’y louais un studio, était fragile !


Car j’ai entendu Jacob demander à sa maîtresse si elle m’avait déjà vu. En anglais toujours :



Jamila a répliqué que non, elle n’avait rien remarqué de spécial, pourquoi ?



Puis le lendemain en matinée, je me suis fait accoster par Mark, le sbire de Jacob. Il attendait à l’entrée de la tour, et n’a pas voulu me laisser entrer. Son visage fermé, des yeux mi-clos :



Je lui ai donné mon nom avec lequel je m’étais enregistré au Airbnb, tout en rectifiant que je n’avais pas publié encore :



Le porte-flingue de Jacob s’est écarté et m’a laissé entrer en me lançant un « À bientôt ! » que je n’ai pas aimé. Rendu à mon repaire, j’ai transféré toutes les données dans un disque dur, en ne laissant rien de compromettant sur l’enquête dans l’ordinateur. J’ai déposé ce disque dans un des coffres-forts qui sont mis à disposition des clients d’Airbnb et malgré tout, je me suis senti traqué. Il fallait que j’en réfère à mon supérieur, monsieur Jonathan, peut-être avais-je été démasqué, il faudrait qu’un autre agent prenne ma place, que je parte loin. Mais on m’a répondu en langage diplomatique que « bien que l’enquête avance et montre des résultats, elle n’était pas prioritaire pour l’instant, d’autres dossiers plus urgents nécessitaient de nombreux agents, bonne chance ». Signé : monsieur Jonathan.


Mon Service et moi communiquions par Internet, par des accès privés, avec des courriels chiffrés. J’ai rétorqué qu’une force d’intervention était-elle possible si le danger devenait trop grand ? Et que le jour où je considère posséder toutes les preuves contre l’organisation d’Ethan et de Jacob, me serait-il possible de compter sur les collègues du Service pour prendre le relais ? Pour une intervention, pour une arrestation ?

On m’a donné rendez-vous dans trois semaines pour considérer les scénarios de conclusions possibles. « Veuillez prendre soin de vous. »


J’étais seul.

Avec Raïssa, qui n’avait jamais été aussi loin. Avec Éric, que je ne côtoyais pas. Et Charlène, au bar, la soundwoman, à qui je ne pouvais rien dire. Mon ordinateur formaté, défragmenté, reboosté, avec de nouveaux chemins pour y cacher mes futurs bits de conversations volées entre mon agente et ma cible, je suis descendu, j’avais besoin de discuter, de ne rien penser, juste passer du temps, loin de mon calvaire d’agent traitant qui passe ses nuits à écouter son fantasme se faire baiser. Je respirais difficilement, transpirais subitement, regardais dans tous les angles possibles, de peur de tomber sur le sbire de Jacob, mais rien.


Ce soir-là, pour la première fois, je n’avais aucune idée de l’endroit où se trouvaient Jamila et Jacob. Jouant dans mon ordinateur à parcelliser les disques durs internes et inventant des cachettes sous des noms saugrenus, j’avais stoppé l’écoute un certain temps. Une fois le PC en nouvel état de marche, le micro était silencieux, hors de portée de mon capteur. Je les avais perdus.


Charlène m’a donc fait plaisir lorsqu’elle m’a fait la bise. Elle m’a accueilli comme un vieil ami. Pourtant, nous avions peu parlé ensemble jusqu’ici, et souriant, je lui en ai fait la remarque :



Elle a rigolé, la main devant la bouche et m’a pris le bras pour m’attirer à elle. Plus petite que moi, menue et fine comme une Thaïe avec de beaux seins mis en valeur dans sa chemisette déboutonnée, Charlène avait un corps chaud. Côte à côte, elle a fait un geste prenant l’ensemble de la salle de spectacle :



Interloqué, un peu perdu par sa connivence rapide, j’ai hésité :



Elle a éclaté de rire, un rire sans retenue, un rire d’aise, rapide, beau et joyeux :



Elle s’est retirée de moi, a mis une main à la hanche, et la tête penchée de côté, ses cheveux tombant sur ses épaules, m’a dit :



À mon tour, j’ai ri d’un rire sans retenue :



Nous avons parlé de tout et de rien, à la manière de ces jeunes branchés et insouciants dans le public. J’ai appris qu’elle dessinait, qu’elle était artiste et qu’être pigiste pour tenir le son lors de spectacles, c’était pour gagner sa vie, et pour rester au fait de la culture musicale :



Elle avait une connaissance fine de la scène culturelle de la ville, des arts de la scène au film en passant par la bande dessinée. Je dénotais une pointe de féminisme dans ses propos, elle politisait le rôle de la femme, a même abordé ce rôle dans les conflits – j’ai pensé à Raïssa à cette évocation, j’ai eu mal, je me suis intéressé à ce que me disait Charlène. Deux ou trois fois, durant la discussion et les verres qui revenaient à table, Charlène s’est relevée pour ajuster le son de la basse, ou pour ajouter une pédale au guitariste. Je l’ai reluqué lorsqu’elle s’est penchée pour dérouler un fil, elle avait un cul d’enfer et Raïssa me revenait en tête. Elle aussi en avait un d’enfer, mais la rage me prenait au corps – ce cul se faisait défoncer par un connard ! Aussi avais-je l’étrange impression de tromper Raïssa, de la laisser tomber.


Le tête-à-tête avec Charlène me faisait du bien, j’avais besoin aussi de me changer les idées, comme elle, de cesser de penser boulot, de cesser de me torturer pour les choix que j’ai faits, d’envoyer une jeune femme plein d’idéaux dans les rets d’un Américain sans scrupule…



Charlène m’a regardé dans les yeux en écrasant son menton dans la paume de sa main :



Nous nous sommes fait la bise comme deux amis, je suis parti et me suis retourné, Charlène me regardait encore lorsque j’ai été réglé la note.




– 15 –


Je me suis surpris à regarder la programmation de spectacle au bar de la tour Elizabeth. Il n’y en avait pas tous les jours, trois ou quatre soirs par semaine, et j’ai noté leurs dates dans mon agenda mental. L’image de Charlène me venait en tête au détour d’un repas, ou à l’écoute d’une conversation enregistrée, ou en scribouillant un rapport à transmettre au Service.


Toutefois, je m’inquiétais. Raïssa était disparue depuis trois jours, Jacob aussi, le sbire aussi. Mais je devais me réguler, me raisonner : tant que la cible de mon enquête ne revenait pas seule, tout semblait sous contrôle. Si Jacob et son sbire revenaient à la tour sans mon agente, il y aurait alerte. Fichu micro-GPS que le Service m’a refourgué ! Un kilomètre de rayon d’action seulement !


Éric m’a appelé :



Je le lui ai interdit et nous nous sommes retrouvés au métro Mont-Royal pour qu’il me la glisse entre les mains alors qu’il montait dans l’escalator, et que moi je descendais. Il ne m’a jamais regardé lors de cet échange, c’était un bon agent, même s’il m’avait laissé entendre qu’il se camouflait en black bloc pour casser du flic.


Habituellement, Raïssa m’écrivait ses rapports à l’ordinateur. Nous n’avions pas convenu d’adresse mail ensemble, alors elle la jouait à l’ancienne, avec des rapports écrits sur support papier, tapés au clavier. C’est de cette manière que j’ai pu apprendre l’adresse exacte du siège social à Panama, des bureaux au Delaware, de quelques associés à Seattle et à Londres. Raïssa m’avait même fait un organigramme de ce qu’elle connaissait de la structure sur Excel. Elle avait tissé des liens, elle avait compris avant moi que la Sierra Leone semblait être une plaque tournante des échanges de devises, que Jacob semblait posséder deux compagnies de transports – aérien et maritime – et que si l’Afghanistan revenait souvent dans les plans de vol en 2008, c’était la Syrie, actuellement, que visitaient les pilotes de la compagnie aérienne de Jacob.


Mais cette fois-ci, pas de rapport tapé sur Word, sans fautes et sans coquille. Une lettre à la main, rédigée au stylo bleu qui m’était adressée :


Cher (elle a écrit mon prénom avec une grande lettre majuscule),


Pas le temps d’écrire à l’ordi, je t’envoie donc cette missive dans l’urgence. Je crois que nos plans réussissent au-delà de ce que nous imaginions. De ce que tu espérais… J. me fait confiance. À tel point qu’il me donne des missions (à son tour…). Oui, il m’envoie négocier à sa place, avec certains partenaires, désormais. Je collecte quelques-uns de ses fonds. Je ne vois pas tout de sa stratégie générale, il ne me dit pas tout, mais je semble être une « pièce maîtresse » dans son global…


Nous sommes partis quelques jours aux États-Unis, dans une villa chic, près de Bethany Beach. Voici l’adresse (…) Plusieurs personnes semblaient de passage dans cette villa. Trois latinos – des Mexicains, je crois – et des Américains. La villa ne lui appartenait pas, m’a-t-il dit.


J. et quelques-uns de ses nouveaux collègues ont joué au golf tandis que je me reposais à la plage, ou dans la villa. Le soir, nous avons souvent mangé des crabes bleus dans un restaurant de pirates. J. informait ses collègues américains de ses avancées logistiques du nouveau marché de MTL. Et jamais je n’ai entr’aperçu ou même entendu le nom de E… J. semblait préoccupé.


J’y ai rencontré un dénommé Curtis (pas de nom de famille, mais je l’ai pris en photo à son insu, jointe à cette lettre). Il semble faire partie soit de la CIA, soit d’un autre service d’espionnage américain. Je les ai entendus parler de cibles en Syrie, et de culture de pavot en Afghanistan.


Nous sommes revenus et J. m’a donné une mission. Je suis retournée voir les motards. Cette fois-ci, j’avais du pouvoir. Celui que J. m’avait délégué. Les motards ont rigolé en me voyant, mais j’avais le gros bout du bâton. Soit ils m’obéissaient, soit ils perdaient le marché. Alors je les ai menés par le bout du nez, je les ai fait marcher, à tel point que j’en ai récupéré une part !


Pas plus de temps, désolé, faut que je me douche et me change, j’ai rendez-vous ce soir avec une firme d’avocats.


J’aimerais te parler. Mais la mission est importante. J. est ce que j’exècre le plus ! J’espère qu’avec le temps, tu puisses réussir à le coincer. Je crois ne pas pouvoir supporter encore longtemps la situation. J’ai hâte de te revoir.


Bises partout.

R.


A-t-elle bien écrit : « Bises partout » ? Vient-elle de me révéler l’adresse exacte d’un QG de Jacob au Delaware ? A-t-elle vraiment insinué qu’elle aimerait me parler, et qu’elle a hâte de me voir ? Mène-t-elle par le bout du nez les motards qui l’ont prise ? Jacob lui donne-t-il donc vraiment des missions, et Raïssa fait désormais partie de son réseau ? Elle joue plus qu’un double jeu maintenant ! Ce n’est plus le simple honey trap imaginé ! Et ce Curtis, qui est-il ?


Dans l’ordinateur, s’est enregistré le retour du trio : Jacob, le sbire et la maîtresse. J’ai raté leur arrivée, je ne l’ai su que deux heures plus tard et j’ai été soulagé. Quelques remords de ne pas avoir été en poste, c’était soir de show, et je louchais vers le cul de Charlène qui jouait avec les effets de la console de son pour que les trompettes du groupe de jazz ne déchirent pas nos tympans.


Même si mes fantasmes étaient tournés vers Raïssa, jeune étudiante de vingt-quatre ans qui excellait dans l’art de la soumission pour exacerber la concupiscence d’un certain mâle sous le radar, Charlène prenait vie dans mes rêves agités du petit matin. Le groupe de jazz était à l’affiche trois soirs de suite, c’était un parfait alibi pour m’éloigner de la surveillance possible de Mark et pour me rapprocher d’une acolyte. Charlène et moi discutions de film, de musique, d’élections prochaines, d’art local et de nos vies respectives.



En disant cette dernière phrase avec un sourire irrésistible, elle a parcouru son propre corps pour souligner des courbes parfaites. J’ai répondu par l’incompréhension et l’ignorance et ai rétorqué sa question :



Nous avons changé de sujet, avons évoqué les restaurants que nous aimions fréquenter, des gastronomies du monde les plus appréciées, de ce que nous cuisinions à la maison et les pays où nous avions voyagé – nous en partagions deux et avons fait un parallèle entre nos périples. Je n’ai pas raconté mes expériences d’agent de terrain au Kosovo ni certaines expériences cérébrales dans un train en Italie.

Elle a soudainement levé les yeux et regardé l’entrée du bar avant de souffler :



Je me suis retourné rapidement en questionnant : « Qui ? » et de voir Mark, le malabar, se rendre aux ascenseurs. Il n’a pas vu que je l’ai vu.



Pour de nouveau changer de sujet et pour ne pas s’attarder sur le sbire, elle a voulu connaître le contenu du roman que j’écrivais – j’avais maintenu ma couverture. Je lui en ai fait un synopsis : le narrateur rencontre une amie d’enfance et le désir sexuel les embrase. Ils vivent une relation torride portée sur certaines pratiques scabreuses, mais leurs métiers respectifs les amènent à devenir antagonistes. Charlène est intéressée, le menton dans sa paume, des étoiles dans les yeux aux mentions de « relation torride » et « pratiques scabreuses ». Je ne sais plus pourquoi j’y ai fait allusion…



Charlène s’est précipitée derrière la console, a levé le pouce au leader du groupe sur scène, les lumières se sont tamisées et le phrasé de la trompette s’est envolé en cool jazz. Les balais sur la caisse claire émettaient un son cristallin et un rythme doux prenait le public à agiter tranquillement la tête. Charlène bougeait de son corps menu – mais avec de bons seins ! – en cadence et scrutait l’assistance, assise en majorité, un verre à la main, tendant l’oreille au quartet. Le reste de l’assemblée restait en retrait, debout à l’arrière, ondulant des hanches, se chuchotant à l’oreille.


Tandis que je me perdais dans l’écoute de ce jazz teinté de couleurs, une apparition debout dans la foule m’a pétrifié. Portant de longues bottes de ville recouvrant jusqu’aux genoux un pantalon en cuir noir moulant ses cuisses et ses fesses, un haut blanc sans manche et sans bretelle, laissant ses épaules dénudées, Raïssa a fait vivre ses longs cheveux noirs en tournant la tête et en me jetant un coin d’œil. Un clin d’œil. J’ai eu une boule d’anxiété au fond du sternum, ne savait plus qui ou quoi regarder, Charlène, le band de jazz, ou Raïssa, ou Jamila ? Et où étaient ses complices dans le crime, Mark, Jacob ? Lorsque le public s’est mis à applaudir le groupe, mon agente s’est retournée, a fixé d’un œil jaloux, malsain ou agressif Charlène, occupée à réajuster quelques effets sur la console et s’est dirigée vers moi, d’un pas lent. Elle s’est assise, et avec un petit sourire, a fait glisser un bout de papier vers moi en disant, d’une voix grave :



Raïssa s’est retournée vers la scène, le meuble de la console de son et la présence de Charlène lui cachaient une partie du spectacle. J’ai déplié son petit mot pour y lire :


« Nouvelle mission : il veut que je me rapproche de toi, que je te connaisse… attention : je suis sur écoute. XX »



Quand j’ai relevé la tête, Raïssa me fixait, un œil perçant, les commissures de ses lèvres pointant vers le haut.



Je me suis levé pour commander au bar un verre pour moi et un autre pour ma complice – nous allons être démasqués ! – et en revenant vers la table, Charlène scrutait la chevelure de princesse arabe de mon agente. Ses mots me sont revenus : « Je t’ai remarqué un soir, discuter avec une superbe jeune femme. Une Orientale, qui se met bien en valeur… ? » et moi d’avoir feint l’ignorance… sur ce coup, j’étais bel et bien à découvert, oui. Raïssa m’a remercié d’un sourire destiné à me séduire, elle a bu, ses lèvres humides embrassant la paille. Je suis resté pétrifié. J’ai dit :



Jamila en mission. Déléguée du pouvoir de Jacob. En apprendre plus sur l’entourage… J’aurais fait la même chose à la place de Jacob… J’évitais de regarder en direction de Charlène, mais je voyais bien du coin de l’œil qu’elle tentait de nous épier, mon agente et moi. Raïssa m’a demandé, ingénue :



Charlène l’a-t-elle fait exprès ? Car le joueur de trompette a créé un larsen, et le trombone s’est emballé, le rythme de la musique s’est endiablé en jazz manouche, la musique nous vrillant les oreilles, Raïssa s’est penchée vers moi pour me chuchoter sur la musique, mais en fait elle criait presque :



Raïssa s’est levée, je l’ai suivie, Charlène et moi avons échangé un regard. Triste, un chien battu. Je ne sais si j’ai haussé les épaules. J’ai suivi mon agente qui ondulait des fesses en direction des ascenseurs.




– 16 –


Je suis nu. Elle est habillée. J’ai les yeux clos. Elle, je ne sais pas. J’ai chaud. Elle, c’est sa bouche qui est chaude. Tout mon sang est dirigé en un endroit. Je vais éclater. Je grimace. C’est bon. Elle s’illustre sur mon sexe. Elle gémit lorsqu’elle me prend en entier. J’ouvre les yeux. Raïssa me regarde droit dans les yeux, ses cheveux cascadent par-dessus une partie de son visage, qu’elle est belle…


Nous n’avons pas parlé lorsque nous étions dans l’ascenseur, après avoir quitté le bar de la tour Elizabeth. Raïssa était aussi grande que moi, c’étaient les talons de ses bottes qui lui donnaient de la hauteur. Elle s’est regardée dans le miroir pour arranger ses cheveux, nos yeux se sont croisés, elle s’est retournée pour me mettre une main dans les cheveux, me faisant frissonner, se rapprocher de moi, nos lèvres toutes proches. Sa main a caressé doucement mon entrejambes, griffant mon pantalon, remarquant un début d’érection. Les portes de l’ascenseur se sont ouvertes au quatrième étage, un acteur connu – mais qui est-il donc ? – est entré en s’excusant, nous nous sommes éloignés, les portes se sont refermées et nous avons attendu, tous les trois. Les yeux de Raïssa me cherchaient, elle souriait, d’une manière gamine disant : « On s’est fait surprendre ! » puis enfin, nous sommes sortis elle et moi, après avoir souhaité une bonne soirée à l’acteur de films.


Clé dans la serrure, porte ouverte, Raïssa qui entre, parfum de luxe dans son sillage, porte close, elle et moi dans mon repaire, toussotement de ma part :



Raïssa a parcouru la pièce, s’est arrêtée un instant devant mon studio de petit espion presque démasqué – un ordinateur, des enceintes, un casque, un bloc-notes. Elle a continué son tour du studio Airbnb pour ouvrir en grand les rideaux révélant la ville, la nuit. Raïssa semblait majestueuse dans ce clair-obscur. Elle a pris le bloc-notes sur mon bureau, a gribouillé quelque chose. Elle s’est retournée vers moi, souriante, puis Jamila a parlé :



Elle m’a tendu le papier avant de retourner devant la baie vitrée. J’ai lu son message :


« On n’a pas le choix, micro sur moi ».



Je l’ai regardée, estomaqué, j’aurais voulu lui écrire une lettre d’amour, un poème, mais Jamila s’est avancée vers moi, d’un pas de félin, moue mutine, idée derrière la tête. Elle m’a caressé la joue, puis la nuque, a approché ses lèvres des miennes et, désir latent depuis des semaines, elle a enfoncé sa langue en moi, je m’y suis perdu, ai échappé le bloc-notes. Ses mains sur mes épaules, elle m’a fait pivoter pour que je puisse m’asseoir dans le sofa. Sa main griffant de nouveau mon pantalon, ses dents sur ma lèvre inférieure, ses yeux rivés dans les miens, j’étais sa proie, elle me tenait, je me devais de réagir, nous étions sur écoute, m’avait-elle confié :



Sa langue agile entre le MI et le LA de son prénom d’espionne, j’avais les poumons obstrués, comme si je ne pouvais respirer, ça ne pouvait pas se passer comme ça, notre première fois ne pouvait pas, ne devait pas se passer comme ça, comme si cependant j’avais espéré ce moment depuis toujours, surtout depuis que je repassais certaines bandes-son où Jamila ou Raïssa jouissait sous de puissants coups de boutoir. Elle a déboutonné ma chemise, a caressé mon torse, j’étais en sueur, elle a pincé un de mes mamelons, s’est attaqué à ma ceinture, s’attardant sur la bosse qui s’y formait dessous. Mon pantalon s’est retrouvé sur mes chevilles, elle s’est accroupie, a achevé de me déshabiller, ne me restait plus que mon slip. Son visage devant mon sexe encore caché, elle a joué sur l’élastique, a léché le tissu, m’a demandé de m’asseoir, je me suis exécuté, la tête perdue entre deux mondes.


J’aurais voulu que ce soit Raïssa qui sourie en dévoilant mon sexe, mais Jamila s’est mis à me lécher verticalement, de bas en haut en faisant des petits mouvements de langue sur mon gland puis s’y frotter sa bouche lippue, chaude, mouillée. Elle abandonnait de temps en temps mon pénis pour jouer avec mes testicules, les embrasser, les lécher, les caresser des pouces. Elle variait les mouvements de langue afin de me surprendre à chacune de ses léchouilles et s’arrêtait toujours avant le gland pour créer une frustration et me donner envie de plus, de toujours plus. Vicieuse, elle me fixait en me léchant le gland doucement, elle jouait, s’amusait avec moi, réalisait mon désir le plus cher depuis des semaines, mais pas comme ça ! criais-je à ma raison, pas comme ça, mais je n’y pouvais rien, ne pouvais plus rien. Car elle me suçait le gland, et le recalotait de ses lèvres…



J’ai hoché la tête.



Gêné d’être nu et de voir mon agente jouer le rôle de Jamila avec moi, j’ai souri, hoché la tête, émis un grognement et elle m’a pris en bouche. Elle a commencé à me sucer sans toucher ma queue de ses mains, me caressant plutôt les cuisses, les couilles qu’elle léchait à l’occasion. Elle n’hésitait pas à sortir la langue en fin de mouvement pour me lécher sur toute ma longueur et voilà, je grimaçais, elle m‘aura de toute façon, j’éjaculerai, je n’en peux plus de me retenir !


J’ai les yeux fermés, elle pour l’instant, je ne sais pas et quand je les ouvre, Raïssa me regarde droit dans les yeux, ses cheveux cascadent par-dessus une partie de son visage. Qu’elle est belle ! Elle délaisse mon sexe, penche la tête de côté, je prends une grande respiration, mais perd le souffle quand elle me demande :



Involontairement, j’acquiesce rapidement et sans le vouloir, le stupre agissant à la place de ma raison, je m’avachis plus sur le sofa. Jamila sourit, laisse couler beaucoup de salive dans ses doigts, me caresse les fesses, tourne autour de mon anus, je ferme les yeux encore, une main au front, sa langue parcourant mon périnée pour s’enfoncer ensuite en moi. Elle commence à avoir l’habitude de cette pratique, je m’en veux, mais dresse mes genoux pour la laisser s’amuser, elle me lèche sans oublier ma queue qu’elle masturbe. Je reprends mon souffle, Jamila me reprend en bouche, son doigt est déjà en moi, elle presse quelques secondes vers le bas, puis le haut, puis le bas, par vagues de cinq secondes… J’ouvre les yeux de nouveau, Raïssa m’observe, curieuse, ne touche plus à mon sexe, et il me semble qu’elle me fait un geste de « viens par ici » avec son doigt, en moi, et je sens monter quelque chose, un ruisseau, une rivière, un fleuve, une mer, la houle de l’océan, ça y est ? C’est ça ? Raïssa fait un mouvement de va-et-vient en moi, je souffle, et me redit :



Avec son doigt dans mon cul, j’arrive mon amour, viens ici sur la petite boule qui gonfle en moi, j’arrive ! qui me fait jouir d’une houle intérieure. Viens, nous sommes arrivés. Mon pénis tressaille, j’éjacule en vague, comme un volcan sous-marin, mon sperme coulant lourdement le long de mon urètre. Mon anus a des spasmes, Raïssa laisse son doigt en moi, son visage exhibe une forme de fierté de m’avoir fait jouir de l’intérieur. J’expire la tension vécue depuis des mois, enfin…




– 17 –


J’ai remis mon pantalon et chemise. Jamila, connaissant mon repaire pour être déjà venue sous une autre identité pour un débriefing, s’est dirigée vers le frigo et a trouvé une bouteille de vin blanc. Elle nous a servi et, après avoir entrechoqué nos verres, a rompu le silence :



Elle a repris le bloc-notes et a écrit rapidement quelques mots. Avant qu’elle ait terminé, j’ai demandé :



Elle m’a tendu le bloc-notes :



J’ai lu :


« Vers 20 h, il m’a questionné sur toi. »



J’ai hoché la tête en silence en continuant à jouer le jeu et ai inscrit à mon tour des mots sur le bloc-notes :



« Dsl, je n’ai pas écouté, j’étais en bas »



« je retourne le voir »



Raïssa m’a caressé la joue, m’a regardé avec un vague à l’âme, m’a embrassé, a chuchoté :



J’ai soupiré à son départ. Mon ennemi m’a envoyé mon amour dans mes bras.

Je me suis assis derrière mon ordi, ai repris les pistes d’enregistrement effectué en mon absence d’écoute. Vers 20 h, Charlène et moi, nous draguions au bar. Mais dans l’appartement de Jacob, celui-ci demandait en anglais à Jamila de se rapprocher de moi : « J’ai des soupçons. Nous n’avons trouvé aucune information à son sujet. C’est peut-être rien, mais je préférerais en être certain. Veux-tu bien ? » « Of course, Sir ». J’aurais dû être prêt, à l’écoute.


Retour aux enregistrements présents, Jamila est retournée dans ses appartements. Jacob a ri en la voyant entrer :



J’hésitais entre écouter le traitement que Jacob faisait subir à Jamila ou retourner sur les pistes audio d’il y avait une heure, lorsqu’elle a pris l’initiative de m’offrir cette fellation royale. Curieux, c’est l’option que j’ai choisie. Je l’ai entendu me déshabiller, puis me dire : « Avouez-moi, c’est pour ça que vous m’avez invité ici, non ? » puis la gaule m’est revenue en m’entendant gémir dans sa bouche, je ne savais pas être si expressif en amour. Quand je l’ai entendue me demander : « Voulez-vous un doigt dans votre cul ? » puis percuter que c’était moi le gémisseur, je me suis demandé ce que j’allais faire de cet enregistrement. Toutes pistes audio dans le cadre de l’enquête doivent être envoyées au Service, ce sont des éléments de preuve ! Raïssa avait gardé notre micro commun, tout en ayant celui de Jacob, et j’ai eu la révélation que cette enquête partait en cacahuète. Comment allais-je justifier tout cela à monsieur Jonathan, mon supérieur ?




– 18 –


Le lendemain.



J’ai ouvert la porte en grand et invité mon agente à entrer dans mon repaire d’écrivaillon. Habillée à la Jamila, d’une robe fourreau noire avec un zip aux fesses, laissant paraître son dos et ses clavicules, je me surprenais à ne pas être capable d’envisager la soirée. Jamais dans ma vie je n’avais eu un si beau canon venu avec une idée contrainte – mais si merveilleuse ! – derrière la tête. La robe de soirée mondaine était maintenue par une boucle derrière le cou, et ses seins étaient cachés par deux larges bretelles. Le décolleté était échancré et j’en avais le souffle coupé.


Une fois la porte fermée, Raïssa m’a fait un signe de son index sur son oreille, puis m’a pointé son sac, j’ai hoché la tête, je m’attendais bien qu’elle soit encore sur écoute, aussi avais-je préparé mon bloc-notes et déjà écrit dessus :


« J’ai tout écouté hier soir. J’ai réfléchi à une nouvelle stratégie. »



Elle a pris le stylo et a écrit :


« Moi aussi. Nous avons beaucoup à discuter. »



Tout en disant :



Tandis que j’ouvrais le frigo, débouchais la bouteille, versais le vin dans les coupes, Raïssa était penchée sur mon bureau en train de rédiger une note. Nous avons fait un échange, le verre contre le papier.



« Il souhaite que je continue à vous voir. Que je vous garde à l’œil. C’est bien ! Mais il doit baisser sa garde. »


Nous avons fait tinter nos verres, il était difficile d’avoir deux conversations en même temps :



J’étais intéressé par la suite des deux conversations, parlée et manuscrite, nous devions les faire concorder. Je me suis engaillardi, ai repris le stylo tandis qu’elle disait :



J’ai hésité à lui faire lire ce que je venais d’écrire, mais allez, soyons fous ! Elle a fait de grands yeux en regardant le papier :


« Il n’y a qu’une seule manière de lui montrer… »


Elle a souri, moi aussi, j’abusais peut-être de la situation en rétorquant :



J’avais les poumons emplis d’appréhension, de peur qu’elle reçoive mal le message. Pensive, mais me fixant les yeux, elle a hoché ta tête, murmuré un « très bien », a posé son verre puis a reculé de trois pas. Doucement, elle a détaché la bouche derrière son cou, dévoilant ses seins fermes et lourds. Puis elle a bombé la poitrine pour baisser la fermeture éclair derrière son bassin. La robe est tombée à ses pieds portant toujours ses talons noirs : elle était entièrement nue et alors que je tentais d’enregistrer dans mes rétines tout ce que je voyais, Raïssa une main à la hanche, me souriait, mutine :



En automate, je me suis approché d’elle, elle a tendu ses lèvres, et enfin, nous nous sommes perdus l’un et l’autre, ensemble, nos mains caressant les cheveux, nos langues se sondant. Elle avait la peau si douce que je ne voulais que la choyer, la dorloter. Elle a repris l’initiative en déboutonnant ma chemise, en débouclant mon ceinturon, en enlevant mon pantalon. Elle a léché mon pénis érigé, une fois celui-ci sans slip, nous nous sommes retrouvés au lit comme deux adolescents chevronnés, cajolant chacun des pores de nos peaux. Elle s’est inséré elle-même mon sexe en elle, me chevauchant, mes mains dansaient sur les hanches, ses seins, nous nous embrassions comme si nous avions toujours voulu le faire, comme s’il était écrit qu’un jour, une nuit, nous nous retrouverions soudés par nos bas instincts.


Ce soir-là, ce deuxième soir d’amour, nous avons terminé nos verres, nus tous les deux, avant de recommencer à faire l’amour. Nous découvrions le corps de l’autre et c’est avec plaisir que je me suis laissé pénétrer par un de ses doigts, car elle l’avait demandé si gentiment :



Je n’avais pu dire non, elle m’avait fait tellement jouir la veille que je me suis retrouvé le cul en l’air, la tête dans l’oreiller, léché et possédé par une jeune femme en science po qui, avant de devenir un piège à miel, étudiait la condition de la femme dans les conflits. Peut-être faisait-elle ses travaux pratiques… J’ai murmuré son nom en roulant des R, j’ai reçu une forte claque sur les fesses qui m’a fait m’exclamer. Je me suis retourné pour la regarder, Raïssa souriait, semblait aimer la situation, jouir du contexte.


Ses seins bondissaient chaque fois qu’elle enfonçait ses doigts en moi, ses cheveux noirs virevoltaient et j’ai crié mon allégresse en rajoutant son nom : « Jamila… » Je reprenais mon souffle, elle a laissé ses doigts en moi longtemps, et nous avons changé de position. J’ai éjaculé en elle quelques minutes après, ne pouvant me retenir, elle m’entourait de ses jambes et de ses bras, j’étais pris en elle, sur sa chaleur, sa moiteur, sa douceur. Jamais, au grand jamais, je n’ai connu un tel bonheur entre les jambes de Mélissa…


Allongé au lit, en sueur, soudainement angoissé par cette mission qui partait à vau-l’eau, je me suis mis à raconter ma vie fictive d’ancien prof de littérature qui avait tout plaqué pour se consacrer à l’écriture, un contrat d’une maison d’édition déjà en poche. Sans femme ni enfant, j’avais quitté la région du Fjord pour venir en métropole, rencontrer un monde différent, définir une nouvelle vie… Pendant mon discours destiné aux écoutes de Jacob et de Mark, son sbire, Raïssa parcourait mon corps humide de son souffle, me faisant frissonner et apprécier sa présence. Elle me posait des questions naïves avec la voix de Jamila, mais ses yeux me prouvaient que c’était Raïssa qui écoutait :



Je lui ai donné le nom, ma couverture démontrant, si l’organisation de Jacob enquêtait sur mon identité, que l’histoire racontée était bien réelle.



Je l’ai renseignée aussi, sachant que j’avais tout organisé à ce niveau-là aussi, depuis ma rencontre avec Mark devant la porte d’entrée de la tour Elizabeth. Ma légende était solide. Nous avons terminé la bouteille, Jamila s’est rhabillée, Raïssa m’a embrassé, ses deux mains sur mes joues, un éclair dans les yeux. Bonne nuit.




– 19 –


Quel était le prétexte ? La mission ou l’amour ? Raïssa et moi, je crois, nous faisions croire que c’était la mission. Elle est revenue un troisième soir, puis un quatrième, puis un cinquième. Je lui ai ouvert la porte de ma garçonnière, elle était toujours vêtue en Jamila, en soie, en bijoux, en petite vertu, créature de Jacob, mais une fois la porte refermée, elle se transformait en Raïssa.



Je le savais déjà, j’avais écouté les confirmations de l’université et de la maison d’édition fictive que Mark avait reçues lors de son enquête de vérification. Nous nous sommes sautés dans les bras, heureux que cette épée de Damoclès ne risque plus de me, non, de nous démasquer. Elle ne portait plus de micro, mais Jacob lui avait demandé de me tenir à l’œil : « Just in case. » C’était juste parfait. Et nous ne nous vouvoyons plus.


Nous nous sommes mis à travailler, à faire un résumé de notre quête d’information. Enfin, nous pouvions relier les points, identifier les parties prenantes, étouffant le dossier de preuve avec des détails supplémentaires que Raïssa s’empressait de me raconter. Jamila était une prostituée. Raïssa une agente née, avec une intelligence vive, une intuition alerte, une imagination raffinée.


Une conspiratrice. Elle échafaudait des théories, nous les mettions à l’épreuve des faits : tout s’enchâssait. Ainsi, Jacob finançait les motards du chapitre The Wanderers par l’intermédiaire de la mafia italienne de don Baldo. Yves Trudeau et James Pearce des Wanderers faisaient transiter cocaïne et héroïnes du cartel de Villahermosa, Mexique, en métropole pour faire gonfler le bilan financier de Jacob en intérêt. Avec ces derniers, Jacob faisait-il commerce avec le dénommé Curtis, le gars de la CIA ou d’un autre service ? C’était la zone d’ombre qu’il nous fallait éclairer, car les routes de la drogue du cartel Villahermosa étaient connues, via un collègue, Richard, qui faisait fi des instructions de nos patrons et qui, de loin, collaborait avec moi. « Je ne suis pas ton distinguo, d’accord ? mais si tu as besoin de moi, n’hésite pas. » Je l’ai remercié, car Richard m’a fait parvenir plusieurs documentations.


Le Mexique était approvisionné par les cultures de pavots d’Afghanistan, et la compagnie de transport appartenait à une multitude de sociétés-écrans. Mais Richard m’a instruit que selon les collègues de la lutte antidrogue, avec qui il avait eu quelques contacts ces dernières semaines, toutes ces compagnies pointaient vers la Sierra Leone et le Delaware. Et le QG de Jacob, Raïssa m’en a fourni l’adresse, est à Bethany Beach, the First State, le Delaware. Jamais nous n’avons abordé les pratiques pour obtenir la majorité de ces informations.



Raïssa et moi, fiers tous les deux d’avoir réussi à réaliser un puzzle dont nous ne possédions aucune pièce au départ, nous regardions, toujours avec ces étoiles en nous. Comme dans les films, nos visages se sont rapprochés, nos lèvres se sont frôlées, nous sentions cette tension ambiante, nous voulions l’autre. Nous nous sommes embrassés goulûment, assurément, nous sommes déshabillés en vitesse, avons fait l’amour en vouant un culte au corps de l’autre, écoutant les gémissements de l’un pour que l’autre se mette au diapason. Elle était agile, souple, active.


Si avec Jacob, elle était passive, avec moi elle était audacieuse : quelle était donc sa véritable personnalité ? Celle que j’idolâtrais, que je caressais, que je pénétrais. Je lui ai demandé de m’enculer encore, elle a gloussé. Elle s’est assise sur ma queue, dos à moi, et m’a pénétré de ses doigts en penchant son corps sur mes jambes, sa tête près de mes pieds. J’ai pétri ses fesses qui m’étaient offertes, je l’ai doigtée aussi, entrant et sortant facilement de son anus. Nous avons joui en concert de jazz, nos corps tremblotant.


Combien de fois nos corps se sont-ils donné du bonheur ? Je ne saurais le dire. Après chaque acte, Raïssa semblait ailleurs, au bout de ses rêves, les yeux vagues comme ayant vécu trop de vies. Les jours qui ont suivi ont simplement été merveilleux. J’étais excité à l’idée qu’elle vienne me rejoindre. À l’occasion, le corps de Mélissa du département « Analyse » avec qui j’avais eu une relation de quelques mois me revenait à l’esprit : nous faisions l’amour uniquement en missionnaire, il n’y avait aucune ingénuité, aucune passion. Pourquoi ai-je tant perdu de temps avec cette pimbêche ?


Je faisais mon travail, j’avais envoyé la photo de Curtis qu’elle avait jointe à la lettre manuscrite, chez des collègues du Service qui avaient un programme d’identification et j’attendais leur retour, j’écoutais toujours les discours fats de Jacob, j’apprenais quelques détails supplémentaires et concordants à notre théorie, mais j’avais la tête à la soirée, à son arrivée, à nos baisers.


Tout de même, Jamila aussi bossait dur. Elle continuait de récolter les transactions des motards Pearce et Trudeau, elle accompagnait Jacob dans des dîners d’affaires, ils concluaient différents contrats avec des notaires et des avocats. Jamila suçait des fois l’un, se faisait donner à l’autre, mais puisque je ne les suivais plus, je n’en avais jamais la confirmation, Raïssa et moi n’en discutions jamais, et elle venait me rejoindre dans ma planque. Maintenant que notre focus était sur Curtis, nous oubliions tout, et faisions l’amour. Simplement. Elle en voulait toujours, sollicitait un nouveau coït :



Nous étions heureux de nous retrouver à travers les épreuves. Je lui ai demandé un soir, sa tête aux cheveux fous sur mon épaule, ses seins contre mon torse :



Comme toujours, j’en ai eu le souffle coupé, complètement déboussolé d’avoir une jeune femme vive comme elle dans mon lit de vieil espion. J’avais des pensées paradoxales quant à nos relations : un soir que je prenais Raïssa en levrette, admirant la courbe de ses fesses, de ses hanches, les muscles de son dos et la cascade de ses cheveux, j’ai voulu lui prendre les coudes et la contraindre, la posséder entièrement, lui maintenir ses coudes dans son dos et la faire crier, quitte à l’enculer ensuite. Mais je me suis retenu, j’ai mis ma main dans sa nuque, lui ai donné deux coups plus fort avant de me retirer et de me coucher sur le dos :



Raïssa s’est rapidement retournée pour me sodomiser : « Avec plaisir », m’a-t-elle répondu un air rêveur au visage. Elle s’est masturbée en même temps, nous avons joui. Elle m’a dit, plus tard :



Raïssa a souri, soupiré, nous nous sommes endormis puis elle est repartie. Comme toujours, agente triple en mission.




– 20 –


Après une semaine de relations charnelles dont je chérirai pour toujours les souvenirs, les choses ont rapidement évolué. Sachant que Jacob, Mark et Jamila sont dans leurs suites de la tour Elizabeth, après qu’ils ont mangé dans un restaurant maghrébin, j’ai le casque sur les oreilles et j’écoute leur propos. Jacob parle toujours en anglais, Jamila répond en anglais, mais Mark parle anglais à Jacob et français à Jamila.


Jacob : — Au fait, t’as appris plus de renseignements sur le prof d’université ?

Jamila : — No Sir. Il semble être un homme un peu perdu, qui tente vraiment de devenir écrivain…

Jacob : — Mark, t’as continué les recherches ?

Mark : — Pas plus d’infos non plus, ses références sont bonnes.


Jacob fait un bruit de bouche comme s’il réfléchissait à outrance.


Jacob : — C’est bizarre, mais je n’ai pas confiance. J’ai un pressentiment. On l’a vu se balader près de nous. On l’a vu dans un ou deux restaurants où nous étions. J’aime pas ça. Il nous faudrait une prise sur lui. Juste pour être tranquille.

Mark : — Quand je l’ai accosté, il semblait être un gars perdu, comme a dit Jamila…

Jamila : — Il n’arrête pas de me parler d’écrivains qui ont traversé le temps. Ou de son scénario sans queue ni tête.

Jacob : — Et t’as pu remarquer certains de ses travers ? Pédophilie ? Drogues ?


Un temps de silence.


Jamila : — Non. Pas vraiment.


Un temps de silence.


Jamila : — Il aime que je le doigte…

Mark, en français : — Quoi ?

Jamila : — Oui, que je lui mette un doigt dans le cul.


Un autre temps de silence.


Jacob : — Ça me donne une idée…


Du mouvement à travers la pièce, du papier froissé proche du micro, une enveloppe ouverte ?


Jamila : — C’est pour quoi ça ? C’est beaucoup d’argent…

Jacob : — C’est décidé. Tu vas monter ton propre réseau. Et ma première instruction est d’embaucher la soundwoman qui est au bar, en bas.


Mark semble rigoler sous cape. Plusieurs sons parasites, Jamila met l’enveloppe dans son sac.


Jacob : — … comme ça, on aura une prise sur lui !

Jamila : — Je crois que je vais garder un pourcentage…

Jacob, qui rit de bon cœur : — I really like you. Et j’aimerais que tu les filmes…

Jamila : — Don’t worries, Sir.


J’ai raté un moment important de la discussion. Je repose mon casque et réfléchis. J’ai passé ma soirée, puis ma nuit, à réfléchir. À réécouter l’enregistrement de la dernière discussion. À tenter d’isoler les sons, de jouer avec les aigus ou les graves, pour entendre, ou deviner, ce que disait Jacob lorsque Jamila glissait l’enveloppe dans son sac, où est caché le fard à joues. Mais rien de possible. N’ai pas réussi. Et Raïssa n’est pas venue toquer à ma porte ce soir-là…




– 21 –


Deux jours d’angoisse. De réminiscences de baise avec Raïssa. D’inquiétudes et d’aucun avancement sur l’enquête. Jacob avait parlé de la soudwoman du bar, Mark avait ri sous cape, Charlène m’avait dit que le sbire était un connard, qu’il lui avait fait du rentre-dedans et elle avait renchéri : « Il a tenté de me peloter quand je me suis retrouvée seule aux toilettes, ici ! il est vraiment odieux, et répugnant… » Charlène a été remarquée par Jacob, Mark a été la sonder, et on demande à Jamila de la recruter. J’ai réécouté les bandes tellement de fois sans trouver pourquoi. Pour avoir prise sur lui ? Sur moi ?


Sans passer par le canal officiel du Service, le copain Richard a pu me renseigner sur Curtis : « Un barbouze, qu’on m’a dit. Un véritable. On a passé ta photo sur divers programmes, on a trouvé trois identités. C’est seulement les identités connues par les divers Services intégrés dans un comité, en lien avec Interpol et la Commission du Renseignement de l’OTAN. Combien peut-il en avoir d’autres, des identités, on ne sait pas. Sinon, trois identités possibles : Richard Grant, Javik Dubosc, Karl Montoya. Le même personnage, trempant toujours dans des combines de paramilitaires en Amérique du Sud, en Afrique ou au Moyen-Orient. On sait qu’il a organisé des attentats, toujours au nom de la sacro-sainte américa. Mais intouchable. » On m’a renseigné sur divers éléments connexes. Merci Richard !


Fort de ces lumières, l’angoisse n’a fait qu’empirer. J’avais hâte de partager les fruits de ces investigations avec mon agente, ma dulcinée, celle par qui jamais je n’aurais commencé, mais elle ne me contactait pas. La « boîte aux lettres » morte prévue, vide comme presque toujours. Éric, le coloc de Raïssa qui était supposé être mon canal de communication ? Aux abonnés absents. Deux jours d’angoisse, où je revivais le calvaire initial, lorsque mon agente retrouvait ma cible et se faisait sauter sans classe, alors que mes oreilles protégées d’un casque les l’écoutaient jouir.


Jalousie ? Jalousie pour quoi ? Contre qui ? J’en étais le seul responsable.




– 22 –


Je commandais des sushis au restaurant de la tour Elizabeth à me faire livrer :



Quand on a cogné à la porte. J’ai ouvert. Raïssa, dans sa splendeur, encore une robe à faire craquer tout le monde, blanche cette fois-ci, courte, moulante comme toujours, avec des bretelles ramenant ses seins sans soutifs vers le haut… La gamine était de retour, j’en étais soulagé :



Et une autre beauté est apparue dans le cadre de porte : un petit corps tout menu, habituellement vêtue de jupe en jean, mais cette fois-ci ornée d’une robe à la Jamila, mettant en valeur le teint de peau et la teneur de ses seins, et la longueur de ses jambes ; Charlène !



J’ai commandé plus de sushis à faire livrer, accompagné de saké. Une soirée commençait et je ne savais pas ce qu’elle signifiait. Mais que faisait Charlène avec Raïssa ? « Je suis venue avec une amie… » Elles se connaissaient ? Nous nous sommes assis dans le petit salon devant les fenêtres donnant sur la ville de nuit. Sur la table basse, nos victuailles crues et le saké, cet alcool japonais, doux et moelleux, qui faisait rapidement monter les têtes. Les dames devant moi s’enthousiasmaient par la qualité des poissons, moi j’étais fasciné par leur complicité et leurs jambes croisées. Elles rigolaient en tentant de ne pas renverser la sauce soya, Jamila a plus d’une fois caressé le dos ou les cheveux noir et rouge de Charlène. Elles m’ont raconté s’être rencontrées au bar, en bas, et elles avaient causé. Elles se sont aperçues avoir quelques amis en commun, dont moi. Elles s’étaient invitées, tout simplement.



Tandis qu’elle se dirigeait vers mon bureau d‘espion transformé en bureau d’écrivain, Raïssa a happé mon regard et du bout de son index, a tapoté son oreille : « Micro ! » et j’ai hoché la tête en me mordant l’intérieur des joues : « Message compris ! » J’avais imprimé une ébauche d’histoire, bien mise en évidence sur le bureau, et Charlène l’a remarqué, a caressé le manuscrit du bout des doigts.



C’est bien ça, Charlène se souvenait d’un délire que je lui avais raconté, et que j’avais tenté par la suite de mettre par écrit pour bétonner ma couverture. Jamila a débouché le saké et nous avons bu, assis devant la nuit, mangeant les sushis, discutant des spectacles du bar Elizabeth. Charlène racontait des anecdotes avec certains artistes et Jamila lui caressait les cheveux derrière l’oreille. Je me questionnais, n’en croyais pas mes yeux.


Charlène s’est tournée vers mon agente en double ou triple mission, leurs visages étaient si proches, leurs lèvres s’attiraient et naturellement, elles se sont embrassées devant moi, subjugué par la vitesse de la vie, par la tournure des évènements, par leurs lèvres scellées ensemble, leurs mains parcourant les corps. Charlène a rompu le baiser pour mieux regarder Jamila :



Mon agente a souri, lui a retourné le compliment, j’ai renchéri :



Jamila a éclaté de rire, Charlène s’est levée et est allée chercher le manuscrit sur le bureau et en a lu le titre : « Christine, titre provisoire ». J’ai acquiescé, quelque peu inquiet tandis qu’elle tournait quelques pages pour s’arrêter sur un passage :



Jamila s’est redressée dans son fauteuil pour être plus attentive, et a regardé en ma direction pour me faire un clin d’œil complice, qui était devant moi ? Mon agente ou celle de Jacob ? Et Charlène a amorcé un passage du manuscrit écrit à la hâte :



Charlène a levé les yeux de la copie, estomaquée :



Charlène a tourné d’autres pages, interloquée, et a continué sa lecture rapide :



Jamila semblait excitée, j’étais mal à l’aise, Charlène me regardait, curieuse, et j’ai avoué :



Jamila a pris le manuscrit d’entre les mains de sa nouvelle amie, lui a caressé le bras pour lui chuchoter à l’oreille, assez fort pour que je l’entende :



Charlène a hoché la tête, me fixant toujours et Jamila s’est approchée de moi, chatte en service commandé. Je me suis laissé faire, j’avais une érection depuis que ces deux femmes étaient entrées dans ma vie, dans mon repaire, Jacob nous écoutait, Mark aussi sûrement, ils avaient donc une nouvelle preuve de mon identité factice et Jamila, la pute, suçait déjà mon sexe comme elle l’avait déjà fait si souvent la dernière semaine, et comme elle savait si bien le faire. Mais cette fois-ci, elle a invité sa nouvelle amie à la rejoindre.


C’est donc deux bouches qui voyageaient sur mon membre, Jamila à ma gauche, Charlène à ma droite, toutes les deux à genoux devant moi, jamais je n’aurais cru cela possible. Jamila m’observait réagir quelques fois, Charlène se concentrait les yeux fermés, jouant de sa langue, soupesant mes couilles. Jamila a caressé la soudwoman, celle-ci a ouvert les yeux et a admiré mon agente descendre à mon périnée, commencer à me lécher là où j’aimais l’être. Je crois bien que je gémissais, je ne pouvais faire autrement, la petite Charlène me prenant en bouche complètement, Jamila écartant mes cuisses pour avoir accès à mon petit trou qu’elle avait déjà bien exploré ces derniers temps à coups de doigts et de « viens ici » dans mon fondement. J’accourais toujours.


Charlène a repris son souffle, elle me massait doucement la queue en me regardant, je lui ai souri, incrédule de cette situation, si j’avais su tout cela quand je regardais les spectacles dont elle assurait le son ? Qu’est-ce que j’aurais fait, hein ? Si je l’avais su ? La même chose, c’est-à-dire contempler mon agente en mission se lever, se déshabiller entièrement, sourire devant l’expression béate de Charlène qui l’admirait, puis accueillir le baiser de Jamila, me perdre dans la chaleur de sa bouche, m’égarer dans ses yeux sombres. Mon corps tremblait déjà par cette excitation nouvelle, celle d’avoir deux femmes pour moi. Charlène a murmuré un : « Il fait chaud ! » et a fait tomber sa robe aussi, gardant son slip, mais j’ai eu le temps d’attacher mon regard sur ses seins fermes, avant que Jamila enjambe mon visage, et qu’elle s’assoit sur moi.


La tête coincée entre ses cuisses, ma langue fouillant entre ses lèvres, mes lèvres embrassant tout son sexe, Jamila dansait sur mon visage, et j’ai senti une bouche reprendre mon sexe, puis des doigts graviter autour de mon anus, avec la volonté d’y pénétrer. J’avais les jambes en l’air, mon corps entier n’était plus qu’un sexe, et si la réflexion de me faire baiser par mon agent double m’était passé par la tête, je n’aurais pas si bien dit.


J’ai entendu un : « Vas-y… », je crois que c’est Jamila qui l’a dit, elle se massait le clitoris tout en maintenant ma tête entre ses jambes. Il n’y avait plus de doigts qui me pénétraient, Jamila se masturbait d’une main, une autre empoignait mon sexe, deux autres mains caressaient l’intérieur de mes cuisses. Mais alors, qu’est-ce qui entrait dans mon cul, si aisément, si j’étais capable de compter quatre mains sur mon corps ?


J’étais aveugle, empêtré dans l’antre saharien de mon agente et une colonne chaude, dure, s’insinuait en moi, c’était plus gros qu’un doigt, plus gros que deux doigts, ça prenait son temps, je me contractais, me décontractais et accueillais ce corps ardent, qui coulissait tendrement. Je gémissais dans le sexe de Jamila, lui caressais les hanches avant qu’elle ne se retranche à mes côtés. J’ai repris un souffle d’air, le visage trempé de sa cyprine de dévergondée, elle s’est calée contre mon corps, doucereuse et roucoulante, m’a embrassé et je sentais toujours en moi ce pilier raide, résistant, torride, scabreux.


Charlène m’observait, dressé entre mes jambes, me soutenant sous les genoux, son bassin contre mon cul, elle mouvait vicieusement son membre en moi, ses seins sautillaient à chaque mouvement, son sourire aussi, elle prenait du plaisir à… à… ? À quoi ? Je me suis retourné vers Jamila, elle m’a pris la joue dans sa main, m’a apaisé par ses lèvres puis je me suis senti vide, Charlène s’était retirée de moi. C’est alors que j’ai vu sa bite entre ses jambes, belle, raide, arrogante sur son corps de femme si menue, si fine. J’ai regardé Jamila, cherchais Raïssa, elle m’a souri, extasiée par la situation, radieuse dans son baiser sur mes lèvres.



J’ai embrassé mon agente, ai voulu me perdre dans sa bouche, je me suis retourné sur le ventre et sans un mot, ai montré mes fesses à Charlène, cette soudwoman avec un pénis à la place d’un vagin, une she-male, une chick with dick qui a repris possession de mon fion et j’ai joui à son retour. Jamila me caressait, m’embrassait, restait là avec moi, et je ressentais une extase à me faire baiser de la sorte, avec mon amour qui m’encourageait de son sourire, de ses gloussements, de ses attouchements. J’ai fermé les yeux pour mieux sentir ce pieu en moi, appréhender les mouvements, me délecter de ces sensations torrides, de me sentir meuf avec ces deux mains sur mes hanches, me laissant pervertir, éprouvant cette période de rut, m’exprimant par geignement chaque fois que Charlène s’enfonçait toujours doucement en moi, moi complètement dépravé, passif, soumis à ces deux femmes indécentes, mais habiles, rusées de m’avoir coincé sur le lit de mon Airbnb.


J’ai entendu Jamila chuchoter : « Montre-moi ton sexe… » avant de sentir Charlène se retirer de moi, me laissant vide de toute rigidité. J’ai ouvert les yeux, me suis retourné curieux pour voir le corps de rêve de Charlène derrière moi. Elle tenait sa queue d’une main, se masturbant doucement devant le téléphone que Jamila tenait entre ses doigts, puis ce chibre résistant sur son corps de femme s’est redirigé vers mon cul et m’a pénétré encore. Je n’ai pu me retenir d’émettre un « Oh ! » surpris, pour m‘effondrer, me vautrer, couiner, parce Charlène accélérait la cadence, je me faisais prendre de plus en plus rapidement, je perdais toute notion sinon celle, fugacement, d’entrevoir Jamila filmer nos ébats avec son téléphone, sourire et se masturber en même temps.


J’ai senti les seins de Charlène s’aplatir contre mes omoplates, ses cheveux sont venus me chatouiller la joue, son souffle contre mon oreille, son chuchotement : « Tu as aimé ? », mon acceptation silencieuse, un mouvement de son bassin, un souffle rauque, son chuchotement encore : « J’aurais aimé que ça se passe autrement… » puis elle s’est redressée, maintenant ses mains à plat contre mon dos, et elle a joui, je l’ai entendu jouir, un cri du cœur, un tressaillement en moi, son pénis qui explose et Jamila est revenue m’embrasser, me caresser, effondré que j’étais, épuisé…


Des respirations. Des rires étouffés. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Combien de minutes sont-elles passées ? Charlène n’était plus en moi, elle s’était allongée à mes côtés, et respirait doucement en regardant le plafond. Ses seins bougeaient, sa queue était longue et molle, alanguie sur sa fine cuisse. Je me suis retourné vers elle, elle m’a souri, je l’ai trouvé belle, encore, et je souhaitais des explications, j’allais dire : « Mais qu’est-ce qui vient de se passer ? » quand Raïssa est revenue, toujours nue, et gracieuse, souriante, excitée, avec trois verres et une bouteille, et s’est assise en tailleur sur le lit. Je lui ai pris la bouteille, je nous ai versé du vin. Raïssa avait un sourire inédit sur le visage, une constante excitation, et moi je n’étais qu’un maelstrom d’incompréhension. J’ai enfin posé la question, tandis que Raïssa buvait son verre :



Raïssa m’a souri, m’a touché la joue et m’a répondu, les yeux dans les yeux :



Charlène s’est redressée à son tour dans mon dos, s’est appuyé la tête contre mon épaule, et a pris le verre que lui tendait Raïssa. Avec ces deux femmes sur mon lit, toutes proches, dans une atmosphère suintant la luxure et le stupre, sentant le sexe partout, je me suis dit que cette enquête partait de plus en plus en cacahuète, et que Raïssa me faisait vivre des aventures que je n’aurais jamais imaginées. Nous avait-elle filmés, d’ailleurs ?