n° 19320 | Fiche technique | 39840 caractères | 39840 6682 Temps de lecture estimé : 27 mn |
20/11/19 |
Résumé: Après une enquête approfondie et analyses diverses, il appert que l'auteur ne fait pas usage de substances hallucinogènes. Son cas reste une énigme pour la science. Le comité éditorial. | ||||
Critères: #humour #pastiche #délire #fantastique #merveilleux #sorcellerie #conte fh frousses rousseurs sales amour voir noculotte pénétratio fdanus fsodo jouet | ||||
Auteur : Radagast Envoi mini-message |
Les chevaux galopaient dans un grand bruit de tonnerre, semant la confusion parmi les animaux de la prairie. Proies et prédateurs sans distinction tentaient de s’échapper, en courant, en s’envolant ou en se roulant en boule et priant une quelconque divinité tutélaire de ne pas se faire piétiner par les sabots.
Le hasard ou encore le bon sens des équidés fit qu’il n’y eut point de sang versé ce jour-là.
Les cavaliers s’arrêtèrent en riant près d’un étang, leurs montures assoiffées et essoufflées s’abreuvèrent aussitôt, tandis que les hommes trempaient un mouchoir et se rafraîchissaient le visage en sueur.
Son rire se mua en toux quand il se rendit compte qu’ils ne se trouvaient pas seuls au bord de cet étang. En effet une jeune femme se tenait dans l’eau, immergée jusqu’aux cuisses et serrait contre son sein un agneau. Elle ressemblait ainsi à une apparition, la Divinité de l’Onde ou Mère Nature en personne.
Cette jeune naïade ne portait que ce jeune animal comme vêtement, le museau sur sa voluptueuse poitrine et les pattes arrière sur le ventre. Sa longue chevelure rousse retombait sur ses épaules en cascades soyeuses et encadrait un joli visage pour l’instant terrifié.
De beaux yeux bleus écarquillés, une bouche pulpeuse entrouverte sur un cri de terreur muet, de jolies taches de rousseur paraient la peau livide.
Ce dernier, galant homme, ne tenait point à incommoder la jeune beauté. Le peu qu’il avait vu le mettait dans tous ses états. Il se lissait les moustaches, signe chez lui de grand trouble et prélude à de plaisantes activités. Trouble visible dans la culotte de cavalerie moulante qu’il portait ce jour.
Il se retourna lui aussi, avec un temps de retard, les yeux encore émerveillés par cette apparition divine. Lui aussi avec les prémices d’une réaction masculine tout à fait compréhensible, mais incontrôlable.
Le prince tira de ses fontes une longue pièce d’étoffe blanche et s’avança dans l’onde, ne sachant s’il devait fermer les yeux en s’approchant de la belle pour ne point ajouter à son trouble. Dans le doute il ferma un œil.
Il la revêtit, non sans remarquer le mignon fessier rebondi et une touffe incandescente au sommet de ses cuisses, à peine dissimulée par les pattes du petit animal.
Le prince Domi sourit et s’étonna en écoutant le langage châtié de la jeune beauté – les paysans parlaient souvent avec un accent épais et des idiomes triviaux.
Elle ramassa les hardes humides qui lui tenaient lieu de parure. Elle jetait des regards inquiets vers un manoir à quelque distance de la mare.
Un voile de frayeur passa sur le visage de la jeune femme.
Elle fit une élégante révérence devant le Prince Domi et ses deux amis.
Les trois hommes s’inclinèrent devant elle et lui baisèrent la main de manière très protocolaire, délicates attentions qui la firent rougir de très agréable façon.
Les trois cavaliers remontèrent en selle et regardèrent s’éloigner la jolie rousse enroulée dans l’étoffe blanche, serrant contre son sein ses guenilles et le petit animal bêlant.
**********
La belle Cendrine rentra au manoir la peur au ventre. Elle fut accueillie par dame Marge, sa marâtre.
Elle ne souhaitait pas relater sa rencontre avec de jeunes et charmants nobles et surtout le Prince en personne.
Deux jeunes femmes sensiblement du même âge que Cendrine firent leur entrée. Aussi dissemblables que possible, l’une, petite boulotte affublée d’un seul, épais et sombre sourcil ainsi que d’un nez épaté, les cheveux courts, noirs, gras et coiffés en pétard. Elle arborait une moue dédaigneuse en inspectant la rouquine.
Ses vêtements coûteux faits de velours maronnasse cachaient mal ses formes pendouillasses.
La seconde fille de Marge suivait. Tout à l’opposé de sa sœur, la nouvelle arrivante était une longue chose tout en os, en nez et en dents, aux cheveux longs, blonds filasses, aussi plate qu’une planche à découper.
La mère dédia à ses filles un sourire pincé.
Elles partirent en chantant dans l’escalier « Cendrillon la Cendri-souillon ! »
Ainsi parla Marge, la marâtre de Cendrine.
La malheureuse jeune fille monta dans la pièce qui lui tenait lieu de chambre. Un espace à peine aménagé dans les combles, étouffant l’été, glacial l’hiver, un œil-de-bœuf amenait une chiche lumière ; en guise de meubles, un vieux lit de guingois et une armoire à moitié désarticulée.
Sur une commode branlante, un broc ébréché tenait compagnie à une vasque. Des bouquets de fleurs tentaient d’égayer l’endroit.
La jeune fille se changea, enfila quelques frusques miteuses, mais propres et mit à sécher ses vêtements trempés.
Elle replia soigneusement l’étoffe blanche donnée par le prince, posa sa joue dessus et la rangea dévotement dans l’armoire bancale. Étoffe tissée avec des poils d’asymptote, petit mammifère très rare à la fourrure douce et chaude.
Elle se rendit ensuite en cuisine pour terminer le repas et alluma les différentes cheminées de la demeure.
**********
El Décécé, Souverain du Ponant, Seigneur des terres émergées jusqu’aux confins du grand océan arpentait de long en large la salle du trône, incapable de rester assis ne serait-ce qu’un instant.
Philibert El Décécé, ancien toréro, plus célèbre encore qu’El Cordobaise, avait mis fin à sa carrière tauromachique lorsqu’un émissaire lui annonça qu’il était le seul prétendant à la couronne parce que tous les autres venaient de décéder, suite à une indigestion d’annamites phalloïdes – un redoutable champignon asiatique.
N’écoutant que son honneur, son cœur et l’amour de sa patrie, Philibert – Phiphi pour les intimes – accepta cette charge. Il épousa en grande pompe son amour d’enfance, Laure Topigne et eurent de suite un rejeton, le prince Domi. Phiphi était resté maître dans l’art de planter sa banderille.
Le prince Domi, majorité atteinte, en âge de prendre épouse, ne songeait qu’à galoper par monts et par vaux, semant le désordre et le chaos avec ses deux compères, le Vicomte Patrik, dit le Bel et le Baron Someone, dit le Hardi.
La reine Laure secoua le chef de désespoir.
El Décécé gesticula de plus belle, agitant sa cape comme une muleta au bon vieux temps.
Entra alors dans la salle du trône un personnage haut en couleur. Un short kaki, des socquettes dépareillées, des charentaises, un tee-shirt floqué d’un « Que ceux qui ne savent pas où ils vont ne soient pas surpris d’arriver ailleurs » et un bonnet inca posé sur ses cheveux poivre et sel.
Radagast s’inclina devant les souverains.
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Allongée sur la paillasse qui lui servait de couche, la jolie Cendrine ne dormait point. Elle songeait à sa vie, sa si jeune vie et pourtant si pleine de tourments.
Elle se souvenait de ses premières années, de l’amour de ses parents dans une famille aisée. Puis le malheur qui frappe une première fois.
Alors qu’elle n’avait que cinq ans, elle perdit sa mère. Son père tenta bien dès les premiers temps de s’occuper de son domaine et de sa fille. Mais il perdit vite pied.
Aussi embaucha-t-il une gouvernante. Une certaine Marge, femme sinistre, toute vêtue de sombre, affublée de deux insupportables filles, des pimbêches aussi méchantes que moches.
Au début n’étaient que sourires, aimabletés et caresses. À tel point que le maître du manoir se laissa séduire et épousa en secondes noces la gouvernante.
Or, trois ans après ce mariage, le malheur frappa une seconde fois. Le père de la jolie rousse décéda d’une étrange manière, un cheval un peu trop énervé, un coup de sabot dans le torse et le cavalier envoyé ad patres. De mauvaises langues d’insinuer que si le canasson était excité, c’est qu’une main anonyme avait ajouté un petit quelque chose au picotin.
Aussitôt les obsèques célébrées, la vraie nature de la belle-doche se révéla au grand jour. Du jour au lendemain, on fit déguerpir de sa chambre la pauvre orpheline, on la fourra dans le grenier avec quelques maigres possessions – car les harpies de fillettes lui volèrent ses poupées et ours en peluche.
Des fillettes ? Comment un mâle humain normalement constitué avait pu féconder cette horrible mégère, sèche, revêche, atrabilaire, glaciale, on pouvait se poser la question.
À ces tristes souvenances, Cendrine sentit le chagrin lui étreindre la poitrine, les larmes inonder ses yeux.
Non contentes de la reléguer sous les combles, les rosses la transformèrent en femme ménage, souffre-douleur, cuisinière et bonne à tout faire, devant obéir aux ordres des usurpatrices.
Un léger froufroutement se fit entendre dans la pièce, suivi de pas lourds.
Le grand oiseau revenait de sa tournée nocturne, semant la désolation dans les rangs des souris et des lapins. Il tourna sa large face vers la couche de la jeune fille. Ses immenses yeux orange la fixèrent sans ciller. Ses aigrettes lui donnaient un air de philosophe distingué.
Son ouïe performante percevait les légers sanglots.
L’oiseau déposa près d’elle une fleur d’églantier. Il lui ramenait parfois une souris ou un lapereau, mais Cendrine appréciait peu ces présents alors il se contentait d’une fleur.
Elle avait trouvé Claude alors qu’il n’était qu’un jeune oisillon. Une tempête avait détruit le nid patiemment construit par ses parents, ses frères et sœurs morts, il se retrouvait seul survivant de sa nichée.
Elle se reconnaissait dans ce petit animal, tous deux seuls au monde, orphelins, sans famille, sans amis. Elle l’avait élevé, nourri de scarabées et autres insectes, de lézards et grenouilles. Il devait son nom au fait que petit oisillon, il tenait dans le fourneau d’une pipe.
Maintenant adulte, Claude surveillait sa bienfaitrice et prenait soin d’elle.
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La situation tournait à l’orage, pire, à la tempête dans le palais royal.
Le prince se fit une raison, quand son père avait une idée en tête, il ne l’avait pas ailleurs.
Dès le lendemain, une armée de hérauts sillonnait le royaume, allant de villes en bourgades, de villages en patelins. Criant haut et fort sur les places de marchés ou sur les parvis des églises leur message :
Oyez, oyez ! Notre bon roi et la non moins bandante reine vous annoncent que le dernier dimanche du mois d’octandre sera donné un grand bal au palais. Y sont conviées toutes les jeunes filles de bonne famille, en âge de prendre époux, point trop jeunes, point trop fanées – en gros entre dix-huit et trente ans – revêtues de leurs plus beaux atours et le visage caché derrière un loup. Au terme de cette sauterie, le prince choisira sa promise. Qu’on se le dise !
Pourquoi uniquement les jeunes filles de bonne famille ? Parce qu’on n’allait pas inviter les bergères, ce n’était pas un royaume de contes fées, que diable !
Le message était placardé sur les portes des mairies, des églises et sur les platanes des places des villages les plus reculés. Le bouche-à-oreille, les SMS et autres textos firent le reste. On ne parla plus que de ce bal masqué.
Dans le manoir de Broute-Minette, où habitait une certaine Cendrine, l’excitation était à son comble. Une couturière vint prendre les mesures de Javotte et Anastasie. Nul tissu n’était trop onéreux pour leurs fesses plates ou poitrine dégoulinante.
De l’organdi, de la soie, de la mousseline, du tulle de Hollande, des rubans faits de feuilles d’or, des perles et autres pierreries.
La pauvre Cendrine regardait ses pseudo-sœurs crier, s’esclaffer, se pâmer de joie devant cet étalage de richesses, elle uniquement vêtue de guenilles, elle se disait qu’elle était aussi de bonne famille, fille du maître de maison et qu’elle pouvait prétendre assister à ce bal.
Observant un peu mieux Cendrine, dame Marge eut un doute. Elle traîna la jeune fille dans sa chambre et se mit à la fouiller. Elle ne mit guère de temps à trouver une robe de bal que s’était confectionnée la jeune fille avec des chutes de tissu, des rubans de ceci et des morceaux de cela.
Et les deux horribles mégères de se jeter sur la pauvre robe et la déchirer, la lacérer, en arracher les coutures et les moindres perles.
Elles repartirent en riant, brandissant les morceaux de vêtement comme des étendards.
La malheureuse s’effondra sur son lit et versa toutes les larmes de son petit corps.
Hou Hou hulula Claude qui avait assisté à toute la scène. Il me faut de l’aide, et vite !
Il prit son envol tandis que les trois horribles femmes montaient dans un Uber*.
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Claude revint quelques minutes plus tard, silencieux comme une ombre de fantôme. Il ne revint toutefois point seul, les deux personnages qui l’accompagnaient semblaient tout droit sortis d’un festival de hard rock déjanté.
Elles apparurent dans la pièce dans un éclair de lumière et un petit Plop percutant comme un bouchon de champagne qui saute.
Cendrine sursauta et émit un petit cri de souris apeurée.
Les femmes qui venaient de surgir avaient de quoi surprendre. Une blonde aux cheveux ébouriffés et une brune aux longs cheveux aile de corbeau aux pointes colorées en bleu, vert, rose ou prune qui lui donnaient un air d’aurore boréale.
Toutes deux vêtues de combinaisons qui moulaient à la perfection leurs silhouettes sculpturales, des cuissardes noires aux talons vertigineux gainaient leurs longues jambes jusqu’en haut des cuisses.
Observant les petits nez retroussés, leurs lèvres sensuelles et leurs yeux verts, Cendrine leur trouva un air de famille.
Des bouts de tissu déchirés traînaient par terre, vestiges de la robe de bal.
Devant l’air ahuri de la jeune fille, elles précisèrent :
Les deux fées sortirent d’on ne sait trop où deux énormes godemichés en silicone.
Pour prouver leurs dires, elles agitèrent les olisbos et nettoyèrent la pièce, faisant surgir nombre chandelles et bougies, éclairant la chambre d’une douce lumière dorée, déclamant des formules étranges : luminum, monsieurproprum. Un autre coup de baguette, une autre formule magique et Cendrine se retrouva en petite tenue – àloilpé.
Un mouvement de godemiché magique et la culotte ainsi que le soutien-gorge disparurent.
Tout en discutant toutes les deux, Charlie Six-Sept et Loaou agitaient leurs « baguettes », et faisaient apparaître une sublime parure sur le corps de Cendrine.
Loaou fit surgir un étrange bijou ovoïde, fait de métal doré et doté d’une embase en améthyste.
Sitôt dit, sitôt fait, Charlie Six-Sept prononça la formule « droitôrectum ». Cendrine ouvrit grand les yeux et la bouche sous l’effet de la surprise, émit un petit Oup’s dû à l’étonnement. L’objet insolite venait de s’envoler tout seul sous sa robe et s’emboîta parfaitement dans le troufignon, l’obligeant ainsi à se redresser.
Suivirent le maquillage, la coiffure et quelques discrets bijoux.
Les deux sorcières sortirent, repérèrent dans le potager une énorme cucurbitacée.
WHOUF !
À la place de la citrouille se trouvait une Rolls-Royce Phantom Cabriolet, assortie à la robe de Cendrine.
Hou Hou ! Un Claude tout étonné se transforma en chauffeur stylé, revêtu d’une livrée et d’une casquette d’où émergeaient deux aigrettes.
Charlie Six-Sept et Loaou se frappèrent le poing.
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Le prince Domi se lamentait in petto, Pourquoi ai-je accepté cette stupide idée de bal ? se disait-il en observant l’assemblée devant lui. Plutôt un élevage de pintades, des bouthons comme les nommait Patrik, des boudins de thon !
Il allait devoir faire son choix, la première qu’il inviterait à danser serait l’heureuse élue. Elle serait heureuse, lui beaucoup moins. Toutes les candidates étaient presque entrées, il devait se jeter dans une mer infestée de requins-taureaux, bull-dogs, et même un ou deux mégalodons.
Dans son coin, Radagast refaisait ses calculs.
À peine avait-elle posé sa question qu’un brouhaha retentit à l’entrée, une certaine agitation secouait l’assistance, et le prince la vit.
Une jeune femme aux longs cheveux de feu fendait la foule d’une démarche assurée malgré ses chaussures aux talons aiguilles étourdissants. Sa longue robe verte moulait sa silhouette parfaite. Chaque pas dévoilait jusqu’à l’aine une interminable jambe gainée de soie. Un loup blanc masquait le haut de son visage, le prince semblait hypnotisé par ses splendides yeux bleus et ses lèvres garance au timide sourire.
Domi n’attendit point qu’elle vienne le saluer près du trône, il descendit à sa rencontre, lui saisit la main, déposa un baiser sur les doigts très fins de la jeune beauté. Il remarqua les ongles de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel.
Ils ouvrirent le bal et ne se quittèrent plus de la soirée, les danses succédant aux danses. Valses, cariocas, lambadas, foumoilàs**, slows, rumbas, salsas, tangos… pendant quatre heures, ils dansèrent sans s’arrêter un seul instant. Pour diverses raisons, toute l’assemblée fixait le jeune couple.
Les hommes ne quittaient pas du regard le fessier, les jambes ou le bustier de la belle inconnue, les yeux des femmes lançaient des éclairs, voulaient foudroyer sur place cette intrigante, lui jeter les sorts les plus funestes.
Aucune parole ne fut échangée, tout passait par le regard, les frôlements des corps, une pression sur les doigts. Les yeux du prince disaient Je t’aime, ceux de la belle rousse répondaient Je vous adore.
Les mirettes dans les mirettes, un sourire de plus en plus grand aux lèvres, les deux jeunes gens se tenaient serrés l’un contre l’autre, dansant comme les anges glissent sur les nuages, hors du temps, hors des soucis quotidiens.
Le roi et la reine se réjouissaient de la tournure des évènements. Cette fois c’était La bonne !
Malheureusement les soucis rattrapèrent Cendrine.
Booommm fit la grosse cloche de l’horloge du palais.
Booommm répéta la cloche.
Elle échappa aux mains du Prince qui la poursuivit.
Booommm
Booommm.
Mais elle ne répondit point, continuant sa course éperdue rythmée par les grondements de la cloche.
Domi eut juste le temps de remarquer une flamboyance au sommet de l’entrecuisse tandis que le neuvième coup de bourdon retentissait et que la belle inconnue s’engouffrait dans une Rolls-Royce.
Alors que la voiture démarrait sur les chapeaux de roue, il entendit un tintement métallique et vit miroiter un petit objet à ses pieds. Oblong, d’une dizaine de centimètres de long, une améthyste à la base scintillait de mille feux.
Domi le ramassa, c’était doux et chaud. En le portant à ses narines, il huma une douce odeur de fleurs des champs, le parfum de la belle inconnue.
L’ensemble des invitées au bal se tenaient à quelques distances du prince en larmes, et ne se retenaient guère de sourire. Tout espoir n’était pas perdu !
Le roi, la reine et tout leur entourage tenaient conseil peu de temps après avec des questions bien embarrassantes plein la bouche et la tête.
Un Domi larmoyant et désespéré répondit :
Dame Kyo intervint.
Someone et Patrik se tenaient côte à côte, une main sur le cœur l’autre sur la braguette, le menton fièrement dressé.
C’est ainsi qu’un étrange équipage se mit à arpenter le royaume, à la recherche d’un anus de rêve. Les trois amis, une escouade de la garde personnelle du roi, des scribes et des historiens allaient de ville en ville, de villages en… etc.
Ils transportaient avec eux un coffret en bois bandé dans lequel reposait le précieux objet sur un coussin de velours.
Des hérauts, dépêchés par le roi, les précédaient et annonçaient le message suivant :
Par ordre de Sa Majesté le roi, la population féminine est tenue de se tenir à la disposition de Son Altesse le prince Domi et de ses conseillers le Vicomte Patrik et le Baron Someone. Toute tentative de rébellion ou de fraude sera sévèrement réprimée.
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La troupe allait de déconvenues en déconvenues. Les trois amis, seuls habilités à manipuler le précieux objet se désespéraient.
Les jupes relevées, penchées en avant, le postérieur nu bien en évidence, les jeunes femmes attendaient avec impatience le verdict, souvent les unes aux côtés des autres, en rangs d’oignon et les oignons en rangs.
Soit le pertuis était par trop étroit. Malgré toute la bonne volonté de la candidate à faire pénétrer l’engin, malgré le dépôt de matières lubrifiantes, l’opération se terminait par ces cris :
Pour consoler la malheureuse, Someone ou Patrik lui prouvaient par l’exemple que son troussequin n’était pas si impénétrable que cela. Parce que bien pourvus par dame nature, les deux compères parvenaient toujours à leurs fins, pour le grand plaisir des postulantes.
Les familles n’y voyaient rien à redire, se faire ausculter le troisième œil par un vicomte ou un baron était considéré comme un grand privilège.
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La petite troupe repartait la tête basse, non sans avoir consolé la malheureuse au monocle béant.
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Il replongea vers ce qu’il appelait la Bouche des Enfers quand on entendit distinctement un Prout.
Malgré leur courage légendaire, il n’y eut point de consolation ce soir-là.
Une missive fut expédiée par pigeon au couple royal qui se morfondait en son palais. Le moral du roi et de la reine se trouvait plus bas que leurs chaussettes.
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Dans le manoir de Broute-Minou, la joie et la bonne humeur ne régnaient pas. Marge, Javotte et Anastasie se faisaient la gueule.
Après la tragicomédie du grand bal, la mère organisa une réunion où elle dit ce qu’elle pensait de ses filles qui s’étaient ridiculisées, non sans lancer des piques à la famille royale et au prince.
Mais surtout, question cruciale, qui était cette inconnue, cette pimbêche qui venait piétiner leurs plates-bandes, mais qui, ô joie, disparut aussi soudainement qu’elle était apparue ?
À leur retour du bal, Cendrillon dormait déjà dans sa chambre, mais elles la réveillèrent pour lui narrer la magnificence de la fête et la grande impression qu’elles avaient faite sur le prince. Aucun doute que l’une d’elles serait l’heureuse élue, aussi sûr que la présence incongrue d’une énorme citrouille au milieu de la cour.
Une nouvelle remonta le moral des troupes, le prince sillonnait le royaume et recherchait la mystérieuse danseuse avec un non moins mystérieux objet.
Lorsque le cortège princier arriva, elles étaient prêtes à le recevoir. Elles enfermèrent la Cendri-souillon dans sa chambre, pour qu’elle ne perturbe pas le bon déroulement des opérations.
D’abord Anastasie, la blonde, fut invitée à dévoiler son pétrousquin. Elle minauda quelque peu, mais déjà Patrik et Someone savaient que la recherche serait vaine en observant ses fesses en gouttes d’huile.
Javotte se présenta à son tour. Le gode entra avec facilité, trop de facilité.
Marge fit les gros yeux à sa fille, préparant une engueulade maison. Apprendre ainsi que sa fille se faisait farcir le foufouillon lui trouait le cul !
Le prince était effondré, ils venaient de visiter la dernière maison susceptible de receler la perle rare.
Alors qu’il s’apprêtait à remonter sur son destrier, il reconnut l’étang non loin de là. Il songea à la belle jeune fille à l’agneau, au langage si recherché.
Cachées dans bosquet, Charlie Six-Sept et Loaou surveillaient le déroulement des opérations. Ce qui se tramait leur déplaisait énormément. Un coup de « baguette » magique et le tissu en poil d’asymptote s’envola et retomba sur la tête de Domi.
À cet instant, Claude sortit de la mansarde, survola le groupe, vola le béret du prince et retourna se percher sur le rebord de la toiture.
Ils défoncèrent une énième porte et dans une énième pièce trouvèrent la jeune fille à l’agneau, séquestrée, vêtue de guenilles et chiffons.
Rougissante, Cendrine se pencha en avant, ses frusques en charpie tombèrent à terre, elle se retrouvait nue comme lors de leur première rencontre.
Domi sortit le saint objet de son coffret, l’introduisit dans le puits sans fond sans rencontrer de difficulté.
Sitôt l’objet mis en place, un tintement cristallin retentit tandis que l’améthyste s’éclairait, illuminant la pièce d’une douce et scintillante lumière violette.
À l’extérieur Charlie Six-Sept et Loaou s’époumonaient, entonnant un chant d’allégresse : Alléluia au plus profond des fions !
Soméone et Patrik, s’impatientaient.
Le prince souleva entre ses bras puissants la future princesse, la recouvrit du voile en asymptote*** et l’installa tout contre lui sur son valeureux destrier.
Que se passa-t-il sur la selle ? Nul ne le sait, mais la belle Cendrine rougit en prenant place devant son futur époux, elle poussa un petit cri de surprise, puis un autre de satisfaction.
Gémissements de satisfaction qu’elle réitéra durant tout le trajet qui dura plusieurs heures. Béni soit le trot du pur-sang.
Le mariage fut célébré dans la foulée, ils vécurent heureux très longtemps, eurent un fils qu’ils prénommèrent Dupon. Les prédictions de Radagast furent prises en défaut, mais personne ne lui en tint rigueur. En effet, le dépucelage et l’ensemencement de Foufoune précédèrent le mariage.
Ils n’eurent aucun mal à faire garder le marmot par des grands-parents gâteaux gâteux, un hibou grand-duc très sage et deux baby-sitters sorcières excentriques.
La mode aussi changea à la cour, passant de la motte épilée au minou angora, comme celui de la princesse.
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*Uber : Ancien terme pour désigner un fiacre.
**Foumoila : danse provençale aux célèbres paroles « foumoila par-ci, foumoila par-là ».
***Une veste en poils d’asymptote est aussi nommée une chaude pelisse.
Je remercie Mesdames Charlie Six-Sept, Kyo, Loaou, Laure Topigne ainsi que messieurs Domi Dupon, Patrik, Someone, Ldcc, Radagast, Asymptote et Claude Pessac pour leur confiance et leur aimable collaboration.
Remerciements à messieurs Jules-Édouard Moustic de la Présipauté de Groland, Pierre Dac et William Shakespeare.