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n° 19344Fiche technique28964 caractères28964
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Temps de lecture estimé : 17 mn
04/12/19
Présentation:  Petite virée caribéenne
Résumé:  Du rhum, des hommes, d'la castagne nom de dieu !
Critères:  fh ff ffh fbi voyage bateau amour fdomine dispute nonéro portrait historique humour aventure -historiqu -aventure
Auteur : Charlie67            Envoi mini-message
Les Soeurs de la Côte



Si je vous parle de Jack Rackham, vous allez tout de suite vous dire que je lis trop de bandes dessinées et que je vais ressasser des histoires de pirates à la Hergé.


Eh bien oui et non :


Si le Chevalier de Haddock n’a probablement jamais existé, Jack Rackham a, lui, bien réellement vécu. Toutefois, ce ne sera point ce bien brave pirate, le sujet de ce texte, mais Ann Cormac et Mary Read dont vous n’avez sans doute jamais entendu parler… Voilà une lacune que je vous propose de combler car leur histoire est tout sauf ordinaire. Nous pourrions les appeler, les Sœurs de la Côte.


Mais commençons par le commencement :


Jack Rackham, né le 21 décembre 1682 à Bristol, n’était aucunement connu sous le sobriquet de Rackham le Rouge (comme le suggéreraient certains) mais sous celui de Calico Jack, ce qui en fait revient au même, car qualifiait ses vêtements chamarrés. L’homme était un ruffian tout à fait ordinaire, quartier-maître sur un bateau commandé par Charles Vane, corsaire à la solde de sa Gracieuse Majesté. Ledit corsaire estima après quelques années de bons et loyaux services que le salariat au compte d’autrui est moins lucratif que la libre entreprise, en l’occurrence, la piraterie.


L’appât du gain étant souvent irrésistible quand on naviguait dans les Caraïbes, Vane y succomba. L’histoire pourrait se terminer bientôt avec toute cette petite bande se balançant à une potence. C’est bien sûr ce qui advint, agrémenté toutefois de quelques péripéties avant cette triste mais inéluctable fin. Dans ce fourmillement des îles caribéennes, Anglais, Français, Néerlandais, Espagnols et Portugais s’y croisaient, le plus souvent en bonne intelligence, mais il arrivait que…


Ainsi « le Ranger », le navire commandé par Vane, côtoya un navire français fort alléchant quant à sa cargaison. L’Anglais jugea inopportun de l’attaquer, ce que réprouva son équipage « payé à la tâche ». Le quartier-maître Rackham prit donc la tête d’un soulèvement et déposséda le capitaine de son commandement. En droit maritime, cela s’appelle une mutinerie, mais ce genre de flibustier se moquait de ces considérations.

Le capitaine Rackham se tailla à partir de ce moment une belle réputation dans la piraterie et accumula un pécule plus qu’estimable. Certains diront : « Le trésor de Rackham le Rouge ». Ce genre de pérégrinations se terminait habituellement suspendu à un gibet, mais Jack eut l’intelligence d’accepter une amnistie. En effet, vu l’ampleur des dégâts provoqués par la piraterie, Sa Très Gracieuse Majesté proposa sa grâce en échange de l’arrêt des forfaits.



Notre flibustier prit donc ses quartiers à New Providence, aux Bahamas. Il se calma… pendant six mois ! Assez incompréhensiblement, il reprit la mer et ses crimes. Le gouverneur de la Jamaïque ne pouvait tolérer ce retour à l’illégalité. Sa Très Gracieuse Majesté s’était montrée claire dans ses missives : tout renégat devait être impitoyablement châtié.


Lors d’un raid éclair, la bande à Rackham avait pris possession d’un navire marchand dans le port de Nassau. Camouflet insupportable pour la couronne, provoquant l’ire du gouverneur, qui envoya à leur trousse ses meilleurs équipages.


La chose fut plus aisée qu’attendu. Les poursuivants dénichèrent rapidement les pirates, ancrés dans la crique d’une petite île. Ils partirent à l’abordage, mais ne rencontrèrent qu’une faible opposition. L’équipage, capitaine y compris, était fin saoul. Seuls le second, Adam Bonny, et le quartier-maître Mark Read opposèrent une résistance de plus d’une heure, avant de succomber sous le nombre des assaillants.


Le 15 novembre 1720 s’ouvrit donc à Santiago de la Vega, à l’époque capitale de la Jamaïque avant que sa voisine Kingstown ne prenne le relais, le procès en piraterie pour la bande à Rackham. La quinzaine de ruffians savait très bien à quoi s’attendre. Ils avaient joué et ils avaient perdu. À cette époque la justice était sans appel et cela se terminait habituellement au bout d’une corde. Le juge lui demanda bien :



Il n’obtint aucune réponse.


Dans l’assistance, nul ne fut donc étonné quand le Lord Président prononça la sentence. Après l’appel des noms ou surnoms de chacun des membres de la bande, il énonça le verdict :



La quinzaine de flibustiers accueillirent sans surprise cette condamnation tout à fait prévisible. Le Lord Président prononça alors la phrase d’usage :



À sa grande surprise, les accusés Adam Bonny et Mark Read se levèrent de concert et dirent :



L’honorable Lord Président esquissa d’abord un sourire pour partir ensuite d’un fou rire que nul ne put calmer. L’assistance imita d’ailleurs le juge, tellement la requête semblait incongrue. L’objection formulée était bien sûr valable, mais ne s’appliquait qu’à une femme, et de surcroît à une femme enceinte. Car si on pouvait condamner la mère, on ne pouvait tuer l’enfant à naître en même temps. La plus élémentaire humanité s’appliquait dans ce cas-là.


L’hilarité bien compréhensible du magistrat s’arrêta après quelques hoquets quand les deux requérants ouvrirent brutalement et concomitamment leur chemise, offrant à la vue de toute l’assemblée des poitrails on ne peut moins masculins.


L’apparition soudaine et inopinée de cette gent féminine donne tout l’intérêt, le piquant à cette histoire de flibusterie qui sinon, serait des plus banales.



*****



Ann Cormac, alias Adam Bonny, était née en 1697 de l’autre côté de l’Atlantique, dans la très pieuse et catholique Irlande, plus précisément dans le comté de Cork. Elle était certes la progéniture d’un notable local, mais elle n’en était que la fille adultérine issue d’une liaison ancillaire. Malgré l’ire de la légitime et de la société, le géniteur persista, préféra l’exil vers le Nouveau Monde et s’installa donc avec sa famille recomposée dans une contrée qui plus tard devint la Caroline du Sud, où il s’enrichit rapidement grâce à la culture du coton.


La jeune Ann Cormac, loin d’être une miséreuse, se posait plutôt en riche héritière, donc un parti enviable. La nature avait, en outre été prodigue avec elle. Selon les canons esthétiques de l’époque, elle avait la chevelure brune et opulente, l’œil noir de geai et la peau d’un blanc laiteux, apanage de l’aristocratie. Toutefois, elle avait un caractère plus que difficile, voire carrément exécrable. De plus, dans ces contrées à l’époque très sauvages, son apprentissage était moins tourné vers la broderie que vers le maniement des armes. La légende prétend, qu’ayant surpassé son maître d’armes, elle le déshabilla en faisant sauter tous les boutons de son plastron avec son épée. Ladite légende ne précise pas ce qu’elle fit de l’homme ainsi dénudé… Néanmoins, elle avait dix-huit ans, tout pour plaire, et elle plaisait. Sa destinée semblait toute tracée. Un mariage fastueux avec un homme de son rang, une vie aisée et de beaux enfants…


Sauf que…


Sauf que la vie luxueuse offerte par son père lui déplaisait. Elle quittait souvent la riche maison pour se promener dans le port de la ville, endroit éminemment masculin où les seules présences féminines étaient les cabaretières et les prostituées. Pourtant cela enchantait cette bourgeoise. Ann se trouvait bien dans ces bouges et ces rades. Ses envies d’aventures se développaient là, dans ce coin de quai notoirement fréquenté par la flibuste. Ses yeux enamourés, ne cherchaient que l’homme, le vrai, le brutal, le sanguinaire, celui qui lui procurerait le grand frisson… Et elle rencontra James…



*****



Mark Read, ou plutôt Mary Read était de nationalité britannique, née vers 1680. Ironie du destin, à sa naissance, Mary s’appela légalement Mark. Vous allez me demandez : « C’est quoi cette embrouille ? ». Car embrouille il y eut… Mary, enfin Mark…euh non, Mary, fut la conjonction d’une grossesse malvenue et d’une mort inattendue. Madame Read mère, veuve tout à fait estimable, élevait seule un garçon souffreteux. Les lois de la nature disaient qu’un vide se doit d’être comblé… Elle se fit fortuitement engrosser par un quidam de passage. Elle apprécia ce ramonage, mais déplora sa conséquence. Vivant de subsides divers et variés, mais basés sur sa bonne moralité, elle ne pouvait déchoir. L’arrivée d’un enfant du péché aurait été catastrophique !


Malheur… ou bonheur, Le jeune Mark, de santé fragile, décéda. Aubaine pour la mère de Mary qui lui offrit un remplaçant ! Mary devint donc Mark et vécut une enfance de garçon, jamais la dernière à faire le coup de poing. Elle se comportait en parfait garnement. Après un rapide et très court enrôlement sur un navire, elle s’engagea dans un régiment britannique de Dragons qui combattait les Français dans les Flandres. Les hormones étant ce qu’elles sont, elle tomba amoureuse d’un sous-officier et lui dévoila sa féminité. Le jeune couple se maria et fut bien sûr obligé de quitter l’armée. Ils ouvrirent un estaminet qui périclita lors du décès du jeune patron. Veuve et ruinée, Mary redevint Mark et s’enrôla à nouveau dans la marine.



*****



Bien que dotée d’un tempérament de feu Ann Cormac était malgré tout un peu naïve. James Bonny avait tout du bellâtre, fanfaron et couard, mais aussi très rusé. Il avait pris ses renseignements et savait que la donzelle hériterait d’une vraie fortune, de quoi couler des jours heureux et oisifs, son but dans la vie…


Ledit « Don Juan » se lança donc dans des récits d’aventures et de pirateries propres à subjuguer la demoiselle, demandeuse en la matière. Ce fut même elle qui poussa à la roue pour un embarquement immédiat vers l’aventure. À bord d’un rafiot, le couple appareilla à destination de Nassau, où ils convolèrent en justes noces. William Cormac, mis devant le fait accompli, piqua une de ces colères qui sont l’apanage des seuls irlandais. La fille fut sur le champ déshéritée et bannie de la maison.


Ce qu’apprenant, James Bonny réorienta fondamentalement sa stratégie. Ann Cormac, maintenant Ann Bonny ne présentait plus aucun intérêt à ses yeux, si ce n’était de la sauter de temps à autre. Il avait le plus grand mépris pour cette bécasse qui lui avait donné tellement d’espoirs… Il naviguait certes d’île en île et s’accommodait de prises médiocres. Il accueillit l’offre d’amnistie du roi d’Angleterre avec enthousiasme, son épouse un peu moins…


Au nom du couple, il fit donc allégeance et s’installa à New Providence. L’achat d’un bouge fit son bonheur surtout qu’il n’y travaillait guère. Madame assurait l’essentiel du job et même la tranquillité du lieu. On raconte que face à un client récalcitrant et menaçant, elle dégaina un pistolet et pulvérisa l’oreille de l’importun. La rumeur se répandit et Ann connut une certaine notoriété.


Cette vie rebutait Ann, mais que faire ? À cette époque, son statut de femme lui interdisait toutes décisions, y compris celles concernant sa vie, alors prendre le commandement d’un navire et partir à l’aventure… Pour le moment, ce n’était là qu’un doux rêve.


Avec l’amnistie du roi, New Providence grouillait de forbans, tous plus fanfarons les uns que les autres. À les écouter, la mer Caraïbe aurait été rouge du sang des victimes de ces capitans. Pleutre comme il savait l’être, James Bonny en sus du cabaret, trouva une activité rémunératrice : indic à la solde des Anglais.


C’est ainsi qu’il révéla à son épouse, l’existence d’un voisin de l’établissement au demeurant fort discret. Un homme au passé lourd et qui selon James ne demandait qu’à récidiver. Il devait le surveiller et obtiendrait peut être une bourse rondelette pour de bons renseignements. C’était un certain Jack Rackham, nimbé de l’aura du pirate et de l’aventurier…


Ann s’intéressa à l’homme, mais pour d’autres raisons que son époux. Jack fréquentait de manière sporadique l’estaminet des Bonny et n’avait jamais fait parler de lui. Sans être un ermite, Jack Rackham menait une vie rangée. Il se payait bien de temps à autre une prostituée pour calmer ses instincts, mais rien de plus. Presque un homme respectable… Surtout dans ce milieu !


Tout ce qu’il fallait pour faire craquer Ann Cormac Bonny. Bien sûr nous ignorons les secrets d’alcôves, mais vu le caractère bien trempé de la jeune femme, le boucanier tomba irrémédiablement dans ses rets. Les moments intimes de l’adultérine et du ruffian, pour être intenses, n’en étaient que peu discrets. Dans ce bas quartier, repère des « Frères de la Côte », tout le monde connaissait tout le monde, tout se savait et on se gaussait. Bien sûr cela parvint aux oreilles de son légitime époux. Pour remettre son épouse dans le droit chemin, loin d’affronter Calico Jack, comme un couard, il alla se plaindre auprès du gouverneur de la place. Bien qu’ennuyé par la demande, celui-ci se devait de réagir pour garder un espion de cette qualité à sa solde. Il décréta donc que l’épouse fautive serait punie de cent coups de fouet administrés en place publique.


Bien sûr dans un milieu aussi fermé que New Providence, les nouvelles allaient vite, très vite. Le décret n’était pas encore écrit, que les amants en connaissaient la teneur. Jack Rackham proposa alors à James Bonny de racheter Ann ! (Si, si, à l’époque cela se pratiquait…)


Le mari refusa ou, plus probablement, connaissant la vénalité du personnage, fit monter les enchères. En douce le couple adultérin, avec le concours de quelques forbans lassés de la douce quiétude de l’île, prit la fuite à bord d’un rafiot à la flottabilité hypothétique. C’est tout de même à bord de cette barcasse qu’avec audace et témérité, ils firent des prises conséquentes. Ils échangèrent leur cercueil flottant contre un sloop de dix canons, le « Revenge » avec lequel ils écumèrent la mer Caraïbe. Ann, devenue Adam Bonny était second du bateau et non la moins féroce lors des abordages. Elle avait le pistolet et le sabre facile, un de ses propres matelots ayant découvert sa féminité fut occis sur le champ pour garder le secret. Cela ne lui fit ni chaud ni froid, c’était juste un importun éliminé.


Le capitaine et son second s’isolaient tous les jours pendant quelques heures. L’équipage ricanait loin d’être dupe. Bien sûr ne se doutant du genre du second, ils imaginèrent des relations homosexuelles. Les récents ouvrages ou les productions hollywoodiennes donnent une image des plus viriles et machistes des Frères de la Côte et, pourtant, l’homosexualité y était monnaie courante. Dans les prises de piraterie, les femmes étaient rarissimes et, dans ce cas, n’avaient aucune illusion à se faire pour leur avenir, mais les hommes non plus. Peu en réchappaient et subissaient souvent les derniers outrages…


Lors de l’abordage d’un navire battant pavillon de Sa Très Gracieuse Majesté, Adam Bonny ayant mené l’assaut et premier à mettre le pied sur le bateau adverse, avait la préséance pour le choix du butin. Le second, choisit un jeune matelot dans le rang des prisonniers et l’emmena dans sa cabine, ce qui n’avait rien d’inhabituel. L’équipage pirate ricana de plus belle, en sourdine tout de même, car connaissant son caractère « soupe au lait » et sa gâchette plus que facile, personne n’avait envie de servir de nourriture aux requins. Adam Bonny s’était parfaitement adapté(e) à cette vie de pirate et apparaissait même comme l’élément le plus sauvage et le plus cruel de cet équipage. C’est sans état d’âme qu’elle, enfin il (des fois, on s’y perd…) sabrait les chairs et brûlait les cervelles. Elle était crainte et ses ordres ne souffraient aucune contestation.


Le capitaine Rackham, lui, regardait cela d’un mauvais œil. Que sa maîtresse se donne du bon temps avec un marin de la prise ne le dérangeait guère, mais il faudrait le balancer par-dessus bord, la troussée terminée, car s’il parlait et que le groupe flibustier apprenait qu’il était commandé, entre autres par une femme, il deviendrait ingérable. Les gars se révolteraient et il faudrait en tuer quelques-uns pour les calmer. Déjà qu’à quinze, c’était tout juste pour mener l’assaut… Calico Jack poussa un gros soupir, « Ah ces femmes ! », se dit-il en lui-même, puis s’attela à la tâche réellement importante de la journée : le partage du butin.


Tout à ce travail, très prenant, le temps passa vite. C’est donc à la nuit tombée qu’il s’inquiéta ne pas avoir vu réapparaître son second. Après s’être assuré que sa part était bien rangée dans sa cabine, il s’inquiéta de son amante.



*****



Mark Read regardait avec un certain plaisir, ce navire se diriger vers eux. Il avait tout du bateau pirate et cela la mettait en joie. Voilà trois mois qu’ils bourlinguaient de port en port pour faire du commerce, vie ennuyeuse et éreintante, pour une solde misérable, tous les bénéfices passaient dans les poches de l’armateur et du capitaine. Mark avait sa petite idée pour pimenter un peu son existence.


C’était la panique à bord, rencontrer un navire pirate, ainsi, en haute mer était chose rarissime, mais extrêmement dangereuse. Lors de l’abordage, le matelot (je garde le masculin, car la matelote, c’est certes très bon, mais n’est en rien le féminin du mot…), donc le matelot se mit un peu en retrait et observa l’abordage. Il comprit à la détermination des assaillants que son bateau n’avait strictement aucune chance de s’en tirer. Mark avait repéré le capitaine et son second qui avait mené l’assaut. C’était à un des deux qu’il devait s’adresser. La déroute de son équipage étant rapidement consommée, il s’approcha du lieutenant pirate et lui dit :



Le jeune flibustier le regarda, l’examina en détail. Il ne dit rien, mais de la pointe de son sabre encore sanglant, il crocha son vêtement et lui intima silencieusement l’ordre de le suivre.


Read savait qu’il jouait là un coup de poker, mais l’initiative était courante. Nombre de marins passaient de la légalité à l’illégalité avec beaucoup de facilités. Opération certes périlleuse, mais la valeur des prises compensait largement ces risques. Pour comprendre cela, il faut se rappeler que tous ces hommes se côtoyaient assez souvent, certains avaient navigué ensemble pour se retrouver plus tard dans des camps opposés et s’entretuer… Que l’on soit honnête marin ou fieffé pirate, la vie était tout aussi dure et dangereuse. L’espérance moyenne de vie ne dépassait que peu la trentaine. Alors autant vivre intensément ces quelques années avec des pièces d’or dans l’escarcelle (du rhum, des femmes… enfin vous connaissez la chanson…).


L’usage était de passer par-dessus bord les officiers, de rançonner les éventuels passagers et de proposer aux hommes de rejoindre le groupe de malfrats, il fallait bien remplacer ses propres morts…


Mark suivit Bonny vers sa cabine. En passant le seuil, il se dit que la chance le sauvegarderait s’il la jouait finement. Il savait que son statut féminin pouvait être un atout. Il interpella donc le second :



Ledit officier resta muet, mais le toisa puis commença à tourner autour de lui. Le sabre d’abordage toujours à la main, il tâtait sa prise du plat de son arme.



Lentement Read se dépoitrailla et présenta des appâts on ne peut plus féminins. Le second resta un moment stupéfait devant cette découverte. Il avait trouvé le marin (je n’utilise pas le nom marine car… euh, bon, passons, le terrain devient on ne peut plus glissant…), il trouvait donc le marin tout à fait à son goût, comptait en user et même en abuser puis lui couper le cou pour le jeter ensuite par-dessus le bastingage. La vision de seins fermes et arrogants changeait la donne. Bonny se demandait quelle marche il devait suivre… L’avenir lui était inconnu, mais il s’y engouffra avec audace en intimant l’ordre :



Read se conforma à l’ordre, mais avec lenteur, toujours en fixant son futur partenaire dans les yeux. Ce n’était pas la première fois qu’elle utilisait son corps pour parvenir à ses desseins. Sûre d’elle, elle présuma que cet homme serait comme tous les autres. Une fois nue, elle resta ainsi statufiée sous le regard de l’homme. Un regard noir et cruel, un regard de mort. Quand il appliqua la pointe de son sabre entre ses seins et que, sous la pression, une goutte de sang perla, elle crut sa dernière heure arrivée. L’arme se retira et sur son épaule, de son plat, Bonny imprima une pression qui fit mettre Read à genou. Cette fois, du tranchant sur la nuque, il rapprocha la tête de la femme vers son entrejambe.


Read avait compris l’ordre, une fellation s’imposait. Un petit sourire apparut sur ses lèvres, voilà un homme tout à fait prévisible et elle saurait le manipuler. Elle entreprit donc de défaire le haut-de-chausse et resta stupéfaite devant l’absence de l’attribut supposé se cacher dans le vêtement. Elle leva un regard interrogatif vers son partenaire, mais n’aperçut qu’un sourire carnassier et n’entendit qu’un ordre péremptoire :




Jack Rackham, s’impatientait de l’absence de son second. Il avait bien suivi le manège et savait que Bonny s’envoyait en l’air avec le jeune marin. Cela le titillait, bien sûr, mais en fin stratège, il laissait faire. Il était certes amoureux fou de cette femme, mais la craignait aussi. Il la craignait, mais avait une totale confiance en elle. Il l’avait vue à l’œuvre et rarement un membre de son équipage avait été si courageux et intrépide, si impitoyable et pourtant si droit, si sauvage et malgré tout si fidèle.


Dans le monde de la flibuste, la confiance était une chose illusoire. Un jour, on était capitaine et le lendemain, on nourrissait les requins. Leur tandem puissant et soudé brisait les fourberies éventuelles de l’équipage. Lui, si âpre aux gains, s’étonnait de l’indifférence de son second pour les richesses. L’aventure et les risques ne l’effrayaient pas, mais s’il pouvait les éviter, il ne s’en portait que mieux, alors que Bonny ne recherchait que cela. C’était sa seule motivation, motivation assez incompréhensible pour ce vieux briscard…


À son grand étonnement, sa partenaire sortit de son carré avec le jeune matelot puis se dirigea vers lui. Elle ne l’avait pas occis, bizarre… Courroucé et vindicatif, il lui dit :



Elle suivit le capitaine, indifférente aux ricanements de l’équipage qui cessèrent après qu’elle eut lancé un noir regard circulaire. Assis l’un en face de l’autre les officiers se regardaient, mais c’est Jack qui prit la parole :



Ils s’observèrent encore un moment puis Bonny vint s’asseoir à côté de Rackham et d’un geste tendre lui caressa la poitrine. Elle lui dit :



Le capitaine ne répondit rien et devant son air dubitatif, elle se leva et sortit de la cabine. Une fois sur le pont elle partit d’un tonitruant :



Suivie de sa prise de flibuste, elle réintégra le logement du capitaine et s’installa à nouveau à côté de son amant, Read figée derrière elle. Rackham était toujours interrogatif et même contrarié de cette irruption dans leur intimité. Le sourire de sa maîtresse l’intriguait, de même que l’ordre qu’elle intima au nouveau venu :



Calico Jack en avait vu de toutes les couleurs dans sa vie de forban, mais ne s’attendait absolument pas à la vue d’un corps de femme sous ces vêtements. D’une voix douce le second (la seconde ? là aussi, le féminin peut prêter à confusion, mais pourrait cette fois être exact !) dit à Read :



Le tandem devint un triumvirat qui se serrait les coudes. Ils menaient l’équipage d’une main de fer et multipliaient leurs forfaits jusqu’à la démesure. L’attaque de Nassau avait probablement été l’audace de trop. Cela aurait probablement moins mal tourné si Jack ne s’était pas senti peu à peu dépossédé de son initiative au profit des deux femmes pour qui aucune témérité n’était un obstacle. Rackham buvait de plus en plus et entraînait son équipage dans ses beuveries, au grand dam de Bonny et Read.


Ce qui devait arriver arriva et malgré la défense farouche des deux femmes, l’équipage fut pris et traduit en justice.


Vous connaissez déjà les péripéties de ce procès hors normes et ses conséquences le furent tout autant. Tous les hommes furent bien sûr condamnés à la pendaison, mais les femmes, non. Elles ne furent qu’incarcérées dans un cul de basse-fosse. Si Mary Read y croupit et mourut rapidement, Ann Bonny née Cormac bénéficia de l’intervention de son père pour une libération rapide contre montant sonnant et trébuchant… Comme quoi l’argent… Mais ceci est un autre débat !


Avant de quitter l’île, c’est donc une jeune femme, en bourgeoise parfaitement apprêtée, qui se présenta à la prison pour une visite de son ancien compagnon de flibuste avant qu’il ne soit pendu. La conversation dégénéra rapidement et elle le quitta sur ces propos mordants :