n° 19363 | Fiche technique | 80644 caractères | 80644 13853 Temps de lecture estimé : 56 mn |
16/12/19 corrigé 05/06/21 |
Résumé: Prenez ma main et venez. Bienvenue dans mon imagination. | ||||
Critères: #aventure #sciencefiction #fantastique fh couleurs voyage amour cunnilingu 69 pénétratio | ||||
Auteur : Radagast Envoi mini-message |
Une réunion secrète se tenait au dernier étage de la gigantesque tour sise au centre de la mégalopole appelée Luez-Gardons.
Cinq hommes et une femme prenaient place devant un écran géant, l’avenir de leur entreprise dépendait de ce qu’ils allaient voir.
Se tenaient là le PDG, le directeur commercial, la directrice financière, un psy et les deux créateurs qui n’en menaient pas large.
- — C’est bon ? Allons-y, lança le PDG.
Astara perdait son souffle.
Un point de côté la torturait tel un poignard planté dans le flanc.
Le soleil se couchait, là-bas sur l’horizon, teintant de rouge les nuages sombres au-dessus de la tête de la jeune femme.
Elle n’allait plus tenir très longtemps à ce rythme. Elle donnait tout ce qu’elle pouvait, mais jamais, au grand jamais elle n’atteindrait le refuge.
Toute sa compagnie venait de se faire massacrer par les Slargs, ces sinistres créatures meurtrières.
Cinq hommes et femmes, ses amis, toutes et tous experts, des spécialistes, balayés comme des fétus de paille.
Dire qu’ils touchaient au but. Ils se trouvaient si près de l’essaim lorsqu’ils tombèrent dans une embuscade.
Maintenant elle fuyait seule les lieux du massacre.
Son armure Hi-Tech déchirée laissait entrevoir la peau d’une cuisse ou la blancheur d’un sein.
Seuls lui restaient sa dague et son katana comme ultimes défenses de fortune.
Abandonné derrière elle son fusil à IEM, inutile, car sans munitions. Abandonné pour gagner du poids et sauver sa peau.
À son poignet sa montre clignotait en rouge, sa barre de vitalité était au plus bas, mais son GPS annonçait le sanctuaire à 700 mètres.
Elle entendait les grognements sourds des Slargs près d’elle, beaucoup trop près.
Elle allait vendre chèrement sa peau, mais sans aucun espoir de victoire…
SPLASCH ! Chtong !
Je me retrouve dans le noir. Une énième fois le courant vient de sauter. Pays de merde ! Incapables de fournir l’électricité normalement. Sans compter le prix qu’ils en réclament, ces enculés.
Il ne me restait que quelques secondes avant que mon héroïne n’atteigne un point de sauvegarde.
Et maintenant je me déplace à tâtons dans l’appartement pour trouver une lampe torche et des bougies.
À leur lumière vacillante je regarde tristement mon écran plasma de 150 pouces de diagonale et la PS8, tous deux inutiles.
Je retire mes lentilles 3D, elles ne me servent plus à rien, sauf à me péter la gueule dans les escaliers ou les meubles.
Alors que je me lamente, tous mes appareils se remettent en marche avec un petit cliquetis. Le néon de l’aquarium, le congélateur dans la cuisine. Ainsi que la télé et la console.
Sur l’écran un message clignote.
VOUS N’AVEZ PAS RÉUSSI LA MISSION DANS LE TEMPS IMPARTI.
VOUS AVEZ PERDU.
GAME OVER.
Saloperie !
Juste pour me narguer, car tout disjoncte de nouveau.
Je me laisse tomber dans un fauteuil. Ce jeu, le dernier en date des jeux Ubi Games, celui selon la pub où vous incarnez l’héroïne, une redoutable guerrière, celui où vous recrutez une équipe de mercenaires et partez à l’assaut de la forteresse des immondes Krills et de leurs étranges bêtes de guerre, les Slargs, ces créatures extraterrestres qui viennent d’envahir la terre.
Seule contrainte, de taille, vous ne pouvez quitter le jeu. Sauf si vous atteignez un refuge, le sanctuaire.
Et encore pour peu de temps, juste le temps de se rafraîchir, de satisfaire un besoin naturel, d’avaler un sandwich et faire un petit somme.
Deux pauses de 1 heure 30 toutes les 10 heures.
Sinon vous perdez, non seulement la partie, mais le jeu lui-même. Vous ne pourrez plus y rejouer. Jamais.
Et il m’a coûté la bagatelle de 500 nouveaux €.
Ces abrutis de fournisseurs d’électricité viennent de me faire perdre 500 boules, mais aussi la possibilité de trouver un job. Selon la pub – toujours elle – celui qui atteint l’essaim et le détruit se voit embauché par Ubi Games comme créateur de jeu ou testeur.
J’ai même signé un contrat le certifiant, il se trouve dans le fatras de paperasses que je dois trier.
Cette fois la panne semble plus sévère que les précédentes. Cela fait plus d’une demi-heure que je mets des bougies un peu partout dans l’appartement, même dans les chiottes.
Dehors les réverbères sont éteints, et chez les voisins il fait aussi noir que dans le trou du cul d’un taureau par une nuit sans lune.
Pour passer le temps, je décide de casser la croûte.
Elle va revenir cette putain d’électricité, oui ou merde !
Je termine la confection d’un sandwich jambon-beurre quand quelqu’un vient frapper à la porte. Pas seulement frapper, mais secouer, défoncer, démonter la porte.
Certainement la voisine affolée venue aux nouvelles : Mais pourquoi qu’y a pu de courant !
Faut dire qu’avec ses quatre mômes et son jules qui se pochtronne joyeusement, elle est pas gâtée.
J’ouvre et reste planté là, comme un con, un couteau à beurre à la main. Mon cerveau se met en roue libre.
Devant moi se tient une sublime jeune femme. Le genre de femme que les dieux ne daignèrent répandre qu’avec parcimonie sur notre Terre et que tu ne trouves jamais sur ta route.
Dans un même mouvement, elle me bouscule, entre, referme la porte et s’y adosse les yeux fermés.
Dans la catégorie des questions à la con, je fais très fort. Champion du Monde.
Je sais parfaitement qui elle est vu que je viens de passer 24 heures avec elle par écran et manettes interposés.
Astara en chair et en os.
Son serre-tête en argent qui retient difficilement sa tignasse brune. Sa petite fossette sur la joue gauche, son nez retroussé, sa peau cuivrée de métisse mi-vietnamienne, mi-scandinave.
Un marcel bien échancré digne d’un film noir des années 50 moule sa poitrine opulente et laisse nus ses bras athlétiques et tatoués.
Elle est un peu plus grande que moi, mais surtout plus baraquée. Passer ses journées devant un ordi ou une console ne muscle guère.
Ses tétons agressifs pointent à travers le tissu et me mettent en joue. Les deux globes luisants de transpiration s’agitent au rythme de sa respiration. J’aimerais plonger dans la vallée qu’ils forment dans son décolleté, mais j’ai peur de prendre une mandale aller-retour.
Une déchirure dans le vêtement dévoile en partie un sein balafré.
Je vois la peau de ses cuisses à travers les trous de son pantalon de cuir couvert de boue séchée.
Même la petite tache de naissance au-dessus de sa lèvre supérieure se trouve là.
Elle ouvre les yeux, son regard me cloue au mur. Des yeux clairs, l’un vert comme une forêt sous la pluie. L’autre, bleu intense fait penser aux lagons des îles sous le vent.
Elle peut aller se rhabiller, Lara Croft.
J’ouvre et regarde dans le couloir. Rien, pas âme qui vive.
Elle m’attrape par le col de mon pull et me fait rentrer. Elle possède une poigne phénoménale.
Puis elle tourne de l’œil et tombe inanimée.
Je la récupère au vol, elle pèse son pesant de cacahuètes. Je l’emmène au salon et sens contre mon torse ses seins fermes et moelleux, sa tête ballotte au gré de mes pas précautionneux.
Je la dépose sur le canapé, hésite, puis vais chercher un linge humide que je passe sur ses joues et son front.
Elle gémit et ouvre les paupières. Elle semble retrouver ses esprits.
Sa barre de vie, allons bon. Elle se croit vraiment dans un jeu vidéo ! Je ne peux quand même pas la brancher sur le secteur, d’ailleurs il n’a plus de jus !
J’entends son ventre gargouiller. Les intestins des héros de jeux ne gargouillent jamais. Les héros de jeux vidéo ne sont jamais soumis aux gestes triviaux du pékin moyen.
Je souris, une idée me vient. Je lui amène du pain, du fromage, du beurre, du sauciflard et du chocolat.
Elle regarde ces offrandes sans savoir quoi en faire, et aussi guère convaincue.
Pour l’inciter, je prends un morceau de pain et le mets dans ma bouche.
Un peu inquiète, elle m’imite. Puis elle semble y prendre goût et avale le tout d’un seul trait, appréciant surtout le saucisson et le chocolat.
Cette fois, je prépare une omelette au jambon, que je partage avec elle. De la voir dévorer me donne faim.
Je lui verse un lait d’amande, de l’eau et un sorbet citron. Elle accepte tout. Faut aussi que je vide mon frigo-gélateur, vu que le jus n’est pas encore revenu, autant en profiter avant la fonte.
Devant son air interrogatif, je la conduis dans la salle de bain et lui explique le maniement des diverses choses redoutables qui s’y trouvent. Elle semble plus à l’aise avec un lance-roquette ou un katana qu’avec du shampoing.
Je pars en courant, le peu que je viens de voir me donne la trique.
Je farfouille dans les fripes que je garde au cas où, soutien-gorge ? Elle n’en a pas besoin, je viens de le vérifier. Ses seins bien ronds défient la pesanteur terrestre en restant bien fermes et au garde-à-vous, sans trembloter. Elle n’a pas besoin de soutien-gorge et d’ailleurs je n’en possède pas.
Petite culotte, il me reste celles d’une ex-petite amie, sans savoir si ça lui ira.
Je dégotte aussi une chemise et un pantalon de treillis, elle fait à peu près ma taille, il faudra peut-être les adapter aux hanches et à la poitrine.
J’étale tout sur le lit et vais prendre un verre, quelque chose de costaud, un vieil Armagnac, puis je me pose dans le canapé pour me remettre de mes émotions.
Je me dis que le plus tordu des auteurs de SF n’aurait jamais imaginé un truc pareil, lorsque Astara vient se placer devant moi, nue et ruisselante. Pas bon pour ma tension ces facéties. Si les auteurs de SF se mettent aussi au porno ! Il y a bien Flesh Gordon, mais c’est du délire.
Mon regard reçoit des sollicitations de partout. De ses tétons et ses aréoles sombres, de sa poitrine qui se dresse fièrement sans artifice, des tablettes de chocolat qui ornent son abdomen, de sa toison de jais taillée ras, de ses petites lèvres saillantes faisant une cicatrice sombre sur sa peau de miel ambré.
De l’eau dégouline de sa faille intime et coule sur le tapis.
Ses cuisses fermes et musclées valent elles aussi le coup d’œil. Des cicatrices zèbrent sa peau sans qu’elles ne déparent sa beauté naturelle, bien au contraire.
Repérant mon regard fixe, elle se retourne croyant qu’un danger se trouve derrière elle.
Le côté pile vaut largement le côté face.
Ses fesses bombées attirent la caresse.
De par ma position, avachi dans un profond fauteuil, je découvre une vue imprenable sur son entrejambe.
Ses hanches et sa taille fine font penser à une guitare, il me vient des envies de concerto.
Mes lèvres se sentent attirées par celles plus secrètes de la jeune beauté.
Elle se penche et pose la serviette sur la table, faisant grimper la tension artérielle de son sauveur de plusieurs points.
Je lui tends le boxer, ne plus voir son sexe devrait moins me stresser.
Erreur. Énorme erreur ! Le sous-vêtement moule parfaitement son anatomie. C’est encore pire, plus indécent, plus sulfureux, plus beau.
Des potes me qualifieraient de gros pervers, à profiter de ses blessures pour la laisser presque nue et mieux admirer ses charmes ; j’avoue, mais qui ne le ferait pas à ma place.
Des ciseaux, du sparadrap, de l’antiseptique, je ne possède que ça pour jouer au docteur. Je me passe un peu d’eau sur le visage, histoire de me rafraîchir les idées.
Bon, voilà autre chose.
Une énigme due à sa condition de personnage de jeu vidéo, je suppose, dans ses artères circulent des lignes de code. À moins que moi aussi je ne sois devenu un avatar, pour vérifier je me pique le bout du doigt. Ça pique et une goutte de sang perle au bout de mon index.
Elle goûte et s’exclame : ça a un drôle de goût, en faisant une grimace.
Elle se renifle les bras.
J’examine les blessures et m’étonne, elles se referment au fur et à mesure que je les soigne.
Je pose des sutures adhésives et en profite pour caresser sa peau douce, fraîche et souple. Il n’en faut pas plus pour me redonner une érection.
Le treillis lui va à peu près. Il faut juste une ceinture que je lui passe autour des hanches.
Elle ne boutonne pas la chemise, elle noue simplement le bas sur son nombril. Voir une bonne partie de ses seins ne me rend pas plus serein.
Je l’allonge sur le lit, la couvre d’une couette et la borde comme une enfant.
Je vais dormir sur le canapé, ou plutôt j’essaie de dormir.
Je suis sonné, KO, mais dans l’impossibilité de fermer l’œil. Je tente de contacter des amis, des collègues de travail ou de jeu, en vain. Pas d’électricité, pas de réseau.
Une autre possibilité : je suis devenu fada, me suis grillé les neurones comme certains Japonais, à force de jouer. Suis-je un otaku ?
Plongé dans un sommeil agité, peuplé de rêves violents et érotiques, des rêves où j’ose mettre la main aux fesses d’Astara, des rêves ou elle ne me rembarre pas et des cauchemars où elle m’envoie paître violemment.
Je me réveille, car elle me secoue vraiment.
Il me faut quelques secondes pour émerger et essayer de comprendre.
Astara se tient devant moi, l’air pas commode.
Un début de compréhension titille mon cerveau.
Je l’accompagne aux cagoinces.
Je ferme la porte et vais l’attendre dans la cuisine. Il serait étonnant qu’elle ne m’appelle pas encore une fois.
Les héros de jeux vidéo ne mangent jamais, ne font jamais pipi-caca, ni même un prout discret, ne sont nullement astreints aux vicissitudes de la vie quotidienne.
Elle sort en remontant le pantalon.
Faut tout lui apprendre. Un bébé… mais quel bébé !
Il fallait s’en douter.
Sa présence ne m’ennuie aucunement, bien au contraire.
Allons bon, me dis-je, elle se prend vraiment pour une héroïne de jeu vidéo.
Je suis vraiment dans la merde. Pour une fois qu’une meuf canon me tombe dans les bras, faut qu’elle soit ramollie du ciboulot. En même temps, elle n’a pas tout à fait tort, elle est vraiment une héroïne de jeu. Dans ce cas, que fais-je ici avec elle, moi simple gamer innocent.
Elle fouille l’appartement, à la recherche d’armes potentielles. Elle ne trouve que des couteaux, un marteau, un cutter et un hachoir. Pas de quoi déclencher la quatrième guerre mondiale.
Quitte à participer à un jeu vidéo, autant le faire vraiment, donner de ma personne. Ma décision est prise en quelques dixièmes de secondes.
Dans un sac à dos, j’enfourne des conserves, de l’eau, des fruits secs, du chocolat et des vêtements de rechange. Après une hésitation, j’ajoute des pansements.
Nous descendons par les escaliers de secours, les ascenseurs sont toujours en rade.
Arrivés dehors, un fait m’étonne. Je regarde ma montre, onze heures, pourtant le ciel est crépusculaire. Des nuages noirs me surplombent et le soleil rouge sang se couche, là-bas, au loin sur l’horizon.
Dans les rues désertes, pas âme qui vive. Des voitures encombrent la chaussée et les trottoirs dans un désordre indescriptible, vides et portières ouvertes. Les portes de boutiques et des habitations béent sur des intérieurs sombres et vides.
Le silence qui règne m’impressionne encore plus.
À part le souffle du vent et les cris des oiseaux, il n’y a aucun bruit.
J’éprouve le besoin de m’asseoir, mes jambes tremblent.
Non seulement elle se croit dans un jeu vidéo, mais elle m’y entraîne. Je ne joue plus, je suis dans le jeu.
Je pousse un soupir et me lève, résigné. Je me sens incapable de philosopher.
C’est ainsi que nous partons à l’aventure, l’un derrière l’autre, moi la suivant, hypnotisé par le balancement de ses hanches.
Épuisé, je dors d’un sommeil agité, allongé sur la pelouse d’un jardin public.
Installée près de moi, Astara grignote un biscuit.
Je me réveille en sursaut quand un moineau vient picorer les quelques miettes tombées près de mon oreille. Le petit animal volette et se pose sur le genou de la jeune femme qui le caresse. Je ne m’étonne plus de rien.
Nous nous sommes arrêtés pour nous reposer, car je ne peux suivre le rythme soutenu de mon athlétique compagne.
Celle-ci, son biscuit à la main, regarde avec insistance une affiche vantant les qualités d’un parfum, où un homme roule une pelle à une jeune femme.
Je me lève difficilement, mes courbatures se réveillent, parler relations humaines au réveil m’épuise.
Des armes ! Quelles armes ?
Pendant mon sommeil, elle a déniché une concession automobile.
Elle m’entraîne dans une rue adjacente de la zone commerciale.
Dans la vitrine d’un garage trône un F350, un énorme bidule noir ressemblant à un coléoptère mécanique.
Effectivement, ce machin est légèrement plus grand qu’un trente-huit tonnes.
Décidément elle a réponse à tout, ou presque. Pour sortir le véhicule, nous explosons simplement la vitrine.
Nous traversons la ville vide et silencieuse, morte.
Par acquit de conscience, je scrute les alentours, à la recherche d’éventuels rescapés.
Je ne m’étends pas sur le sujet, risque de dérapage, je n’ai pas envie de donner des cours particuliers, du moins pas tout de suite. C’est fou ce que je peux être timide, pusillanime, très malhabile avec les filles. D’où ma propension à me réfugier dans des mondes imaginaires, à vivre intensément par écran interposé.
Aussitôt dit, aussitôt réalisé. Nous défonçons les portes d’une grande surface d’un grand coup de pare-chocs.
Faire les courses se révèle d’une simplicité enfantine, dire que je me casse la tête à faire la queue aux caisses !
Nous chargeons de la nourriture – en conserve, sous vide, déshydratée, rien de périssable –, de la boisson, des pansements et désinfectants.
Au rayon charcuterie, un bruit nous attire.
Deux chiens se battent pour un saucisson sec. Un Cane Corso et une sorte de rottweiler se font face, babines retroussées.
L’arrivée inopinée des deux humains perturbe le combat, le rottweiler se sauve dans un ultime grognement.
Le second molosse se couche devant son trophée et regarde Astara en remuant la queue.
C’est alors que nous voyons un museau poindre de derrière un rayon. Un autre chien s’amène, noir lui aussi, mais moins grand.
Il vient en boitant près de l’autre.
Elle s’approche des deux animaux et les caresse. Ils remuent la queue et lui lèchent la main.
C’est ainsi que nous dévalisons le rayon croquettes et friandises pour toutous. Heureusement qu’il y a de la place dans le coffre.
Elle faufile le véhicule entre les rayons, renversant bouteilles de vin, écrasant boîtes de conserve et fruits.
Elle pile au milieu des sous-vêtements féminins.
Le truc en question est un soutien-gorge.
Elle balance sa chemise et se met à essayer des sous-tifs. Elle se balade seins nus dans le magasin.
Je ronchonne pour le principe, les yeux fixés sur les nichons de la belle.
Une fois sa taille trouvée, elle prend une dizaine de modèles et en enfile un.
Elle va conduire à moitié nue.
Je préfère ne pas répondre, mes systoles et diastoles s’emmêlent les pinceaux. Je vais bientôt faire un AVC.
Elle fait un saut au rayon soins du corps et ramasse toutes les lotions de gel douche pomme-cannelle qu’elle trouve.
Remontés dans notre bolide, nous nous dirigeons vers la sortie quand je vois un mouvement du coin de l’œil.
Je ne trouve rien à ajouter, elle a réponse à tout.
Elle sort et Rex la suit. Un couteau dans une main et le hachoir dans l’autre, elle longe le mur.
Le chien se précipite soudain en aboyant.
Deux silhouettes s’avancent vers Astara les mains en l’air. Ils semblent discuter.
Le chien tourne autour du couple en jappant.
Lola, restée dans la voiture, gémit.
Sous le regard rassuré de la chienne, ils reviennent tous vers nous.
Entre alors dans le véhicule un couple étonnant.
Selon moi, ceux qui peuvent échapper aux Slargs sont des gens sportifs, aguerris. Du moins en théorie.
Les deux arrivants doivent approcher, voire dépasser la soixantaine.
Lui, mince, les cheveux courts et blancs, une petite barbiche, blanche elle aussi.
Les yeux bleus doux et rêveurs, de petites lunettes sur le nez, il me fait penser à un père Noël qui sortirait d’un régime.
Il aide sa compagne à monter dans le véhicule. Plus grande que lui, brune, quelques fils d’argent strient sa longue chevelure. Les pommettes hautes, le nez droit, surmonté d’une paire de lunettes. Ses yeux noisette semblent me jauger : est-ce l’homme de la situation qui va nous sortir de là ?
Elle sourit en soupirant.
Astara vient de répondre à mon regard interrogatif.
Je m’apprête à répondre lorsque Jean-Mimi m’interrompt.
Nouveaux regards interrogatifs.
Astara et moi rions devant son air éploré.
Le dénommé Jean-Mimi sait se montrer persuasif.
Arrivés à la caserne, nous nous rendons compte qu’un combat féroce vient de se dérouler ici. Des corps de militaires et de monstres jonchent le sol.
Il ne s’y trouve plus âme qui vive, mais les militaires ont vendu chèrement leur peau.
Quatre humains et deux chiens descendent du véhicule, très inquiets.
Nos deux amis tentent de recouvrir les corps des soldats, en vain.
En désespoir de cause ils descendent un drapeau tricolore d’un mât et l’étendent sur un groupe de victimes. Je donne un coup de pied craintif dans le corps d’une créature, c’est brun, chitineux et plein de pattes, les mandibules me semblent redoutables.
Jean-Mimi nous guide jusqu’à l’armurerie.
La porte n’est pas fermée.
La jolie métisse ressemble à une petite fille dans un magasin de poupées.
Jean-Michel, à son affaire, ressemble à un vendeur de chez Ikea.
Nous parlerions des différences entre un Chateau Yquem, un Pacherenc ou un Condrieu que ce ne serait guère différent.
Pendant ce temps, Astara fait ses courses. Elle ramasse les armes qui l’intéressent avec les munitions qui vont bien. Mathilde la suit avec un chariot. Elles ressemblent à deux ménagères bien tranquilles devisant dans un supermarché.
Elles ramassent des mitrailleuses, des lance-roquettes, des fusils d’assaut, des grenades et des armes de poing comme moi je fourre dans un caddy pommes de terre, tomates ou des merguez.
Elle me regarde et ajoute des fusils à pompe. Je suis juste bon à arroser !
Jean-Mimi apprécie.
Mathilde ramène le Ford et commence à charger.
Quelques couteaux viennent rejoindre les emplettes.
Astara ramène aussi un engin étonnant.
Elle me jette un regard triste, c’est après cet assaut raté que je l’ai rencontrée.
Elle ne semble pas satisfaite.
À force de fouiller, elle découvre une porte dérobée munie d’une serrure à code.
Astara s’approche du digicode, l’examine de très près.
Nous entrons alors dans le monde de la guerre des étoiles.
Pistolet à induction, elle va cuisiner ?
Astara me fait un cours de physique. Des engins insolites – quoiqu’ici l’insolite semble monnaie courante – reposent sur dans un caisson. Un genre de combinaison souple et large.
Nous regardons les clébards d’un drôle d’air.
Nous embarquons les bidules, on ne sait jamais. Nous découvrons aussi quelques particules d’antimatière bien à l’abri dans des caissons magnétiques.
Nous reprenons la route, lourdement chargés.
Mathilde qui tient le volant nous arrête près d’un bâtiment style Art déco.
Toute la troupe pénètre dans le bâtiment, même les chiens. Rex lâche un petit pipi sur la porte d’entrée.
Astara cherche la section Japon médiéval.
J’erre dans le musée, nez au vent, lorsque je tombe en arrêt sur des armes écossaises.
Devant moi se tient un guerrier en kilt, une Claymore à la hanche et une gigantesque hache entre les mains.
Un panneau indique que je regarde un guerrier du clan Mac Dougall tenant une Hache de Lochaber.
Je la lui emprunte. Cet engin est lourd et plus grand que l’homme qui la manie, mais doit faire des dégâts dans une bataille avec son large tranchant et la pointe acérée. Il me semble que cette arme m’appelle, me supplie de l’emmener.
D’étranges picotements me parcourent les mains alors que je la soupèse.
Mathilde et Jean-Mimi me rejoignent en riant, suivis par Astara.
Elle a trouvé son arme de prédilection. Un Katana de trois shaku – un mètre de long environ – qu’elle porte au côté.
Mathilde dit cela sur un ton ne tolérant aucune objection.
Alors que nous allons réintégrer le 4x4, les chiens grognent et jappent.
Effectivement une horde de choses immondes se rue vers nous.
Un mètre cinquante de haut, huit pattes articulées armées de griffes, un abdomen oblong et brun, une tête ronde garnie de mandibules dentelées et de chélicères acérés, six yeux à facettes, deux paires d’antennes ; j’en ai vu des morts il y a peu, mais de les regarder approcher, biens vivants me glace la moelle.
Un cliquetis assourdissant résonne tout autour de nous, sans savoir s’il provient des mandibules ou des pattes frappant le bitume.
Derrière eux une autre créature sympathique semble les diriger.
Deux mètres, quatre pattes au sol, deux longues pattes barbelées repliées sur le torse. Verdâtre, des yeux globuleux, et des mandibules d’où suinte un liquide gluant.
La bestiole tire derrière elle des filins de soie où sont englués des hommes et des femmes vivants et terrorisés.
Première à réagir, Astara se saisit du fusil IEM et tire dans le tas. Les Slargs explosent joyeusement. Jean-Mimi se saisit d’un Scorpion, l’alimente et se met à tirer en rafales courtes. On sent le professionnel.
Mathilde et moi ne faisons pas dans la dentelle. Un Riot Gun à la main, nous déchiquetons du monstre.
Les deux chiens tournent en rond autour du groupe, empêchant les Slargs d’approcher, trois d’entre eux gisent sur le dos, les pattes arrachées par les crocs impitoyables.
Voyant la situation tourner au vinaigre, le Krill ne s’embarrasse pas, la créature exécute ses prisonniers.
Ses pattes avant se détendent et entrent à la base du cou des malheureux.
D’un geste rapide, précis, presque mécanique, il découpe la moelle épinière des victimes. Les prisonniers s’effondrent sans un cri.
Il s’apprête à s’envoler, déployant de larges ailes, il ne réussira jamais, fauché d’une décharge EM et d’une balle de Scorpion tirées simultanément.
Mathilde vomit derrière la voiture.
Son mari la prend dans ses bras et la console.
Astara va voir les prisonniers. Aucun survivant.
Les chiens reniflent les Slargs. L’un d’eux remue encore, je le termine d’un coup de 9 mm.
Une question me taraude l’esprit.
Un quart d’heure plus tard, nous arrivons en vue d’une construction à mi-chemin entre le manoir anglais et le château fort.
L’humble demeure doit pouvoir abriter sans souci une équipe de rugby au grand complet, masseurs, remplaçants et cuistots compris.
Je jette un dernier coup d’œil au ciel.
Le crépuscule règne toujours et encore.
~oOo~
Mathilde prépare le repas… des chiens !
Les deux toutous seront les premiers servis. Les deux clébards le savent et ne la lâchent pas de l’œil.
Je viens de prendre une douche et traîne un peu dans la bibliothèque de mes hôtes.
Le sieur Jean-Michel semble être un érudit, un philosophe.
Des ouvrages de Kant, Spinoza, Aristote, Sénèque se pressent sur les étagères, tous semblent avoir été lus et relus.
Le maître des lieux revient les bras chargés d’armes et de munitions.
Nous discutons armement quelque temps encore.
Astara prend un cours de cuisine avec Mathilde.
Mathilde reste épouvantée par son expérience de l’après-midi. Astara se lance dans des explications.
Quelque chose me dit qu’ils ne vont pas aimer, et moi non plus.
Nous assimilons cette information.
Nous nous restaurons sans grand enthousiasme, l’appétit un peu coupé.
Seuls les chiens semblent heureux.
À la fin du repas, la sublime guerrière va prendre une douche à son tour. Jean-Mimi en profite pour sortir d’un placard une bouteille d’eau-de-vie de Prunelle et des verres.
Je profite de cet instant de calme pour raconter mon histoire.
Le jeu, l’héroïne virtuelle, la coupure de courant et l’intrusion de la belle dans ma vie de jeune geek, ou l’inverse, je ne suis plus sûr de rien.
Mathilde semble dubitative.
Je réfléchis quelques instants et propose mon avis sur leur présence.
La finaude Mathilde ajoute
Jean-Mimi s’arrête au milieu de sa phrase, la bouche ouverte, les yeux exorbités.
Je me demande ce qu’il vient de voir lorsqu’une odeur de pomme et de cannelle nous enveloppe.
Fidèle à son habitude, Astara vient de sortir de la douche entièrement nue. Elle se sèche les cheveux et s’approche sans aucun complexe.
Jean-Mimi semble changé en pierre.
Le pauvre semble à côté de ses pompes.
Astara repart vers la salle d’eau, en balançant innocemment le postérieur.
Mathilde semble de bon conseil.
Astara monte l’escalier pour rejoindre sa chambre. Elle me précède, me livrant une vue imprenable sur son fessier et ses jambes.
Elle se retourne. Maintenant mon regard se situe au niveau de son mont de Vénus.
Je regarde derrière moi. Mathilde a posé sa tête sur le torse de son mari. Il la tient par l’épaule et lui embrasse les cheveux.
À leurs pieds, Lola est allongée, Rex la renifle et lui donne de petits coups de langue sur la patte blessée.
Maintenant nos deux amis s’embrassent.
Elle réfléchit quelques instants.
Je me lance. C’est le moment ou jamais.
Sur le canapé, la situation devient torride. Jean-Michel, torse nu, ôte le chemisier de son épouse et lui lèche le nombril.
Alors que nous nous dirigeons vers la chambre, Astara m’interroge.
C’est le moment de me lancer dans la narration de la grande histoire de l’Amour et de la Vie.
Gestes à l’appui.
Je l’embrasse, d’abord doucement, puis avec fougue. Ma langue cherche celle de la jeune femme.
Elle répond à mon baiser, après un petit temps de surprise. Elle s’adapte très vite. Elle me mordille même les lèvres.
Je l’allonge délicatement sur le lit, m’assieds à ses côtés tout en continuant de déposer de légers baisers sur son visage.
Je caresse la poitrine nue d’Astara. Mes doigts viennent chercher les tétons et les aréoles, dressés et hérissés.
Ma bouche remplace bien vite mes doigts.
J’investis le petit triangle sacré. D’abord des caresses sur la toison, puis un doigt qui frôle les lèvres.
Faisant fi des incertitudes d’Astara, je remplace les doigts par la langue et ma bouche.
J’émoustille les lèvres intimes de ma comparse du bout de la langue. Tel un papillon, je butine cette jolie fleur qui s’ouvre et ruisselle de nectar. J’y découvre le pistil, que je cerne de tendres caresses.
Inconsciemment elle écarte les cuisses, m’invitant ainsi à continuer.
Heureux de ces confidences, j’embrasse les cuisses, le petit ventre bombé, et reviens toujours au mont de Vénus. Un doigt curieux s’insinue dans sa motte et la caresse.
À force de persévérance j’arrive à mes fins.
Astara se tord, geint, se tend, et pousse un cri de délivrance en me triturant les oreilles.
Des bruits sans équivoque montent d’une autre chambre. Jean-Mimi et Mathilde se rassurent l’un l’autre.
La belle héroïne se remet tant bien que mal de sa découverte de la jouissance.
Heureux et fier de moi, je caresse le visage de mon amie.
Dévêtu, je me laisse tripoter le gros bâton.
Je m’allonge sur mon amante, positionne le gros bâton sur sa corolle.
Je pratique quelques allées et venues juste à l’entrée, histoire de bien préparer l’ensemble.
Je le fais entrer de plus en plus loin, toujours délicat, sans rencontrer de résistance, à part une étroitesse troublante.
Rassuré, je pénètre allègrement l’antre mis à ma disposition, alternant les explorations profondes et les caresses du bout du gland à l’entrée du paradis.
Astara n’est pas ma première conquête, mais je mets un point d’honneur à essayer de la combler.
Je ne suis pas peu fier lorsque Astara me demande d’aller un peu plus rapidement.
Je chevauche ma belle monture, au trot, puis au petit et au grand galop.
Je lâche enfin les rênes, essoufflé. Une pointe d’inquiétude me taraude, elle n’a presque pas réagi lors de ces ébats.
Je suis tout heureux. Pas fier de ma performance, non, simplement heureux.
Elle m’observe attentivement, me sourit et m’embrasse.
Elle se touche le ventre le cœur et la tempe.
Je me blottis entre les bras de ma belle guerrière et réalise mon plus grand fantasme, m’endormir la tête plongée entre ses seins opulents.
Le matin crépusculaire nous surprend enlacés, bras et jambes emmêlés.
Elle me fait un grand sourire, je l’embrasse en retour.
Nous nous habillons en silence après une petite douche, nous ne voulons pas réveiller nos hôtes.
Quelle n’est pas notre surprise de voir le petit déjeuner préparé et des valises posées près de la porte.
Mathilde ne supporte pas les ventres vides.
Jean-Michel fait son apparition, une grosse cantine entre les bras.
Mathilde nous regarde, les mains posées sur les hanches.
Mathilde prend la jeune femme à part.
Astara attend la suite, interrogative.
Le petit déjeuner pris, la vaisselle faite, nous nous installons dans le F350.
Les chiens se couchent sur le siège arrière. Jean-Michel et Mathilde font le tour de la maison, nostalgiques.
Au volant de cet engin, je me sens invulnérable.
Astara regarde une carte sur un genre de tablette numérique. Un point rouge clignote en haut de l’écran.
Nous traversons de villages et des villes où règne le même spectacle de désolation. Des animaux errants, des maisons, boutiques et voitures vides. De temps à autre un cadavre que les charognards commencent à dévorer.
Pour faire le plein à la pompe, l’astucieux Jean-Michel utilise un groupe électrogène pour remettre l’installation en service.
Nous remplissons aussi des jerricans fixés sur le toit.
Trente secondes plus tard, sous le ciel crépusculaire, les Slargs arrivent.
~oOo~
Dans la salle de projection.
- — Il est bien votre jeu, mais je suis désorienté par cette technologie, le joueur qui interagit en personne dans le jeu, c’est surprenant.
- — On appelle ça un jeu en totale immersion.
- — En parlant de s’immerger, il y a passablement de cul.
- — C’est le joueur qui dirige, vous feriez Blanche Neige que la princesse se taperait peut-être les nains. C’est selon la volonté du gamer.
- — C’est en temps réel ?
- — Oui.
- — Une question, comment pouvons-nous voir son jeu ?
- — C’est une astuce, une porte dans le logiciel. Là, nous le regardons à son insu.
- — Hum… pas très légal.
- — Juste en vue d’améliorer le jeu, nous l’informerons à la fin.
À peine les armes extraites du coffre qu’une meute de pseudo scarabées apparaît.
Le nombre de bestioles est impressionnant, il en arrive de partout. Ils se lancent à l’assaut mandibules en avant, mais cette fois pas de Krill pour les commander.
Les armes tonnent, déchiquetant les carapaces et les antennes. Astara balaye le terrain de son laser, le faisceau lumineux découpe les monstres en deux, seul un petit nuage de fumée indique le passage du rayon.
Jean-Michel, le M16 à la hanche balance la purée.
Son épouse, le dos collé à celui de son mari, tire au fusil à pompe, telle une Calamity Jane réincarnée.
J’entends un jappement derrière moi. Les deux chiens sont encerclés. Un Slarg vient de saisir Lola par une patte. Je ne peux pas tirer, au risque de blesser mes animaux.
Je lâche mon fusil et attrape la Lochaber, que je balance devant moi, bien à plat, parallèle au sol. La lame va de gauche à droite en de puissants allers-retours. Elle ressemble au battant d’une mortelle horloge. L’arme pourtant lourde ne semble rien peser entre mes mains, je réfléchirai à cette anomalie plus tard… s’il y a un plus tard.
Je hurle en avançant dans les rangs des Slargs tel un moissonneur dans un champ de blé.
L’arme coupe. L’arme broie. L’arme chante. Elle chante en sifflant dans le vent, elle chante quand elle pénètre les carapaces. Elle chante sa joie de tuer. Elle est vivante. Je me mets à l’unisson de la hache et me mets à chanter. Une voix de basse rythmée par chaque coup. Je chante la mort de ces immondes créatures. Autour de moi, je crée un cercle d’acier et de destruction.
Je me rends compte tardivement m’être trop avancé dans les rangs des monstres, me retrouvant encerclé.
À ma droite une ombre passe. Astara arrive à mon secours, son Katana tenu à deux mains, elle massacre tout ce qui se met en travers de son chemin. Les têtes et les pattes volent.
Elle délivre Lola des mâchoires d’un Slarg. Rex vient se poster à côté de sa belle, mordant tout sur son passage. Même avec ces deux renforts, je peine à me défaire des ennemis. Il semble toujours en arriver de nouveaux.
Soudain un insecte part en miettes devant moi, tandis que retentit une détonation. D’autres suivent. Jean-Michel, tel un pistoléro, tient entre ses mains son IMI Désert Eagle. Chaque coup fait mouche, chaque balle trouve sa cible. Il fait le ménage, aussi à l’aise que dans un stand de tir à faire du ball-trap ou des tirs sur cibles mouvantes.
D’autant plus que Mathilde, un temps débordée, trouve un bidon de deux cents litres d’essence. Elle le perce, le fait rouler vers un dernier groupe de Slargs en approche. L’essence gicle de tous côtés. Elle manipule le pistolet à induction, elle ne sait trop comment le coup part, mais il allume l’essence et les bestioles par la même occasion.
Tout se termine dans une énorme boule de feu.
Je ramasse Lola et la pose dans la voiture. Une traînée de sang orne maintenant ma chemise, une de ces cochonneries ne m’a pas loupé. Mon torse de lutteur va s’orner d’une belle cicatrice à exhiber sur les plages.
Sitôt dit, je tourne de l’œil. Mes amis n’ont que le temps de me rattraper et de m’allonger aux côtés de la chienne.
L’urgence est d’abord de soigner la patte de la toutoute. La chair est déchiquetée, l’os apparent. La pauvre bête souffre.
Allongée sur la table de la cuisine, tout le monde s’affaire autour d’elle. L’un lui tient la tête, l’autre les pattes, Mathilde nettoie la plaie. Jean-Michel lui passe l’outillage nécessaire. Du désinfectant et des huiles essentielles. Rex tourne tout autour en gémissant.
Alors qu’elle dit cela, une lueur émane de ses mains. D’abord faible, puis de plus en plus forte, pour finir par éblouir. Elle tient toujours la patte de la chienne qui gémit un peu. La lumière m’enveloppe aussi. Rex se cache sous une table. Lorsqu’elle retire ses mains, la patte de Lola est intacte.
Je me réveille, totalement remis de mon malaise, ma blessure cicatrisée.
Mes compagnons d’armes me regardent, l’air ébahi, et soudain la révélation me frappe comme une évidence.
~oOo~
Nous nous démenons avec les victuailles, mettant tous la main à la pâte pour préparer le repas.
Je vois Mathilde et Astara en grande discussion, murmurant l’une et l’autre, appuyant leurs propos de gestes équivoques.
Jean-Mi m’interpelle alors que je rêvasse.
Le repas terminé, nous rejoignons nos chambres respectives. Je vois avec plaisir la belle héroïne me rejoindre. Nous nous déshabillons tous deux. Moi m’occupant d’elle, elle de moi.
Astara m’installe confortablement sur le lit ; fronce les sourcils, signe d’une intense réflexion un petit bout de langue passe entre ses lèvres.
Elle vient sur moi, une jambe de chaque côté de mon visage et me lèche le sexe en érection depuis un bon moment.
La technique n’est pas très académique ni très au point, mais tendre. Voilà ce que se racontaient les deux femmes pendant le repas. Mathilde lui donnait des conseils techniques.
Je m’intéresse au très beau ravin du plaisir qui s’offre à mon regard. Un oreiller placé sous la tête, je viens moi aussi prodiguer des caresses. Je lèche, embrasse, écarte les draperies de chairs avec les doigts. Ma langue frétille, mignarde.
Pendant ce temps, Astara vient d’emboucher mon sexe, elle aspire, caresse mes bourses, enroule la langue autour du gland. La technique n’est pas parfaite, mais diablement efficace. Elle presse son trésor sur mon visage, je la sens trembler, moi-même ne suis pas dans un meilleur état. Je grogne pour l’alerter de l’imminence de l’éruption.
Elle me lâche le joystick en poussant un petit cri. J’en profite pour larguer ma cargaison dans les airs.
Nous nous refaisons une beauté avant de nous remettre au lit. Astara me serre contre son cœur.
Bien évidemment, je me rechope une trique d’enfer, mon joystick vibre tout seul. Elle se retrouve sur moi, elle me chevauche telle une langoureuse amazone. Je vois mon mandrin entrer et sortir de son antre avec la régularité d’un coucou suisse. Un coup je le vois, un coup je ne le vois plus. Il ne lui a pas fallu longtemps pour assimiler nombre de techniques. Elle m’embrasse à pleine bouche alors que je lui envoie mes pixels.
Avant de sombrer dans le sommeil, je l’entends me murmurer à l’oreille :
Si on m’avait dit qu’une héroïne de jeu vidéo serait amoureuse de moi, je me serais marré, mais si on m’avait dit que je serais autant attaché à une femme virtuelle, j’aurais vite consulté un fouille-choux.
~oOo~
Je me réveille en sursaut, une étrange sensation de vide, de manque, me donne des frissons. Je suis seul dans le lit. Pas d’Astara dans la salle d’eau, j’enfile mes vêtements et descends dans la cuisine, où je retrouve Mathilde qui prépare le petit déjeuner.
Jean-Michel arrive alors, l’air inquiet. Il tient une enveloppe à la main.
Sur l’enveloppe un seul mot, calligraphié avec application : Monamour.
À l’intérieur, pliée en quatre, une feuille de papier quadrillé, sortie d’un bloc de bureau. D’une écriture hésitante ces quelques mots sont libellés :
Jet’éme tro,
Je ne veu pa que tu meure, hossi je men vé seule ataker le nid et afronter la reine. Jai rater le premiai assô, touté de ma fôte. Cach toi avaic JanMichel et Matilde, ne cherché pas a me souivre.
Jetéme.
Astara
Bon, il va falloir que je lui donne des cours d’orthographe.
Je réfléchis quelques instants. Ma décision est vite prise :
Je suis à la fois triste d’emmener mes compagnons dans cette galère, mais rassuré de ne pas les laisser derrière moi, et surtout me retrouver seul. Je crains que ce ne soit un voyage sans retour.
En chargeant la voiture, je me rends compte que j’ai pris du muscle. Je commence à me trouver beau mec !
~o~
Nous roulons depuis plusieurs heures, sans trouver trace d’Astara. De temps à autre, nous nous arrêtons pour observer le terrain avec des jumelles, en vain. Je ne désespère pas, elle maîtrise à la perfection l’art du camouflage.
Très loin il me semble repérer une troupe de Slargs qui se dirige vers le Nord, vers la ruche.
J’hésite entre colère et admiration. S’attaquer à ces monstres, seule, elle est folle. Je dois penser tout haut, car Mathilde me rétorque :
Décidément, mes histoires d’amour ne sont pas banales.
~oOo~
- — Dites voir, votre jeu m’a l’air de partir en couille.
- — Non, je vous signale qu’il n’y a pas de scénario, chaque joueur crée sa propre histoire.
- — Ouais, je veux bien, mais de là à ce que le joueur s’envoie en l’air avec le personnage principal du jeu, ça fait bizarre. D’accord elle est bien roulée, mais personnage virtuel tout de même.
- — Ce sont les aléas, patron.
- — Maintenant l’héroïne s’en va toute seule au combat parce qu’elle est amoureuse, elle aussi ! Et ces personnages secondaires… des petits vieux en guerriers redoutables ! Et les clébards…
- — Ils en jettent ces clébards, pas des Yorks, hein… ils vous arrachent un bras comme qui rigole. Un pitbull à côté d’eux fait toutou à sa mémère.
~oOo~
Rex et Lola, sur le dos les pattes en l’air se laissent gratouiller le ventre, nous lèchent le visage et sautent de joie en nous retrouvant.
Nous soignons les blessures sur leurs pattes et les flancs, nous leur donnons de l’eau et de la nourriture, les pauvres bêtes sont affamées.
Nous les avons retrouvées par hasard alors que nous roulions sur une petite route de montagne, coincés entre une falaise et un ravin. Un drone survolait les environs, en éclaireur quand nous repérâmes une troupe de Slargs qui barrait le chemin, ils ne nous virent pas arriver, occupés qu’ils étaient à se battre contre les chiens.
Quelques coups de carabine et de hache suffirent à les exterminer.
Mathilde pose les mains sur la truffe des animaux et entre en transe, elle communique avec eux, télépathie, transmission de pensées, que sais-je.
Jean-Michel refrène mes ardeurs, et je ne peux que lui donner raison. Dans les feuilles, nous trouvons l’ampoule d’antimatière, le katana et le Barret. Elle est mains nues face à ses monstruosités, mon sang bout d’une rage destructrice.
Devant leur air déterminé, je m’incline en sachant que nous nous lançons dans une mission suicide.
Le soir, ou peut-être est-ce le matin, impossible de savoir sous ce ciel constamment crépusculaire, nous atteignons le col du Serpent, près du Pic de l’Orage.
Trois humains et deux chiens allongés dans l’herbe inspectent, effarés, le spectacle qui s’offre à eux.
Nous nous approchons à quatre pattes du bord de la falaise – normal pour Rex et Lola, un peu moins pour nous – puis d’un commun accord, nous terminons le parcours sur le ventre, nous aidant des coudes et des genoux. Nous ne pouvons nous empêcher d’éclater de rire en voyant les chiens nous imiter en rampant comme des commandos.
J’observe à l’aide de jumelles, la route qui descend en lacets serrés, puis la plaine qui s’étend jusqu’au pied du Pic de l’Orage. Le spectacle qui s’offre à nous est digne de l’Enfer de Dante ou d’une peinture de Jérôme Bosch, un spectacle à donner des cauchemars pour un sacré bout de temps.
Une énorme structure se dresse sur les premiers contreforts du volcan éteint. Un monument de cent mètres de hauteur, décagonal, d’un blanc sale, qui donne la chair de poule rien qu’à l’observer.
Des myriades de Slargs entrent et sortent de l’étrange construction. Ils relient en une file incessante le « nid » à un corral situé sur un replat à quelques centaines de mètres de là.
Mathilde sursaute.
Mes lunettes se braquent sur cette construction. Effectivement des milliers d’êtres humains s’y serrent, pressés les uns contre les autres. Les monstres viennent les chercher un par un et les emmènent, ou plutôt les traînent vers la gigantesque tanière.
Jean-Michel m’arrache les longues-vues des mains et observe les lieux.
Soudain les chiens se figent et gémissent, le regard fixé vers le même endroit.
Mon voisin pointe ses optiques dans cette direction.
J’éprouve les pires des difficultés à ne pas me relever d’un bond. Il me passe les lunettes :
Le souffle court, les mains moites, je recherche avec frénésie la petite silhouette… que je finis par trouver.
Astara marche avec difficulté, presque traînée par ses geôliers, les bras collés le long du corps, ligotée dans une toile que tient un Krill. Une troupe de Slargs les entoure. Il semble, vu les précautions prises par les monstres, qu’elle leur ait donné du fil à retordre.
~~
Tandis que Mathilde conduit la voiture tous feux éteints dans la descente, son mari à ses côtés, je me prépare avec les chiens à une acrobatie inédite. J’enfile la wingsuit ou combinaison ailée, après avoir aidé Rex et Lola à enfiler la leur. Ils semblent s’amuser de la situation, plus que moi. Je viens de poser sur leur museau des lunettes de protection et un casque sur les oreilles, ils sont mignons.
Nous prenons notre élan et nous lançons dans le vide au bord de la falaise. D’abord une chute vertigineuse pour prendre de la vitesse, puis nous étendons pattes avants et arrières, la membrane s’étale et nous planons, nous volons, le Rêve d’Icare se réalise pour nous.
Pendant plusieurs minutes nous slalomons entre les cimes des arbres, longeons des falaises avec pour objectif la sinistre construction.
À moins de cinquante mètres du sol, je déclenche mon parachute, celui des chiens se déclenche en même temps par radiocommande.
Une fois à terre, nous faisons le ménage en silence en tuant toutes les sales bêtes qui rôdent près de l’entrée à l’aide du LEB – Laser à Effets biologiques – une décharge et l’adversaire se ratatine, vieillit et finit en poussière. Seul inconvénient, l’autonomie reste faible, car la batterie se décharge vite.
Je dois attendre le signal de mon compère avant de me lancer à l’assaut du nid. « T’inquiètes, tu l’entendras et le verras ! » m’a-t-il rassuré avant mon envol, sur un ton mystérieux.
Effectivement, je ne crains pas de rater le signal. Une roquette bien placée fait exploser le portail, puis avec son vieux FSA, il balance des grenades au phosphore sur les Slargs massés devant l’enclos.
Les monstres, qui craignent le feu, s’agitent en tous sens, semant un peu plus de confusion et s’enflamment les uns les autres. Des Krills sortent du nid pour tenter de ramener un peu d’ordre et empêcher les humains de s’évader, c’est sans compter sur le tireur qui s’en donne à cœur joie et accueille les renforts comme il se doit.
Mathilde a réussi à déplacer la voiture sans se faire remarquer et aide son mari en tirant dans le tas. Allongée sur le toit, elle allume les horribles bestioles au Scorpion.
Je n’aurais pas d’autre occasion. Je fonce en tirant dans le tas, mais la batterie du LEB s’épuise, je le jette, utilisant un Riot gun. Les cartouches de chevrotines déchiquettent joyeusement et les chiens terminent le boulot. Les explosions des grenades couvrent les bruits de mes tirs.
Arrivé au pied de la construction, je sors de mon sac la capsule d’antimatière, la pose sur un pain de semtex et ajoute un détonateur. Il me suffira d’activer la télécommande pour tout faire sauter.
~oOo~
Entrer dans cet édifice demande une bonne dose d’intrépidité. Affronter ces bestioles à l’extérieur met mon cœur à rude épreuve, mais les poursuivre chez elles relève de l’inconscience.
Il paraît que le courage, c’est d’avoir peur un peu plus tard que les autres… maintenant j’ai peur !
Mais au bout d’un couloir qui monte, j’entrevois Astara traînée par ses geôliers. Ça me donne un regain de rage et j’avance.
J’entre dans un autre monde, totalement opposé à l’esprit humain. Un monde de terreurs et de monstres.
Mon pouce caresse les runes gravées sur l’acier de la Lochaber.
La peur n’arrête pas la mort, elle arrête la vie.
Si je ne le fais pas pour moi, je dois le faire pour elle. Accompagné des chiens, je pars en petites foulées à leur poursuite. Je les rattrape juste à l’instant où ils pénètrent dans une salle immense. Contre les parois sont attachés des centaines de corps d’hommes et de femmes. Nombreux sont ceux qui crient, hurlent de terreur. D’autres, hébétés, regardent le groupe arriver sans la moindre réaction. Cependant, quel que soit leur état, du sang inonde leur visage.
Au centre de cet amphithéâtre digne de l’apocalypse se tient un gigantesque insecte, tiré des pires cauchemars du cerveau le plus dérangé de la création.
Noir, huit mètres de haut, six pattes, dont deux barbelées, une tête globuleuse surmontée d’antennes et des yeux à facettes sur lesquels se reflète les corps de ses victimes.
Et des mandibules acérées d’où suinte un liquide visqueux.
Un énorme rostre orne son arrière-train, et l’animal le plante dans le crâne de l’homme le plus proche. Celui-ci hurle de douleur et d’horreur tandis que le sang coule. La boîte crânienne explosée laisse à nu l’intérieur.
Un quelconque embryon dans l’œuf mou posé sur le cerveau humain commence à remuer. Sur d’autres malheureux, la larve vient d’éclore et commence à festoyer.
Lorsque j’arrive avec mes chiens, notre intrusion ne semble pas troubler la créature qui continue son activité. On ne peut en dire autant des Slargs et du Krill qui entourent Astara. Ils se précipitent vers nous, toutes pinces dehors. La belle métisse me lance un regard où transparaissent l’amour et le désespoir.
Nous faisons une percée à travers les rangs ennemis, hache et crocs réunis, nous déchiquetons joyeusement.
Dans un dernier coup de reins, je rejoins ma belle et dégaine son Katana. Je tranche ses liens faits de soie gluante. Elle récupère son arme avec plaisir, fait siffler sa lame et se jette sur le Krill. Le combat est furieux, mais rapide, Astara ayant de la rancune à revendre. En quelques secondes le monstre gît à ses pieds, taillé en pièces. Il ne reste que la reine qui commence à s’intéresser à nos petites personnes.
Les chiens aboient autour de la bête, tentant d’attirer son attention. Leurs morsures ne lui font aucun effet, pire, ils risquent de se casser un croc ou de se faire transpercer par un coup de patte barbelée. Heureusement ils sont vifs, mais l’un d’eux voltige toutefois à travers la salle, il gémit, mais repart aussitôt à l’attaque.
Bien que je répugne à faire cela, je flanque un grand coup de hache dans le crâne d’une des victimes, je détruis le cerveau du malheureux, mais aussi la larve qui y squattait.
Horrifiée, la mère se dirige vers moi. Heureusement, elle se déplace lentement. Astara ayant compris mon astuce tranche quelques têtes et découpe les larves qui s’y trémoussent.
La reine pousse un cri de désespoir, comme dans un bus du troisième âge qui tombe dans un ravin.
Attirés je ne sais comment, des Slargs se ramènent à la rescousse de leur patronne.
Les larmes aux yeux, elle m’embrasse. Je me saisis de la télécommande. Nous allons certainement y rester, mais cette saloperie aussi.
À ce moment une énorme gerbe de flammes envahit le tunnel, embrasant les Slargs et créant une brèche dans le mur. Jean-Michel vient de faire des siennes.
Je montre l’exemple en poussant dehors Astara, je me jette à sa suite et fais une chute de quelques mètres. Je reçois deux clébards de soixante kilos sur le ventre.
Sur le toit son mari recharge une grenade au phosphore dans son antiquité. Il la tire sur des renforts qui arrivent en crissant de rage.
La voiture démarre et j’active ma télécommande… rien !
Elle se saisit du Barret, s’installe sur le toit du véhicule, tire et fait mouche.
D’abord l’explosion conventionnelle, celle du C4.
Puis une étrange lueur bleue qui monte dans le ciel, lèche et traverse les nuages, doit atteindre les cieux, lueur bleue qui semble aspirer l’air autour pour ensuite le recracher dans un souffle qui arrache tout, qui irradie de lumière saphir fluorescente. Il ne doit rester que des poussières de reine !
Sans se soucier des cahots, des souches et des roches, Mathilde fonce droit devant elle, mais bientôt nous sommes rattrapés par la furie que nous venons de déclencher. Des hommes, des Slargs et des Krills volent autour de nous, pantins désarticulés, puis la voiture tangue, se retourne, fait tonneau sur tonneau.
Nous en sortons étourdis, mais presque indemnes, comme par miracle.
Nous décanillons le plus vite possible, en fonction des blessures qui nous handicapent.
À peine avons-nous couru un kilomètre qu’un obstacle s’ouvre devant nos pieds. Un trou, un gouffre, sans fond visible, d’un noir absolu, qui semble absorber toute lumière, un canyon sans falaise en face… Le Chaos des Grecs, le début et la fin de tout. Surtout la fin de notre aventure.
Les premiers Slargs arrivent sur nous et les chiens engagent le combat, un combat désespéré, sans possibilité de retraite ou de fuite, un combat à mort.
Un Krill approche, mes deux vieux amis s’avancent vers lui, l’immobilisent en saisissant ses pattes et se sacrifient en l’entraînant dans le vide.
Ce hurlement sort de mes poumons.
Les chiens, entourés d’un essaim de Slargs tombent aussi, emportant avec eux bon nombre de ces saloperies.
Plantée sur les lèvres de l’abîme, Astara se bat contre un autre Krill, elle plante la lame dans le corps de l’insecte, vacille au bord du vide.
À vingt mètres de moi se dresse l’ultime Krill. Entre nous deux, ses soldats avancent. La gorge serrée, les larmes aux yeux, mais animé d’une rage froide, je ne vais pas la décevoir.
J’écarte les jambes, je me plante bien au sol. Je ramène dans mon dos la Lochaber, je bande mes dorsaux, abdominaux, biceps et même des muscles dont j’ignore le nom et l’existence.
Je hurle à pleins poumons tandis que je jette l’arme devant moi. Elle s’élève dans le ciel, tournoie en l’air, fait un tour.
Allez ma belle, tu peux le faire,
Deux tours, l’animal doit se tenir à plus de trente mètres.
Vas-y, je t’en supplie,
Puis elle redescend toujours tournoyante. Il existe un lien entre cette arme étrange et moi, elle me parle, je lui parle, et je sais, je sens qu’elle m’écoute et qu’elle ne me décevra pas.
La lame se plante sur le Krill, sur le sommet du crâne, s’enfonce, fait gicler la morve verte qui lui sert de sang. Le corps de la bête s’effondre, un morceau à droite, un autre à gauche, tranché net.
Les Slargs s’arrêtent, tournent en rond et cessent de s’agiter. Une légère brise s’élève.
Je me tiens au bord du précipice, essoufflé, étonné, hagard, les bras ballants.
J’ai gagné… mais à quel prix. Mes amis ne sont plus, la femme que j’aime vient de tomber dans le néant, même les adorables chiens ne font plus les fous autour de moi.
Rien ne me retient ici. Rien ne me retient chez moi.
J’écarte les bras et me laisse basculer dans le vide.
~oOo~
- — Mais qu’est-ce qu’il fout, ce con !
- — Il se suicide, semble-t-il, diagnostique le psychiatre.
- — Où il est ? Ramenez-le ici ! Il vient de gagner, merde.
- — Impossible, il est… ailleurs.
- — Comment ça… ailleurs ?
- — La PS8 travaille différemment, elle crée d’autres mondes, d’autres univers. En ce moment, il doit se trouver… ailleurs.
Le patron s’arrachait les rares cheveux qui lui restaient.
- — Pourquoi il a fait ça, hein… il avait gagné, merde !
- — Je pense qu’il préférait la mort dans la fiction plutôt qu’une vie triste et banale, sans relief dans la réalité.
- — C’est peut-être un otaku.
- — Un ota quoi ?
- — Des Japonais qui lorsqu’ils perdent ou se voient obligés de quitter un jeu, deviennent fous, au point de se suicider. C’est le risque avec notre nouvelle création.
Le big boss hurla.
- — J’en ai rien à foutre, ce que je veux moi, c’est que les hommes ou les femmes qui achètent un jeu Ubi Games, ou qui le téléchargent en rachètent un autre sitôt le premier terminé.
- — Mais…
- — Je veux que ça me ramène du brouzouf, du pognon, des bons gros euros, pour que je puisse payer votre salaire, bande de nazes.
- — Mais…
- — Je ne veux pas que le joueur se retrouve coincé je ne sais trop où ! Je veux qu’il dépense sa paye chez moi ! Pour me rapporter du blé à moi !
Ils restèrent silencieux quelques secondes.
- — Ce jeu ?
- — Vous l’oubliez, je ne veux plus en entendre parler. Éteignez-moi cette cochonnerie.
Sur l’écran clignotaient ces mots :
YOU WIN
Vous avez gagné, mais le vainqueur venait de faire un autre choix.
Les techniciens, déçus, fermèrent le programme. Voyant une diode rouge s’éclairer, ils s’en furent noyer leur déception dans la bière.
Sitôt qu’ils eurent le dos tourné, l’appareil émit un ronronnement différent, plus soutenu. Une lumière verte brilla de nouveau quelques dizaines de secondes pour s’éteindre, cette fois définitivement.
Au centre de la pièce trône un grand lit, le parquet et les murs en cèdre lui donnent un aspect chaud et douillet. Un voile transparent sert de porte et flotte à la limite de la chambre et de la terrasse.
L’homme se réveille, l’esprit encore embrumé.
Uniquement vêtu d’un boxer, il se lève et regarde étonné le soleil et le ciel bleu au-dehors. Son regard passe sur une énorme hache de guerre et un sabre japonais fixés au mur.
Des cicatrices strient l’épiderme de son torse et de ses bras et semblent prendre vie lors de ses mouvements et sous les effets de lumière.
Il est attiré par la terrasse, intrigué par le ciel sans nuage et le soleil si haut.
Le soleil… le ciel bleu ?
Les vagues viennent caresser la grande plage qui s’étale devant lui.
Il ferme les yeux, lève la tête et laisse le vent lécher son visage, le soleil le réchauffer, il écoute les piaillements des oiseaux et le bruit du ressac.
Averti par un sixième sens, il ouvre les paupières. Un homme et une femme tout de blanc vêtus marchent sur le sable clair en se tenant par l’épaule. Lui porte une petite barbe blanche, elle de longs cheveux argentés qui flottent au vent. Ils le voient sur sa terrasse et le saluent en faisant de grands gestes.
Il leur répond en agitant la main.
Deux grands chiens noirs surgissent de nulle part, courent vers le couple, tournent autour en aboyant puis s’en prennent aux vagues, s’amusent à les poursuivre, projetant de grandes gerbes d’eau. Il prend plaisir à les voir plonger et ressortir aussitôt en s’ébrouant.
Il s’immobilise soudain, un doux sourire aux lèvres. Il en est sûr, elle approche, précédée de son éternel parfum de pomme et de cannelle.
Comme à son habitude, elle est nue, les cheveux ruisselants.
Elle se blottit contre lui telle une chatte.
Armée d’une aiguille, elle se pique l’extrémité de l’index et y fait éclore une goutte de sang.
L’homme, d’un baiser sur le doigt fait disparaître cette perle écarlate.