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Temps de lecture estimé : 27 mn
19/03/20
Résumé:  Une nuit un peu particulière... Les orages, ces mal-aimés...
Critères:  #sciencefiction #fantastique
Auteur : Jane Does      Envoi mini-message

Série : La nuit des étoiles

Chapitre 01 / 02
Un soir d'orage

Il est des nuits, des jours aussi parfois, qui marquent l’existence de certains d’une trace indélébile. Rien ne prédisposait le soir de ce 6 juillet à être autre chose qu’une simple avancée orageuse. Le ciel avait pris depuis le crépuscule cette couleur qui préparait l’apparition du tonnerre. Gros nuages sombres, humidité latente et moiteur faisaient coller à la peau le vêtement le plus léger. Puis la nervosité ambiante m’imprégnait petit à petit, alors que le vent soufflait plus violemment dans le grand marronnier devant la maison.


S’endormir dans de telles conditions relevait de l’exploit. Par contre, une somnolence entrecoupée de moments de semi-conscience m’avait enveloppée et je n’étais vraisemblablement pas dans un état normal lorsque je m’étais réveillée en sursaut. Un regard au cadran du réveil sur la table de chevet de ma couche m’apprenait que finalement j’avais bien plus dormi que je ne le pensais. Pourtant, tout mon corps semblait recru de fatigue. Le soleil qui éclairait l’extérieur, pénétrant par les interstices des volets de bois, venait lécher les lames du parquet de cette chambre que j’occupais seule depuis… toujours.


La maison, c’était celle de mes parents, reprise après leur décès et j’y vivais solitaire. Les rares hommes qui avaient franchi le seuil de cette longère familiale n’avaient guère séjourné plus d’une nuit entre mes murs. Il me manquait toujours cette étincelle pour en garder un plus d’une semaine. Celle qui embraserait mon cœur autant que mes sens, celle-là n’était jamais arrivée. Quant aux aventures, j’en avais eu de nombreuses, je devais l’avouer, mais depuis quelques mois, une certaine absence habitait ma demeure.


Je devenais plus difficile, plus casanière aussi et les élus ne se bousculaient plus, ou alors ils se trouvaient plus triés sur le volet. Un cycle sans personne ? Une longue période de jeûne, de disette ou d’abstinence ? J’aurais été bien incapable de le dire. Alors l’étrange lumière du jour qui allait bientôt inonder ma chambre ne dérangeait que moi. En m’étirant comme une chatte, je reprenais lentement contact d’un pied prudent avec un parquet plutôt solide. Ma nuisette abandonnée sur le drap repoussé sur le côté inoccupé de mon lit retrouvait sa place sur mes épaules.


En quelques enjambées, je rejoignais la cuisine pour y faire couler ce café n’attendant que l’eau bouillante pour m’enivrer de ses meilleurs arômes. D’un pas nonchalant, j’allais ensuite ouvrir les volets pour admirer cet astre qui réchaufferait mes vieux os. Mes trente-trois ans commençaient à peser tout de même sur ce corps qui me demandait de plus en plus d’attentions. Et chose curieuse, je comprenais soudain qu’il y avait un couac quelque part. Je ne saisissais pas du coup comment c’était possible.


On aurait dit que seule ma maison bénéficiait d’un soleil personnel. Au-delà des limites de celle-ci, tout était encore dans le noir le plus total. Mon esprit n’assimilait pas vraiment ce qui arrivait. La lumière n’était pas éblouissante, mais plus feutrée, chaude aussi, sans brûler. Et impossible de voir le ciel qui entourait ce halo lumineux. Sur la terrasse, baignant complètement dans un éclairage incompréhensible, il me sembla voir quelque chose bouger. Une forme penchait ce qui pour moi s’apparentait de suite à une tête.


Ce qui me regardait là avait de longs bras et le corps différait sensiblement de celui d’un homme normal. Je me demandai d’un coup ce que cet étranger faisait chez moi et pourquoi il avait allumé une telle lampe. Aussitôt, sans pourtant qu’un seul son franchisse les lèvres supposées de ce bonhomme, dans mon cerveau, une réponse venait s’inscrire. Naturellement, comme si mes pensées étaient lues par cet individu et qu’il me répondait par le même biais. Une réaction assez étrange, faite d’une sorte de peur vite réprimée par des ondes toutes positives émanant de l’individu qui avançait désormais vers moi, me surprenait d’un coup.


Un peu comme si l’autre cherchait à m’apaiser et pourtant tout se faisait en silence. Pas de son, pas de mot, juste cette sensation que tout se passait dans ma tête !



Mon ventre se serrait à l’idée qu’un inconnu se trouvait à moins de trois mètres de moi et qu’il… entrait dans ma cervelle. Puis il y avait cette impression d’impuissance, que les évènements s’enchaînaient sans que je sois en mesure d’intervenir d’une quelconque façon.



La forme avait seulement levé ce qui me paraissait être un doigt. Il montrait un point que la lumière m’empêchait d’apercevoir.



La forme restait d’une incroyable douceur dans ses propos et ses gestes. Mon esprit se trouvait comme envahi par un bien-être inexplicable. Le visiteur m’avait simplement fait avancer, mue par je ne savais quel mécanisme, j’obtempérai mystérieusement. Ma volonté semblait annihilée et je m’étais retrouvée dans la lumière incroyable d’une sorte de ouate. Rien de ce qui m’entourait n’avait de formes, de contours et pourtant, mon esprit, contrôlé par la créature n’avait ni crainte ni rébellion. Je me contentais d’être dans une sorte d’extase euphorique. Et les sons restaient seulement dans ma caboche.


Au fond de mon crâne, j’avais reçu un message me demandant gentiment de me dévêtir. Alors sans trembler, en la faisant passer par mes épaules, ma nuisette avait quitté mon corps. Prête à un sacrifice dont je ne connaissais rien, je n’agissais plus qu’en fonction d’une force inconnue, laquelle me dictait chacun de mes actes, de mes mouvements.



Bizarrement les questions spontanées qui me montaient à l’esprit recevaient une réponse quasi immédiate. Il flottait dans l’endroit où je me trouvais une sorte de tendresse omniprésente. Cet étranger dont les contours m’étaient plutôt flous ne me semblait pas dangereux et il m’inspirait une sorte de confiance incompréhensible. Sans savoir comment, je me sentis déposée sur une couche dont je ne devinais que la présence. Mes doigts sentaient les contours alors que rien ne me les laissait entrevoir. Un truc de fou qui pourtant ne me donnait nulle angoisse. Couchée sur un nuage, c’était cette impression que je ressentais.


La chose, le fantôme qui s’avançait vers moi, je savais qu’il s’apprêtait à me toucher, à me prendre, à m’ensemencer et rien dans mon comportement ne reflétait une quelconque parcelle de peur. Pas de trouille monstrueuse devant l’énormité de l’évènement qui aurait dû me paraître inconcevable. Et venues de toutes parts, des milliers d’images, toutes dans des couleurs pastel, me faisaient frissonner. Tout mon être transpirait une envie qui se traduisait par des frissons partout. Je ne me reconnaissais pas dans la femme allongée là, sur un autel inconnu. Les mains… je ne savais pas d’autres mots pour les décrire, oui des mains frictionnaient mon corps.


Leurs langoureux allers et retours accentuaient de plus en plus une montée d’un désir charnel que je n’avais plus connu depuis bien longtemps. Je me sentais investie de toutes parts et mes premiers soupirs s’accentuaient dans des gémissements d’attente. Pour un peu j’aurais réclamé que ce… ce spectre me fasse l’amour le plus profondément possible. Même l’idée que mon ventre pourrait être ensemencé devenait une source de désir. Contrairement aux étreintes dont j’avais été actrice par le passé, celle qui m’arrivait me remplissait d’une joie immense.


Très lentement, ce n’était pas mon corps qui était possédé, mais bien tout mon être, esprit compris. Je ne saurais décrire ce qui se passait en moi. Mon cerveau participait activement à ces caresses à sens unique. Je n’avais pas besoin de toucher l’autre pour ressentir les douceurs de ce qu’il me faisait. Je songeais « fellation » et les sensations que je ressentais me transportaient dans cette figure très libre du sexe partagé. J’imaginais « minette » et ma chatte se trouvait immédiatement câlinée de la meilleure façon qui soit.


Combien de temps avait duré cet incroyable corps à corps où personne d’autre que moi ne combattait ? Quand j’avais ressenti le véritable besoin d’être saillie, mon vœu avait sur-le-champ été exaucé. Je pouvais ressentir les coups de reins d’un individu dont rien ne définissait une forme humaine. Mais j’étais bien, dans un monde fait de perceptions toutes plus animales les unes que les autres. Et jamais, au grand jamais, je ne m’étais sentie autant femme. À la question de savoir comment j’allais vivre une sexualité normale après cela, l’unique réponse que j’avais reçue n’avait rien de joyeux.



J’avais porté mon regard sur un objet que l’inconnu tenait à bout de bras. Une petite décharge électrique semblait alors traverser l’espace qui me séparait de cette lumière violente. Ensuite… eh bien, je n’avais plus aucun souvenir de ce qui venait de se passer. La vie quotidienne avait repris son cours normal. La tourmente était passée et le ciel enfin net et clair ne perturbait plus mon sommeil. Au réveil, les oiseaux chantaient et je n’avais aucun besoin de me faire du souci. Tout était limpide, pas un nuage pour rappeler la nuit moite de la veille. Je n’aimais pas et n’aimerais jamais les orages !




— xxxXXxxx —




Ce n’était que quelques jours plus tard que, me sentant plutôt nauséeuse au réveil, ceci plusieurs matins de suite, je me rendis chez mon médecin généraliste. Histoire de passer un examen de routine afin de voir si quelque chose clochait chez moi. Je me pressentais étrangement dérangée depuis plus d’une semaine déjà. Et j’honorais donc le rendez-vous pris pour le milieu de matinée de ce mardi. J’attendais très sagement dans une salle en compagnie d’autres personnes. Quand mon tour arriva, mon bon vieux docteur me tendit la main et m’invita à le suivre dans son cabinet.



Gérodias Beaulieu pratiquait depuis des années la médecine dans sa campagne natale. Après ses études à la faculté de la Sorbonne, à Paris, il était revenu s’installer dans un village proche de son lieu de naissance. Depuis, il en avait vu défiler des patients, jeunes, vieux, entre deux âges et de tous les sexes. Il connaissait bien des secrets d’alcôves, reçus comme des confessions lors de visites à son cabinet. Mais pour l’heure, la belle plante qui se trouvait là n’avait jamais fait parler d’elle. Elle était sa patiente depuis la maternelle et ne venait jamais le consulter pour rien.


Jade était plutôt jolie, et il ne pouvait s’empêcher de se dire que c’était dommage qu’une aussi belle fleur passe sa vie seule. Elle détachait un à un les boutons de son chemisier et lorsqu’elle se trouva en soutien-gorge de dentelles, Gérodias eut comme un soupir. Les jeunes hommes devenaient-ils assez bêtes pour ne plus voir une telle beauté ? Alors comme pour oublier cette réflexion idiote, il se colla son stéthoscope sur les oreilles et entreprit de faire son travail. Son rapide examen ne lui apportait pas les réponses espérées.



J’avais haussé les épaules. Le bon praticien semblait intrigué. J’avais alors fouillé dans ma mémoire. Mes dernières règles remontaient à… presque un mois. J’aurais donc dû avoir les suivantes depuis… merde, je n’arrivais plus à avoir les idées nettes. Quelque chose ne tournait pas rond dans ma tête ? Il s’avérait impossible que je sois enceinte. Il eut fallu qu’un homme passât dans mon lit, ce qui n’était pas le cas. Gérodias n’avait pas trouvé et il réfléchissait.



Le samedi matin de la même semaine, assise à nouveau dans la salle d’attente, je guettais l’arrivée du docteur Beaulieu. Dès qu’il me vit, il s’empressa de me faire entrer dans son cabinet.



À nouveau, j’avais ouvert les boutons de mon chemisier et, celui-ci retiré, ma jupe avait elle aussi trouvé refuge sur le crochet qui servait à pendre les vêtements. Ensuite, une blouse rose peu seyante sur mes formes, j’étais revenue vers le généraliste qui semblait perplexe.



J’étais en position semi-allongée et lui se penchait sur moi. Le frais de son stéthoscope me surprenait une nouvelle fois. Parallèlement à cette opération, il me tâtait le poignet gauche. Il finissait par un sourire.



Il venait de me tâtonner le ventre, à la recherche de l’organe qu’il voulait ausculter. Puis il ouvrit légèrement la blouse. Il fit simplement glisser mon cache-seins, tripota quelques secondes celui qui se présentait à lui.



Les mâchoires serrées, je l’avais laissé faire. D’abord il avait enfilé un gant de latex, puis celui-ci enduit de gel, pour éviter la douleur je présumais, il avait enfoncé un de ces doigts en moi. J’avais senti cette intrusion médicale et ma respiration restait très crispée. Il devait ressentir ma résistance.



Le vieux bonhomme me regardait avec insistance. Il ne souriait pas, mais son air en disait long sur ce qu’il pensait.



Visiblement il ne me croyait pas. Je n’arrivais pas à imaginer ce qui m’arrivait. Comment sans que je m’en sois aperçue pouvais-je avoir baisé avec un type dernièrement ? J’avais beau tout retourner dans ma caboche, rien n’était plausible. Pas de fête où je serais sortie bourrée, dans les deux sens du terme… non je ne pouvais pas comprendre que le docteur Beaulieu ne faisait pas erreur.





— xxxXXxxx —




Les jours qui avaient suivi cette visite médicale, je n’arrêtais pas de pleurer. Mes nausées restaient aussi nombreuses et n’arrangeaient en rien mon état d’âme. Je me résolvais au bout de quinze jours à demander une contre-visite à ma gynéco. Celle-ci avec un large sourire confirmait le diagnostic de son confrère. Comment lui expliquer que je n’avais rien fait pour que cela puisse arriver ? De toute manière, cette Sofia « machin chose » s’en tamponnait de mon problème. Pour elle comme pour Beaulieu, il fallait une bite, du sperme et que tout cela se mélangeât dans une femme pour engendrer la vie.


Je n’envisageais même pas les réactions de ma famille, celles de mes amis. Quant à celles de Léa, ma meilleure amie, j’entendais déjà ses commentaires…



Sûr qu’elle ne voudrait rien entendre de mes explications. Dire que la vérité ne serait pas bonne à citer devenait un euphémisme. C’était en lisant une revue que tout bêtement, j’étais tombée sur un cas similaire au mien. Quelque part dans une région voisine, une jeune femme avait attenté à ses jours, défrayant la chronique en jurant les « Grands Dieux » qu’elle n’avait jamais couché avec un homme et que pourtant, sans explication, elle était enceinte. Ses amis, sa famille, tous la montraient du doigt et elle n’avait plus supporté cette mise à l’index.


En tremblant, j’avais appelé le journal pour savoir dans quel hôpital cette femme avait été admise. Après de longs palabres, une âme charitable dans les bureaux du quotidien avait fini par craquer et j’avais eu la précieuse information. C’était sans dire un mot de mon état à quiconque que j’avais décidé d’entreprendre le voyage pour rencontrer cette femme nommée, d’après le journal, « Mona ». Léa, apprenant que je voulais partir voir une malade décida de m’accompagner et pas question pour moi de chercher à la dissuader de venir aussi.


Un trajet de quelque trois cents kilomètres nous avait menées vers cette Mona qui nous regardait comme deux curiosités. Elle se demandait pourquoi deux inconnues débarquaient dans la piaule où les médecins la couvaient comme le lait sur le feu.



Une chape de plomb tombait d’un coup sur la petite chambre au milieu de laquelle le lit médicalisé de la malade bouffait tout un pan du mur. Léa, scotchée dans son élan ne parvenait plus à articuler correctement une seule parole. Sa respiration s’était bloquée et la patiente assise sur les draps frappés du nom de l’hôpital écarquillait deux yeux d’un bleu profond. Ses cheveux mal peignés d’une couleur tirant sur le roux, la jeune femme restait elle aussi bouche bée. Une autre qu’elle avait un problème similaire au sien ? Ah moins que ce ne soit encore un coup des maudits journaleux en mal de copies.


Personne ne savait plus quels arguments avancer. Mona alors, reprit d’une voix blanche le dialogue que l’annonce de Jade venait d’interrompre quelques fractions de seconde. Le silence pesant était à nouveau troué par une question plutôt saugrenue.



Un grand froid venait de plomber l’ambiance. Un grand type aux tempes argentées se tenait dans l’encadrement de la porte. En blouse blanche, il avait tout l’air d’un médecin.



Il clouait le bec de ma péronnelle de copine, et ce avec un sourire, ce qui ne gâchait rien. L’homme ne devait guère avoir dépassé la quarantaine. Il avait le teint mat des gens qui prennent souvent le soleil. Ses yeux sombres gardaient à son visage un côté rieur, amusé pour le moins. Léa le bouffait littéralement des quinquets. Ça en devenait presque gênant. Il était d’une stature normale, rien d’imposant en lui, si ce n’était ses longues mains fines. Un charme fou émanait de cet homme. Et je réalisais soudain que ma follette d’amie craquait littéralement sur le type aux cheveux corbeau. Mona aussi avait remarqué le fait.


Seul cet Harold faisait mine de ne pas s’apercevoir du trouble de mon amie. La pâmoison de ce poison de Léa s’intensifiait encore alors que le docteur se remettait à nous vanter sa thérapie.



Il tournait les talons, comme pour échapper aux regards brûlants de Léa. Celle-ci finalement avait attaqué pour ne pas montrer ses faiblesses. Personne n’était dupe et sûrement pas le bonhomme qui lui avait lancé un de ces sourires que l’on ne voyait d’ordinaire que dans les pubs de la télé. Mona attendait sans doute que je m’exprime sur le sujet de l’hypnose. Mais c’était à chacune de nous deux de décider en son âme et conscience. Je penchais déjà pour une visite à ce type. C’était juste mon affaire. Léa une fois de plus mettait les pieds dans le plat.



C’était le mot de la fin ! Notre visite à cette jeune paumée s’était achevée sur ces sages paroles de notre nouvelle amie. Nous avions pris congé de Mona en nous promettant de nous revoir très rapidement. Elle devait rester encore quelques jours sous la garde des médecins, mais était toujours aussi farouchement déterminée à savoir. La note d’espoir distillée par le docteur Damhani lui avait rendu une certaine confiance. Je devais avouer que pour moi aussi c’était une bouffée d’oxygène.



À suivre…