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Temps de lecture estimé : 66 mn
06/04/20
Résumé:  À la suite d'une peine de cœur, je me porte volontaire dans une ONG travaillant pour le planning familial en Afrique.
Critères:  couleurs cérébral exhib nudisme confession -initiatiq
Auteur : Elodie S      Envoi mini-message
Ardente Afrique




Enfin l’avion pour Bangui décolle. Je m’embarque pour la grande aventure. Je ferme les yeux, que d’évènements ont bousculé ma vie bien rangée depuis six mois ! Le soir où, rentrant un jour plus tôt que prévu d’une formation en grande banlieue, j’ai découvert Max, dans mon lit, avec une pouffiasse blonde. Le jour où je l’ai jeté en dehors de ma vie et de mon appartement. Les longs entretiens avec les responsables de l’ONG promotrice du contrôle des naissances en Afrique puis la formation à cette mission. Les adieux déchirants avec mes copines et avec les autres professeurs du lycée. Les douloureuses séances de vaccination. La colère de mes parents quand je leur ai annoncé ma mission en RCA pour un an. La séparation difficile avec mes petits-neveux qui m’a arraché des larmes. Tout cela est maintenant derrière moi. Je tourne une page…


Les presque sept heures de vol se passent sans encombre. La chaleur et l’humidité me saisissent à l’aéroport de Bangui, lorsqu’il faut marcher de la passerelle jusqu’au bureau de l’immigration. Mon chemisier me colle à la peau, j’aurais dû enlever mon soutien-gorge dans l’avion. Deux fonctionnaires peu pressés épluchent mon passeport et mon ordre de mission. Ils me regardent avec un air étrange et me libèrent enfin. Un gros douanier, visiblement fier de son uniforme, me fait ouvrir ma valise. Visiblement, mes sous-vêtements l’intéressent, et il froisse un à un mes shorties et soutiens-gorge que j’avais soigneusement pliés, tout en me jetant des regards troubles. J’ai été prévenu de la susceptibilité des fonctionnaires locaux, et supporte héroïquement cette intrusion dans mes affaires intimes. Au bout d’un long moment, il me fait signe que je peux ranger tous mes vêtements éparpillés sur le comptoir et sortir de la zone sous douane.


Je repère aisément le panneau avec mon nom agité par un jeune noir avec un t-shirt de footballeur. Il se présente :



J’acquiesce. Il saisit mon sac à dos et ma valise et me conduit vers une vieille Peugeot toute déglinguée, aux couleurs de l’ONG. Plus nous approchons du centre de Bangui, plus une foule bigarrée chemine le long de la route et parfois au milieu. Des ânes tirent des charrettes lourdement chargées, des enfants courent dans tous les sens. Nous atteignons enfin le bureau. La patronne m’attend à la porte.


Mrs Brown est une femme d’une cinquantaine d’années, l’air revêche, vêtue d’un sévère ensemble kaki. Je suis fascinée par sa coiffure, plutôt incongrue dans ce cadre : elle a une permanente qui donne à ses cheveux gris une raideur incroyable. Elle me fait penser à madame Thatcher ! Après m’avoir souhaité la bienvenue en français avec une délicieuse pointe d’accent britannique, elle me fait entrer dans des bureaux clairs et surtout rafraîchis par l’air conditionné. Une jolie centrafricaine à l’air mutin me tend la main :



Antoine me conduit à mon hôtel, assez proche du bureau, et me donne rendez-vous à 19 h. Un réceptionniste avachi se réveille à notre arrivée. Il m’enveloppe d’un regard lubrique, se demandant visiblement ce que cette jeune Européenne blonde vient faire à Bangui. Je dois détonner par rapport à sa clientèle habituelle. Le moins que l’on puisse dire est que ce n’est pas le luxe. Mais je savais déjà qu’en venant en Afrique Noire, je ne serais pas logée dans des palaces. Le hideux papier peint fleuri de ma chambre se détache des murs par lambeaux, dévoilant de grosses taches d’humidité, la baignoire de ma salle de bain est marquée de traînées de rouille orangée, et surtout la chaleur est suffocante. J’ouvre les rideaux, mail il fait aussi chaud dehors !


Je me dénude et me précipite vers la salle de bain. La douche ne marche pas, et je suis contrainte de barboter dans le filet d’eau que le robinet de la baignoire veut bien laisser couler… Enfin, j’arrive à me décrasser un peu et à effacer les vestiges de mon voyage en avion. Une fois séchée, je reste un long moment, nue sur mon lit pour résister à la chaleur, en me disant qu’après ces deux mois de formation, j’entre enfin dans la phase opérationnelle de ma mission. L’heure du rendez-vous approchant, j’enfile une des tenues que j’ai achetées pour mon séjour : un short beige un peu lâche et un chemisier assorti, avec des sandales de corde.


Le restaurant choisi par ma nouvelle patronne est niché dans un cadre de verdure luxuriant, avec des oiseaux criards dans les arbres. La plupart des tables sont occupées par des blancs. Mrs Brown me conseille de choisir un poulet aux arachides, car, selon elle, c’est le fleuron de la cuisine locale. Elle se lance alors dans un long monologue sur les conditions de réussite de ma mission. Elle insiste sur le fait que, pour convaincre les populations locales et en particulier les femmes de l’intérêt du contrôle des naissances et de la lutte contre les maladies vénériennes, il faut avant tout comprendre les mentalités locales, les us et coutumes, et ne pas venir avec des opinions européennes toutes faites. Il faut savoir adapter notre communication à cet environnement. D’autre part, il est fondamental pour le succès de ma mission que je travaille en bonne intelligence avec les autorités locales, à savoir les chefs de tribu. Certains ont parfois une sensibilité à fleur de peau ; il me faudra trouver la manière de les mettre de mon côté. Même s’ils sont, pour la plupart, profondément machistes.


De plus, la République est composée d’une mosaïque de tribus qui ont chacune leurs particularités. La zone dans laquelle je suis affectée est principalement composée de Bambas. Située au nord du pays, elle est celle qui a vécu le plus longtemps sous le joug des musulmans. Cela se traduit par un taux de polygamie nettement supérieur au reste du pays. Cette polygamie est un signe de richesse, car le mari achète la fiancée à sa famille contre du bétail principalement. C’est pourquoi ce sont les plus fortunés qui ont le plus d’épouses. À ma question de savoir si les hommes pauvres restent célibataires, ma patronne me répond qu’ils quittent leur village pour aller travailler dans les mines de diamants, les exploitations d’uranium ou de pétrole, laissant leurs sœurs à la recherche d’un conjoint.


Mrs Brown perd de sa raideur au fil de notre conversation. Je réalise qu’elle est aussi passionnée par ce qu’elle fait que par l’Afrique. Je n’ose pas lui poser des questions plus personnelles sur son statut marital, la date de son arrivée ici, son curriculum vitæ, etc. Car la conversation reste malgré tout très professionnelle. À la fin du repas, elle me confie cependant, presque à l’oreille :



Puis elle me décrit la zone dans laquelle je vais opérer, entre Ndele et Ouadda, vierge de toute intervention de notre organisation jusque-là. Je serai reçue le lendemain à Ndele par Saïd, correspondant de plusieurs ONG. Selon mon interlocutrice, c’est un personnage étrange, mais qui rend bien des services. C’est lui qui aura la charge du soutien logistique de ma mission. Mrs Brown s’engage à venir me voir sur site d’ici deux ou trois mois. Nous quittons le restaurant maintenant comble et elle me dépose à l’hôtel, non sans réitérer ses consignes de prudence.


Antoine passe me prendre de bon matin. Après quelques formalités administratives et un passage à la banque pour ouvrir un compte et acheter des francs CFA, il me reconduit à l’aéroport. Le bâtiment d’embarquement, différent de celui des vols internationaux, est vétuste et sale. Il y a des gens couchés par terre qui attendent un hypothétique vol. Mon guide m’emmène dans un petit bureau où attend mon pilote. C’est un homme blanc entre deux âges, roux et barbu, à l’allure de baroudeur. À son accent anglais, je comprends tout de suite qu’il est sud-africain. Il émet un petit sifflement en me voyant :



Son sourire s’efface quand il voit qu’en plus de mon sac à dos, je trimballe une grosse valise.



Je me présente et lui adresse mon plus beau sourire pour me faire pardonner mon excédent de bagages, congédie Antoine et le suis dans un dédale de couloirs après avoir passé un contrôle de police suspicieux. Sept personnes nous attendent dans une petite salle. Il y a un vieux blanc décharné, quatre gars en costume, style fonctionnaires locaux, et une matrone avec un gamin dont la tête est cernée d’un bandeau. Il a dû venir se faire opérer à Bangui.


J’ai un petit pincement au cœur quand j’aperçois son coucou. Il a dû faire le débarquement en 44 ! Sam m’installe directement à ses côtés, à côté du manche à balai, et les autres passagers prennent place sur les deux rangs de sièges à l’arrière. Lorsqu’il lance l’hélice, toute la carcasse de met à trembler. J’essaie de cacher mon appréhension. Nous roulons sur le tarmac, l’avion prend la piste, j’ai l‘impression qu’il n’arrivera jamais à décoller. Il finit par s’élever lentement, je contemple l’urbanisme anarchique de Bangui.


Malgré un bruit étourdissant, Sam me parle pendant l’heure et demie de vol. Entre son accent à couper au couteau et le vacarme, j’arrive à comprendre qu’il pilote sur les lignes locales depuis plus de quinze ans, qu’il est très seul à Bangui, car sa famille est restée au Cap… et qu’il aimerait bien m’inviter à passer une soirée avec lui. Je lui explique les principaux objectifs de ma mission. Il a un sourire entendu en me souhaitant bon courage. Je serre les fesses à l’atterrissage, la piste a des nids de poule qui secouent l’avion comme un prunier, mais nous gagnons, finalement sains et saufs, le petit bâtiment qui sert d’aérogare.


Alors que Sam décharge les valises du coffre à bagages, les gens accourent vers l’avion. J’entends mon nom. C’est un homme rondouillard, avec une petite bedaine, qui me tend la main en se présentant comme Saïd. Il a de petits yeux enfoncés, incroyablement mobiles, et porte une saharienne ocre. Il prend mes valises et je le suis, après avoir salué mon valeureux pilote. Sa voiture est garée sur le parking des officiels devant l’aéroport. Elle contraste avec les autres véhicules : c’est une luxueuse Mercedes aux vitres teintées. L’air conditionné y diffuse un havre de fraîcheur.


Saïd m’informe que le taxi-brousse pour Daouda, mon terminus, partira demain en fin de matinée, et qu’il faut compter au moins cinq heures depuis pour faire le 70 km de piste. Nous compléterons préalablement mon barda dans son dépôt. Il me loge chez lui ce soir, car il n’y a pas d’hôtel décent à Ndele. Il me présentera à cette occasion Leila, son épouse et Djamila, sa fille. Elles nous ont préparé un mezzé aussi bon qu’à Beyrouth, selon lui ! Il me dit avoir deux fils à l’étranger (et quatre petits-enfants), l’un gérant ses affaires à Abidjan et l’autre s’occupant des bureaux de Genève. En attendant, il me propose de visiter son entrepôt.


Je suis frappée une nouvelle fois par la foule qui grouille sur la route et qui oblige mon conducteur à rouler au pas. Des camions sans âge et des charrettes tirées par des ânes bloquent la circulation. Chacun d’entre eux est bourré de sacs sur lesquels les gens, souvent des enfants, gesticulent et braillent. Je m’attends à tout moment à voir l’un d’entre eux chuter sur la route, dont le revêtement est parsemé d’énormes nids de poule. Le luxe des fauteuils en cuir du véhicule de Saïd contraste avec l’extérieur. Je suis consciente que ma vraie aventure va débuter demain et j’ai l’impression de faire une « provision de luxe », car je n’en trouverai plus après.


L’entrepôt de Saïd est un immense bâtiment neuf qui contraste avec la vétusté des alentours. Je fais part de mon étonnement à mon hôte qui me lâche, sur le ton de la confidence :



Dans mon subconscient, je me demande s’il ne confond pas travail et richesse. Il me confie à un employé zélé pour faire le tour de l’entrepôt pendant le temps qu’il arrange quelques problèmes à son bureau. Je suis abasourdie de la quantité de marchandises diverses que contiennent les immenses casiers. La plupart des produits sont estampillés « made in China ». Il y a des bacs et des seaux, de la lessive et des produits ménagers, des outils, des pièces automobiles, des ordinateurs et téléviseurs, des caisses de champagne, de l’électroménager, des meubles de jardin, des jouets pour enfant, des tentes, etc. Tout est impeccablement rangé, avec des numéros et des codes barre, et des chariots élévateurs circulent dans les vastes allées chargeant et déchargeant toutes ces marchandises, reflets de la société de consommation. Notre visite terminée, je suis guidée jusqu’au bureau de Saïd ; l’ameublement est digne du siège d’une grande banque parisienne. Le bureau de Saïd a la taille d’un terrain de bowling, il trône, derrière plusieurs écrans et téléphones, dans un profond fauteuil de cuir noir, la table de son bureau est probablement du marbre.


Mon hôte, cette fois, ne prend pas le volant, c’est un chauffeur très stylé qui nous conduit. Nous grimpons sur les collines qui surplombent Ndele. La vue, avec le soleil qui décline, est à couper le souffle. Un vaste portail s’ouvre, une allée parsemée de spots lumineux nous mène jusqu’à une grande bâtisse de style néocolonial. Leila et Djamila nous attendent sur le vaste perron. Elles portent d’amples robes qui me paraissent sortir du Faubourg Saint Honoré. Pas très grandes, elles ont des cheveux noirs passés au henné, un maquillage prononcé, une poitrine imposante. Elles m’accueillent chaleureusement en m’embrassant comme si j’étais de la famille. Une soubrette et un majordome en uniforme prennent mes affaires et me conduisent dans ma chambre, une vraie suite de palace. Je me douche, enfile ma plus belle tenue, une robe de soie bleue assez décolletée, tout en sachant qu’à côté des femmes de cette famille, je dois ressembler à une petite paysanne. Je me maquille avec soin et descends par le vaste escalier retrouver mes hôtes.


Ils m’attendent dans une grande pièce et me servent sans me consulter, une coupe. Une quantité impressionnante de délicieuses spécialités libanaises sont étalées sur une grande table. Comme le veut la tradition là-bas, nous les dégustons à moitié couchés sur de profonds fauteuils. Saïd me raconte que, brutalement orphelin après une attaque terroriste contre sa famille dont il avait miraculeusement réchappé, il est arrivé ici il y a une quarantaine d’années sur les conseils d’un de ses oncles habitant Bangui. Au début, son activité consistait surtout à expédier du coton vers l’Europe et le Pakistan. Il s’est ensuite diversifié dans l’export des diamants vers Anvers et a surtout réalisé la soif des locaux pour des produits importés. Il a alors construit l’entrepôt que j’ai visité, et a ouvert des antennes grâce à ses fils et ses cousins en Côte d’Ivoire et en Suisse. Accessoirement, il sert de relais à une petite dizaine d’ONG comme la mienne, en reconnaissance pour celle qui l’a aidé quand il a dû fuir le Liban. À mon tour, je raconte mon enfance à Versailles, mon boulot de professeur en banlieue nord et ma volonté de changer de vie pour lui donner un sens. Je cache ma rupture avec Max et ils s’étonnent « qu’une ravissante jeune fille » comme moi n’ait pas un prince charmant. Les deux femmes se passionnent pour le contenu de ma mission et me souhaitent bon courage pour contrôler les naissances en savane. En effet, selon elles, les populations locales ont des comportements dans les relations homme/femme proches des animaux. J’évite bien entendu d’opiner sur ce sujet.


À l’heure des savoureux desserts, les deux femmes me proposent d’aller goûter l’eau de la piscine. Je réponds maladroitement que je n’ai pas de maillot. Elles s’esclaffent et me disent qu’ici, les bains de minuit se prennent entièrement nues. Je les suis jusqu’à une magnifique piscine à débordement depuis laquelle on voit les lumières de Ndele. Des lampes immergées donnent à l’eau une couleur turquoise. Leila est plus enveloppée qu’elle ne paraît et s’est visiblement fait refaire les seins après ses trois maternités. Djamila a un joli visage, mais des hanches très marquées, des fesses imposantes et des seins un peu tombants. C’est un bonheur pour moi, après deux jours de voyage, de sentir l’onde glisser contre mon corps nu. Saïd apparaît alors, un verre de cognac à la main. Je sens son regard intéressé glisser sur mon corps. Il ne se retire pas lorsque nous sortons de l’eau pour enfiler les peignoirs qu’une accorte soubrette nous présente. Nous regagnons nos chambres.

Le lendemain matin, j’étrenne pour la première fois une tenue de brousse. Après un copieux petit déjeuner et des adieux plus chaleureux que lors de mon départ de Paris, le chauffeur nous conduit, Saïd et moi, vers l’entrepôt. Ce dernier prend ma main et, me regardant dans les yeux, me dit d’une voix grave :



La gravité de ses propos tranche avec l’univers luxueux que nous venons de quitter et la chaleur de l’accueil que sa famille et lui m’ont réservé. Il serre ma main virilement et me regarde fixement. J’esquisse un pâle sourire. Arrivés à l’entrepôt, il se fait apporter la liste commandée par Mrs Brown dont je prends connaissance. Elle comporte un gros carton de préservatifs, une trousse à pharmacie imposante, quelques boîtes de conserve, du papier à lettres et des enveloppes, des serviettes périodiques, des carnets à spirale et des crayons. Saïd insiste pour m’offrir en plus un lit de camp pliable et une grande moustiquaire, dont, d’après lui, je devrais avoir besoin. Il me précise que je dois donner ma commande mensuelle au taxi-brousse qui assume une liaison hebdomadaire entre Ndele et Daouda. En principe, je serai livrée la semaine suivante.


Son chauffeur charge tout mon barda, qui a doublé de volume, dans sa berline, nous nous étreignons un peu plus que ce qui serait convenable, et me voilà en route pour le marché central, d’où part le taxi-bus. Une fois arrivés, mon cerbère arrime, avec l’aide du chauffeur, au-dessus des autres chargements mes affaires sur le toit de la vieille Toyota. La grande aventure commence enfin…


Nous sommes six, en plus du chauffeur, serrés dans le véhicule. Que des hommes, qui me regardent avec surprise et un peu plus. Ils se demandent, visiblement, ce qu’une jeune Européenne vient faire dans cette galère ! La sortie de la ville, à une vitesse d’escargot, dure plus d’une heure. Peu à peu, la foule se fait plus clairsemée ; le trafic, camions, motos, charrettes restent cependant important. Nous devons rouler vitres ouvertes à cause de la chaleur et une lourde poussière ocre envahit l’habitacle. Par moment, d’énormes trous dans la piste, dont l’asphalte disparaît peu à peu au fur et à mesure que nous nous éloignons, nous secouent brutalement. Je suis coincée entre deux hommes et n’ai pas de poignée pour me tenir. Dans un premier temps, j’essaie d’esquiver les contacts, cuisses et seins, avec mes voisins. De guerre lasse, j’y renonce, et j’ai l’impression qu’ils en profitent. Nous nous arrêtons à mi-chemin, à l’orée d’un village, devant une cahute qui vend toutes sortes de babioles, les hommes vont soulager leur vessie et boivent une bière. Je m’abstiens, vu la configuration des lieux. Par chance, deux hommes descendent à cette étape, et j’ai un peu plus de place. Je regarde la savane défiler, les masures qui bordent la route, les enfants qui gardent de maigres troupeaux.


Manifestement, l’arrivée du taxi-brousse est un évènement à Daouda. Une foule bigarrée nous entoure. Les hommes sont torse nu, en short pour la plupart, certains ont un pagne traditionnel. Les femmes ont de longs boubous aux couleurs criardes, des fichus sur la tête. Les plus jeunes, seins nus, ont des jupes tombant jusqu’au sol. Une multitude d’enfants criards et joyeux s’agitent autour de notre véhicule pendant qu’il est déchargé. Une jeune femme, au joli visage et à la poitrine arrogante, s’approche de moi :



J’emboîte le pas de mon guide. Les maisons sont rondes, avec des tailles différentes, les murs en terre séchée découpée en forme de briques, les toits en feuilles de palmier séchées. La plupart ont, près de la porte d’entrée protégée par des rideaux, une bassine ou seau accroché au mur avec une corde qui pend. Au centre du village qui s’étend de part et d’autre de la piste, deux bâtiments plus importants détonnent : ils sont rectangulaires. Faty m’explique que c’est la maison du chef et, plus loin, l’école.


Nous arrivons devant une petite case d’une quinzaine de mètres carrés dont elle soulève le rideau d’entrée. C’est un peu sombre, mais des filets de lumière filtrent par des fentes entre le haut des murs et le toit. Au sol, une jatte de coton est déployée. Le seul meuble est une chaise de jardin en plastique. Je m’y attendais, mais c’est pour le moins sommaire. Faty m’explique que le seau à l’entrée est censé servir de douche, mais que, comme la saison sèche vient de commencer, il y a très peu d’eau et je dois être plus qu’économe. Lorsque les porteurs arrivent, ils déposent mes cartons, ma valise et mon sac à dos contre le mur. Je vais devoir me passer de penderie !


La jeune fille me dit que nous devons, par courtoisie, aller saluer Jean Bedel, le chef du village, et me propose d’aller ensuite nous baigner dans la rivière pour effacer les fatigues du voyage. Sur notre chemin, les gens nous saluent joyeusement de la main. Nous entrons dans le plus grand des bâtiments rectangulaires. Il se compose d’une enfilade de pièces ; dans chacune d’entre elles, des hommes, assis par terre, fument et boivent de la bière. Arrivées devant une porte de bois fermée, Faty frappe et ouvre. Trois hommes sont assis sur une natte au centre. Je devine que le chef du village est au centre. Il a une indubitable prestance, avec sa barbe blanche, son visage raviné, sa djellaba à rayures verticales blanches et bleues. Sans se lever, il me tend une main calleuse et ferme en me souhaitant bienvenue. Il me fait part de son intention de me voir plus longuement d’ici une dizaine de jours, une fois que j’aurai pris mes marques.


Lorsque nous retraversons les pièces pour sortir, les hommes qui s’y trouvent nous interpellent en Sango, le dialecte local ; Faty leur répond avec véhémence. Lorsque je lui demande de me traduire, elle me répond que ce n’est que des idioties typiquement masculines ! Nous nous écartons du village et prenons un petit sentier en pente qui débouche sur une vaste pièce d’eau qui est alimentée par une rivière serpentant autour de gros bloc de rocher. Une dizaine de jeunes filles, entièrement nues, s’ébrouent et batifolent, de l’eau jusqu’à la ceinture. Faty défait sa jupe, sous laquelle elle ne porte rien, et les rejoint. Je marque un temps d’arrêt, il y a plusieurs hommes sur les rochers en amont qui nous regardent l’air intéressé. Faty et ses copines me houspillent. Elles me disent que les crocodiles ne sont présents que bien plus bas dans la rivière. Je finis par ôter mon short et mon chemisier. Les filles me regardent, interloquées. Visiblement, mes dessous les interpellent. Elles sortent de l’eau et viennent les toucher. Ce n’est pourtant qu’un ensemble coordonné blanc très classique. Lorsque je les ôte, elles se les passent de main en main, posent les bonnets sur leur poitrine, étirent l’élastique du shorty, examinent l’agrafe de mon soutien-gorge. Visiblement, elles ne sont pas habituées à la lingerie occidentale !


L’autre sujet d’attraction est ma toison blonde, en forme de ticket de métro, que j’ai soigneusement taillée avant mon départ. Les leurs sont noires, touffues, foisonnantes. L’une d’elles, plus intrépide, va jusqu’à esquiver une rapide caresse. Je leur échappe en me jetant dans l’eau. Sa température est un peu fraîche, mais supportable. Le fond est sableux, j’avance jusqu’à ne plus avoir pied et fais quelques brasses. Me retournant, je constate que le groupe de jeunes hommes est descendu des rochers. À leur tour, ils palpent mes dessous avec une gourmandise manifeste et échangent des commentaires que je devine grivois. Je me fais toute petite dans l’eau, sous les rires des filles qui m’entourent. Au bout d’un moment, Faty, qui a deviné mon agacement, sort de l’onde et fait fuir les garçons en les houspillant. Je suis ici depuis quelques heures et j’ai déjà marqué le village avec ma lingerie !


En rentrant, j’explique à ma nouvelle amie que, dans un premier temps, je veux comprendre comment les gens, et en particulièrement les femmes, vivent. Devant un plat de manioc, dans ma case, elle me raconte. La polygamie est répandue dans le village. Chaque homme vend beaucoup de bétail, ou de produits agricoles, pour s’acheter une épouse. Les pères qui ont des filles nubiles les soignent pour mieux pouvoir en tirer bénéfice. Si un homme est trop pauvre, il ne peut avoir ni bétail ni épouse ; en général, il part travailler à la mine de diamants. Là-bas, il gagne une misère sauf s’il découvre une pierre. Il reçoit alors une prime et peut améliorer un peu son ordinaire. Les plus malins cachent leur découverte, en tirent une petite fortune en la revendant au marché noir et reviennent s’installer au village. C’est dangereux, car la police fait des contrôles sévères. Mais Faty me dit connaître deux hommes au village qui ont réussi à devenir riches ainsi et ont chacun trois femmes.

Lorsque je demande à Faty si la jeune fille doit se marier vierge, elle éclate de rire :



Je quitte Faty songeuse, après l’avoir remerciée de son accueil et de ses confidences. Elle m’annonce qu’elle me montrera demain la plantation du coton, car Amos, l’instituteur qu’elle seconde, lui a donné sa journée. Après avoir monté mon lit de camp, non sans difficulté, je m’endors d’un sommeil léger, peuplé de considérations sévères sur la condition des femmes à Daouda.


De bon matin, nous nous mettons en marche le long de la piste défoncée. Des groupes marchent dans la même direction, armés de piquets et de masses ; Faty m’explique que la terre n’appartient à personne, tout le monde peut la cultiver. Mais, pour cela, il faut à chaque famille délimiter les contours de son champ à l’aide de pieux. C’est le travail des hommes. Nous voyons en effet des cultivateurs aux torses ruisselants de sueur s’acharner à grand coup de masse pour enfoncer des piquets dans la terre ocre. Leurs femmes et leurs enfants, agenouillés dans des herbes rases, arrachent à la main la végétation et la fourrent dans de grands sacs pour l’alimentation du bétail. Évidemment, les hommes ont assez vite fini et regardent en discutant entre eux et en buvant des bières leur famille s’activer. Là encore, ils ont le beau rôle. Ma correspondante m’explique que tout espace délimité doit être cultivé selon la coutume. Plus la famille compte de membres, plus la surface est étendue, car sa capacité de défrichement est plus grande ; le nombre de bouches à nourrir aussi !


Sur le chemin du retour, Faty me propose de nous arrêter chez Habib et sa femme, Maya. Ils occupent une case un peu à l’extérieur du village. Sur le pas de la porte, accroupie devant un feu sur lequel mijotent une demi-douzaine de boîtes de conserve, une vieille femme nous regarde venir. Ses cheveux gris sale sont défrisés, et elle a d’étranges yeux pers. Elle nous salue en ronchonnant. Je me présente, lui explique ma mission et lui dit que j’aimerais bien discuter avec elle de son travail pour les jeunes femmes. Elle me rabroue. Visiblement, elle parle peu français, et Faty me suggère de lui soumettre les questions que je me pose, elle se charge personnellement de revenir les lui demander. Un homme, lui aussi âgé, sort à ce moment de la case. Je devine que c’est Habib, le sorcier. Voûté, chétif, il a des jambes décharnées et porte sur le torse une peau de bête rayée, du zèbre probablement. Il est plus volubile que son épouse, et m’explique que lui, il agit pour les hommes et leurs biens, laissant son épouse s’occuper des femmes. Il conseille Jean Bedel, lance les esprits contre les Moros (les musulmans, m’explique Faty), implore les dieux pour des récoltes prospères et concocte des potions pour donner à ses ouailles force, virilité et fertilité. Je me dis dans un coin de ma tête que, finalement, son épouse fait son service après-vente !


Il nous invite à entrer dans sa case. Celle-ci est sombre. L’odeur qui y règne est irrespirable, lui aussi fait mijoter des conserves sur des foyers qui enfument le local. Aux murs, je distingue toute une série d’objets bizarres, amulettes de plume, d’os, de bois, peaux de serpents et d’antilopes. Il nous verse dans un gobelet sale la « potion qui rend les hommes fous de celles qui la boivent ». D’une pression sur le bras, Faty me fait comprendre d’en boire le moins possible. C’est une soupe âcre, je n’en prends qu’une gorgée, tout comme elle. Habib porte ses mains sur mes épaules, se lance, les yeux fermés, dans d’étranges incantations. Puis il me dit :



Peu rassurées sur cet horoscope, nous quittons la case du sorcier. L’air frais nous fait du bien. Ma nouvelle amie me suggère de rencontrer cet après-midi le pasteur qui est de passage puis Amos, son patron, l’instituteur. J’accepte avec enthousiasme, je vais connaître ceux qui comptent à Ouda !


Le pasteur est un métis qui vient, une fois par mois, de Ndele pour assurer le salut de ses fidèles. Il se montre intéressé par les objectifs de ma mission, mais ne cache pas son scepticisme quant à ses résultats. Il m’explique que la christianisation de la province est relativement récente, que l’islam a été présent pendant plusieurs siècles par le biais d’invasions répétées et que, finalement, les populations sont surtout empreintes de croyances diverses d’origine animiste. Il me dit que l’arrivée des multinationales pour le pétrole et le diamant a déséquilibré les racines rurales des habitants sans même apporter une amélioration notable des niveaux de vie. Par ailleurs, si la femme centrafricaine fait bouillir la marmite, le comportement des hommes est profondément machiste, le sexe opposé étant souvent considéré comme une marchandise quelconque. Je sors un peu désabusée de cet entretien.



Le contact avec l’instituteur, le patron de Faty, est beaucoup plus facile. Amos est arrivé de Bangui il y a trois ans. C’est un bel homme dans la quarantaine, à la barbe fournie, aux yeux perçants encadrés de grosses lunettes d’écaille. Il m’explique que, normalement, les enfants doivent être scolarisés entre huit et seize ans, mais que, dans les faits, il n’a qu’un petit tiers des écoliers potentiels, les plus jeunes gardant le bétail, les autres allant tenter leur chance en ville ou à la mine. Certains parents analphabètes ne scolarisent pas leurs enfants. Cela lui fait quand même cent vingt élèves environ. L’école n’est ouverte que le matin. Faty s’occupe des huit/dix ans, il se charge des plus âgés. Il reconnaît avoir bien peu de temps pour s’occuper individuellement de chacun.


Les matières principales sont le français (orthographe, grammaire, vocabulaire), le calcul et l’histoire (du pays). À ma question de savoir si les sciences de la vie et de la terre sont enseignées, il me répond que seulement très occasionnellement et l’éducation sexuelle pas du tout ! « Ils apprennent sur le tas ! ». Je lui demande s’il serait possible de m’entretenir avec un groupe de filles de dix/douze ans. Il accepte bien volontiers, et me dit que je peux commencer dès demain. Nous décidons de constituer des petits groupes de huit élèves au maximum pour faciliter les échanges.


Pendant trois semaines, j’écoute les filles parler. Le bouche-à-oreille étant positif, même les plus réticentes finissent par participer aux groupes de parole. Par rapport aux élèves de la banlieue nord de Paris, elles font preuve d’une étonnante maturité. Ma conclusion est double : elles connaissent bien, vivant sous le même toit que leurs parents et leur fratrie, ce qu’est la sexualité. Elles anticipent moins bien ce qui va leur arriver et n’ont pratiquement pas de notion des risques encourus. Certaines reconnaissent qu’elles ne sont plus vierges. Il est possible qu’il y ait quelques cas d’inceste, mais c’est surtout en jouant naturellement avec les garçons qu’elles connaissent leur première expérience. J’obtiens d’Amos de faire quelques groupes plus âgés. Toutes disent avoir connu au moins un partenaire, une seule arrive à situer à peu près sa période de fertilité dans son cycle. Je vais avoir du pain sur la planche !


Nous décidons, Amos, Faty et moi, de consacrer deux heures de cours sur les organes sexuels. L’ambiance est très différente de celle des classes de quatrième en France, il n’y a ni petit malin qui fait le pitre vu le sujet, ni ambiance gênée de la part des plus timides. Parfois, j’ai droit à une question, posée avec naturel. N’ayant aucun support, c’est à la craie que je dessine sur le tableau. De temps en temps, Amos traduit en sango mes propos pour que je sois mieux comprise. À la fin du cours, il vient avec Faty me féliciter : non seulement, maintenant, la matière lui paraît digne d’être enseignée, mais en plus, j’ai su captiver mon auditoire.


Je propose aux enseignants un nouveau cours, moins théorique, portant cette fois sur les risques et les manières de les éviter. Ils acceptent bien volontiers. Alors que nous rentrons vers nos cases respectives, j’interpelle Faty à brûle-pourpoint :



Elle se détend soudain et m’avoue qu’ils ont une liaison depuis six mois, mais qu’elle ne veut surtout pas que cela se sache, surtout son père, car il entrerait dans une colère… noire, car Amos n’a rien à lui donner s’ils vivent ensemble. Je rassure mon amie en lui disant que je trouve naturel qu’elle ait un amant à son âge et qu’elle peut compter sur ma discrétion. Je sens une complicité très forte se nouer entre elle et moi.


Je lui fais part de ma préoccupation concernant ma coiffure. J’ai coupé mes cheveux que j’avais mi-longs avant de quitter l’Europe, me doutant que je les soumettrai à de rudes conditions. Avec la poussière que dégage en permanence la latérite du sol, je dois les laver tous les jours, et mon stock de shampooings s’amenuise. Elle me prend par la main et me conduit vers le lavoir, situé juste en aval du petit lac où nous faisons nos ablutions. Nous venons y laver notre linge, c’est un lieu d’échange entre toutes les femmes du village qui m’a permis de vérifier leurs connaissances très approximatives en matière de prévention des naissances.


Assise sur une margelle, je laisse mon amie, bientôt aidée par trois autres filles, me faire de petites tresses dans les cheveux type dreadlocks. Nous nous amusons comme des gamines, et je ne vois pas passer les deux heures que dure cette forme de mise en plis. Dans mon petit miroir, je suis sidérée du résultat : je me reconnais à peine, je ressemble à une Africaine… blanche ! Mes coiffeuses m’applaudissent comme si j’étais une reine de beauté.


Afin de préparer mon cours suivant, je me mets à la recherche d’un objet pouvant représenter un pénis. Mon choix se porte sur un morceau de bois que je fais polir par le frère de Faty. Devant cent vingt élèves, je demande quels sont les problèmes liés à l’amour charnel. Très vite, les filles mentionnent la maternité. Les garçons, plus égocentriques, évoquent les maladies qu’ils peuvent attraper. Les blennorragies et, dans certains endroits, la syphilis sont en effet assez fréquentes. Alors, un peu théâtralement, je saisis un préservatif, le sors de son étui et le glisse autour du bâtonnet supposé représenter un sexe masculin.



Les yeux s’écarquillent, les bouches s’arrondissent. Amos doit intervenir pour restaurer le calme, ils veulent tous toucher l’objet. Il circule dans les rangs et me revient bien entendu déchiré. J’ai droit à de nombreuses questions sur l’usage de la capote. Les préoccupations majeures portent autour de la perte éventuelle du plaisir ressenti et… du prix de l’accessoire. Les filles les plus âgées émettent des doutes sur leur capacité à imposer son utilisation à leur partenaire. L’une d’elles objecte « quand il en a envie, rien ne l’arrête ». Mon discours sur le consentement nécessaire et la nécessité de partager avec l’autre, je le sens, les laisse dubitatives. Pour les convaincre, je propose de distribuer une dizaine d’exemplaires aux plus âgés. Devant la ruée que mon offre génère, je laisse Amos et Faty procéder à leur répartition.



Le lendemain, je sens une étrange évolution dans le regard des villageois à mon égard, un mélange de respect et de crainte, lorsque je me rends au lac pour me laver. Comme d’habitude, nous jouons comme des gamines à nous asperger, à nous pousser dans l’eau. L’endroit ressemble à une cour de récréation. Mais tout d’un coup, tout se fige. Deux grosses Toyota s’arrêtent, dans un nuage de poussière, à une trentaine de mètres de la rive. Des hommes en descendent, trois blancs et une demi-douzaine de locaux. Faty me glisse :



Tandis que leurs hommes commencent à monter des tentes, les trois blancs nous regardent… à la jumelle, comme si nous étions des antilopes dans la savane. Je reste tapie dans l’eau, j’ai le sentiment d’être centre d’intérêt ! Les filles s’agitent, certaines sortent de l’eau et vont, en se trémoussant, entièrement nues, à la rencontre des nouveaux arrivants. Je suis la dernière à sortir de l’eau. Regrettant d’avoir laissé mes vêtements si loin de la rive, je cours, le bras contre ma poitrine pour éviter de la faire ballotter, vers ceux-ci et les enfile rapidement. Je rejoins les filles, attroupées autour des chasseurs. Deux d’entre eux sont des colosses roux, ils me toisent, jumelle dans une main et canette de bière dans l’autre ; visiblement, il s’agit d’un père et de son fils. Ce dernier regarde avec gourmandise mes copines qui ondulent en tenue d’Ève devant lui. Le plus âgé me tend la main et me dit, dans américain typique du Middle West :



Le troisième larron, probablement le guide professionnel de chasse, est un petit homme sec et noiraud, une épaisse toison sombre dépasse de sa chemisette kaki entrouverte.



D’emblée, cet individu me déplaît ; son regard pervers m’enveloppe lubriquement. J’ai l’impression d’être de la viande ! Je leur explique en anglais mon appartenance à une ONG sans en dévoiler la mission. Il me propose une bière (fraîche, ce qui est inconnu ici) que je refuse. Je prends congé, non sans avoir été invitée à venir prendre un apéritif – qu’ils ont, me semble-t-il, largement commencé – dans la soirée. En me retournant, je constate que trois grandes tentes ont déjà été dressées. Faty, qui m’a rejointe, me précise :



Je me dis que je viens d’identifier un des vecteurs de transmission des maladies vénériennes dans la région et que Maya va avoir dans neuf mois du boulot pour se débarrasser des fruits de ces amours vénales. Je suis contrariée par cette invasion brutale d’une certaine « civilisation » dans la vie de mes paysans. Je décide donc de ne pas honorer ce soir l’invitation à laquelle j’ai été conviée.


Le lendemain matin, le village a retrouvé son calme : les chasseurs sont partis sur la piste des grands animaux. Faty, le visage soucieux, m’informe que Jean Bedel souhaite me voir, et qu’elle ignore l’objet de cette requête. Lorsque nous arrivons vers le grand bâtiment, trois femmes cuisinent devant sa porte. Un homme me dit de patienter, car le chef est occupé. Mon amie me les présente : il s’agit de ses trois épouses. La plus âgée a un visage avenant, creusé des rides profondes. Elle est en boubou, les deux autres sont en jupe, seins nus. La plus jeune maintient contre elle dans un grand châle un nourrisson qui tète goulûment. J’en profite pour leur demander combien d’enfants elles ont. La majeure m’informe qu’elle en a eu douze, dont neuf ont survécu, la seconde sept, dont cinq vivent, et la plus jeune cinq, dont un est décédé. Je fais un rapide calcul lié à mon stage de préparation : même si la base n’est pas statistiquement représentative, cela fait une moyenne de huit grossesses par femme, et un taux de mortalité infantile de 20 % !


Un jeune homme à la large carrure et au sourire avenant sort de la grande case, mon tour est arrivé. J’enfile les différentes pièces et arrive dans celle où m’attend Jean Bedel. Il y fait toujours aussi sombre. Il est assis sur un petit banc peu élevé et me fait signe d’approcher. Il me regarde longuement et me dit :



Je me sens comme une petite fille prise en faute. Sa voix est à la fois douce et ferme, il dégage une forte autorité charismatique. Il m’impressionne, visiblement, il en impose, ses propos ne souffrent d’aucune contestation. Il me demande de m’approcher encore plus de lui. J’obtempère. Il me dit, tout de go :



C’est la première fois de ma vie que je porterais un slip ! Et, s’il veut parler de ma culotte, je n’en mets plus depuis l’incident du lac le premier jour pour éviter la curiosité de tout le village. Je réalise que l’origine de sa demande vient de cette anecdote. Qu’a-t-on pu lui raconter sur mes dessous ? Lentement, je baisse mon short sur mes genoux et ouvre mon chemisier. Je suis hypnotisée. Il approche sa main décharnée de mon bas-ventre, sa tête de mes cuisses. Je me dis qu’il doit avoir des problèmes de cataracte. Il passe son doigt sur ma toison, tirant un peu sur mes poils, puis de haut en bas sur ma fente, et revient de bas en haut. J’ai honte de me montrer ainsi et en même temps j’éprouve une coupable chaleur dans le ventre. Il écarte mes grandes lèvres, puis mes petites. J’ai l’impression d’être auscultée par mon gynéco. Avec une différence : l’envie qu’il en fasse plus. Puis, un peu brutalement, il me dit de me rhabiller. J’ai le souffle court.

Il saisit quelque chose sous son tabouret et me le montre. C’est un préservatif que j’ai dû donner. Il est tout tirebouchonné.



Je réalise que j’ai commis une erreur en ne lui parlant pas de mes projets pour l’école. Je tente de lui exposer le plus calmement possible l’usage du morceau de latex. Il m’écoute, hoche la tête, et me dit en soulevant sa djellaba :



Son sexe, long et recourbé, pend entre ses jambes décharnées. Ses bourses, volumineuses, oscillent loin de son corps. Je n’ai jamais vu de testicules tombant aussi bas. Je me demande s’il a une semi-érection, ou s’il est au repos. Je détortille la capote, la tends un peu pour lui redonner un peu de souplesse. Elle a dû être manipulée dans de nombreuses mains ! Je sais qu’il est fondamental pour ma mission que je réussisse cet examen de passage, même si les modalités en sont pour le moins incongrues. Je m’accroupis et tente d’enfiler le caoutchouc sur le gland du chef. Il est trop mou, je n’y arriverai jamais ! Il faut que je le fasse bander au moins un peu. Alors, je ferme les yeux, et lance ma main au contact de ses couilles. Je les effleure, il se cabre un peu sous ma caresse. Je les soupèse, les cajole, les serre doucement. Il gémit. Alors, je pose un doigt sur son méat, l’agace un peu, glisse vers les bords de son gland aux bords duquel je trace des arabesques. Je le sens se durcir ; ma mission est accomplie, j’enfile le préservatif le long de son sexe.


Je veux me retirer, mais il me tient la main. Il me dit vouloir voir l’effet que ça fait. Il me prend par le cou et m’incline vers son ventre. Ce qu’il souhaite est sans équivoque. J’avance les lèvres vers son gourdin et le prends dans ma bouche. Ma langue entreprend un ballet qui ne laisse aucun coin de sa peau intact. Là où je sens que je lui arrache un gémissement ou un tressaillement, je reviens, j’insiste, je persévère. Il a posé ses mains sur ma nuque et m’attire vers lui. Je tente de l’absorber davantage, j’en ai presque des hoquets. Il s’agite maintenant, lançant son ventre en avant vers ma bouche. Je me dis que je dois me montrer encore plus osée. Alors, je glisse ma main sous ses boules et lance un doigt explorateur le long de son périnée. Bingo ! Il se cabre, je le sens se durcir. Et, alors que mon ongle s’est glissé dans son petit trou, il gémit et lâche sa semence. Je la sens gicler à travers la mince cloison contre mon palais. J’insiste lascivement, pour lui soutirer ses dernières humeurs. Finalement, c’est lui qui me repousse. J’ôte avec précaution l’objet de notre litige ; je lui montre le petit réservoir rempli de son sperme. Il me sourit fièrement, me soutirant la preuve de mes égarements, et me congédie.


Je ne suis vraiment pas claire en rentrant dans ma case. Ai-je agi comme il le fallait ? L’ai-je convaincu ? Ne va-t-il pas me considérer comme une fille à soldats prête à tout pour satisfaire ses caprices et ceux de ses hommes ? Couchée, nue, sur mon lit de camp, je saute le dîner, je n’ai pas faim. Je culpabilise. Je me revois, agenouillée entre ses cuisses… La fellation est une arme pour contribuer à la régulation des naissances, certes, mais pas dans ces conditions. Dans un demi-sommeil, je divague. C’est alors que je sens une silhouette pénétrer dans mon abri et s’agenouiller près de moi. C’est Faty. Elle est inquiète, se doute c’est mon entrevue avec Jean Bedel qui m’a rendue léthargique. Elle me caresse doucement la tempe et me demande de lui raconter. Entre deux sanglots, je lui raconte tout, dans le détail. Elle m’écoute religieusement. Elle m’explique que les chasseurs sont une bénédiction pour le village. C’est lui, le chef, qui présélectionne habituellement les filles qui vont tourner autour de leur campement. Elle-même a été sélectionnée deux fois, et a donc déjà fait l’amour avec des blancs. Il a eu du mal à choisir ses candidates cette fois, car nous étions déjà dans le lac quand ils sont arrivés et certaines ont su anticiper les candidatures. Sa main s’est posée sur mon sein, elle le caresse distraitement en me parlant. Une fois terminé ses commentaires, elle me glisse d’une voix suave :



Je lui avoue que oui. Elle empoigne alors plus fermement mon sein et me dit que ce qui me manque, c’est un homme à mes côtés. Il est vrai que je suis chaste depuis ma rupture avec Max ; ses lèvres ont remplacé ses doigts, je sens ma poitrine durcir. Elle m’en mordille les pointes, c’est doux, c’est bon. Je suis étrangement passive, offerte à ses caresses. Je la sens se glisser vers mon ventre, sa bouche vient se poser sur mon ventre. Je sens celui-ci se nouer. D’une langue mutine, elle va explorer mon clitoris. Depuis mes dix-huit ans, je n’ai plus connu la délicatesse d’une femme ! Elle glisse ses mains sous mes fesses, les empaume, me fait redresser le bassin vers elle. Elle a pris mon bouton entre ses dents, elle le lape, l’aspire, le recrache, le mordille. Je sens le tsunami monter dans mes reins, je me tends, j’appuie sur ses cheveux crépus pour mieux la sentir encore, je jouis et inonde son visage. Elle me regarde longuement pendant que mon corps s’apaise. Délicatement, elle se lève, viens déposer un baiser léger sur mon front et s’esquive. Je m’endors d’un sommeil profond.


L’invitation des chasseurs, que Jean Bedel m’a demandé d’honorer, m’obsède toute la journée du lendemain ; je m’en ouvre à mon amie (et même un peu plus depuis la veille au soir). Elle aussi insiste pour que j’y aille, ça ne pourra que me divertir. En plus, je me souviens de la recommandation insistante de Mrs Brown, savoir mettre les autorités locales de mon côté. Je décide de prendre le taureau par les cornes, ils vont voir de quel bois je me chauffe ! Je me pomponne donc, me maquille pour la première fois depuis que je suis ici, enfile cette fois de jolis dessous et la robe bleue que j’avais mise chez Saïd. Le fait de marcher avec des talons hauts sur la terre aride et irrégulière me surprend. J’en ai perdu l’habitude. Les quelques villageois que je croise en chemin me regardent étonnés, ils n’ont pas l’habitude de me voir ainsi. Lorsque j’arrive à la porte de la grande tente, j’entends les voix joyeuses des chasseurs et des petits cris de femmes chatouillées. Je pousse le rideau et découvre les trois hommes lutinant autant de jeunes femmes. Je reconnais deux d’entre elles que j’ai vues lors de mes cours. Sur la table gisent deux bouteilles d’Asti et plusieurs canettes de bière. Mon arrivée provoque un silence théâtral. Dino est le premier à réagir :



Ted, probablement déjà pris de boisson, a du mal à s’extirper du fauteuil de toile indigne de sa carrure. Ron, son fils, s’escrime à tenter de refermer la braguette dont une des filles avait visiblement entrepris l’inventaire. Les filles, débraillées, me jettent des regards jaloux. L’italien frappe dans ses mains et leur dit :



Je me sens mal à l’aise, les trois hommes m’encadrent et me proposent d’aller voir leur butin. Une énorme tête de buffle gît en effet dans une mare de sang. L’animal a les yeux vitreux. Les pisteurs découpent la viande avec de longues machettes. Dino m’annonce que nous allons en déguster les filets ce soir et propose que nous allions nous baigner dans le lac. Aïe ! Mon pauvre maquillage… Les deux Américains acceptent, nous n’avons que quelques mètres à faire. Je sens le regard des trois hommes sur moi. Courage, Elo ! Je fais glisser ma robe et leur apparais en culotte et soutien-gorge dans le halo des tentes, ce qui donne à la scène un aspect irréel. Je prends une profonde inspiration, me dis que de toute façon ils m’ont déjà observée nue (et même à la jumelle) ; puis dégrafe mon soutien et glisse mon bas. Je cours me précipiter dans l’eau. Les trois hommes se dévêtent aussi vite qu’ils le peuvent. Ça me permet de gagner une zone obscure, où ils ne peuvent me voir, mais où moi, je peux les observer. La situation a une certaine saveur : ils sont tous les trois au bord de l’eau à scruter l’onde.


Évidemment, je m’amuse à comparer leurs attributs. Je n’arrive pas à distinguer ceux de Ted, enfoui sous une bedaine impressionnante. Le tueur de buffles doit largement dépasser le quintal, et je me demande comment il arrive à pister ses proies (animales). Son fils a la même carrure, mais est légèrement plus svelte. Son visage encadré par ses cheveux roux a quelque chose d’enfantin. Mais sa silhouette trahit son côté fils à papa gâté à la recherche d’un jouet. Leur guide paraît minuscule à leur côté. La toison noire qui recouvre son corps le fait ressembler à un singe. Mais il me semble le mieux doté par la nature. Bien que le premier contact que j’ai eu avec lui ait été très désagréable, il a ce petit quelque chose en plus que seuls les Italiens ont… Ce sera donc à lui que j’accorderai mes faveurs…


Je fais un petit mouvement qui provoque une ride sur l’onde. Mes prétendants la remarquent et se jettent à l’eau. Rob et Dino ont vite fait de m’attraper. Leurs mains se font exploratrices, j’essaie d’esquiver. Je me retrouve retenue par les jambes et les bras. Ils me balancent pour me lancer en l’air, et s’esclaffent lorsque, désarticulée, je retombe lourdement dans l’eau. Ted s’est rapproché, ils m’entourent. Leurs doigts avides m’explorent. Je frôle presque innocemment leur virilité. Ils bandent tous les trois. Je les calme, leur suggérant dans mon anglais le plus sensuel que nous n’en sommes qu’à l’apéritif, que nous pourrons nous amuser après le dîner, mais que j’ai faim d’autre chose que d’eux pour l’instant. Je rejoins la berge encadrée par mes cerbères. L’intérêt des dreadlocks est évident : je suis présentable même en sortant de l’eau. Nous avons été épiés, car un boy sorti de nulle part nous apporte des serviettes pour nous sécher. Ted entreprend de me frictionner sans douceur. Mais il fait un peu frais à cette heure et ce massage tonique n’est pas désagréable. Je glisse mes dessous dans mon sac et enfile ma robe à même la peau. Je n’aurai pas porté longtemps ma lingerie !


La viande du buffle est coriace et forte. Les deux Américains la dévorent, j’y touche à peine. Heureusement, les bananes plantains frites sont délicieuses. Mon verre est constamment rempli d’un vin sud-africain capiteux, mes compagnons veulent visiblement me faire boire plus que je ne devrais. La conversation ne tourne qu’autour de leurs exploits cynégétiques ; si je n’avais la cuisse de Ron, assis à côté de moi, collée contre la mienne et les pieds de Dino emmêlés dans les miens, j’aurais l’impression d’être une vraie potiche. Leurs bras s’agitent, mimant le tir d’un hypothétique animal, leurs voix portent haut, je suis perdue dans un dîner d’hommes !


Avec le dessert reviennent les trois filles, elles ont mis des boubous colorés ; elles gloussent et agitent seins et fesses pour émoustiller les mâles, tout en me jetant des regards acérés pour me faire comprendre que je ne suis pas à ma place. Ted tend sa fiole de whisky à tous, je suis la seule à refuser son offre. Nous nous levons, un transistor s’allume, une musique de foire remplit la tente. Dino me prend la taille, nous commençons une danse inconnue pour moi, mi-slow mi-valse, peu en rapport avec la mélodie, si mélodie il y a. Ses deux comparses l’imitent. Les filles paraissent de minuscules poupées dans leurs bras. Mon cavalier fait rapidement glisser ses mains sur mes fesses. Il les palpe sans vergogne tout en poussant mon bassin contre le mien. Il me murmure à l’oreille des mots en italien dont je devine le sens. Je sens son désir croître contre mon ventre. Je me fais un peu chatte, et le tiens à distance juste ce qu’il faut pour accroître son envie. Tout d‘un coup, il s’arrête, me prend par la main et me susurre en français :



Sa proposition me fait sourire. Un peu de poésie là où elle n’a pas lieu d’être. Je sais bien quel type de lune mon cavalier souhaite admirer. Je le suis docilement jusque vers un gros manguier. Il m’adosse à son tronc et se jette sur mes lèvres. Je réponds timidement à son baiser. Sa barbe naissante me chatouille, ce n’est pas désagréable comme sensation. Il glisse ses mains sous ma robe et me trousse. Puis il s’agenouille et plonge son visage dans ma féminité. Le diable sait se servir de sa langue, et je ressens assez vite cette boule dans mon ventre qui annonce mon désir. Au moins, je n’aurais pas été violée sans être préparée. Lorsqu’il juge que son traitement m’a rendue suffisamment accueillante, il se relève, soulève ma jambe gauche, dénoue sa ceinture et tente de se glisser en moi. Je le repousse en le priant d’attendre un petit peu. Il me regarde avec incompréhension, il a constaté que j’étais consentante. J’attrape dans mon sac un préservatif, non prévu au départ pour de l’autoconsommation. Je dois bien m’appliquer à moi-même la cause que je professe. En plus, il doit sauter toutes les filles dans les villages qu’il traverse. Il marmonne en comprenant mes intentions et me laisse, bon gré mal gré, l’équiper de l’objet.


Puis, pour lui montrer je ne suis pas ingrate, je me défais de ma robe et reprends la position du petit rat d’opéra qu’il m’avait imposé. Je me surprends à constater que je suis loin d’être indifférente à sa présence en moi. Mon bassin accompagne ses ruades, il m’arrache des soupirs langoureux. Il accélère son rythme, je sens venir l’orgasme. Et je jouis, intensément, profondément. Lorsque je reprends conscience, il est toujours figé en moi. Le sourire du mâle satisfait de lui éclaire son visage. Il ressort son membre trempé. De la main, il me fait m’agenouiller, il se glisse derrière moi et m’investit à nouveau. Je suis courbée sur mes avant-bras, il m’enfonce ses doigts tantôt dans mes hanches, tantôt dans mes seins. Nos corps font des bruits de succion prononcés. Ses ruades se font plus intenses, il halète, se cambre et lâche sa semence. De nouveau, mon ventre s’anime, et moi aussi me lâche. Lorsque nous nous désimbriquons, il me donne une petite tape sur la fesse et me promets de revenir bientôt, car je suis une femme « extraordinaire ».


Je remets ma robe sans peur de la souiller. En passant devant la tente, je découvre Ted assis, la tête d’une fille entre ses cuisses, et Ron, couché par terre, avec les deux autres qui le chevauchent. Je retourne vers ma case, l’esprit embrouillé. C’est la première fois que je jouis avec un homme qui ne me plaît pas. Il est vrai que c’est aussi la première fois que je m’offre à quelqu’un qui ne me plaît pas. Le corps a ses raisons…



Les chasseurs sont partis, la vie reprend son cours. Je mets quelques jours à me remettre de mes folies. Alors que j’avais été remarquablement sage depuis mon arrivée, en trois jours, j’ai réussi à m’exhiber et à me faire toucher par le chef du village, à me faire brouter par mon amie et à m’envoyer en l’air avec un guide de chasse que je n’appréciais pas !


J’approfondis mes cours d’enseignement sexuel, mes élèves sont attentifs. Amos m’a demandé d’élargir mon champ d’activité, et je leur distille maintenant des connaissances sur les sciences de la vie et de la nature. J’ai de plus en plus de femmes qui viennent me consulter pour que je les aide dans leur planning familial. Ce n’est pas toujours facile, car les hommes, ici comme ailleurs, se préoccupent peu des conséquences de leurs pulsions. J’ai même eu des adolescentes enceintes qui m’ont demandé de les aider. Je n’ai pu, hélas, que les renvoyer vers le dispensaire de Ndele ou les aiguilles de Malya, la femme du sorcier. Elles ont du mal à comprendre que ma mission n’est que préventive en la matière. J’ai même initié, par hasard, par suite d’une légère blessure d’une élève, une activité d’infirmière : je soigne les cas les plus bénins à l’aide d’eau oxygénée et de mercurochrome. J’ai pris soin d’en informer Jean Bedel, car je crains une réaction du sorcier et de son épouse. Il ne s’y est pas opposé.


Maintenant, je sais reconnaître les femmes mariées des autres : lors de la noce, on leur fait une petite scarification en forme de dièse au-dessus du sein gauche. Cela m’aide lorsque je reçois une « cliente » : je n’ai pas à lui demander son statut marital. Faty est toujours aussi adorable avec moi ; son idylle secrète avec Amos se poursuit, c’est ma première consommatrice de préservatifs. Heureusement, Saïd m’a envoyé de quoi regarnir mon stock.


Mon quotidien est bouleversé lors de la première semaine de juillet, période de congés scolaires. Faty m’a proposé de partir trois jours avec Amos et un de ses amis remonter la rivière. J’accepte avec enthousiasme, car je ne me suis encore jamais éloignée de celui-ci, car c’est, dit-on, dangereux. Le jour dit, de bon matin, je suis prête, équipée de mes chaussures de marche et de mon sac à dos. Je reconnais le compagnon d’Amos, c’est le jeune homme que j’avais croisé chez le chef. Il s’appelle Salif et est, en fait, le fils aîné de Jean Bedel. Il est armé : une lance, un arc et un carquois. Nous marchons d’un pas vif, le long du fleuve, en évitant les gros blocs de rocher, les hommes devant, Faty et moi suivant en papotant. Parfois ils nous houspillent, car nous ralentissons trop leur progression. Cela me fait un bien fou de faire de l’activité physique.


Vers midi, nous nous arrêtons près d’une jolie petite plage de sable fin. Salif en inspecte soigneusement les contours pour s’assurer de l’absence d’animaux dangereux. Puis, nus, nous prenons un bain rafraîchissant. Je ne peux m’empêcher d’admirer la carrure de Salif. On voit ses muscles se mouvoir sous sa peau. Un coup d’œil du côté de son bas-ventre me prouve que la nature l’a aussi beaucoup gâté de ce côté-là. C’est un compagnon d’excursion qui rassure. Mon amie et moi cueillons quelques mangues juteuses et les hommes, avec la lance, attrapent des poissons. Comme d’habitude, mon amie entretient la conversation, Amos et surtout Salif se montrent plutôt taiseux. Nous dégustons avec plaisir notre repas, la marche nous a creusé l’appétit. Nous sommes autorisées à une petite sieste à l’ombre avant de reprendre notre route. Nous nous installons, Faty et moi, sur une grande natte et nous reposons.


Un étrange sentiment me réveille, j’entrouvre les yeux ; je constate que Salif, assis à quelques pas de moi, m’observe ; je ne me suis pas rhabillée après notre repas. Je ne bouge pas, feignant le sommeil. Je sens ses yeux comme une douce caresse sur mon corps, c’est troublant. Je m’abandonne sans pudeur à ce regard viril. Malheureusement, Faty se lève et interrompt ce délicieux manège. Je l’imite, nous nous rhabillons et reprenons notre marche. Selon notre guide, nous en avons pour moins d’une heure.


Le sol est de plus encombré par de grosses pierres charriées par la rivière, et je dois baisser les yeux pour voir où je mets les pieds. Innocemment, mon regard tombe sur les fesses de Salif. J’ai un coup au cœur. Bien que son short ne soit pas très moulant, je devine leur oscillation à chacun de ses pas. Je regrette de ne pas l’avoir regardé là tout à l’heure quand il était nu. Ce sont deux pommes dans lesquelles j’ai envie de croquer ! J’essaie, sans trop y parvenir, d’éviter de les regarder. Tout d’un coup, il s’arrête, s’accroupit et nous fait signe de le rejoindre. Il montre du doigt la savane devant nous ; je mets un bon moment à apercevoir ce qu’il désigne : un troupeau de buffles, qui paissent tranquillement à une centaine de mètres. Je me demande s’ils sont dangereux, mais notre guide reprend sa marche en avant en les ignorant. Je ne peux m’empêcher de les regarder du coin de l’œil, ce qui me distrait de ma préoccupation antérieure ! D’un seul coup, ils nous éventent et partent dans un galop bruyant.


Enfin, nous nous arrêtons, et Salif nous fait découvrir un petit paradis : une cascade s’écoule sur plusieurs mètres, elle a creusé une sorte de grande baignoire d’eau claire dans la roche. Notre guide se glisse entre la paroi rocheuse et l’eau, il disparaît derrière elle un instant. Puis il ressort, nous faisant signe de le suivre. Le passage est étroit et humide, il nous faut marcher de côté. Et nous découvrons notre havre : une grotte assez spacieuse cachée derrière la chute d’eau. Ses murs sont couverts de peintures représentant des scènes de chasse, des paysans travaillant dans leur champ, un village et des couples enlacés. C’est vraiment magnifique. Nous déposons nos affaires et étendons deux grandes nappes à même le sol. Faty se déshabille et nous donne rendez-vous dans la baignoire. Je l’imite, et nous nous retrouvons toutes les deux, accoudées au rebord, face à face. C’est divin, même si l’eau est plus fraîche qu’en aval. Avec un air de conspiratrice, elle me chuchote :



Je rougis comme une collégienne et ne lui réponds que par un grognement. Ses yeux sont pleins de malice, un large sourire égaye son visage. Elle a dû me surprendre quand je le regardais. Amos, seul, nous rejoint dans la baignoire et s’allonge à côté de sa chérie. Il passe le bras sur la nuque de sa douce et sa main vient négligemment se poser sur son sein. Les deux tourtereaux s’embrassent, visiblement ravis de pouvoir s’afficher ensemble en plein air. Lui ne se gêne pas de lui caresser la poitrine d’une main câline, juste devant moi ; elle, elle est rayonnante et pousse des petits soupirs de contentement. J’ai un peu l’impression de tenir la chandelle. Je sors de l’eau et descends sur quelques mètres la rivière, pour ne pas les priver d’une intimité qu’ils n’ont pas au village. Lorsque je suis suffisamment éloignée, je me retourne. Faty, penchée sur le ventre de son homme, lui administre une magnifique fellation !


Au bout d’un moment, des appels me font revenir sur mes pas. Les deux amants se sont séparés. À leur côté, Salif, l’arc autour du torse, brandit deux belles pintades, notre dîner de ce soir. Je les rejoins et me rhabille. Nous nous mettons à plumer les volatiles pendant que les hommes allument un feu. Ils ont taillé des bâtons sur lesquels ils les embrochent. Cette vie est naturelle, ce cadre enchanteur, ce climat divin. Je me sens bien, même si j’envie le couple qui m’accompagne.


Nous nous régalons de cette volaille fraîche accompagnée du traditionnel manioc. Nous nous étendons pour regarder les étoiles sur un grand rocher plat. Les petits couinements qu’émet Faty trahissent leur activité. Nous sommes un peu à l’écart, lui assis, moi couchée sur le dos. Il me montre les nombreuses étoiles de la Voie lactée, et, pour chacune d’entre elles, me donne son nom en sango ; c’est romantique à souhait. Je guette un geste de sa part pour venir me toucher. Il ne vient pas. Il y a trop d’étoiles dans le ciel ! Comme les deux amants ont l’air de plus en plus chauds, je lui dis que je suis fatiguée et vais me coucher. Il m’accompagne gentiment pour s’assurer que je passe sans encombre le passage étroit pour accéder à la grotte, mais ne me suit pas. À la lueur de ma lampe de poche, je repère les deux nattes étendues sur le sol. Je m’installe sur la plus grande, le plus loin de l’entrée.


Je ne dors que d’un œil, et entends, au bout d’un bon moment, les deux amants entrer. Ils s’installent sur l’autre natte, et s’endorment enlacés. Je ne sais pas où est Salif, il doit faire le guet dehors pour nous protéger.


Je me réveille en pleine nuit, j’ai envie de faire pipi. En sortant, je réalise que Salif s’est couché en dehors de la natte, comme pour barrer l’entrée. Je l’enjambe, mais le réveille en sursaut. Je lui explique que je dois sortir un moment. Il se lève, et me surveille lors de la traversée de la corniche. Je satisfais mes besoins, et le retrouve, me tendant la main pour passer l’étroit aplomb. Je lui dis de venir sur la partie extérieure de la couche, il hésite, et accepte finalement. Je me couche, mais ne dors pas. Sa présence m’obsède. J’entends le souffle régulier des deux tourtereaux, plongés dans un sommeil réparateur. Alors, subrepticement, j’ôte mon t-shirt et rampe vers Salif. Il est sur le dos ; j’ai l’impression qu’il dort. Alors, tel un papillon sur une fleur, avec une infinie douceur, je pose une main légère sur sa poitrine. Il ne réagit pas.


Je reste ainsi immobile quelques instants. Je sens les palpitations de son cœur. Ce contact me grise, et peu à peu mes doigts se meuvent, mes ongles tracent de petits cercles concentriques autour de son téton. Lorsque j’effleure à nouveau ce dernier, j’ai l‘impression qu’il s’est un peu érigé. Je l’agace avec ma paume. Je ne peux résister à l’envie de le prendre dans mes lèvres. Je me hisse sur mes coudes et dépose un baiser sur sa pointe maintenant bandée. Le rythme de sa respiration me paraît avoir changé, mais il reste parfaitement immobile. S’est-il réveillé ? Je le prends entre mes lèvres, le caresse de ma langue, et l’aspire avec douceur. Je lance une main en exploration vers le bas.


La peau de son ventre est ferme et douce. Je sens ses abdominaux tressaillir. Je glisse la palme d’un doigt dans son nombril qui se contracte légèrement. Ma main poursuit sa descente et atteint l’orée de sa forêt. Ses poils sont drus, épais, rêches. J’y enfonce mes ongles avec ravissement. Ils progressent lentement dans sa jungle virile et parviennent enfin à la base de son sexe. Il est dur, il bande, fièrement, orgueilleusement. Ma paume glisse le long de ce sceptre d’ébène. Le contraste entre sa fermeté et la douceur de sa peau me grise. Je parviens enfin aux petits bourrelets qui bordent son gland. Je les effleure, un langoureux soupir s’échappe de ses lèvres. J’enveloppe délicatement son champignon de ma paume. Je sens une douce rosée sourdre dans le creux de ma main. Alors, en rampant, je m’approche, me soulève, l’enrobe d’une protection, le couvre de mon corps et le glisse dans mon ventre.


Il coulisse en moi avec une délicieuse nonchalance. Nos pubis s’encastrent, il vient buter sur mon utérus. Nous ne bougeons pas. J’ai l’impression qu’il enfle encore en moi, qu’il n’y a pas un millimètre d’espace entre nos deux sexes. Je suis lui, il est moi, nous sommes un. Je sens son sang battre le long de sa queue. Je blottis mon visage dans son épaule, il cherche mes lèvres. Je les lui offre. Sa langue me pénètre, s’enroule autour de la mienne. Je bois sa salive. Elle a un goût de miel. Ses mains se posent sur mes fesses, comme pour mieux nous fondre l’un dans l’autre. Nous ne bougeons plus.


Le souvenir de ma prof de yoga vient troubler cette immobile extase. Elle nous répétait constamment : « Muscler votre périnée vous permet de mieux aimer et de mieux enfanter ! »


Alors, j’effectue de petites contractions autour du membre qui m’a investie. À son souffle, je devine qu’il apprécie ce massage vaginal. J’accentue mes pressions progressivement, l’enserrant puis le relâchant de mes muqueuses intimes. Ses doigts s’incrustent dans la peau de mes fesses au rythme de mes contractions. Je sens ses muscles se bander, sa respiration s’accélérer. La sensation de son plaisir qui monte décuple le mien. Mes ongles s’enfoncent dans ses épaules. Et puis une vague irrésistible m’envahit. Je m’arcboute. Sa main vient remplacer ses lèvres sur ma bouche. Il a dû tenter d’étouffer mon cri ; je le mords, et un goût de sang envahit mon palais. Je retombe sur lui, essoufflée. Les contractions de son membre me rassurent, il a joui comme moi, en même temps que moi. C’est la première fois que je fais l’amour immobile, c’est génial ! Et c’est aussi la première fois que je fais l’amour avec un black, c’est tout aussi génial !


Mon nouvel amant me réveille avec douceur : j’ai dormi sur lui, dans la position où nous nous sommes aimés. Il est toujours en moi ; je le rejette doucement. Il n’y a plus personne dans notre antre. Je me sens poisseuse, et le préservatif lourdement rempli pend lamentablement au bout de son sexe, au risque de se vider en moi. Je le libère de cet accessoire devenu dérisoire. Nous nous jetons dans notre « baignoire » pour nous purifier de nos excès nocturnes. J’aperçois Faty qui s’approche, les bras chargés de fruits. Son regard complice traduit tout ce qu’elle n’exprime pas. Peu après, Amos survient, tenant à la main un sac grouillant.



Je fais la moue. Je sais que les villageois adorent ça, mais jusqu’à présent, j’y avais échappé. Salif sort son couteau et entaille un arbre, récoltant la sève dans une boîte de conserve. Faty la verse dans une espèce de casserole improvisée, en fait un vieux seau métallique. Plongés dans le liquide bouillant, les insectes émettent des bourdonnements stridents. Pendant que mon amie surveille sa cuisson, les deux hommes échangent en sango. J’interroge la cuisinière du regard, elle me fait signe d’être patiente. Puis Salif s’adresse à nous :



Je n’ai aucune envie de crapahuter plus loin. Le cadre est idyllique, j’ai trouvé un merveilleux amant. Faty est du même avis que moi. Nous resterons donc ici. Nous croquons l’abdomen des criquets en les saisissant par la tête. Malgré mes réticences, j’y goûte, ce n’est pas trop mauvais, cela ressemble à de la friture de poisson. Enfin, je préférerais quand même un bon croissant ! Puis nous faisons le « ménage » dans la grotte, en secouant nos nattes dehors et en les étendant au soleil. La mienne sent l’amour. Nous en profitons pour tremper nos vêtements dans l’eau claire et faire une rapide lessive ; je demande à Salif son short. Il me le donne. Je ne peux m’empêcher de regarder son sexe qui se balance tout près de mon visage pendant cette sommaire lessive.


Dès que les vêtements sont secs, Salif se rhabille et prend son arc. Il nous dit aller chercher notre déjeuner. Je le supplie de m’emmener avec lui. Il hésite longuement et accepte finalement ma présence avec lui qui en dit long sur ses réserves. Les femmes de la tribu ne sont visiblement pas les bienvenues à la chasse. Je glisse deux préservatifs dans ma poche au cas où, et j’emboîte le pas de mon homme. Il marche doucement, sans bruit, légèrement voûté. Par moment, il s’arrête longuement, observe la savane. Quand il voit un gibier, il s’accroupit, prend ma main et me tire vers le bas pour faire de même. Honnêtement, je ne distingue rien, à part trois majestueuses girafes qui nous ignorent superbement. Je ne peux m’empêcher d’admirer la silhouette de mon compagnon. Il est félin dans sa démarche. Tout d’un coup, il me fait signe de me plaquer au sol. Il avance de deux pas, bande son arc et décoche une flèche. J’entends un cri étrange et un petit animal, visiblement blessé, s’enfuit. Il ne bouge pas et le suit des yeux. Après une longue attente, il me fait signe de me relever et nous entamons la poursuite. Il me montre les minuscules traces de sang que sa proie a laissées ; nous les suivons, et tombons au bout d’une centaine de mètres sur le corps de l’animal gisant dans une mare de sang. Il ressemble à un petit chevreuil, c’est une ourébi, me dit-il. À l’aide de son couteau, il découpe des morceaux de viande et les met dans un sac de toile. J’éprouve de la fierté pour son adresse.


Une fois l’animal dépecé, nous nous accordons une pause à l’ombre d’un grand arbre. Je m’assois entre ses jambes, m’adossant contre son torse. Il pose les mains sur mes épaules et me les masse. C’est agréable, malgré le sang qui les macule. Puis il déboutonne le haut de mon chemisier et me palpe les seins. Je ferme les yeux, je suis bien. Il triture mes mamelons, j’adore ça ! Je tortille un peu ma croupe pour mieux le sentir contre moi. Je sens son envie contre mes fesses, je me frotte contre lui en minaudant. Alors, presque brutalement, il fait descendre mon short et sort son membre. J’ai tout juste le temps de lui enfiler un préservatif, il est déjà en moi. Je suis accueillante. Il me saisit par les hanches, me soulève, puis me fait retomber sur son épieu. Ses mouvements, amples et lents au départ, s’accélèrent petit à petit. Je me sens venir et crie. Il se bloque en moi, se cabre et déverse sa semence. Je ferme les yeux. J’aime ce calme des corps repus après l’amour. Je crois que je n’ai jamais eu un amant avec lequel je me sois autant senti à l‘unisson. Je ne sais si c’est sa jouissance qui déclenche la mienne ou l’inverse, mais, avec lui, je n’ai pas à simuler.


Mon homme m’aide à me relever, je chancelle un peu, il m’a mis les jambes en coton. Réalisant ma faiblesse, il me prend par la hanche, et nous marchons côte à côte en direction de notre havre. Nos amis nous accueillent avec des bravos, car nous ne revenons pas bredouilles. Le chasseur étend certains morceaux de venaison au soleil afin de les boucaner. Dès qu’il a fini, je l’attire dans la baignoire et procède à sa toilette. Il s’amuse de mon obsession de l’hygiène. Dès que je m’attaque à son sexe, celui-ci reprend des forces. Il est d’une incroyable vigueur, il s’est vidé il y a moins d’une heure, et a déjà donné la nuit dernière ! Alors, sans me soucier des autres, je le prends dans ma bouche, le suce lentement, sensuellement. Je joue avec ses bourses, qui pendent un peu comme celle de son père. Nos regards se défient, je veux voir le plaisir dans ses yeux. J’accélère la cadence, tente de l’absorber le plus profond possible. Il se lâche enfin, j’avale autant de son nectar que je peux. Il a un goût de miel. Et j’ai vu dans ses prunelles ce voile si troublant du plaisir qui altère son regard.


Nous passons deux jours inoubliables ; ni eux ni nous, ne nous cachons pour faire l’amour en plein air. Un peu comme si nous avions besoin d’afficher devant la nature des liaisons que le village n’acceptait pas en raison de la puissance des pères. La petite Française blanche détachée par une ONG couchant avec le fils du chef, Faty se donnant à un instituteur dont la famille est restée à Bangui, au mépris de la valeur qu’en pense tirer son père… Voilà de quoi casser l’équilibre social de Daouda ! Et pourtant, nous ne sommes que deux jeunes femmes, peut-être trop sensuelles, qui se sentent heureuses et comblées dans les bras de leurs hommes.


J’ai trouvé, pour la première fois de ma vie, un homme à la sensualité incroyablement en phase avec la mienne. Chacun de ses gestes sur mon corps me remue les entrailles. Il est d’une vigueur insoupçonnée, toujours prêt à l’amour. En plus, il alterne remarquablement les moments de douceur et de tendresse et les cavalcades rugueuses et débridées. Je crois que je suis tombée amoureuse… Telles sont les pensées qui trottent dans ma tête sur le chemin du retour au village.


Salif m’a clairement fait comprendre que notre liaison doit impérativement rester secrète. Les rumeurs sont nombreuses et remontent systématiquement à son père, comme j’ai pu le constater au sujet de mes dessous et de la forme ou la couleur de ma toison. J’ai donc repris le traintrain habituel, égayé cependant par des visites nocturnes irrégulières de mon amant dans ma case. Il a pris l’habitude de me bâillonner avant de me faire l’amour, car il craint que mes cris de jouissance réveillent mes voisins. J’ai humblement accepté la contrainte. Heureusement, j’ai de plus en plus de femmes qui viennent s’informer sur les détails de leur cycle, et bon nombre d’entre elles repartent avec des préservatifs. À toutes celles qui me font part de leur difficulté de maîtriser la libido de leur homme, je leur suggère de les calmer en la sublimant aux moments où elles ne sont pas fertiles, de manière à diminuer un peu leur appétit sexuel quand il y a péril. Remède certes aléatoire, mais parfois efficace.



Ce matin, tout le village est réuni. Un lion affamé dévore en effet le bétail tout près du village depuis deux jours. En regardant les hommes réunis autour de leur chef, j’ai l’impression de voir les cartes postales pour touristes représentant l’Afrique Noire du temps des colonies. Ils se sont en effet recouvert le visage et le corps de peinture blanche, ils agitent leur lance en répétant d’étranges psalmodies et en tournant autour de Habib, le sorcier, qui est en transe. Ils ne sont vêtus que de petits pagnes retenus par une grosse ceinture bleue ou rouge. À chacun de leur pas, ils dévoilent leur sexe qui ballotte. Parmi eux, je reconnais, le cœur serré, Salif. Les femmes, un peu plus loin, tapent des mains et reprennent les incantations des guerriers. Le sorcier se lève et chacun d’entre eux s’en approche pour boire dans un gobelet la potion qui leur donne. Une fois la distribution terminée, les hommes s’égayent dans la savane autour du village.


Nous regagnons, Faty, Amos et moi, l’école, accompagnés de certains élèves. Ils sont très dissipés ce matin, et nous avons un mal fou à les faire étudier. La plupart des filles sont là, mais il y a de nombreux garçons absents. Finalement, Amos en est réduit à les faire chanter des chansons traditionnelles de Centrafrique. L’irruption inopinée d’un adolescent met fin à la chorale. Il se lance dans une diatribe passionnée et tous les élèves désertent leur banc. J’interroge Faty :



Le mien rate un battement. Nous suivons les enfants vers la case du chef. Un lion, à la crinière ébouriffée, gît à côté de Jean Bedel ; le sorcier récite des psaumes, repris par les chasseurs. Faty m’explique que le gouvernement interdit la chasse au lion pour les réserver aux safaris payants, et qu’il faut implorer les dieux pour éviter qu’ils se vengent de la mort d’un des leurs. Je lui demande où est Salif. Elle me recommande d’être patiente. La cérémonie dure, je suis inquiète. Tout d’un coup, Salif apparaît, le regard fier, la démarche impériale. Il s’arrête, face à son père. Deux hommes se précipitent vers la dépouille du fauve et lui coupent une patte avant, qu’ils remettent au sorcier. Celui-ci la saisit, la montre à la foule puis, brutalement, en assène un violent coup sur le visage de mon homme. Le sang jaillit, il coule sur son torse. Je bondis, Faty me serre le bras avec une fermeté surprenante.



J’assiste, impuissante, au spectacle de Salif, scarifié par les griffes d’un fauve. J’imagine la quantité de bactéries et de virus qu’il peut y avoir là ! Il ne bouge pas, son père s’avance vers lui, le regarde longuement et le prend dans ses bras. Une salve d’applaudissements salue le héros. Je ne sais même pas si son œil n’est pas atteint, car il a tout un côté du visage couvert de sang. Les villageois se dispersent, je rejoins ma case, partagée entre la colère et la tristesse. Durant sept jours, je n’ai pas de nouvelles du blessé. Mais une femme, venue pour que je l’aide, car elle a déjà neuf enfants, m’informe que Salif serait alité avec une forte fièvre. Je décide d’en parler à Amos, pour qu’il interfère afin que je rencontre Jean Bedel. En effet, seuls les hommes peuvent demander une audience au chef. Devant mon insistance, il finit par accepter d’être mon ambassadeur.


Le lendemain, je presse l’instituteur pour connaître sa réponse. Il me répond qu’il lui en a parlé, mais que Jean Bedel n’a rien décidé. Ce n’est que le surlendemain qu’il m’informe que j’ai une audience dans l’après-midi. Je recense dans ma trousse à pharmacie tout ce qui peut être utile dans un tel cas, et me présente dans la grande case. Je parcours l’enfilade de pièces occupées par des hommes oisifs dont je sens à nouveau le regard lourd sur moi. Quand je pénètre dans la pièce du fond, toujours aussi sombre, le chef est au même endroit, assis sur le même tabouret, avec la même djellaba. Mais cette fois, je ne viens pas pour lui montrer que je n’ai pas de sous-vêtement, pour exhiber et me faire toucher la chatte, ni même pour lui prouver l’efficacité d’un préservatif en le suçant. Je viens pour Salif, son fils. Il m’informe que sa fièvre est encore montée, malgré les potions du sorcier. Je lui explique que je ne suis ni médecin, ni même infirmière, mais que j’ai effectué une solide formation de secouriste lors de mon stage de préparation au voyage.


Il me regarde longuement, silencieusement. Je me dis que s’il faut coucher avec lui pour soigner son fils, je coucherai avec lui. Enfin, il se lève et me dis de le suivre. M’emmène-t-il dans un coin pour profiter de mon corps ou voir Salif ? Je n’en aucune idée. Nous entrons dans une case peu éclairée. Je distingue une forme allongée dans un coin : c’est lui ! J’écarte le rideau de l’entrée. Salif se retourne et esquisse un pâle sourire en me voyant. Il est nu et transpire sur sa couche. Ses yeux sont fiévreux. Je prends son pouls, il me paraît normal. Sa température est de 39°6. Je redoute une septicémie. J’éclaire sa joue blessée. Elle est encore couverte de l’immonde glaise dont Habib l’a enduit. En essayant de ne pas trembler, je nettoie les plaies à l’aide d’une compresse et d’eau oxygénée. Je sens mon patient réagir, ça doit le piquer fort. Je passe un temps fou à ôter sur ses quatre balafres le sang et la terre séchée. Le résultat est correct, mais les lèvres des plaies, assez profondes, ont une couleur grisâtre et des boursouflures qui ne me plaisent pas. Je sors de ma trousse l’antibiotique de large spectre que j’ai, et un antalgique. Je demande qu’on m’apporte de l’eau, puis je lui fais avaler les comprimés. Sans même lui demander son avis, je donne à son père de quoi le traiter jusqu’à demain même heure, ma prochaine visite. Je sens dans la pression de la main de Salif sur la mienne beaucoup plus que la reconnaissance d’un malade ! En rentrant, je tombe sur le livreur de bières qui retourne à Ndele. Je le hèle et lui remets une commande à l’attention de Saïd.


À l’heure prévue, le lendemain, je retrouve mon malade. Le sourire dont il me gratifie est plus appuyé que la veille, sa température est descendue à 38°8. Ce n’est pas gagné, mais ça va plutôt mieux. Je procède au minutieux nettoyage des plaies sous le regard attentif du chef. Évidemment, mon patient gémit lorsque je lui applique généreusement des compresses d’eau oxygénée. Mais, dans son regard, je lis quelque chose de fort. Je lui administre ses médicaments et lui donne rendez-vous pour le lendemain.


Ce jour-là, vers midi, un adolescent inconnu, me réclamant, se présente à l’école. Il me tend un paquet, c’est ma commande à Saïd : de la pommade à la pénicilline et des antibiotiques. Je suis estomaquée par l’efficacité de sa logistique, dans un pays où elle n’existe pas. Comment a-t-il fait, en moins de 24 h, pour dénicher les produits demandés et me les envoyer, alors que les liaisons entre Ndele et Daouda sont chaotiques et irrégulières ? Je comprends pourquoi il contrôle le commerce de la région ! C’est Amazon en Centrafrique. Je décide, pour ma consultation, de faire un petit effort vestimentaire. Je mets une petite jupe kaki, jamais portée jusque-là, à la place de mon short habituel et un joli corsage blanc aux transparences troublantes. La guérison se fait aussi par les yeux.


Dès que je pénètre dans sa case, je réalise que Salif va mieux. Il est accroupi sur sa natte et m’enveloppe d’un regard gourmand. Je feins de ne pas m’en rendre compte. Sa température n’est plus que de 37°9. Je me dis qu’il a droit à un petit stimulus. Alors, discrètement, j’ouvre deux boutons de mon corsage en me penchant pour désinfecter ses plaies et lui appliquer l’onguent à la pénicilline. Il a le nez quasiment dans mon décolleté. Je sens soudain une main mutine glisser subrepticement sur ma cuisse et monter sur ma féminité. C’est assurément le fils de son père : comme ce dernier, il fait glisser son doigt le long de ma fente, l’ouvrant un peu plus à chaque passage. Je ferme les yeux, sa caresse est divine. Puis je me reprends : il y a des spectateurs dans mon dos, et l’infirmière intérimaire ne peut en aucun cas devenir elle aussi fiévreuse ! Mes soins s’achèvent, et, me retournant vers son père, je claironne :



Le regard que me lance son géniteur est empreint d’une chaleur que je ne lui connaissais pas. Je retourne, guillerette, retrouver Faty et lui annonce fièrement la nouvelle. Nous décidons de partager une bière, nous qui ne buvons pas, pour fêter la guérison miracle. Le lendemain, Salif est sur pied. Mieux, son père l’a autorisé à venir me voir dans ma case chaque après-midi pour que je poursuive son traitement ; inutile de dire que nous en profitons à fond, et que la durée de chaque séance de traitement est particulièrement longue. Les soins s’avérant délicats tant que le patient est tendu, je le « détends » avant de soigner ses blessures ; parfois, nous reprenons nos étreintes après le traitement. Bref, mes après-midis sont très agréablement remplis.


Environ une semaine après le début de cette thérapie, Amos me fait savoir que Jean Bedel veut me voir. Je suis très inquiète : a-t-il deviné que nos séances avaient dérivé des soins d’une autre nature ? Comment va-t-il réagir ? Je me souviens des recommandations de Mrs Brown concernant la susceptibilité des chefs de village. Je n’en mène pas large lorsque je me présente devant sa case, accompagnée de Faty pour me conseiller au cas où… Jean Bedel, pour la première fois, me reçoit sur le pas de sa porte. Sa première épouse se tient tapie derrière lui. Il s’adresse à moi, avec cet indéniable charisme un peu autoritaire qu’il dégage :



Il me tend un magnifique boubou traditionnel jaune et bleu. J’ai presque les larmes aux yeux en recevant le vêtement. Faty me glisse à l’oreille qu’il me faut l’essayer devant lui. Il est vrai qu’ici, la nudité est naturelle. Je me déshabille donc en public et enfile la parure. Elle est très belle. Seul défaut, comme il n’y a pas de bretelle, elle a tendance à glisser sur ma poitrine ; la mère de Salif intervient alors avec du fil et une aiguille et, aidée de Faty, renforce la fronce du buste. Une fois l’opération terminée, je ne peux m’empêcher de tomber dans ses bras et dans ceux de son époux pour les remercier de cette distinction. Je traverse le village avec une fierté non dissimulée, parée de mon magnifique boubou. Certaines villageoises applaudissent à mon passage. J’ai réussi mon examen d’intégration !


Les visites de Salif s’espacent malheureusement, au fur et à mesure que progresse sa cicatrisation. Bien que les marques des griffes soient assez profondes, les lésions me semblent évoluer favorablement. Je suis plutôt satisfaite du résultat, et ces marques lui donnent un aspect « bad boy » qui m’émeut.

Le jour pointe à peine lorsque Salif fait brutalement irruption dans ma case en me réveillant.



Je ne comprends pas. À peine mes chaussures enfilées, il me tire violemment par la main, sans me laisser le temps d’ôter mon t-shirt, de m’habiller ou de prendre mon sac. Il court en me tirant, je manque de m’étaler à plusieurs reprises. Alors il me charge autour de sa nuque, les pieds et les mains pendant sur son torse, les fesses à l’air, comme font les villageois quand ils emmènent une chèvre au marché. J’ai l’impression d’être la victime d’un rapt, j’ai beau lui demander à plusieurs reprises ce qui se passe, il ne me répond pas. Au bout d’un bon kilomètre, il s’arrête dans une grosse touffe de jonc pour reprendre son souffle et me dépose au sol.



Je tremble en écoutant ses propos. Il se relève, scrute la savane du regard et me houspille pour que je me mette debout et me remette en route. Je n’arrive pas à le suivre, il va trop vite. Alors, il me reprend sur ses épaules et repart en marche forcée. Je me demande à qui je dois ressembler, pliée ainsi sur ses épaules, le cul à découvert. Il ne semble pas gêné des 50 kg qu’il transporte ; son pas est sûr, déterminé. Il fait des haltes fréquentes, il observe, il écoute. Puis il repart, indifférent au fardeau que je suis. Je réalise que nous suivons la rivière, que par moment, il faut grimper une pente. L’éboulis que nous traversons me rappelle des souvenirs. Je sais maintenant où il veut me cacher : dans notre baignoire, là où nous étions venus avec Faty et Amos.


Nous retrouvons notre grotte cachée par la cascade, ses peintures naïves, la baignoire de granit à l’eau si fraîche. Mais, cette fois, je n’ai en tout et pour tout que mes chaussures et un t-shirt qui ne cache rien, et mon homme son couteau et son short. Il me dépose délicatement sur le sol, et m’intime :



En fait, j’attends plusieurs heures sans oser sortir de ma tanière, de peur d’être découverte par les terroristes. Là même où nous avons fait l’amour pour la première fois, là même où, comblée, je me suis endormie le gardant dans mon ventre. Je ne peux même pas me baigner, me réchauffer aux rayons du soleil ; un bruit me fait sursauter. Il est enfin de retour, alors que le jour décline. J’ai faim, je le lui dis. Nous sortons de notre caverne, il m’installe sur la grande pierre plate où il m’avait regardée la première fois, étendue nue, à moitié endormie. Il taille un bâton, l’aiguise et avance silencieusement, le long de l’onde. Je ne peux m’empêcher d’admirer la virilité dégagée par son corps, l’impression de force et de protection qui émane de sa posture figée à l’affût d’un poisson. En un éclair, il lâche son trait, et le plus souvent, celui s’agite sous les mouvements désordonnés d’un poisson transpercé. Lorsqu’il juge sa pêche suffisante, il revient vers moi, va cueillir quelques baies étranges. Il lève les filets des poissons et les fait mariner quelques instants avec sa cueillette. Puis il m’en tend un morceau. C’est une première pour moi, le poisson cru ainsi. Mais mon appétit est grand, et je trouve ça bon. Il s’en rend compte, et son air anxieux se meut en un sourire qui me fait chavirer. J’ai vraiment cet homme dans la peau !


Il fait nuit lorsque nous finissons nos agapes bio. Me prenant par la main, il me ramène dans notre chambre à coucher. Sans natte ni lampe, nous repérons un coin où un peu de sable adoucit la dureté de la pierre. Fourbue par cette journée inoubliable, je m’endors dans ses bras. J’ai le sommeil agité, je rêve à une horde de sauvages me poursuivant pour me violer. Lorsque je me réveille, je n’entends que le bruit réguler de la chute d’eau. Je sens la chaleur du corps de mon amant tout contre moi, ses bras qui m’entourent et me protègent. D’une main hésitante, je lui caresse les abdominaux. Je glisse vers son ventre, soulève l’élastique de son short. Je sens son membre, pour une fois au repos, frémir dans ma paume. J’esquive quelques allers-retours sur sa longueur, il prend vigueur instantanément. Miracle de la virilité d’un homme, qui passe de recroquevillée et molle à orgueilleuse et dure ! Il me laisse flatter son engin, puis me soulève, me met à quatre pattes et se glisse en moi. Agenouillé, il entame une cavalcade effrénée, il est mon étalon, et je suis sa pouliche. Ses mains saisissent mes seins, les triturent sans douceur, puis se posent sur mes reins, les crochètent âprement. Ce soir, il est mâle dominant, je suis femelle soumise. Je sens qu’il se cabre, je rejette mes reins vers l’arrière pour mieux sentir son pieu. Il se déverse en moi, en longs jets surpuissants, je l’inonde de mes sucs. Nous nous affalons, imbriqués et repus.


Il fait déjà jour quand il me réveille. J’ai les reins courbatus par ses ruades intenses. Il me donne un peu de purée de manioc, traditionnel petit déjeuner local. Je ne l’ai même pas entendu se lever pour ramasser ces légumes sauvages. Il me dit qu’il doit partir en reconnaissance, que je dois l’attendre sans sortir. Il s’évade. Je ne me sens pas faite pour ce rôle de femme au foyer, dans cette atmosphère humide qui abrite nos ébats. Et, d’un seul coup, une pensée m’obsède : pour la première fois, hier soir, nous avons fait l’amour sans nous protéger, ma chatte gluante de son suc en témoigne. J’ai laissé mes préservatifs dans ma case. Or, je suis à l’orée de mon ovulation. Je fais et refais mes calculs, comme je les enseigne aux villageoises. C’est vraiment limite. Ce soir, je ne peux pas recevoir sa semence, c’est sûr. Mais je ne peux pas ne pas le récompenser en lui donnant mon corps. En plus, j’en tire un infini plaisir. Alors, une idée me vient : lui ouvrir la partie de mon corps que je ne lui ai pas cédée jusque-là et qui n’est pas fertile. Le problème est que chaque fois que j’ai cédé sur ce point à mes ex qui rêvaient de cette voie, non seulement pas ils ne m’ont pas fait jouir, mais en plus, j’ai souffert, pendant et surtout après. Une nouvelle idée jaillit de mon cerveau. J’ai peut-être trouvé une solution…


En attendant, je désobéis à ses consignes et vais me glisser dans la baignoire naturelle, regardant cependant, un peu anxieuse, les rives, en redoutant de voir surgir soudainement un bandit avide de ma chair. Je me nettoie intimement, faisant disparaître l’objet de mon tracas. J’en profite pour rincer mon t-shirt, mon seul vêtement. Je souris à l’idée que c’est moi, jeune femme européenne, qui illustre en ce moment les clichés un peu racistes des Africains vivants nus. Je dévore une des mangues que mon homme m’a laissées. J’adore le goût fondant de ce fruit. Le problème est qu’on s’en met plein les mains, mais, là, je suis dans l’eau !


L’attente me paraît longue. Ma peau de blonde ne supporte guère les séances de bains de soleil, j’ai déjà, depuis mon arrivée, pris des coups de soleil sans vraiment m’exposer. Je n’ai pas le cuir des Africains. Enfin Salif surgit en milieu d’après-midi, je ne l’avais pas entendu venir. Il me tance d’être sortie de notre tanière, je lui réponds sèchement que l’attendre inactive n’est pas dans mes gènes. Ça le fait sourire ! Il me donne des nouvelles du front : l’armée centrafricaine a investi le village, les rebelles se sont retirés. Nous partirons à l’aube. Comme il a ramené son arc (et du feu) il me dit aller trouver notre repas. Je le supplie de l’accompagner et dois me montrer chatte pour le convaincre ; je rampe jusqu’à lui, caresse ses mollets puis ses cuisses, baisse son short pour avaler son chibre. Debout, il me regarde m’activer, mi-amusé, mi-dominateur. Je l’aspire jusqu’à l’assécher, il me caresse les cheveux et me dit de le suivre.


Il se montre agacé, car, selon lui, je fais trop de bruit pour lui permettre de poursuivre le gibier. Je le regarde donc à distance, me régalant de sa félinité pour approcher les proies. Le moment où il bande son arc, faisant saillir ses muscles, me chauffe sérieusement. Un francolin, espèce de grosse perdrix, trépasse sous sa flèche précise. Nous rentrons, je la plume, nous la faisons rôtir. Je demande à Salif d’extraire un peu de sève de l’arbre qui nous avait permis de faire frire les criquets la dernière fois où nous étions venus. Surpris, il me dit que notre volaille n’en a pas besoin. Je lui réponds, mystérieuse, que c’est pour autre chose. Il entaille l’arbre, remplit une petite calebasse du liquide huileux et me le donne. Assise entre ses cuisses, appuyée sur son torse, je déguste la tendre chair de notre francolin. Nous restons un long moment à regarder le ciel d’Afrique, il essaie de me faire répéter les noms des étoiles qu’il m’a enseignés, je suis mauvaise élève. Nous regagnons notre grotte.

À genoux devant lui, je lui montre ma voie étroite, et lui glisse :



Un grand sourire éclaire son visage pendant que je me badigeonne de la sève récoltée. J’empoigne son membre, et l’enduis lui aussi du liquide huileux. Puis je le colle contre ma rondelle, en écartant mes parois. Je sens son gland peu à peu tracer sa voie dans mon conduit étroit. C’est une situation pour moi plus étrange que douloureuse. Il glisse lentement, écartant mes sphincters. Nous observons une pause. Sa main se glisse vers mon minou, il saisit mon clito. Je me cabre, ce qui le fait s’enfoncer un peu plus. Sa caresse fait sourdre mon plaisir, et je le laisse m’investir entièrement. Il reste un bon moment, tout en augmentant ses agaceries manuelles, immobile en moi. Puis, lentement, puissamment, il entame des mouvements de bassin. Je n’ai pas mal, au contraire. Je sens monter un tsunami interne, lui crie de venir, et prends un pied d’enfer. Je ne l’ai même pas senti se déverser en moi, pourtant je sens la preuve de son plaisir s’écouler hors de moi.


Nous quittons notre nid d’amour à l‘aube. Lorsque nous arrivons à destination, une agitation intense règne dans le village. Plusieurs véhicules militaires sont stationnés sur la place. Un militaire nous arrête ; il me regarde comme si j’étais une martienne. Il nous accompagne vers son chef, assis à l’ombre d’un gros manguier. Celui-ci se lève à notre arrivée et me mate sans vergogne. J’ai presque envie de lui donner mes mensurations pour qu’il gagne du temps, car l’examen visuel dure une éternité. Il émet un petit sifflement et dit :



Heureusement, le chef sort à ce moment de sa case et m’étreint longuement. Les villageois ont accouru, pour la deuxième fois ils m’applaudissent. Faty émerge de la foule en pleurant, nous nous tombons dans les bras l’une de l’autre. Après ces retrouvailles émouvantes, je me dirige vers ma case. J’ai un coup au cœur lorsque j’y arrive : mes affaires gisent partout, ma valise et mon sac à dos ont été éventrés, mon boubou déchiré. Des dizaines de préservatifs jonchent le sol. Mon sac à main a disparu, je n’ai plus de passeport. Nous rangeons ce capharnaüm, Faty m’invite à dormir chez ses parents.


La vie a repris ses droits. Ma popularité a nettement augmenté dans le village, et femmes et jeunes filles font la queue pour échanger avec moi dans l’intimité de ma case. Sur le planning familial et la prophylaxie des maladies vénériennes, certes, mais aussi sur leurs problèmes de couple, d’infidélité ou d’amour. Mais un sujet me tracasse : je suis habituellement réglée comme une horloge. Or j’ai déjà six jours de retard. J’ai l’impression que mes seins ont gonflés, je crois que je suis enceinte ! Ma première nuit de fugitive, la seule fois où je ne me suis pas protégée, m’a été fatale !


C’est évidemment avec Faty que j’aborde le sujet. Nous retournons le sujet dans tous les sens. Je me refuse de me soumettre aux aiguilles de Maya, d’aller à Ndele ou Bangui. Entrer en France ? J’imagine déjà la tête de mes parents. Et les gros titres de la presse bien-pensante versaillaise, du genre : « Une jeune française partie expliquer le planning familial en Afrique s’y fait engrosser » ! En plus, je me suis attachée à cette terre, à ces villageois, à Faty, et surtout à Salif. Alors, je prends mon courage et vais le voir. Je l’emmène dans ma case solennellement et lui déclare :



Il reste un moment sonné. Puis il me prend dans ces bras et m’étouffe de bonheur. Il a trouvé une femme qui ne lui coûtera rien !