Un récit pas très court, mais très soft, très dialogué et sans scène de sexe.
Vous êtes prévenus d’avance !
Bonne lecture :)
Lundi — Élisa
Ce lundi matin, alors que je me rends une fois de plus chez mon client du moment, j’ai la surprise de découvrir une nouvelle hôtesse d’accueil, plutôt mignonne, il faut le reconnaître. Je la salue comme il se doit :
- — Bonjour, Martial Dostricourt, pour le service informatique…
- — Je suis au courant, Monsieur Dostricourt, vous étiez déjà chez nous la semaine dernière et vous revenez durant ces deux prochaines semaines.
- — Impeccable, vous savez tout ! Ce n’est pas la première fois que je viens ici, je le fais depuis trois ans, mais c’est la première fois que je vous vois.
Cette jolie brune me sourit :
- — C’est normal, je suis intérimaire, je m’appelle Élisa, j’ai commencé ce matin. Je remplace Béatrice qui est tombée malade vendredi.
- — Ah bon ? Béatrice est malade ? Pourtant, je l’avais vue vendredi matin, elle allait bien.
- — D’après ce que je sais, elle a eu une grosse intoxication alimentaire. C’est pour cela que je la remplace cette semaine, peut-être deux…
- — Dans ce cas, bienvenue ici, même si ce n’est pas mon entreprise.
- — Vous êtes un peu comme moi, si j’ai bien compris.
- — Oui, je suis comme vous un extérieur…
Ainsi Béatrice est tombée malade, c’est pour ça que, vendredi en fin de journée, je ne l’ai pas vue. J’ai cru qu’elle était partie plus tôt, surtout une veille de week-end. En tout cas, j’estime que la boîte n’a pas perdu au change : pour ma part, je préfère nettement cette mignonne brune piquante à une grande blonde à la beauté froide. Mais chacun ses goûts.
Lundi — Premier midi
Le midi, je mange sur place, dans une petite salle juste à côté de l’accueil. Élisa fait sa pause en même temps que moi, ce qui m’arrange bien. C’est ainsi que j’ai pu mieux faire connaissance avec la nouvelle hôtesse d’accueil. Très vite, j’ai appris qu’elle était mariée, deux enfants, et hôtesse intérimaire depuis de nombreuses années.
La conversation est agréable, mon interlocutrice sait parler d’un peu de tout, sans affect, sans en rajouter des tonnes comme certaines de ses collègues. De plus, elle est loin d’être idiote, je me demande même pourquoi elle fait ce métier, il faudra que je lui demande. Très vite, nous avons utilisé nos prénoms, c’est plus simple.
Élisa est une brune piquante, ni trop petite, ni trop grande. Elle a un petit côté poupée de porcelaine, maquillée sans ostentation, parfois pas du tout, et ça lui va aussi très bien. Sa chevelure flottant sur ses épaules accroche curieusement la lumière, lui donnant des reflets bleutés. Elle a de grands yeux lumineux, un peu comme ceux d’un enfant, et c’est assez troublant. Oui, elle a un côté femme-enfant, en plus mature. Comme une envie de la protéger, c’est l’idée que je m’en fais, ce qui est d’autant plus facile pour moi que j’ai une tête de plus qu’elle. De plus, elle a une voix très agréable et des manières plutôt douces.
Bref, l’incarnation d’une certaine féminité, aidée par une robe rouge et blanche assez décolletée, ce qui est très agréable à contempler ! Curieusement, cette robe légère est constellée de boutons rouges, de quoi focaliser le regard sur certains points stratégiques ou pas…
Sandwich en main, je la questionne :
- — Et de devoir changer d’entreprise très souvent, ça ne vous lasse pas ?
- — Non, ça me va. Ça me change, ça renouvelle. Imaginez que je sois en CDI et que je tombe dans une boîte pourrie, à devoir supporter des abrutis à longueur de journée. Alors que là, si l’entreprise est exécrable, ça ne dure pas longtemps, et hop, j’en change.
- — Et si l’entreprise est extra ?
- — Oh, c’est très rare, il y a toujours un problème quelque part.
Elle me regarde d’un air curieux :
- — C’est amusant, depuis tout à l’heure, je vous parle très librement… Vous savez presque tout de moi !
- — Ça doit être dû au fait que nous sommes tous les deux dans le même cas : des intérimaires de passage.
- — Oui, vous avez raison, ça doit être ça. Et vous, ça vous convient aussi d’aller d’entreprise en entreprise ?
- — Quand je mets les pieds quelque part, c’est pour régler un problème. Je suis souvent accueilli comme le sauveur ! À chaque fois, c’est un défi, une sorte de casse-tête.
- — Ah, je vois…
- — Et puis, comme vous, ça me permet de varier.
Puis nous parlons d’autre chose, toujours avec entrain. Soudain une idée curieuse jaillit dans mon esprit. Qui ne risque rien n’a rien, alors je tente le coup :
- — Ah oui, Élisa, je peux vous demander un truc… un peu bizarre ?
- — C’est quoi, votre truc bizarre ?
- — Ne le prenez pas mal, mais… j’aimerais prendre une photo de vous pour la mettre dans ma base de données.
- — Une photo de moi dans votre base de données ?
Je lance une application sur mon smartphone que je lui fais voir aussitôt :
- — Regardez, c’est en réalité un trombinoscope un peu amélioré.
- — Ah oui, en effet. Et ça vous sert à quoi ?
- — Il n’est pas rare que je retourne quelques mois ou quelques années plus tard dans la même entreprise, mais je ne me souviens pas forcément de tout le monde.
- — Ah OK, je comprends mieux. Mais pourquoi une photo de moi ? Dans maximum quinze jours, je ne suis plus ici.
J’affiche un grand sourire :
- — J’avoue que dans votre cas, c’est pour le plaisir…
- — Le plaisir ?
- — Le plaisir des yeux, Élisa…
Elle me regarde d’un air étrange, devant sans doute se demander si je ne suis pas une sorte de pervers soft. Je continue :
- — Je comprendrais si vous refusiez. Mais… j’aime aussi beaucoup votre robe… elle me fascine, elle sort de l’ordinaire.
- — Ah, vous voulez acheter la même pour votre femme ou votre petite amie ?
- — Si j’étais mariée ou si j’avais une petite amie, je vous répondrais oui. Mais je suis un joyeux divorcé depuis quelques années.
Elle s’étonne de mon expression :
- — Un joyeux divorcé ? Quelle curieuse expression !
- — Non, non, si vous étiez à ma place, vous sauriez à quoi j’ai échappé rétrospectivement !
- — À ce point ?
- — Oui, quand même…
Elle semble réfléchir quelques instants, puis elle annonce :
- — Pourquoi pas… Faites votre photo. Je me mets comment ?
- — Restez assise ainsi, ça ira très bien.
Je prends plusieurs clichés. Quand j’ai fini, elle me fait remarquer :
- — Je croyais que c’était une photo et non plusieurs.
- — Abondance de biens ne nuit pas !
Elle se contente de sourire. L’heure passe vite, et c’est un peu à regret que je dois retourner travailler. En partant, je me retourne une dernière fois, Élisa est de dos, je ne peux m’empêcher d’admirer sa chute de reins. Elle a un splendide popotin. Soudain, elle se retourne, nos regards se croisent. J’aurais dû prendre une photo ! Sans me démonter, je lui fais un petit au revoir de la main, avant de refermer la porte sur moi.
En tout cas, ça n’a eu aucune incidence sur nos relations. Les jours suivants, chaque matin, je lui prie le bonjour, je discute quelques minutes avec elle. Le midi, elle continue de me confier des bribes de sa vie, et le soir, avant de partir, je m’offre le luxe de faire un peu causette avec elle. De toute façon, comme je suis célibataire, personne ne m’attend chez moi. Et puis, le plaisir de jeter un petit coup d’œil ci et là dans ses divers décolletés devenus vertigineux quand on a le bon point de vue est un plaisir qui ne se refuse pas !
Sans parler de ses gambettes bien galbées, aidées par des talons aiguilles pas trop vertigineux…
Plus je la connais, plus je me demande pourquoi elle fait ce métier-là. J’ai cru comprendre qu’elle n’avait pas pu faire de grandes études, mais sans plus. Je ne vais pas me plaindre, Élisa est un vrai plaisir des yeux !
Jeudi — Midi
Je constate avec satisfaction que, depuis le début de la semaine, l’hôtesse d’accueil change de tenue tous les jours, j’ai ainsi l’impression de découvrir une nouvelle femme à chaque fois, même si c’est toujours la même. Aujourd’hui, c’est une robe verte, droite, au décolleté en V en cœur-croisé, presque trop classique. Mais mon œil averti a vite remarqué qu’avec le bon angle de vue, le regard pouvait se glisser entre deux pans de tissu et dénicher une courbe très agréable. Dommage qu’il y ait un soutien-gorge qui empêche d’en voir trop !
Ah oui, j’oubliais de préciser que, par amusement, chaque jour, je continue à prendre des photos d’Élisa qui se prête de bonne grâce à ce petit jeu. J’ai même prévu un dossier spécial rien que pour stocker toutes ces images !
Une fois de plus, nous déjeunons ensemble dans la petite salle de pause. Toute guillerette, Élisa m’annonce une bonne nouvelle pour elle et aussi pour moi :
- — Vous savez quoi, Martial ?
- — Hmm, laissez-moi deviner : vous restez une semaine de plus ?
Elle me regarde avec de grands yeux :
- — Comment avez-vous deviné ?
- — Parce que ça arrange tout le monde…
- — Ça arrange tout le monde ?
- — Vous, parce que ça vous fera des sous en plus, et moi, parce que je continuerai à déjeuner avec vous. Félicitations ! Vous savez pourquoi vous restez ?
- — Il semblerait que Béatrice ait eu une complication, mais je n’en sais pas plus.
Ce n’est pas charitable de ma part, mais c’est bien l’une des premières fois que je suis content que quelqu’un soit malade. Nous nous installons dans la salle de pause. Puis nous parlons de diverses choses. Soudain, Élisa me demande :
- — Au fait, Martial, pourquoi vous ne mangez pas au restau le midi ?
- — En tête à tête avec une chaise vide ?
- — Ce n’est pas rigolo, c’est vrai. Il n’y a donc personne pour vous accompagner ?
- — Parfois, ça arrive, mais ce n’est pas dans la culture de la boîte d’ici. Dommage que vous ayez une pose si courte, je me serais fait un plaisir de vous inviter un midi…
- — Merci pour l’intention, Martial, mais avec mes quarante minutes, c’est trop juste. Et mes horaires tombent en plein boom dans les restaurants.
- — Une idée comme ça, et si je nous faisais livrer un traiteur pour nous deux ?
Un peu surprise, elle me regarde puis demande :
- — Pourquoi ?
- — Parce que ça me plairait, c’est tout. Chaque midi, je mange soit un sandwich, ou un truc au micro-ondes, ça me changerait un peu, et manger face à une chaise vide, ça ne me passionne pas des masses ! Vous êtes nettement plus agréable à contempler.
Elle m’adresse un petit sourire :
- — Merci. Et si j’étais grosse et moche ?
- — Il resterait le plaisir de votre conversation…
- — Et si j’étais complètement stupide ?
- — Le plaisir de votre jolie voix.
- — Et si j’avais une voix déplorable ?
Posant mes couverts, je me redresse un peu :
- — À la réflexion, aucune probabilité…
- — Comme ça ?
- — Si vous étiez grosse, moche, complètement stupide et avec une voix déplorable, vous ne seriez pas hôtesse d’accueil.
- — C’est vrai…
- — Donc vous êtes consciente que vous êtes mignonne, agréable, conviviale avec une jolie voix ?
- — Je sais aussi que je ne suis un premier prix de beauté.
- — En tout cas, vous êtes l’une des plus adorables femmes que j’ai pu rencontrer !
Un peu surprise, elle rosit :
- — Oh, vous exagérez !
- — Pas du tout. Vous avez un charme indéniable, sans oublier le fait que vous savez vous mettre en valeur par votre habillement et votre maquillage. Tenez, par exemple, votre vernis bleu est assorti à votre robe, le même bleu.
- — Les hommes font peu attention à ce genre de détail !
- — Moi, si… et je reconnais que je ne déteste pas laisser traîner mes yeux un peu partout, surtout quand les courbes sont avenantes !
Elle se met à rire :
- — Vous y allez de bon cœur !
- — Je peux vous poser une question indiscrète ?
- — Comment ça, indiscrète ?
- — Pas sur votre vie intime ni sur votre famille…
- — Je ne vois pas ce qu’il reste… Allez-y…
- — Hier, je me suis posé une question existentielle…
- — Et ça vous a empêché de dormir ?
Je lui adresse un petit sourire :
- — Ah ça, Élisa, je ne le vous dirais pas…
- — Allez-y, posez-la, votre question existentielle !
- — Très bien. Je me suis posé la question fondamentale et vitale si, hier sous votre robe si moulante et qui vous allait si bien, vous aviez un string ou rien du tout.
Elle ouvre de grands yeux :
- — Pardon ?
- — J’avoue que je me suis offert le luxe de bien regarder quand je le pouvais, mais je n’ai pas réussi à trouver la trace d’un quelconque sous-vêtement… à moins que ce ne soit un string très arachnéen !
Ne comprenant visiblement pas ce dernier mot, elle cligne des yeux :
- — Un string très quoi ?
- — Arachnéen, en toile d’araignée, tellement fin que ça ne se voit pas.
- — Ce soir, je me coucherai moins bête !
Elle me regarde malicieusement, avec un grand sourire enjôleur :
- — Cher Monsieur, ne vous a-t-on jamais appris que l’imagination est meilleure que la réalité ?
- — Ça dépend pour quoi… Si je puis me permettre, Élisa : imaginer les courbes d’une femme, c’est très bien, mais pouvoir les caresser voluptueusement, c’est nettement mieux !
- — Je ne peux pas vous donner tort. Au moins, vous, vous caressez…
Alors que j’allais ouvrir la bouche pour demander quelques précisions, elle me stoppe dans mon élan en tendant sa paume vers moi :
- — Et interdiction de continuer sur le sujet ! Suis-je bien claire, Martial ?
- — Bon, bon, bon… Au fait, vous aimez les jeux de société ?
Elle ouvre de grands yeux :
- — Dans la catégorie, je change de sujet, vous n’êtes pas triste !
- — C’est vous qui avez souhaité changer de sujet, donc j’obéis galamment. Je vous propose de choisir entre Paradisio et Pickomino. Dans Paradisio, il faut construire une île avec des tuiles carrées, une sorte de puzzle à deux. Et dans Pickomino, on incarne des poules désireuses de manger des asticots.
Élisa s’étonne :
- — Des poules qui mangent des asticots ?
- — Grosso modo, on jette des dés pour capturer des dominos qui contiennent des vers.
- — Pourquoi pas. Apportez-les tous les deux… on verra sur place…
Puis nous avons continué à discuter d’un peu de tout. Quarante minutes, ce n’est pas énorme. Néanmoins, alors qu’elle est de retour à son poste, je peux quand même continuer un peu la conversation avec elle, car il y a peu de visiteurs et de coups de fil.
Sans oublier les petites photos pour immortaliser sa robe du jour ! De plus ce soir, sur mon ordi, avec le zoom, je vérifierai un point de détail…
Vendredi — Play the game
Une fois de plus, ce vendredi, nous déjeunons en tête à tête, un rituel. Avant de déballer mon repas, je lance à ma partenaire :
- — Je constate avec plaisir que vous changez de tenue tous les jours. Aujourd’hui, c’est vintage Années Soixante avec cette délicieuse robe blanche et noire à carreaux. Je suis un peu déçu que vos ongles ne soient eux aussi à carreaux ! Mine de rien, vous devez avoir une sacrée garde-robe !
- — Amusant ! Un homme qui remarque qu’une femme change de vêtements tous les jours, sans oublier si mon vernis est assorti ou non. La plupart du temps, ils ne s’en rendent même pas compte ! Je vais finir par croire que vous êtes une exception !
- — En tout cas, félicitations pour toutes vos tenues !
Elle esquisse une sorte de révérence :
- — Merci, Martial. En réalité, j’ai chez moi une vingtaine de robes, donc je peux tenir quatre-cinq semaines sans souci, soit un mois complet. Et comme je reste rarement plus d’un mois quelque part…
- — Ça doit demander un certain budget…
- — Pas vraiment, car ma sœur travaille pour une grande enseigne de vêtements. Elle peut m’avoir plein de choses à des prix très massacrés. Et puis, Rome ne s’est pas faite en un seul jour, vous savez…
- — Ah d’accord… C’est la même chose pour votre vernis à ongles ou votre rouge à lèvres ?
- — C’est moins évident, mais j’y arrive quand même. Ce qui coûte le plus cher, ce sont les bas en hiver, ça file à une vitesse folle ! Enfin, quand je dis les bas, je dois souvent me contenter de collants…
Alléché par la vision fantasmée de ses jambes gainées de soie, je m’exclame :
- — Wow, des bas ! Autofixants ou avec porte-jarretière ?
- — Vous êtes un petit coquin curieux !
- — Ça vaut mieux que d’être un curieux petit coquin !
- — C’est vrai…
- — Votre mari doit être aux anges avec pareille garde-robe !
Avec un petit air triste, elle soupire :
- — Parlez pour vous ! Parce que… si je devais compter sur Pierre, je mettrais toujours la même tenue de janvier à décembre !
- — Pierre ? Votre mari ?
- — Oui, mon mari. Je ne vous avais pas dit son prénom ?
- — Non, pas du tout. À son propos, vous dites « mon mari », « mon époux » et parfois « mon homme », c’est tout. Tiens, ça me fait penser que je ne vous ai jamais entendu dire « mon chéri » à son sujet…
Ce con de Pierre est marié avec une femme magnifique, capable de changer de tenue tous les jours et d’être sublime, et cet abruti ne connaît même pas sa chance ? C’est du pur gaspillage ! La vie est décidément parfois mal faite ! Tout en continuant de manger, elle soupire à nouveau :
- — L’usure du mariage… ah oui, c’est vrai, vous n’avez pas connu ça, vous avez très vite divorcé. Je me demande si ce n’est pas vous qui avez fait le bon choix.
- — De divorcer au bout de quatre ans ?
Elle devient un peu plus rêveuse, absente :
- — Oui… Quoique… au bout de quatre ans, j’avais déjà fait mes deux enfants…
- — Parfois, il vaut mieux être sans conjoint que mal accompagnée…
- — Bah, mon mari n’est pas un mauvais bougre, il est un peu radin, sauf pour sa moto chérie ! Il s’occupe raisonnablement des enfants. On ne manque de rien. Dans quelques années, la maison sera enfin payée. De plus, on part chaque année en vacances, pas toujours loin, mais on part quand même. Je ne me plains pas, il y a nettement pire…
- — Oui, mais il y a aussi nettement mieux !
- — C’est votre côté optimiste qui parle ?
- — Sans doute…
Le regard perdu dans le vague, elle porte plusieurs fois sa fourchette à sa bouche. C’est alors que je sors un sachet en tuile de mon sac :
- — Surpriiise !
- — C’est quoi ?
- — J’ai ramené les deux jeux dont je vous avais parlé hier.
- — Attendez que je finisse mon repas.
- — Pas de problème !
Nous commençons par Paradisio, le thème d’une île polynésienne bordée de sable fin étant plus excitant que d’être une poule en train de déguster des asticots !
Nous faisons plusieurs parties, les unes après les autres. J’apprécie beaucoup quand ma partenaire de jeu se penche, un doigt dans la bouche, en train de chercher où serait le meilleur endroit pour placer sa tuile. La vue qu’elle m’offre alors est très savoureuse ! Parfois nos regards se croisent, je me demande si elle est dupe ou pas… Cette femme doit adorer les jeux de séduction, sans toutefois aller bien loin. Une gentille allumeuse, dirons-nous…
L’occasion est trop belle, je prends quelques clichés. Une fois fini, Élisa m’apostrophe :
- — Vous en faites quoi de toutes ces photos ?
- — Une fois que j’en aurais assez, je les imprimerai toutes et je tapisserai ma chambre avec toutes vos photos, elles m’aideront à bien m’endormir !
- — Pff ! J’ai déjà entendu des arguments vaseux et fallacieux, mais là !
- — Vous doutez de ma bonne foi ?
Elle se contente de me décrocher un beau sourire. Le temps passe vite, peut-être trop vite. Soudain, à la fin d’une partie qu’elle a gagnée, Élisa se redresse :
- — C’était pas mal, Martial, mais ne ramenez plus de jeux, s’il vous plaît.
- — Pourquoi ?
- — Le temps passe trop vite… et puis… je ne papote plus avec vous, ça me fait du bien de discuter avec quelqu’un, de vraiment discuter.
- — Comme vous voudrez, Élisa…
Je prends alors conscience que mon interlocutrice est finalement une femme assez seule, même si elle est passée par bien des entreprises depuis plusieurs années, et qu’elle a fondé une famille.
Week-end
J’aime le week-end, je me vide l’esprit de ce que j’ai pu accumuler durant la semaine. Mais voilà, une certaine Élisa s’invite de temps à autre dans mes pensées…
Je suis un peu aidé par toutes les photos que j’ai pu prendre durant la semaine. Je parie qu’avec un bon logiciel et une imprimante 3D, j’arriverais à fabriquer une petite statuette de mon hôtesse d’accueil préférée !
- — Il faudra peut-être que je fasse une tentative… Autant expérimenter la chose avec un sujet qui me plaît…
En parlant de sujet qui me plaît, depuis quelques semaines, je tourne autour de Bérénice, une jeune femme de cinq ans ma cadette, mais sans réel succès probant. Depuis le début, celle-ci m’envoie des signaux contradictoires, un coup blanc, un coup noir, et ça ne m’aide pas trop. J’étais censé l’inviter au restaurant ce samedi soir, elle a décommandé ce matin par SMS, sous un prétexte familial. Je ne crois pas trop à cette excuse.
C’est alors que je réalise que je n’ai absolument pas parlé de Bérénice à Élisa. Un acte manqué ?
Je pense que la demoiselle aime se faire désirer, dans le genre princesse à qui tout est dû. Il est vrai que Bérénice est jolie, très jolie, c’est un fait. Je dois être un tantinet attiré par les physiques mignons. C’est alors que mon cerveau se lance automatiquement dans un comparatif entre Bérénice et Élisa. Et dès le début, ça ne tourne pas en faveur de la première.
Le seul avantage principal que possède finalement Bérénice est d’être libre, non mariée. C’est néanmoins une prérogative non négligeable, mais pas suffisante.
C’est alors que je prends une décision : je laisse tomber Bérénice. Je sens confusément que je faisais fausse route avec elle. Comparativement, Élisa est nettement au-dessus. Même si cette hôtesse minaude parfois, même si elle joue gentiment avec moi, Élisa est une femme telle que j’aimerais beaucoup avoir dans ma vie et dans mon lit. Du moins, une femme qui lui ressemble, car Élisa est mariée avec deux enfants.
À bien y réfléchir, il vaut mieux que j’investisse sur une vraie femme, une autre Élisa.
Lundi — Le retour des questions existentielles
Pour ma plus grande joie de ce lundi, l’heure du midi revient avec sa pause repas en bonne compagnie. Aujourd’hui, Élisa mange une salade de concombres avec dedans des morceaux que je crois être du poulet froid. Tandis que nous en sommes au milieu du repas, changeant complètement de sujet, je lance ma ligne :
- — Une fois de plus, vous me mettez dans l’expectative, Élisa…
Amusée, elle lève les yeux au ciel, ou plutôt au plafond :
- — Qu’est-ce que vous allez me sortir cette fois-ci, Martial ?
- — Pas une nouveauté… Une fois de plus, je me repose la question de string…
- — Halala ! Vous êtes bien un homme ! Dès que ça touche à l’intime et à la gaudriole, on ne vous arrête plus ! Et ça vous empêche toujours de dormir ? Pourtant, vous avez toutes mes photos pour tapisser votre chambre !
Volontairement, je ne réponds pas à sa question, je reste sur mon idée première :
- — Alors ? String ou pas string ?
- — Alors ? Dodo ou pas dodo ?
- — J’ai posé la question en premier, Élisa !
- — Comme vous ne voulez pas me dire si ça vous a empêché de dormir ou pas, je ne répondrai non plus à votre question.
- — Dommage. En bon technicien que je suis, je vais en conclure que vous ne portiez rien.
Sans me quitter du regard, elle remue consciencieusement sa salade de concombres :
- — Concluez, concluez !
- — Puis-je me permettre de vous demander de vous mettre debout, s’il vous plaît ? Pour que je puisse mieux voir…
Elle s’étonne de ma demande :
- — Pourquoi ?
- — Ça me permettrait justement de conclure…
- — De conclure comment ? Comme le dragueur raté des Bronzés ?
Fier de ma science, je réplique aussitôt :
- — Jean-Claude Dusse, incarné par Michel Blanc.
- — Vous en savez plus que moi ! Je me rappelais bien que c’était Michel Blanc, mais pas le nom de son personnage.
- — Il est célèbre pour cette maxime : « J’ai une ouverture, j’crois que j’vais conclure… », toute une poésie qui rime ! Ah oui, c’est lui aussi qui a sorti « Félicitations, elles sont bien rondes vos miches ! ».
- — Y aurait-il une allusion cachée ?
- — Oh, je vous rassure, l’allusion n’est pas du tout cachée ! En ce qui vous concerne, c’est juste une évidente constatation. Perso, je l’aurais dit autrement…
Élisa se contente de hocher un peu la tête, puis elle ajoute :
- — Admettons que je me mette debout, vous ne me poserez plus de question sur mes sous-vêtements ?
- — Pour aujourd’hui ? Ou pour les autres jours ?
- — Disons… jusqu’à jeudi soir.
- — Ah bon ? Pourquoi jeudi soir ?
- — Parce que vendredi sera le dernier jour.
Je soupire bruyamment :
- — Je le sais bien, hélas…
- — Comme je vous aime bien, vous aurez un petit sursis pour notre dernière fois.
- — Vous êtes bonne et généreuse.
- — Je sais, je sais, c’est dans ma nature !
- — Je sais, je sais, vos formes le prouvent !
Elle soupire avec un petit sourire indulgent, puis elle reprend :
- — Attendez que je finisse mon repas, et ensuite, je me lève. Ça vous va ?
- — Parfaitement !
Je ne pensais même pas qu’elle puisse accéder à ma demande. Son frugal repas fini, elle tient parole. Elle se lève et vient se planter pas trop loin de ma chaise, mains derrière le dos :
- — Voilà, ça vous convient, cher Monsieur ?
- — Si j’osai abuser, je vous demanderais de pivoter sur vous-même !
- — Oui, vous abusez ! Je vous donne un doigt, vous voulez le bras !
- — Ne vous plaignez pas, Élisa ! Je ne suis qu’un simple technicien ! Un commercial aurait exigé tout le corps !
Elle rit de bon cœur et commence à pivoter sur elle-même. Je mâte, je scrute, j’observe, je ne vois rien de rien. Ou bien c’est franchement arachnéen, ou bien le tissu est plus épais que je ne le pense, ou bien elle ne porte rien… Ma libido penche pour cette dernière option !
- — Monsieur est satisfait ?
- — Oui et non… vos courbes m’ont troublé… Puis-je oser vous redemander un second tour sur vous-même ? J’en profiterai pour prendre quelques photos, il ne faut pas perdre les bonnes habitudes…
Levant les yeux au ciel, elle ne répond rien, mais elle s’exécute néanmoins. Je mitraille son corps. Quand elle me refait face, elle me demande :
- — Alors, cher Monsieur, satisfait ?
- — Excusez-moi d’avance, chère Élisa…
- — Pourquoi vous dites ça ? Vous voulez un troisième tour ?
Pour toute réponse, délicatement, je pose mes doigts en haut de sa hanche gauche, puis doucement je descends le long de cette belle courbe. J’adore le contact, cette douceur, ce moelleux ! Assez stupéfaite, Élisa n’a pas encore réagi.
Une fois fini, mes doigts ôtés de sa robe, j’explique de ma voix la plus charmeuse, espérant ne pas récupérer une gifle bien sentie :
- — Excusez-moi, Élisa, mais je pense que c’était la meilleure façon d’en avoir le cœur net !
- — Vous n’êtes pas gêné, vous !
- — C’est bien pour cela que je vous ai demandé de m’excuser d’avance…
- — Vous êtes un sacré zigoto !
Elle marque une courte pause avant d’ajouter :
- — C’est étrange… Normalement, je devrais vous balancer une gifle… Le plus curieux, c’est que… comment dire… vous avez fait ça avec délicatesse, tel un gentleman.
- — Il fallait que je sache, je reconnais que ça troublait mon sommeil !
- — Et maintenant, vous allez mieux dormir, j’espère ?
Je prends une mine faussement déconfite :
- — Hélas, non, Élisa. Maintenant que je sais, ça va me tripatouiller encore plus les méninges quand je serai dans mon grand lit vide, seul le soir !
Elle part dans un grand éclat de rire ! Incident clos.
Mardi — Échancrure
Aujourd’hui, Élisa est en robe verte. Je suis presque déçu de constater que cette robe est très sage, aucun décolleté ! Cela étant, il me semble que sa poitrine est différente des autres jours. Peut-être est-ce dû à l’absence d’échancrure, je suis trop habitué à plonger dedans !
- — Ah, vous tombez bien, Martial. Je crois que j’ai un souci avec mon ordi…
- — Ah bon ? Faites-moi voir ça.
Prestement, je contourne le bureau :
- — Où ça, Élisa ?
- — Les petites icônes en bas à droite.
Je me penche pour mieux voir. Elle tend le bras pour me désigner la fin de la barre des tâches, et c’est alors que j’ai une vue imprenable sur un autre type d’échancrure ! Aujourd’hui, Élisa n’a peut-être pas de décolleté sous son cou, mais celui-ci s’est décalé sous ses aisselles et m’offre un spectacle différent, mais tout aussi intéressant !
En effet, de façon distincte, je peux admirer la courbe descendante de son sein jusqu’à la limite de son aréole ! Sans parler d’une très mignonne lingerie, un soutien-gorge à balconnet du plus bel effet ! J’ai raté ma vocation : j’aurais dû faire vendeur de lingerie !
- — Cette icône-là, c’est quoi ?
Je sors péniblement de ma contemplation :
- — Ce… c’est celle de l’antivirus, Élisa…
- — Ah bon, elle n’était pas comme ça, hier !
- — Sans doute une mise à jour… fausse alerte.
Je me redresse, avec en mémoire cette belle vision. Je repasse de l’autre côté de son bureau :
- — J’y vais, je vous dis à ce midi, si vous le voulez bien.
- — À ce midi, et bonne mâtinée. Au fait, vous me direz si votre sommeil s’améliore ou pas, cher Martial !
Le petit sourire qu’elle m’adresse en même temps que sa dernière phrase me laisse perplexe. Je me demande si tout ceci n’était pas manigancé… En tout cas, c’est une très bonne façon de commencer la journée !
Mardi — Failure
La conversation du midi roule sur les petites défaillances qui peuvent survenir dans un couple. Pour une fois, c’est plutôt moi qui relate une partie de ma vie, mon divorce surtout, une erreur de casting. Puis j’ai expliqué le cas d’un de mes bons amis qui résiste très difficilement à la tentation, surtout à des longues gambettes gainées de soie.
Croquant dans sa pomme, Élisa demande :
- — Et sa femme laisse faire ?
- — Au début, c’était plutôt l’orage, puis un beau jour, elle a fini par lui rendre la pareille. Depuis, ils forment un couple libéré. Elle n’hésite pas à s’afficher avec ses amants, et sa carrière a fait un gros bond en avant :
- — Eh bé !
- — Quant au mari, c’est finalement lui le plus gêné ! Il n’assume pas, ni ses coucheries, et encore moins celles de sa femme.
Élisa rétorque aussitôt :
- — Comme mon mari, quoi…
- — Ah bon ?
Ma collègue de repas formerait avec son mari un couple libéré ? J’attends la suite avec une certaine impatience. Celle-ci arrive tout de suite :
- — Oui, il a fini par avouer à demi-mot. C’était au début de la naissance de ma fille, il se sentait seul, paraît-il… Il m’a juré qu’il n’avait pas franchi le pas.
- — Vous avez pardonné ?
- — J’ai fait semblant de le croire…
- — Donc, vous ne l’avez pas cru.
Elle fait la moue :
- — Pas plus que ça, mais je lui donnais le bénéfice du doute, d’autant qu’il était très prévenant avec moi. Puis quelques jours plus tard, j’ai retrouvé dans la poche de sa veste que je voulais laver un morceau d’emballage pour préservatif… Puis quelques années plus tard, il a été subitement à nouveau prévenant pendant un mois. Et il m’a refait le coup l’année dernière.
- — Peut-être un retour de flamme ?
- — Je ne suis pas psychologue, je n’ai pas fait d’études dans le domaine, mais je sais quand même reconnaître le désir de la culpabilité ! Mais bon, pour vivre sereinement, il est parfois utile de savoir fermer un peu les yeux…
Puis elle me regarde avec un petit air moqueur :
- — En parlant de fermer les yeux, je crois savoir que ce n’est pas votre cas, Martial…
- — C’est-à-dire ?
Ostensiblement, elle lève à moitié les bras, révélant partiellement les côtés extérieurs de ses seins :
- — Voilà ce que je veux dire !
- — OK, OK, je plaide coupable, mais j’ai des circonstances atténuantes.
- — Ah oui, lesquelles ?
- — Comme j’étais privé de vos délicates rondeurs, mes yeux en manque ont cherché ailleurs !
- — C’est ce que j’ai cru voir…
- — Non, non, c’est plutôt moi qui ai vu !
Elle me gronde faussement :
- — Et vous z’avez même pas honte ?
- — Pourquoi aurais-je honte, chère Élisa ? Vous offrez si généreusement vos mignonnes courbes à mon regard avide, je serais bien ingrat de ne pas les caresser de mes yeux admiratifs !
- — Vous causez bien, Martial ! Bel argument de défense pour le petit voyeur que vous êtes !
Je suis à deux doigts de lui répondre qu’elle est, de son côté, une petite exhibitionniste, mais je sens confusément que je ne dois pas prononcer ce mot. Alors pour poursuivre la conversation, je pose carrément la question qui me taraude :
- — Dois-je comprendre que vous l’avez fait exprès ?
- — On va dire que j’ai tendu une perche… Mais que pour vous…
- — Pour moi ? C’est très gentil comme attention, je vous en remercie, mais… pourquoi donc ?
- — Comment dire… en réaction de votre main baladeuse.
- — Je vérifiais un point de détail, Élisa.
- — C’est ça, c’est ça. Et puis avec vous, comment dire, je savais que je pouvais me le permettre. Vous savez toucher des yeux. Quoique… hier… ça n’a pas été que des yeux, mais comme vous avez été très correct… Alors je me suis dit que vous avez bien droit à un petit bonus…
Je suis un peu étonné par cette façon de voir, mais elle m’arrange ! Je m’incline bien bas :
- — Un très, très, très grand merci ! Ce genre de bonus, je veux bien en avoir tous les jours, même en travaillant gratuitement ! Le bonus inclurait-il quelques photos ?
À mi-chemin entre le rire et le sourire, Élisa met sa main devant sa bouche :
- — Vous êtes infernal dans votre genre, mais j’aime bien être avec vous, Martial !
- — Je vous retourne le compliment, Élisa !
De bonne grâce, elle se laisse photographier, poussant la complaisance à lever un peu ses bras. Comparativement, le reste de notre conversation est trop fade. Inutile d’en écrire plus. Néanmoins, j’ai droit ci et là à quelques belles visions de ce soutien-gorge à balconnet, et j’essaye d’imaginer l’arrondi exacte de la base de ce sein si doux que j’entrevois.
Que j’aimerais que mes mains câlines remplacent ces coques de tissu !
Mercredi — Enfants
Retour aux robes plus classiques, bien que celle d’hier soit à marquer d’une croix blanche dans ma libido. Si j’ai un jour le plaisir de me mettre en ménage avec une femme avenante, je lui achèterais ce genre de robe, en lui demandant d’être seins nus par-dessous. Ainsi, collé dans son dos, j’aurais le grand plaisir de glisser mes mains dans les échancrures, puis venir capturer et soupeser ces deux si mignonnes masses molles !
Hélas, il faut que je retourne à la réalité…
Avant que je n’aille travailler, Élisa m’informe que ses enfants viendront lui faire un petit coucou ce midi et qu’ils mangeront avec elle. Ce soir, ils rentreront avec elle. Je comprends mieux le choix de la robe d’aujourd’hui qui lui va néanmoins fort bien, mais sans décolleté abyssal.
Je ne suis pas long à découvrir la caractéristique cachée de cette nouvelle robe : comme elle est composée de différentes parties, je constate que les coutures passent par les endroits stratégiques, accentuant ses formes, et aidant beaucoup l’imagination. Élisa affiche un petit sourire qui me laisse entendre qu’elle a compris que j’avais compris.
Par curiosité, je demande :
- — Vos enfants vont venir comment jusqu’ici ?
- — Leur père les déposera. Aujourd’hui, ils vont à la plaine de jeux, pas loin d’ici.
- — Ah oui, le gros machin tout gris avec un toit en biais ?
- — Oui, c’est ça.
- — Leur père ne travaille pas aujourd’hui ?
- — Il est intérimaire comme moi, et ce mercredi, c’est une journée sans.
Elle marque une petite pause, puis reprend :
- — Je comprendrais que vous ne mangiez pas avec moi ce midi.
- — Et pourquoi ça ?
- — Ben, vous êtes un homme, et mes enfants seront là.
- — Vous avez une curieuse conception des hommes… Vos enfants ne me dérangent pas, je peux vous partager avec eux pour une grosse demi-heure.
Elle me regarde curieusement :
- — C’est une façon de voir…
- — Désolé de ne pas approfondir le sujet avec vous, Élisa, mais il faut que j’aille faire semblant de mériter les sous qui me permettent de vivre !
Et je me sauve sans attendre sa réponse. Mon repas du midi sera moins, comment dire, moins flirtant, je suppose, mais j’aurais toujours le plaisir de converser avec cette mignonne hôtesse.
Quand quelques heures plus tard, je me dirige vers la salle de pause pour y déguster mon déjeuner, deux enfants sont déjà présents. Je les salue amicalement. Paul, le garçon (l’aîné) et Diane, la fille (la benjamine) ont un fort air de ressemblance avec leur mère, c’est indéniable. Nous déjeunons tous ensemble. La fillette est intarissable et très curieuse, je passe mon temps à répondre à ses questions. Idem pour le garçon, en ce qui concerne les jeux vidéo, car j’ai eu le malheur de dire que je possédais une petite collection de consoles de jeux à la maison. Bref, je n’arrive pas vraiment à discuter avec leur mère.
Sa sœur se concentrant sur son repas, c’est au tour de Paul de me questionner :
- — T’as combien de consoles de jeux ?
- — Une vingtaine, environ…
- — Vingt ! C’est énooorme !
- — La plupart sont très anciennes, de l’époque où les graphismes se limitaient à des gros carrés et à une musique jouée avec un doigt.
- — Ah, comme la console que Papa a fait voir une fois chez grand-mère ?
Sa mère intervient :
- — Oui, le jeu de tennis en noir et blanc.
- — Béééh, c’est nul comme truc !
- — Mais il n’y avait que ça à l’époque.
- — N’empêche que c’est nul !
Et c’est ainsi durant presque tout le repas. J’ai eu ma petite minute de gloire quand j’ai annoncé que j’avais fini tous les niveaux de « Masonic the ChimneySweep SeaUrchin », MCS pour les intimes, y compris les deux salles cachées. Les deux enfants m’ont regardé avec de grands yeux admiratifs avec plein d’étoiles dedans. Inutile de leur préciser que j’ai réussi à terminer ce fichu jeu, le seul que j’avais sous la main, parce que j’étais cloué au lit pour cause de jambe cassée, ayant malencontreusement marché sur un crayon au bord d’un escalier !
Puis le repas terminé, Élisa conduit en vitesse ses enfants à la plaine de jeux. Quand elle revient à peine dix minutes plus tard, elle s’excuse :
- — Désolée, Martial…
- — Désolée de quoi ? Ce sont des enfants, vos enfants…
- — Oui, mais… je… enfin…
- — Au moins, ils sont vivants et curieux. L’aîné me semble un peu trop branché jeux vidéo, j’espère que ça lui passera.
- — Ça ne vous est pas passé, Martial…
- — Moi, c’est une collection de consoles, nuance. Je ne joue pas tant que ça, du moins maintenant. Je reconnais que j’adore me plonger de temps en temps dans un jeu complètement vintage, mais ça dure rarement plus d’une heure, et encore.
Je la vois encore un peu embêtée. Je désigne ma joue :
- — Si vous voulez vraiment vous faire pardonner de quelque chose, faites-moi un bisou, là !
Spontanément, alors que je n’y croyais pas du tout, elle dépose un gros bisou sur ma joue. D’un seul coup, j’ai très chaud. Je constate, du coin de l’œil, qu’Élisa est un peu rouge. Pour détendre l’atmosphère, je lance :
- — Merci beaucoup, Élisa. Si j’ai un bisou à chaque fois que vous ramenez vos enfants, je veux bien me convertir en nounou !
- — Gros bêta ! Allez plutôt travailler !
Ce que je fais aussitôt en quittant l’accueil. Je ne pensais pas qu’un simple baiser sur la joue puisse rendre euphorique !
Jeudi — Avant-dernier repas
Une fois de plus, nous déjeunons ensemble dans la petite salle de pause. Mignonnement sanglée dans une robe grenat classique assez courte, avec une mignonne ouverture ronde sous le cou, tel un hublot (que je n’ai pas manqué de photographier comme il se doit), Élisa me demande :
- — Merci pour hier midi.
- — Pourquoi ça ?
- — Vous êtes bien l’un des premiers hommes qui s’entend bien avec mes enfants !
- — J’ai été moniteur de colo dans mon jeune temps !
- — Ah, tiens ? J’essaye d’imaginer la chose !
- — N’essayez pas ! À cette époque, j’étais gringalet avec une barbe fournie qui me vieillissait au moins de vingt ans !
Elle pouffe de rire :
- — Houla, je vois le tableau ! Et vous avez tout enlevé par la suite ? Je parle de la barbe.
- — Quand j’ai compris que ça me vieillissait trop, et que ça me nuisait vis-à-vis des gentes demoiselles qui m’intéressaient, j’ai tout enlevé. Du coup, je suis devenu trop jeune, et les mêmes demoiselles me traitaient de bébé !
Elle éclate carrément de rire :
- — Pff ! Hihihi ! Vous êtes idiot ! Au fait, vous avez eu des enfants ou pas ? Vous ne m’avez rien dit à ce sujet.
- — Aucun. Dans un premier temps, il a fallu que je termine mes études, puis j’ai voulu profiter de la vie. Et quand j’ai cru avoir trouvé la mère de mes futurs enfants, elle n’était pas pressée. Puis nous avons divorcé avant qu’elle ne change d’avis. Donc pas d’héritier…
- — Ça vous manque ?
- — Je mentirai en disant oui. Je mentirai aussi en disant non. Je joue souvent avec mes neveux et nièces, mais j’ai des doutes sur le fait de les supporter en permanence. Je parle de mes neveux et nièces qui ne sont pas un cadeau. En réalité, je ne sais pas.
- — Je vois le tableau…
Disant cela, Élisa croise et décroise ses jambes, ce qui trouble momentanément le fil de mes pensées. On n’a pas idée d’être aussi bien foutue ! Ah oui, il faudrait peut-être que je pose ma question, ce que je fais tout de suite :
- — Élisa, il y a un truc que je ne comprends pas…
- — Lequel ?
- — Vous êtes loin d’être idiote, ça s’entend tout de suite quand vous ouvrez la bouche. De plus, vous avez de la conversation. Comment se fait-il que vous ne soyez qu’hôtesse d’accueil, vous auriez pu prétendre à plus haut.
Posant ses mains manucurées sur son genou, elle soupire :
- — J’ai dû arrêter mes études une fois le Bac en poche. Je n’avais plus la possibilité financière d’aller plus loin, même en prenant un petit boulot, ma mère n’avait pas les moyens, mon père étant décédé quelques années avant. Comme la vie était devenue intenable chez ma mère, je suis partie. Bref, j’ai fait divers jobs pour continuer à payer le loyer et avoir au moins des pâtes dans mon assiette, puis un jour, une copine m’a pistonnée dans ce type de boulot.
- — Ah OK…
- — Au début, je pensais pouvoir conjuguer mon métier et la poursuite des études, mais ça n’a pas été facile. Puis j’ai rencontré Pierre et j’ai eu mes enfants…
Je crois comprendre que son mari a été en quelque sorte une bouée. C’est vrai qu’à deux, on s’en sort mieux que seule dans son coin. Je suppose qu’elle devait avoir quand même quelques sentiments pour lui, mais ça, je ne le lui demanderai pas.
Je poursuis en proposant une alternative :
- — Vous pourriez reprendre vos études, il y a des aides pour ça, ou en cours du soir.
- — J’aurais bien aimé, mais j’ai un mari qui ne travaille pas toujours, deux enfants, une maison et deux voitures à rembourser, sans oublier les motos, pas facile…
- — C’est vrai…
- — Parfois, je fais des extra : des expos, des salons…
- — Genre, le Salon de l’Automobile ?
- — Quand même pas ! Franchement, rester en bikini toute la journée à me faire reluquer, très peu pour moi… Non, des trucs plus classiques, comme un salon de l’Habitat ou du Mariage.
Dommage pour le bikini. Je souris :
- — Du mariage ? Vous avez dû avoir des propositions !
Elle pouffe de rire :
- — Vous ne croyez pas si bien dire ! La dernière fois, j’en ai eu dix-sept sur trois jours ! J’ai compté. Sans parler de ce fichu fiancé qui voulait vraiment m’offrir la bague de sa future épouse, une vraie virago ! Un de ces cirques, ce jour-là ! Incroyable ! Il faut le vivre pour y croire !
- — Oh, je le comprends parfaitement, ce fiancé !
À ces mots, elle m’adresse un sourire un peu étrange. Puis elle passe à un tout autre sujet, sa façon à elle de ne pas vouloir approfondir le sujet. Puis vient l’heure de nous séparer, chacun retournant à son boulot.
Le soir, avant de partir, je ne manque pas de saluer Élisa, n’oubliant pas de jeter un coup d’œil dans l’ouverture ronde de sa robe, afin de garder un beau souvenir.
Vendredi — Dernier repas
Une fois de plus, Élisa a changé de robe, en bleu électrique, et je trouve qu’elle a fait fort ! C’est à nouveau un cœur croisé, mais en un peu plus échancré, ce qui me permet de voir encore plus bas que de coutume. C’est ainsi que je peux souvent voir la petite attache qui relie des deux bonnets de son soutien-gorge qui ne m’a pas l’air très couvrant !
Idem pour le bas de sa robe légère qui est lui aussi croisé, ce qui dévoile parfois fort sensuellement sa cuisse ! Cette femme est une bombe pour ma libido !
- — Eh bé, Élisa, vous êtes terriblement en beauté !
- — C’est mon dernier jour…
- — Si vous voulez donner des énormes regrets à toute la gent masculine de l’entreprise, c’est très réussi !
- — Oh, la gent masculine de l’entreprise, je m’en fiche un peu. C’est pour vous que j’ai mis cette robe !
Je suis très flatté de cet aveu :
- — Pour moi ? Un très grand merci ! Une incontestable réussite ! Vous êtes magnifique, sublime dedans ! Ah au fait, vous connaissez notre petit rituel, je suppose ?
- — Bien sûr.
Puis comme les autres jours, elle se laisse photographier avec le sourire. Une fois les photos finies, elle me pousse en dehors de l’entrée :
- — Bon, c’est pas tout ça, petit profiteur ! Allez, ouste, au boulot !
- — Vous êtes cruelle, Élisa !
- — Je sais, je sais !
Pour le dernier repas, lors de la pause de dix heures, nous avons décidé de commander une énorme pizza, la Géante du Chef avec plein de trucs dessus, ainsi que les boissons et deux desserts. La semaine dernière, j’avais promis un traiteur ou quelque chose dans le genre, j’ai tenu parole. J’aurais préféré plus tôt et plus raffiné, mais ça ne s’est pas fait ainsi…
À l’heure dite, la livraison arrive. Quand je découvre la pizza, je me demande si j’arriverai à manger mon dessert, car l’appellation « géante » n’est pas usurpée ! Nous commençons notre repas. Après deux bouchées, la bouche à moitié pleine, Élisa avoue :
- — Pas mal ! Vu la grosseur du machin, je m’attendais à plus fade !
- — Oui, c’est vrai… elle est bonne !
J’ai failli ajouter « tout comme vous », mais ce ne serait pas intelligent de ma part. Nous continuons notre repas. C’est un peu étrange de voir les ongles rouges d’Élisa s’emparer des morceaux de pizza, puis de la voir manger pas toujours très proprement, le contour de sa bouche de plus en plus sali par le coulis de tomate. Il va falloir que je jugule mon imagination, sinon je vais finir par cogiter à des choses très cochonnes !
Prenant une petite pause récupératrice, et après avoir bu un peu de coca allégé, Élisa me demande carrément :
- — Parlons peu, mais parlons bien, Martial. Depuis le début, vous me dragouillez gentiment, mais vous n’avez jamais franchi une certaine limite, alors que vous êtes célibataire.
L’attaque est directe ! Je fais remarquer une évidence à mon interlocutrice :
- — Je vous rappelle que vous êtes mariée…
- — Oh, vous savez, il y a certains célibataires que ça n’arrête pas, bien au contraire ! Y compris certains hommes mariés !
- — À chacun sa façon de voir…
Elle se ressert à boire, je n’arrive pas trop à détacher mes yeux de ses doigts manucurés qui enserrent le verre. Avant de boire, Élisa énumère :
- — Voyez-vous, les hommes sont divisés en quatre grandes catégories : ceux qui voudraient bien, mais qui n’osent pas, ceux qui cherchent des aventures, et ceux qui sont plus sérieux. Vous, à moins que je ne me trompe, vous appartenez à la dernière catégorie.
- — Je vous remercie, Élisa. Mais vous avez oublié une catégorie, vous parliez de quatre types d’hommes.
Elle repose son verre à présent vide :
- — Ah oui, c’est vrai ! Et il y a ceux qui ne sont pas intéressés.
- — Ça existe, des hommes pas intéressés ?
- — Vous oubliez les gays, Martial…
C’est une catégorie de personnes à laquelle je ne pense pas spontanément, je le concède :
- — En effet…
- — Et il y a même des hommes que le sexe n’intéresse vraiment pas. Même si vous les parachutiez dans un harem, ça ne leur ferait ni chaud ni froid !
- — Il ne doit pas y en avoir beaucoup, des hommes comme ça…
- — Non, ça ne court pas les rues, mais j’ai une copine qui est tombée sur un homme qui est comme ça. Il est mignon, il est très gentil, agréable à vivre, il gagne bien sa vie, mais au lit, c’est le désert du Sahara !
J’imagine un peu la chose. Par curiosité, je demande :
- — Elle l’a quitté ?
- — Non, non, elle vit avec lui depuis dix-douze ans. Mais parfois, elle va voir ailleurs. Elle n’a pas trop le choix ; comme toutes les femmes, elle a des besoins…
- — Elle n’a pas essayé de le convertir ?
- — Oh que si ! Elle lui a même fait des trucs bien cochons, mais rien de rien.
- — Ah ça, c’est con ! Il y a des tas d’hommes qui auraient voulu être à sa place !
Elle soupire d’une étrange façon :
- — Je ne vous le fais pas dire !
C’est alors que ça fait tilt dans ma tête :
- — Excusez-moi, Élisa… Mais ça ne serait pas un peu votre cas ?
Je vois à sa tête qu’elle est un peu désarçonnée :
- — Euh… pourquoi demandez-vous ça ?
- — Une intuition, vu la façon et le ton de votre réponse…
- — Vous n’avez pas fait des études de psycho pour rien, vous… Et vous en déduisez quoi ?
- — Autant dire les choses franchement, Élisa. C’est votre dernier jour, c’est aussi mon dernier jour. Après, je risque de ne plus croiser votre chemin, sauf si vous m’envoyez votre emploi du temps… À ce sujet, il faudra que je vous donne ma carte de visite.
- — Vous tentez de noyer le poisson, dites les choses franchement, Martial…
Je prends une courte pause, puis j’attaque :
- — Vous savez très bien que vous êtes absolument mignonne et très agréable à fréquenter et à regarder. Vous vous habillez bien, voire sexy, avec un souci du détail. Vous flirtez parfois gentiment avec certains hommes, mais sans dépasser, vous aussi, une certaine limite, histoire de tester votre pouvoir de séduction, sans doute pour compenser un mari, disons, défectueux, qui n’a visiblement pas su entretenir la flamme.
Elle me regarde d’une curieuse façon :
- — Vous savez que je vous déteste ?
- — Dois-je comprendre que je n’ai pas trop loupé ma cible ?
Elle soupire :
- — En plein dans le mille, Martial…
- — Merci de me le confirmer. Je ne vous en aurais pas tenu rigueur si vous m’aviez affirmé le contraire.
- — Je sais… c’est dans votre caractère d’être flexible…
À mon tour de boire. Ceci fait, je décide de passer à l’étape suivante :
- — Je vais vous faire un aveu, Élisa…
- — Ah oui, lequel ?
- — Si vous n’étiez pas mariée, si les circonstances étaient différentes, je crois bien que j’aurais vraiment tenté ma chance avec vous. Non, je ne crois pas, je l’aurais fait.
- — Je vous crois… je m’en doutais un peu.
Un petit silence s’installe entre nous. Je me demande si j’ai bien fait d’avouer ce genre de chose. Pour donner le change, je décide d’attaquer un autre quartier de pizza. C’est Élisa qui le brise :
- — Et vous souhaitez connaître ma réponse ?
- — Votre réponse à quoi ?
- — Là aussi, vous vous défilez. Ma réponse à votre tentative de tenter votre chance ?
- — Il y a trop de « si » dans l’équation, Élisa…
- — En réalité, si j’ai bien compris votre façon de raisonner, il n’y a que deux obstacles : mon mari et mes enfants.
- — Vous êtes mariée, c’est surtout ça… J’ai vu une fois vos enfants, je ne les range pas dans la catégorie des obstacles. Si c’est le prix à payer, il n’est pas élevé.
Elle me regarde un peu tristement :
- — Vous avez une vision idéalisée de ma petite personne, le bon côté gentiment sexy. Mais dans la vie de tous les jours, c’est moins idyllique. Honnêtement, vous m’imaginez comment en ménagère ?
- — Pour le ménage, il suffit de se le partager, et ensemble, ça se fera rapidement et sans heurt.
- — Ah oui, j’oubliais que vous étiez presque un homme parfait, capable de faire le ménage, la vaisselle et le linge ! Finalement, les célibataires qui habitent loin de leur maman ont quelques avantages !
- — Sans oublier le repassage… Vous devriez voir comment je repasse mes cols de chemises ! Toute la gestuelle dans le poignet !
À son tour, elle prend un quartier, en me souriant :
- — Sans oublier le repassage… oui…
- — Je ne suis pas mauvais non plus dans le nettoyage de la salle de bain.
Tout en me regardant, elle croque de bon cœur dans son morceau, puis une fois mastiqué et avalé, elle reprend la parole :
- — Bon, imaginons, j’ai bien dit, imaginons que vous et moi, nous vivions ensemble, sous le même toit avec les enfants.
- — D’accord, j’imagine…
- — Sans mentir, qu’est-ce que vous attendez de moi ?
Je cligne des yeux :
- — Je… je ne comprends pas bien…
- — Je vais tourner ma phrase autrement : dans l’idéal, en fantasme, vous aimeriez qui, quoi, comme femme ?
- — Dans l’idéal ou en fantasme, Élisa ?
Tout en souriant, elle porte à nouveau son morceau de pizza à sa bouche :
- — Allez, au point où on en est, je prends l’option fantasme…
- — Vous… vous y tenez vraiment ?
- — Bah, comme vous l’avez dit tout à l’heure, c’est notre dernier jour à vous comme à moi.
- — Pas faux…
- — Allez, Martial… un peu de courage !
Ça lui va bien de me dire ça ! Je soupire :
- — Une femme sexy, c’est certain, comme vous, là maintenant. Vous êtes sublime et vous le savez. Y compris avec la sauce tomate autour des lèvres. Savez-vous que vous êtes franchement sensuelle comme ça ?
- — Une belle poupée vivante…
- — Puisque nous sommes dans le fantasme, oui, j’adorerais vivre avec une mignonne femme sexy comme vous, une femme capable de prendre soin d’elle et aussi un peu de moi. J’ai envie d’être fier de la femme que j’aime, de sortir avec elle, de découvrir plein de choses à deux, de lui faire très souvent l’amour pour l’entendre jouir encore et encore, et être vraiment heureux ensemble.
Élisa rougit un peu :
- — Beau programme… Mais votre femme idéale reste une belle poupée…
- — Une belle poupée vivante, mais ayant son mot à dire. Il va de soi qu’on regarde tous les deux dans la même direction en s’étant concertés auparavant. Mais si elle est ma femme idéale, nous avons presque les mêmes goûts, la même façon de penser et de vivre. Donc, nous nous comprenons souvent sans avoir à le dire.
- — Pour dire comme vous : c’est pas faux.
- — Et comme vous aimez les détails : oui, je veux une femme très sexy, sûre de son charme, en abusant parfois. Oui, ça ne me déplairait pas qu’elle fasse tourner les têtes alors qu’elle est à mon bras. Oui, je veux profiter de son corps, de toutes ses courbes, parce que je suis un gros gourmand ! Je peux vous poser une question, Élisa ?
S’aidant d’un petit miroir portatif tout rond qu’elle a pioché dans son sac, mon interlocutrice s’essuie le pourtour de la bouche :
- — Dites toujours…
- — Pourquoi êtes-vous toujours bien habillée, mise en valeur ?
- — Mon métier l’exige…
- — Taratata ! Je connais bien des hôtesses d’accueil, et je peux vous affirmer qu’en matière d’habillement, vous êtes largement au-dessus du panier.
Ses coudes à présent sur la table, sa tête entre ses mains, une magnifique vision dans son décolleté, elle répond sincèrement :
- — Merci du compliment. Je reconnais que j’aime plaire… mais je n’ai pas non plus envie de passer pour une femme facile… L’équilibre est difficile à trouver… Dans l’idéal, j’aimerais ne plaire qu’à un seul homme qui me considérerait comme la plus belle du monde…
- — Je vous rassure, ce n’est pas très compliqué de trouver un homme comme vous aimeriez !
- — Et vous, si vous étiez mon homme, mon mari, vous me verriez comme la plus belle femme du monde ?
Je ne m’attendais pas à cette question :
- — Euh… je…
- — On ne joue pas au jeu de la vérité depuis tout à l’heure, Martial ?
- — Si vous étiez à moi, vous seriez mon étoile, mon soleil, mon paradis, la seule femme qui compte…
- — Waow, vous êtes poète à vos heures !
- — Je vous l’ai dit, j’ai un côté fusionnel, moi pour elle et elle pour moi.
Mon interlocutrice a les yeux qui brillent. Néanmoins, elle m’envoie un missile :
- — Et quand elle sera vieille et moche ?
- — Nous vieillirons ensemble, je l’aimerai toujours et elle aura beaucoup de charme.
- — Vous avez réponse à tout.
- — C’est mon métier… dis-je croquant dans mon nouveau quartier de pizza. Puis je redeviens plus sérieux :
- — À mon tour, Élisa. Imaginez qu’un homme qui ne vous déplaît pas vous fasse une proposition sérieuse, tout en annonçant ce qu’il souhaite…
Pour cacher son trouble, curieusement, elle délaisse le morceau qu’elle avait en main pour en prendre un autre :
- — Admettons que cet homme ne me déplaise pas et qu’il me fasse une proposition sérieuse… pas une aventure, je suppose…
- — Vous supposez bien.
- — Il faudrait m’en dire un peu plus sur cet homme qui ne souhaite pas une simple aventure.
Elle commence à déguster son triangle dégoulinant de fromage, attendant la suite. Je comprends que je n’ai pas trop le choix, alors je me lance :
- — Cet homme a ses qualités et ses défauts, il ne les cache pas, et je présume que vous en connaissez déjà un peu sur lui. Comme vous le savez déjà, je me répète, il aimerait faire sa vie avec une mignonne poupée qui a néanmoins du caractère et de la répartie. Il aimerait pouvoir s’occuper d’elle à fond, vivre en symbiose, fusionnellement. Cet homme ne gagne pas des fortunes, mais il peut offrir une vie agréable à sa compagne et ses enfants…
- — Et que veut exactement cet homme ?
- — Une compagne avec qui faire sa vie…
Il est flagrant que nous tournons en rond, il manque le déclic, mais lequel, pour sortir de ce cercle infernal. Elle secoue la tête de gauche à droite :
- — Non, non… je vais préciser ma pensée : qu’attendez-vous, pardon, qu’est-ce que cet homme attend de cette femme au lit ?
- — Wow ! C’est du direct comme question !
- — Ne me dites pas que c’est un sujet qui vous passe par-dessus la tête ?
- — Non, ça me passe plutôt par-dessous la ceinture !
Elle secoue à nouveau la tête de gauche à droite :
- — Ça vous va bien de dire ça. Je ne vais pas vous faire un dessin, mais même si la galipette ne représente pas un gros pourcentage dans la vie de tous les jours, elle tient une énorme importance dans le ciment d’un couple.
- — Je vois que vous êtes réaliste, Élisa.
- — On va le dire comme ça. Je peux bien vous le dire, mais n’allez pas le répéter : si je veux avoir quelque chose qui sort de l’ordinaire, ça dépendra essentiellement du nombre de turlutes que je ferais à mon mari. C’est aussi simple que ça. Et si je veux vraiment un truc très spécial… eh bien… je lui laisse faire un truc très spécial… enfin, vous voyez quoi…
Je ne m’attends pas à pareil aveu !
- — Ah bon, ça marche comme ça chez vous ?
- — Je sens que vous allez me dire que ce n’est pas trop votre vision des choses… Ne me dites pas que vous jouez les poètes-collégiens au lit ?
- — Je vous rassure, je suis capable de faire des cochonneries encore plus spéciales que vos trucs très spéciaux !
- — Ah bon ! Je me demande bien quoi !
Je souris béatement :
- — Je ne demande qu’à vous le démontrer !
- — Je n’en doute point, Martial. Mais vous n’avez pas répondu à ma question.
- — Revenons-en à nos draps : pour moi, le sexe c’est un échange, une communion entre un homme et une femme. Et si ma compagne de jeu ne jouit pas, alors je ne suis pas très satisfait de moi. Je sais très bien qu’une femme demande plus de temps qu’un homme, mais ça tombe bien, je ne déteste pas du tout les préliminaires, plus c’est long, plus c’est bon. Je parle des préliminaires, pas d’autres choses…
Je reprends ma respiration pour ajouter :
- — Et puis, si les grosses cochonneries sont partagées, si les deux personnes se donnent, finalement, il n’y a plus de vilenie, il n’y a plus que des actes d’amour.
Elle me regarde avec un air étrange :
- — Vous pensez vraiment ce que vous dites ?
- — Oui, pourquoi ?
- — Ce… c’est bien comme ça que j’aurais voulu que les choses se passent…
- — Alors tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes : essayez-moi !
Aussitôt, sa réponse fuse :
- — J’aimer… oups ! Euh… je suis mariée… et… euh…
Elle se tait, un peu confuse, je préfère ne rien dire. Une solution serait de lui proposer une aventure, mais je présume que ce n’est pas son style, elle doit être trop entière. Soudain Élisa lâche à voix basse une petite phrase :
- — Mais comment savoir ?
- — C’est-à-dire ?
Elle évite de me regarder :
- — Dans la science-fiction, il y a des univers parallèles… il suffirait de se glisser dans l’un d’eux et puis… on ferait ce qu’on a à faire et si c’est positif, on le fait pour de bon dans la vraie vie. Et les petits coups en douce, devoir jongler avec les agendas, ce n’est pas trop mon truc…
- — Désolé, mais je n’ai pas d’univers parallèle à vous offrir, Élisa. Oui, vous avez raison, comment savoir ?
Nous nous taisons tous les deux, un peu effrayés par la tournure des événements. Si j’analyse froidement la situation, elle et moi sommes en train de nous tourner autour, d’envisager en catimini plein de choses durables, alors que nous n’avons même pas commencé notre histoire. Je trouve que c’est fort !
Vendredi — Remplacement
C’est alors que germe en moi une idée saugrenue, un peu moins folle qu’un univers parallèle et nettement plus réalisable :
- — Élisa, imaginons que vous soyez envoyée loin de chez vous pour faire un remplacement, un job bien payé. Disons une semaine ou un week-end, comme pour un salon. Non, une semaine dans des conditions normales pour mieux jouer le jeu.
- — Et comment ce job bien payé serait attribué à moi, une intérimaire parmi tant d’autres ?
Il y a toujours une solution, je réponds :
- — Cette intérimaire peut passer en direct, en facturation, en auto-entrepreneuse…
- — Pour ça, il faut avoir un Siret, il me semble…
- — C’est vrai… On peut aussi passer par une société de portage, qui prendrait entre cinq à dix pour cent. Sinon, il y a aussi le paiement au black. Je sais qu’une hôtesse gagne entre dix et quinze euros de l’heure. Donc pour une semaine…
Je sors mon smartphone pour calculer tout ça :
- — Prenons l’option haute : quinze euros de l’heure fois sept heures fois-cinq jours, ça donne cinq cent vingt-cinq… Pour huit heures, ça fait… six cents euros tout ronds.
- — C’est bien payé, mais vous faites quoi des frais de déplacement ?
- — Imaginons, pour faire un compte rond, un total de mille euros la semaine.
- — Mille euros ! Pour une semaine de travail ?
- — De non-travail, le job en question, c’est de vivre avec moi durant ce temps…
Elle ouvre de grands yeux éberlués, me regardant d’un drôle air :
- — Vous plaisantez ou quoi ? Vous voulez me donner mille euros pour que je… pour que je vous tienne compagnie ?
- — De jour, et parfois de nuit…
Pour détendre l’atmosphère, elle bascule en mode plaisanterie :
- — Houla, le tarif horaire descend largement en dessous des quinze euros de l’heure ! Surtout de nuit !
- — C’est vrai, mais en contrepartie, vous êtes logée et nourrie…
- — Et aussi bai… oups, pardon…
Elle devient toute rouge, je m’exclame aussitôt :
- — Oui, mais dans le bon sens du terme !
- — Oui, bon… passons… à vrai dire, cette somme, c’est pour payer une… une pu… une pros…
- — Mille euros pour savoir si la personne est vraiment la bonne. Je trouve que ce n’est pas cher payé à l’échelle d’une vie.
Elle devient songeuse :
- — Oui, vu comme ça… N’empêche que mille euros pour une semaine…
- — Je suppose, à vue de nez, que vous en gagnez la moitié…
- — Oui, c’est ça, à la louche, très à la louche… Je ne vais pas vous mentir, mais je suis plutôt à quatre cents euros, la semaine…
- — Merci pour votre franchise. Réfléchissons un peu… Pour vous laisser partir une semaine du lundi au vendredi, il faut agiter une certaine carotte pour que votre mari daigne vous laisser partir. Donc un peu plus du double que vous gagnez en moyenne me semble très indiqué. Mille est un nombre parfait et tout rond.
- — On dirait que vous connaissez mon mari…
- — D’après ce que vous m’avez dit, d’après le fait que vous et lui gagniez sensiblement la même chose, vous un peu plus que lui, une bonne semaine de bonus, ça ne fait pas de mal aux finances. Surtout si vos repas et votre hébergement sont pris en compte, y compris le déplacement… C’est une belle carotte pour votre mari, non ?
Et pour elle aussi, je suppose. Se prenant au jeu, Élisa objecte :
- — Et s’il lui prend la fantaisie de vérifier si je suis bien descendue l’hôtel ?
- — Pas de problème, j’ai la solution. Ma sœur, qui habite sur la côte, gère une maison d’hôtes. Votre destination est toute trouvée !
- — Ah… OK… Vous pensez à tout !
- — C’est mon métier, chère Élisa. C’est même pour ça que je suis ici, chez ce client, notre employeur commun et temporaire.
- — Et comment justifier ce tarif ?
- — Un remplacement de dernière minute… De plus, vous correspondez nickel au profil.
- — Oui, c’est plausible…
Après avoir remis une mèche en place, elle soupire :
- — Être avec vous ne me fait pas peur… du moins en journée… C’est la nuit qui me…
- — Je ne suis pas du style à forcer une femme…
- — Oui, mais vous en voudrez pour votre argent !
- — Disons que je saurais me contenter d’un flirt poussé.
Elle affiche un petit sourire désabusé :
- — Ce que vous dites, là maintenant ! Mais les hommes ne savent pas se contenter d’un non quand on leur en dit non !
- — À vous de voir si vous voulez tenter l’expérience ou pas. Si ça ne marche pas entre nous, on arrête, c’est tout.
- — Et dans ce cas, on fait comment pour les sous ?
Je retrouve l’âme pratique et pragmatique qu’ont la plupart des femmes. Ce n’est pas pour rien si ce sont souvent elles qui gèrent les budgets. Je propose :
- — Vous les gardez. Ce sera le prix à payer pour savoir que nous ne sommes pas faits pour vivre ensemble.
- — C’est trop beau pour être vrai !
- — Je vous l’ai dit, ce n’est pas cher payé à l’échelle d’une vie. Surtout quand on est passé par un divorce qui s’est mal passé.
À ce moment précis, l’un des informaticiens avec qui je bosse pointe le bout de son nez dans la salle de pause.
- — Ah, Martial, vous êtes là ? On se demandait si vous étiez de retour ou pas.
- — Non, je n’ai pas bougé d’ici…
Intrigué, je regarde ma montre :
- — Ah oui… déjà ! J’ai pas vu passer l’heure… J’arrive tout de suite.
- — OK, on vous attend pour la dernière ligne droite.
Puis l’informaticien disparaît. Je me tourne vers Élisa qui réajuste sa tenue :
- — Je dois y aller, mais réfléchissez à ma proposition.
- — Proposition ou imagination ?
- — Proposition. Honnêtement, j’ai envie de savoir. Je reconnais que l’idée est un peu… dingue…
- — Une semaine quand même…
Je constate avec plaisir qu’elle ne rejette pas catégoriquement l’idée :
- — Je peux transiger à deux ou trois jours… Désolé, mais il faut que je me sauve ! J’espère vous revoir avant de partir, je peux compter sur vous ? Seize heures trente ?
- — Oui, Martial, vous pouvez compter sur moi.
- — Merci !
Sur cette bonne nouvelle, je quitte la pièce. Jamais après-midi ne m’aura paru si long !
Vendredi — Au revoir
Ma mission terminée, je rejoins l’accueil. Élisa a fini, elle aussi, elle m’attend. Nous sommes à présent l’un en face de l’autre. Elle prend la parole :
- — Concernant votre idée, je vais être franche avec vous, Martial.
- — Je vous écoute.
- — Mille euros pour passer une semaine en votre compagnie, je reconnais que c’est tentant, et ceci pour diverses raisons… Mais avec des pour et des contre…
Elle marque une pause, comme si elle cherchait ses mots. Je la relance en disant :
- — Je suis difficile à vexer, vous savez.
- — Commençons par le plus facile à dire : mille euros, c’est quand même une somme, surtout à ne rien faire ou presque…
- — C’est vrai.
- — Le souci, c’est que d’un autre côté, ça me donne m’impression d’être… d’être une pute, et ça me gêne…
- — Voyez-le comme un essai, un pari sur le futur.
- — Une autre raison, c’est que… c’est tentant d’être désirée, de vivre autre chose… je sens qu’avec vous… ce… ça pourrait être bien… très bien… mais…
- — Mais ?
Elle se tord les mains :
- — Je… je n’ai jamais trompé mon mari…
- — Jamais ?
- — Bon, j’ai bien eu quelques… gentils flirtouillages avec des clients, mais aucune relation horizontale…
- — D’accord… je comprends…
Elle respire un grand coup :
- — Je n’aime pas trop quand il y a de l’argent en jeu… ça fausse tout. Si j’étais célibataire, ce serait plus simple, voyez-vous.
- — Êtes-vous en train de me dire que vous auriez accepté ?
Elle place ses mains entre elle et moi, comme pour former une mince barrière :
- — Non, non ! N’allez pas trop vite dans les conclusions, Martial. J’aurais sans doute accepté de vous revoir, de façon plus classique, avec toutes les étapes, petit à petit…
- — Merci, Élisa…
- — Mais je ne suis pas célibataire. Et normalement, je n’aurais jamais dû vous écouter !
- — C’est pour ça que je vous propose cette semaine, ça me semble une bonne façon de savoir si vous et moi avons une chance…
Je sens qu’elle est intérieurement agitée par un gros conflit interne. J’ai quasiment la confirmation que je l’intéresse, et que j’ai ma chance. D’un autre côté, elle a déjà sa vie, un mari, des enfants, une maison, une petite vie peut-être pas très folichonne, mais stable. Avec moi, c’est l’inconnu, en mieux, je l’espère, mais peut-être aussi en pire !
De mon côté, peut-être que je me leurre sur qui est réellement Élisa. Elle m’a bien dévoilé quelques aspects de sa personne, mais est-ce que je sais tout d’elle ? Quelles facettes cachées et obscures possède-t-elle ? Je n’en sais rien.
Comme depuis quelques minutes, plusieurs personnes sont passées à côté de nous, je prends Élisa par la main et je l’entraîne dans la salle de pause voisine. À nouveau l’un en face de l’autre, j’ai du mal à lâcher sa main, je me sens tellement bien ainsi. Élisa demande :
- — Je peux récupérer ma main ?
- — Vous le voulez vraiment ?
- — Ne rendez pas les choses plus compliquées, elles le sont déjà assez comme ça ! Où en étions-nous ?
- — Que je vous proposais une semaine hors de chez vous, parce que ça me semblait une bonne façon de savoir si vous et moi avons une chance…
Je libère sa main. Après s’être mordu les lèvres comme pour s’empêcher de parler trop vite, Élisa reprend la parole :
- — De plus, si j’accepte et si vous obtenez ce que vous voulez, qu’est-ce qui me dit que… que si ça fonctionne vraiment entre nous… vous allez…
- — En clair, qu’est-ce qui vous garantit que je tienne parole et nous vivions ensemble ensuite ?
- — Ben oui… Mettez-vous à ma place, je n’ai que votre parole…
Alors que j’allais répondre, elle pose ses doigts sur ma bouche :
- — Non, non, je continue : parce que, si ça fonctionne vraiment entre nous, vous imaginez la suite ? Un divorce, ce n’est pas rien, surtout à mes torts ! Et mes enfants ?
- — Il me semble bien que mardi, vous avez évoqué le fait que votre mari ait déjà donné un coup de canif dans le contrat de mariage, non ?
- — Il l’a fait trois fois, je crois, une fois sûrement, mais il faut le prouver…
- — Il suffit d’une seule preuve pour faire match nul. Et puis, plaie d’argent n’est pas mortelle.
Elle dodine de la tête :
- — Je me demande pourquoi je nous enquiquine avec tous mes doutes, vous avez toujours une solution ! Vous êtes lassant, Monsieur le solutionneur de problèmes !
- — Je vous rassure, Élisa : quand nous vivrons ensemble, je vous écouterai sans chercher à résoudre vos soucis, sauf si vous me le demandez expressément, bien sûr.
Elle soupire bruyamment :
- — Mais pourquoi il a fallu que je vous rencontre ?
- — Parce que c’est écrit ainsi.
- — Vous croyez en la prédestination, vous ?
- — Pas beaucoup. Seulement quand ça arrange mes affaires.
- — Je vois… La solution la plus simple est qu’on ne se revoie plus. Comme ça, plus de problème !
Je n’aime pas trop la direction que tout ceci prend, alors je décide d’avancer d’un pas :
- — Si ça ne tenait qu’à moi, je vous enlève sur-le-champ et je repars illico chez moi avec vous sur mon épaule !
Ça la fait quand même sourire :
- — Vous vous la jouez, homme de Cro-Magnon ?
- — Si ça pouvait débloquer les choses, je le ferais sur-le-champ, y compris donner un gros coup de massue sur le crâne fragile de votre futur ex-mari !
- — Vous êtes un rustre, Monsieur l’homme préhistorique !
- — Peut-être, mais avouez que ce sont des méthodes efficaces !
- — Vous êtes comme ça tous les jours ?
- — Parfois oui, parfois non. À vous de savoir me canaliser ! Bon, pendant que j’y pense, je vais vous donner ma carte de visite, afin que vous me donniez votre réponse. Mais si j’étais moins con, j’exigerais de vous une réponse immédiate.
Elle s’étonne :
- — Moins con ? Comment ça ?
- — Il y a une grosse probabilité que, si je n’aide pas un peu le hasard, vous me disiez non. Mais voilà, je ne suis pas du style à forcer une femme, je veux pouvoir partir avec elle du bon pied, dans de bonnes conditions.
- — C’est tout à votre honneur, Martial.
- — Merci, mais ce n’est pas forcément à mon avantage !
Ma réponse l’amuse. Je lui donne une carte de visite. À mon grand étonnement, après l’avoir lue, elle insère la carte dans son décolleté. Elle s’en excuse aussitôt :
- — C’est que… je n’ai pas de poche…
- — C’est une bonne excuse… Bon, il va falloir que nous nous séparions, chère Élisa…
- — Oui, il est l’heure, Martial…
- — Vous permettez ?
Je m’approche d’elle, je pose mes mains sur sa taille, elle ne bouge pas, elle se contente de me regarder. Sans la quitter du regard, j’incline lentement ma tête vers sa bouche légèrement entrouverte. Quand mes lèvres rencontrent les siennes, je reçois comme un grand choc électrique et visiblement, je ne suis pas le seul. Je l’attire à moi, puis je l’embrasse langoureusement. Élisa reste un peu passive, mais sans s’opposer à mon baiser. J’adore le goût de ses lèvres, la chaleur de son corps contre le mien, son parfum, tout !
Quand nos lèvres se séparent, je la regarde longuement. Elle tremble un peu. Alors je la capture plus possessivement afin de lui donner un autre baiser beaucoup plus fougueux. Après quelques secondes d’hésitation, Élisa répond à mon baiser, ses mains autour de mon cou, ses seins écrasés contre mon torse, son ventre contre mon bas-ventre, enfoncés dans un tourbillon de saveurs et de senteurs, mes mains dans ses cheveux, mes mains sur son corps tout en courbes, ma bouche sur ses lèvres, dans son cou, entre ses seins. La tornade nous entraîne plus loin encore, elle répond fiévreusement à mes baisers, ses mains me cherchent. Enlacés, nos corps mêlés, nos jambes nouées, son corps contre le mien, son ventre qui ondule contre le mien, mes mains qui la parcourent partout, de ses fesses dodues, le long de son dos arqué à ses seins pointés. Je n’ai plus de notion du temps, cette étreinte devrait durer toujours. Nous restons longtemps à nous dévorer, corps contre corps, fusionnels, étrangement bien, flottant sur notre petit nuage.
Puis nos lèvres se séparent à nouveau, nous nous séparons de quelques millimètres afin de reprendre notre souffle. La tête ébouriffée, son rouge à lèvres qui déborde, le corsage un peu défait, elle me fixe de ses yeux luisants. Assez déboussolé, j’essaye d’exprimer ce que je ressens :
- — Vous… Je… c’était… je n’arrive pas à mettre des mots, c’est fou !
- — Pareil pour moi… Ah si j’avais su, jamais je ne vous aurais laissé m’embrasser !
- — Vous regrettez vraiment ?
Toujours blottie contre moi, elle hésite un peu avant de me répondre :
- — Comment dire… Avant je ne savais pas, maintenant je sais. Résultat, à cause de vous, je suis dans un sacré merdier !
J’ai déjà entendu des déclarations un peu étranges, mais celle-ci les dépasse toutes ! Mais je pense que c’est de bon augure pour notre futur commun…