n° 19593 | Fiche technique | 157112 caractères | 157112Temps de lecture estimé : 91 mn | 12/05/20 corrigé 22/08/21 |
Résumé: Six jeunes décident d'aller se confiner en montagne, à l'écart du monde. | ||||
Critères: fh ff fhh ffh fffh fbi jeunes copains grosseins forêt voir nudisme intermast fellation cunnilingu anulingus pénétratio sandwich délire aventure -aventure | ||||
Auteur : Roy Suffer (Un vieil épicurien qui aime tout ce qui est beau et bon !) Envoi mini-message |
DEBUT de la série | Série : Coronavirus Chapitre 01 / 02 | Épisode suivant |
Hallucinant ! Les rues sont vides de chez vide. Pas un chat, pas une bagnole, pas un bruit. Les zoziaux ont repris le pouvoir et s’en donnent à plein gosier. Ça pourrait être joli, avec cette brume légère et les premiers rayons du soleil un peu blafard, s’il n’y avait pas tous ces sacs qui jonchent les trottoirs. Non, pas des sacs poubelles comme autrefois, avant le virus, mais de longs sacs anthracites, étanches, avec dedans… des cadavres. La ville en a fait distribuer dans toutes les maisons, autant que d’habitants. Au fur et à mesure que les gens meurent, on les colle dedans et on les sort sur le trottoir. C’est l’armée qui passe les ramasser. Sale boulot ! Les mecs sont dans des combinaisons de cosmonautes ou de celles qu’on utilise dans les centrales nucléaires. Ce doit être EDF qui les a fournies. Ils emportent leur macabre chargement on ne sait trop où, je suppose qu’ils creusent des fosses géantes à coups de bulls, pas le temps de faire des tombes ni de les cramer, y en a trop.
Je suis arrivé là en passant par des chemins impossibles, à travers les champs, les parcs et les jardins. Mais là, je suis bien obligé de traverser un bout de la ville pour atteindre le point de rendez-vous, sinon c’est douze bornes de plus pour le contournement et, dans tous les cas, il aurait fallu traverser l’autoroute et la rocade. Plus dangereux encore parce qu’en dehors de la ville, il paraît qu’ils tirent à vue. L’avenue toute droite qui remonte jusqu’à la place est désespérément vide, mais ça m’arrange. Pas de patrouille, juste la trouille. Si, tout là-haut vers la place, le ronronnement d’un diesel. Je prends mes jumelles, ce sont les bidasses qui font leur sale besogne. Avec leurs masques ils ne sont pas en mesure de me repérer. Mon palpitant bat à cent par minute, je prends mon élan et je fonce. L’avenue est traversée, mais je continue ma course jusqu’au bout de la ruelle. Je sais qu’au bout, il y a un grand pré inondable en contrebas, le long de la rivière. Je dévale le talus, c’est boueux, mais l’herbe fraîche de printemps consolide le sol. Je cavale jusqu’aux arbres, au bord de l’eau. Y a plus qu’à suivre et j’y suis dans dix minutes. Je regarde ma nouvelle montre, ça va je serai à l’heure. Elles nous ont coûté bonbon, ces tocantes : système ancien à ressort, remontage automatique avec le mouvement, étanches à cinquante mètres. Là où on va, il n’y aura pas de pile de rechange. Et puis elle fait également boussole et le bracelet, c’est une tresse de corde nylon de cinq mètres, résistance cent kilos. J’ai le même à l’autre bras, mais avec sifflet, petit couteau et pierre à feu. On s’est préparé avec soin.
À six, avec dix mètres de corde chacun, ça fait soixante mètres, des bracelets qu’on oublie vite et qui n’encombrent pas le sac. Parce que le sac est bien plein, et encore, avons-nous mis le paquet sur le prix pour obtenir des produits ultra légers. J’ai une vraie tente deux places de moins d’un kilo, montable en deux minutes, mais à six cents euros. La vache ! Y a que le duvet que je n’ai pas, du moins pas encore. On n’en a pas trouvé de chaud, léger et petit quand il est roulé. Alors c’est Yvette qui les a fabriqués, elle nous les distribuera tout à l’heure. On a décidé d’utiliser de l’isolant mince de construction, une feuille métallisée et une couche de fibre polyester. Deux couches inversées, piquées l’une sur le tissu extérieur, de la toile de parapluie très fine, et l’autre sur le tissu intérieur, un fil à fil récupéré dans une ancienne chemiserie. Le tout, réuni par un piquage tout le tour, avec une grande fermeture à glissière nylon, plus légère. Il paraît même qu’elle a fait évoluer le modèle avec une échancrure dessus et un rabat dessous, en ajoutant une coulisse et un lacet pour fermer autour du visage.
Y a qu’elle qui a essayé, mais elle dit que c’est super chaud, très léger et pas trop bruyant. On avait bien pensé aux couvertures de survie, mais c’est affreusement bruyant, impossible de dormir là-dedans. On a prévu de faire entre trente et quarante bornes par jour, être bien reposés est essentiel. Trois bonnes tentes et six matelas auto-gonflants, ça devrait le faire. Au pire, j’ai acheté aussi deux petites tentes militaires de survie, ça peut toujours servir et deux cent cinquante grammes, ce n’est pas le bout du monde. Le pire a été de sélectionner les fringues à emporter. Rien que les godasses, hormis celles de marche que nous portons tous ce matin, l’idéal aurait été d’avoir une paire de bottes, deux de chaussures de ville et des sandales d’été. Trop ! Pas de bottes, une paire d’espadrilles, point. Deux t-shirts, deux slips, un gros pull, un sweat, un short, un jean. Soutif en plus pour les nanas. Il valait mieux forcer sur la polaire et le parka, que je ne vais pas tarder à quitter, j’ai chaud. Le seul petit plaisir qu’on s’est autorisé, c’est d’emporter chacun notre bouquin préféré. Ça nous fera cinq livres chacun à découvrir.
Les voilà, ils sont là. Non, pas tous, il manque les deux filles du sud de la ville. Pourvu que… Non, Fred les a aperçues à la jumelle. On s’embrasse, enfin ! L’impression d’être libres. Ça fait un bien après les trois mois du second confinement !…
Je t’explique. L’an dernier, les Chinois nous ont pondu un truc, une vraie terreur. Coronavirus, ils ont appelé ça, ou Covid 19 parce qu’apparu en 2019, et Coronavirus, c’est son nom de famille. Quatre mille morts chez les Chinois, mais ils ont de la réserve. Douze mille morts en Italie, quatorze en Espagne, seize en France et vingt-huit en Grande-Bretagne qui a pensé que l’attraper c’était le moyen de se vacciner. Ça a coûté la place de Premier ministre à Boris Johnson, comme à son copain Trump avec plus de cinquante mille morts aux États-Unis. Au mois d’août, on a bien cru que c’était fini et on a fait une teuf d’enfer. En plus, les chercheurs avaient trouvé un médoc pour tuer cette saloperie, un cocktail d’anti paludisme et d’anti sida. La vie allait pouvoir reprendre à peu près normalement, on ne se préoccupait plus que de l’économie qui était à genoux. Premier anniversaire, toc-toc ! Voici le Covid20 qui se pointe en décembre. Un nouveau ? Pas vraiment. C’est le 19 qui, à cause des médocs, a muté en beaucoup, beaucoup plus méchant. Le temps de prendre sa température et les gens sont bouffés de l’intérieur. Quand ils commencent à tousser, les morceaux de poumons partent avec. Dégueulasse, et en plus, trop tard. Re-confinement immédiat et total de la population, et tout s’arrête de nouveau.
Mais là, les gens ont vraiment peur, celui-là ne pardonne pas, et en plus il est fulgurant. Inutile d’essayer de se soigner, tu tousses et t’es mort. C’est donc la terreur absolue et cette fois le confinement est respecté. Malgré cela, le nombre de morts est vertigineux. On ne sait même plus trop comment cette saloperie se propage, possiblement par les emballages des courses. Et comme on n’a pas plus de gants et de masques qu’un an auparavant, et qu’il faut bien bouffer, la faucheuse s’en donne à cœur joie. Moi, je me suis rationné, et puis j’ai la chance d’avoir un jardin. Alors je me débrouille avec ce que j’ai et j’achète le minimum, essentiellement en direct chez des paysans du coin. J’y vais la nuit, à travers champs.
On s’était retrouvés sur les réseaux sociaux, un collègue et aussi copain d’études, une collègue, une copine d’enfance, et de son côté mon copain m’a fait faire connaissance avec deux de ses collègues, des nanas très sympas et débrouillardes. On se faisait des apéros à six sur Skype, tant qu’on a eu des choses à boire. C’est après qu’on a commencé à se dire que, si on restait dans la civilisation, on y passerait comme les autres. Il fallait partir, mais pour où ? Un endroit vivable, pas à l’autre bout du monde, et où il n’y a personne… La quadrature du cercle !
C’est là que je me suis souvenu d’une aventure, restée secrète jusque-là, qui m’était arrivée il y a neuf ans. Je chassais le mouflon, pas avec un fusil, mais un appareil photo, dans le massif des Bauges, en Savoie. Ces bestioles ne se laissent pas approcher facilement et, comme leurs cousins les bouquetins, sont de sacrés grimpeurs. Je m’étais laissé entraîner par l’un d’eux, qui m’offrait une petite pause de temps en temps, bien loin de tout sentier. Le soleil commençait à s’oranger lorsque je l’ai shooté pour la dernière fois sur une crête, il était magnifique. Et braoum ! Une seule pierre a glissé, c’est celle sur laquelle mon pied était posé. J’ai fait de la luge sur mon jean jusqu’à ce qu’un autre rocher m’arrête d’un coup, avant un vide de trois cents mètres. Violente douleur à la cheville, au moins foulée sinon cassée. La nuit serait là dans deux heures et je ne pouvais plus marcher. J’étais sur le bord d’un petit cirque et j’apercevais au fond un lac et des sapins. Il paraît qu’on ne meurt pas vite de faim, mais bien plus vite de soif, donc il fallait y descendre. Je me suis traîné à flanc de pente, presque exclusivement sur les mains en souffrant le martyre. À un moment, j’ai retiré mes godasses, j’ai serré très fort ma cheville avec mon foulard, et j’ai continué avec les mains dans les chaussures, le pied valide évitant à l’autre de frotter sur les cailloux. Il faisait presque nuit quand j’ai atteint les sapins. Je me suis trouvé une branche pour me remettre debout et j’ai continué en clopinant. Sapins ou pas, la pente était là et je me suis encore étalé deux fois, criant de douleur et effarouchant les oiseaux. Je me suis arrêté épuisé, je ne voyais plus rien et j’avais un mal de chien. Je me disais que peut-être le clair de lune me permettrait d’atteindre la flotte. C’est là qu’une voix grave a murmuré derrière moi en me fichant une trouille d’enfer :
Il a rigolé en voyant mon bâton, il a disparu quelques instants dans les bois et il est revenu avec une branche bien droite à l’extrémité fourchue. Il m’a mis la fourche sous le bras, j’avais une béquille et je pouvais à peu près marcher sans poser le pied par terre. La lune s’était levée, il m’a dit de mettre ma main libre sur son épaule et de le suivre. J’ai serré les dents et j’ai clopiné derrière lui, il n’allait pas trop vite et choisissait le terrain en parfait connaisseur. En moins d’une demi-heure, nous arrivâmes « chez lui », une petite zone dégagée et moins pentue. Je distinguai une vague construction plus sombre qui paraissait ridiculement petite. Il a déplacé un rondin près du ruisselet qui coulait tout près et m’a dit :
L’eau était glacée, j’en ai eu le souffle coupé. Puis petit à petit, la douleur s’est estompée. Pas complètement, mais elle devenait supportable. Je suis resté là presque une heure. Il m’a apporté une gamelle d’une sorte de bouillon avec des trucs dedans que je ne voyais pas, mais j’ai reconnu le goût de certains légumes. J’avais faim, j’aurais mangé n’importe quoi. Il m’a fait rentrer à l’intérieur, ça puait le feu de bois qui brûlait dans un angle entre des pierres. Les flammes éclairaient un peu et, surprise, son gîte était plus grand dedans que dehors. Je compris que sa cabane était adossée à la pente et se prolongeait par une sorte de grotte. Il m’a fait étendre sur une pile d’herbe sèche, je me suis endormi instantanément. Il faisait jour quand j’ai ouvert les yeux, un animal lançait des cris bizarres, il n’était plus là. Je me suis traîné dehors, il faisait frais, mais beau. Je l’ai vu sortir du bois avec une brassée de plantes diverses.
Il a mis quelques feuilles des plantes rapportées dans une pierre creusée et il a commencé à les écraser avec un pilon, lentement, longuement, jusqu’à ce que tout y passe. Ça faisait une sorte de mélasse verdâtre. Et puis il est descendu vers le petit lac et revint avec une gamelle de boue. Il a mélangé le tout. Il m’a fait poser ma chemise et l’a lacérée avec son couteau, déchirant des bandes. Il m’a tartiné le pied et la cheville toute bleue avec sa mélasse et entouré le tout avec ma liquette. Il serrait tellement fort que je gueulais à chaque fois.
Je les ai trouvés longs, ces deux jours, malgré le paysage extraordinaire. Nous étions dans un cirque, presque un cratère, avec un petit lac au fond entouré de sapins et de quelques bouleaux. Une impression de solitude totale, avec seulement les bruits de la nature : cris d’animaux, vols d’oiseaux, ruisseaux et cascades. Mon hôte ne parlait que deux ou trois fois par jour, juste pour l’essentiel. J’ai voulu engager une conversation le soir près du feu, il m’a juste répondu :
Pareil le deuxième jour, et pas de réseau pour mon portable. Au menu, c’était le même brouet, une soupe de légumes qu’il cultivait ici et là, des petites parcelles éparpillées. Mais à midi, il ajoutait un filet de poisson, une truite grillée sur le feu.
Le troisième jour, il a défait son pansement. Incroyable, ma cheville semblait redevenue normale, la peau juste un peu blanchâtre. Plus de douleur et elle semblait à nouveau mobile.
Ouf, quel soulagement de retrouver un peu de mobilité, même si de temps en temps je faisais la grimace. Le soir enfin, il a daigné se raconter un peu.
Avant de partir, j’ai fait quelques photos de l’endroit, juste celles qu’il m’a autorisées. Pas lui, pas son abri, juste ce paysage enchanteur. J’ai suivi ses indications et tout s’est à peu près bien passé. Revenu à la civilisation, j’ai recherché des articles de presse sur des évènements en Corse cinq ou six ans auparavant. Je pense savoir qui il est et ce qu’il a fait, mais l’époque était troublée et les attentats nombreux. Il n’est pas impossible que le meurtrier d’un certain préfet ne soit pas exactement celui qui est en prison actuellement…
Mon histoire a soulevé l’enthousiasme chez mes amis de confinement sur les réseaux sociaux.
La décision fut vite prise, c’est la préparation qui dura plus longtemps. On se mit d’accord sur le matériel, qui portera quoi et donc qui commandera quoi dans chaque domaine : s’abriter, se nourrir, se soigner, assurer la vie future. On se mit d’accord pour tout organiser, commander et recevoir, sans toucher aux colis déposés devant la porte, vaporisés sur les six faces avec un mélange de vinaigre blanc et d’eau de javel, laissés vingt-quatre heures avant d’y toucher. Excessif ? Peut-être, mais nous sommes tous là, Fred, la grande Zoé, la petite Yvette qui nous distribue les sacs de couchage, la brune Florence et la blonde Françoise. Rapide contrôle de l’équipement, les bracelets, la ceinture à poches sous les vêtements avec papiers et argent liquide, car on a tous vidé nos comptes, les listes cochées du contenu des sacs, couvre-chefs, lunettes de soleil, bâtons de marche pour certaines. Zoé, la plus balaise, Fred et moi avons opté pour des sacs avec claies de portage, les autres ont des sacs cheminée. En route…
Cinq cents bornes, c’est au moins quinze jours de marche. Mais le premier jour, c’est la mise en forme, malgré les exercices d’entraînement faits pendant le confinement. Nous ne faisons que vingt-cinq kilomètres. Là, on est parti sur vingt jours… Heureusement, à pied le trajet est plus direct que les routes ou les autoroutes, notre distance parcourue sera donc un peu plus courte. Pourtant nous évitons prudemment les patelins, sauf ceux qui ont une supérette ou une boulangerie pour se ravitailler. Un camembert, un sachet de jambon sous vide et un pain frais nous font souvent le repas, en prenant soin de prendre tout ça avec des gants et de les jeter avec les emballages, en nous passant les mains au gel hydroalcoolique. Mais le plus souvent, ce sont les rations de survie. Pas terrible, mais énergétique. Le second jour, nous faisons trente-cinq bornes, mais la fatigue est forte et les pieds souffrent. Alors on finit par se caler sur trente, et on s’y habitue vite. Quand ça râle dans le bivouac du soir, je leur rappelle que beaucoup de gens font ça pour le plaisir sur les chemins de Compostelle. Il est inutile de nous bercer.
Je partage ma tente avec Fred, les filles dans les deux autres. Nous avions rêvé d’autres combinaisons possibles, voire rotatives, mais avec la fatigue, les galipettes sont vite oubliées. Pourtant cette Zoé, quelle belle plante ! Surtout quand elle pose son parka et que les bretelles du sac font gicler sa poitrine en avant. Ce n’est pas qu’ils soient énormes, mais ses nichons sont agressifs, droits en avant comme deux obus qui vibrent au rythme de ses pas. Et de dos, le bas du sac repose sur un cul bien pommé posé sur des cannes très longues et très fuselées. De quoi me toucher un peu avant de m’endormir, juste un peu, histoire de trouver le sommeil…
Parmi les embûches du trajet, les cours d’eau en sont une majeure. Pour les franchir, il faut un pont, et rien n’est plus facile à contrôler pour les flics ou l’armée. Le plus long, c’est celui qui franchit le Rhône. Le trait tiré sur la carte nous indique le bon, au sud de Culoz, mais… c’est un pont de chemin de fer. Pourquoi pas ? Ceux-là ne sont peut-être pas surveillés. Nous décidons de tenter le coup de nuit. Nous attendons que la nuit tombe, et en deux heures il n’est passé aucun train. Fred décide de tenter le passage en premier, il nous fera un signal lumineux quand il sera passé. Trois minutes… trois petites minutes pour faire deux cents mètres et des poussières, mais qu’elles sont longues ! Enfin les trois petits flashes lumineux, c’est à nous. On s’y engage en file indienne et on court comme des dératés. Ouf, tout s’est bien passé. Il y a encore beaucoup de maisons à droite de la route. Ce n’est pas un problème a priori, mais la nuit ce sont les chiens qui sont chiants et aboient comme des malades, risquant de réveiller tout le monde. Du reste, quelques fenêtres s’éclairent, nous nous remettons à courir jusqu’à plus de nature.
Ce soir, le bivouac sera à la belle étoile, duvets et tapis de sol, au bord du lac du Bourget. On se serre tous les uns contre les autres, j’en profite pour me serrer contre Zoé. Nous apprécions fortement les talents de couturière d’Yvette qui nous permettent de bien nous protéger la tête. Malgré tout, la fraîcheur du matin nous atteint sans filtre. Petits réchauds à tablettes d’alcool, eau filtrée par nos gourdes et café lyophilisé bien sucré, ça réchauffe. On se passe un tube de lait concentré, on regarde les filles téter le tube avec gourmandise en imaginant ce liquide blanchâtre et visqueux sur leurs langues, mini séquence érotique. Le paysage est magnifique, ces lacs de montagne sont vraiment magnifiques, on va partir à regret. Ce qui les met en joie, c’est quand je leur annonce qu’il s’agit de notre dernière journée de marche d’approche, et que demain nous grimperons vers notre objectif final. En fait, nous sommes partis depuis douze jours et la distance réelle parcourue est plus proche de trois cent soixante-dix kilomètres que de cinq cents. Au passage, nous voyons une pancarte publicitaire de supermarché, un détour de six cents mètres. Je propose d’y aller faire nos dernières courses avant réclusion, mais pas tous les six, bien sûr. Un couple ferait plus « normal »,
Zoé se propose de m’accompagner et prend les commandes des uns et des autres. Nous devons faire la queue comme tout le monde, seulement vingt personnes dans le magasin, l’équivalent de la file d’attente. C’est tout juste si l’on n’a pas rempli un caddy. Demain, l’ascension sera dure. En fin d’après-midi, nous arrivons près du hameau où je m’étais retrouvé après mon séjour chez l’ermite. Ils ont l’art des noms de lieux, dans le secteur : « Mont Derrière », « Le Cul de bois » et « La Compôte ». Après cette bonne rigolade, nous pénétrons dans une belle vallée verdoyante de prés et de bois de sapins, idéale pour planter nos tentes. C’est curieux comme ce sentiment de quitter la civilisation nous fabrique des nœuds à l’estomac. Le dîner, pourtant riche et bon, se passe en silence. Chacun doit penser à ce qu’il abandonne, il est encore temps de renoncer. C’est un risque pour un autre, mais on ne va pas reculer maintenant, après douze jours de marche épuisante. J’ai acheté une bonne bouteille de champ’, ça détend un peu l’atmosphère avant d’aller dormir.
Je les avais prévenus qu’il y en avait pour cinq à six heures de crapahutage, nous sommes partis tôt, vers huit heures. Mais à midi, nous n’étions toujours pas au petit col. N’ayant fait que la descendre, je ne me souvenais pas de la raideur de cette pente, ni surtout de sa longueur. Cinq heures pour descendre certes, mais plutôt sept pour monter. Les filles font des arrêts de plus en plus fréquents. On boit, on grignote des barres énergétiques, on se remonte le moral. Les derniers hectomètres d’ascension sont particulièrement pénibles parce que la roche est pourrie et le soleil cogne fort. Même Zoé pose son joli cul sur un rocher et déclare :
Elle s’est levée. On passe le petit col quasiment à quatre pattes, parce que de l’autre côté il n’y a qu’un épaulement de cinquante centimètres et un beau vide derrière. Avec Fred, on sécurise les quatre passages, un de chaque côté, en ne lâchant une main que quand l’autre est tenue. La descente est un peu impressionnante sur une centaine de mètres et puis après, ça va mieux, ça ressemble à de la montagne à vaches. Je leur demande de faire une pause et de m’attendre, je vais en éclaireur voir si l’ermite est toujours là et dans quelle humeur. Une telle invasion risque de ne pas lui faire plaisir. Quand j’arrive en vue de son antre, visiblement il n’est plus là. Une bonne partie du bois s’est écroulée et les herbes folles ont repoussé. Il n’y a pas âme qui vive. Eh oui, neuf ans sont passés. Soit il en a eu marre, soit ma visite lui a redonné le goût de la société, soit il a été retrouvé par les Corses. Les fics, on l’aurait su dans la presse. J’inspecte les décombres et sa grotte, ce ne serait pas le moment de tomber sur un squelette… Mais rien. Je retourne chercher les autres en leur expliquant la situation en chemin. D’un côté, c’est plutôt bien pour nous, le champ est libre et on ne dérangera personne, d’un autre, il y a tout à reconstruire.
Notre petit groupe alerte une marmotte qui se met à siffler, pas habituée à tant d’humains. Nous arrivons à l’ancienne cabane.
Je commençais à monter le fragile abri avec Fred quand Zoé se pointe.
Fred a fait tirer les trois autres à la courte paille après un débat inutile.
Le ton est donné, on ne va pas que s’ennuyer. Et d’abord, il faut bosser. Quatre-vingts pour cent de l’ancienne structure est pourrie, on décide de tout enlever et d’en faire un tas pour le feu. Nous nettoyons également la grotte qui, sans l’auvent, me paraît plus petite que dans mes souvenirs. Elle fait à peine quatre mètres carrés, deux sur deux. Une fois bien propre, je déballe les deux tentes militaires et la cordelette de mon bracelet, j’en fais un rideau devant l’entrée. Un groupe peut dormir dans cet abri sûr.
L’ermite avait bien choisi son emplacement, exposé plein sud. Nous avons le soleil de neuf heures du matin à dix-huit heures, malgré les crêtes environnantes. La grotte reste ouverte pour se réchauffer un maximum et restituer cette chaleur la nuit. C’est la paire de filles seules qui l’occupe, une forme de compensation. Et puis il y a le ruisseau qui coule à trois mètres, très pratique pour faire la cuisine, la vaisselle, se laver les mains. En plus, comme il se jette dans le lac en face de la grotte, le rivage à cet endroit n’est pas boueux, mais plutôt sable et gravillons, c’est plus agréable. Ailleurs, c’est l’argile qui affleure et qui colle aux pieds.
À la lueur d’un joli feu de bois entre quelques pierres, nous réfléchissons à la reconstruction de l’auvent. Puis c’est la nuit avec Zoé ! Nous avons réuni nos duvets en ouvrant totalement les fermetures à glissière et en les renfilant avec l’autre sac. Encore merci, Yvette, c’est très pratique. Le seul regret, c’est que la tente est beaucoup trop petite pour nos deux grands corps. Je découvre celui de Zoé à la lumière de ma frontale qu’il me faut recharger de temps en temps. Pas glop ! On finit par se passer de lumière tout en essayant de rester dans cet espace confiné sans foutre la tente par terre. Pas facile, la grande fille est très gourmande.
Le pire, c’est la levrette. Il faut nous retourner pour que je tienne à genoux au point le plus haut de la tente, et encore, couché sur elle. C’est aussi l’occasion de rigolades. Quelques oiseaux de nuit répondent à ses beuglements qui semblent se répéter à l’infini sur les montagnes. Si vous ne le saviez pas, Madame a joui !
On a fini par sortir de la tente. Il faisait bien frais, mais on ne le sentait même pas. Il faut avouer qu’une grande nana comme ça avec des jambes bien longues, c’est idéal pour les galipettes debout. Mais ça fatigue plus. Je retourne me coucher avec les guibolles en papier mâché, une grande fille lovée contre moi qui me perfore le flanc de ses tétons ardents. Le lendemain matin, ça rigole et ça charrie sec.
J’en rigole, mais Zoé semble agacée.
Elle montait dans les tours, agitant ses grandes mains aux doigts écartés, verticalement de haut en bas en affirmant ses convictions :
Et elle se penche pour me coiffer la bouche de la sienne. Évidemment, les autres en concluent immédiatement qu’elle est amoureuse. Je trouve ça plutôt flatteur, vu la belle plante. Donc ce soir, pas de surprise, je me tape la « boule », la petite Yvette. En attendant, il y a du boulot. D’abord, fabriquer une canne à pêche si l’on veut manger. Ensuite, réparer les outils de l’ermite que nous retrouvons un à un dans les décombres : une pelle, de type pelle à neige, un pic court qu’il a dû utiliser pour creuser sa grotte, une fourche-bêche et une hache, les manches des quatre outils étant pourris. Ce qui renseigne un peu sur la fin de sa présence qui n’est pas récente. Le sapin n’est pas terrible pour cela, il faudrait trouver une autre essence. Inutile de compter sur du chêne ou du châtaignier, et le bouleau n’est pas très résistant. Nous partons à trois explorer la forêt en prenant les trois claies de portage et des sangles, on ne sait jamais. Dans un premier temps, je tombe sur l’une de ses anciennes parcelles potagères d’environ cinq mètres sur deux, au milieu d’un groupe de bouleaux. Probable que les feuilles fournissaient du compost naturel en automne, et puis on sait bien qu’il ne pousse rien sous les sapins. Intéressant, parce qu’il y a là quelques légumes qui se sont perpétués spontanément, essaimant un peu partout. Il y a là des carottes, des salades et quelque chose entre navet, chourave ou rutabaga. Ces légumes sont encore jeunes, nous ne sommes qu’au début du printemps à cette altitude. Nous parcourons encore des centaines de mètres silencieusement sur un épais tapis d’aiguilles. Il faut vraiment chercher l’orée, les sapins étouffent tout ou presque.
Vous avez compris que lorsqu’il s’agit de m’accompagner, ces deux-là sont volontaires. Nous descendons vers le lac, mais, profitant de la pente, je m’arrête devant Yvette :
Que croyez-vous qu’il puisse se passer quand on bécote une fille à pleine bouche au milieu d’un bois en lui pelotant les seins ? D’abord la main passe sous le sweat-shirt, puis le vêtement va rejoindre une branche, suivi par le soutif, et vient le tour du jean. La dodue Yvette se retrouve en quelques instants nue comme un ver, sous les yeux effarés de sa copine Zoé.
Zoé enfin nue vient nous rejoindre et se faire peloter et sucer les nichons aussi. Pratique, la pente, tout le monde peut se caler à la bonne hauteur. Je ne sais plus où donner de la bouche et des mains qui, mues par une vie autonome, descendent rapidement vers les hanches et les fessiers charnus. Sans perte de temps inutile, elles s’engouffrent entre les cuisses.
Deux beaux culs offerts, aussi gros l’un que l’autre malgré leur différence de taille, car Yvette rend plus d’une tête à Zoé. C’est leur densité qui est différente, plus tendre et grasse chez Yvette, plus musclée et nerveuse chez Zoé. J’inaugure celui d’Yvette qui n’espérait que cela. C’est chaud, c’est très doux, c’est trempé et c’est aussi moelleux dedans que dehors. Un délice ! Pendant ce temps, je consacre ma main droite à Zoé, dont les nymphes sont encore excitées et sensibles de nos ébats nocturnes. Et les voilà qui se mettent à discuter ensemble.
Je me mets à limer la grande Zoé avec application. En fait, je n’ai pas grand-chose à faire, c’est son cul qui vient s’empaler sur ma queue. Quelle vorace ! Pendant ce temps, je peux consacrer un peu d’attention à Yvette, deux doigts dans sa chatte et le pouce sur son clitoris, s’activant à un rythme soutenu.
Un joli petit jet sort de sa foufoune, m’éclaboussant la main et le côté de la cuisse.
Je lance le sprint final, ponctué de quelques claques sur ses jolies fesses fermes. Elle se met sur les coudes, la bouche bâillonnée par ses deux mains. Je me lâche en elle avec volupté tandis qu’elle grogne par le nez.
Elle prend ses fringues et descend vers le lac, seulement vêtue de ses godasses, qu’elle quitte avant d’entrer dans l’eau pour se laver le cul.
Elles se rhabillent, on longe la rive jusqu’au bout du lac en franchissant plusieurs ruisseaux plus ou moins gros, parfois il faut trouver des pierres pour aménager un passage. C’est le cas du dernier cours d’eau qui vient du fond du cirque et doit réunir l’eau de deux ou trois cascades. De l’autre côté, c’est intéressant, sur la partie ensoleillée. Il y a essentiellement des bouleaux qui n’ont encore que des chatons, mais on reconnaît bien leurs troncs blancs. Mais dans tous ces fûts blancs, il y en a quelques un plus sombres. On va voir. J’essaye de me souvenir de mes cours, hêtre rayures verticales, charme rayures horizontales. Donc quelques hêtres et, en bouquets, maronnasses et très souples, quelques noisetiers. Super ! Pour les noisettes et pour le bois. Les noisettes, c’est trop tard, mais le bois, j’en profite. Une longue tige presque toute droite, et voilà notre canne à pêche. Je n’en coupe que deux, autant économiser la ressource.
Ensuite, les manches d’outils. Dommage, mais on en a vraiment besoin, je sacrifie un jeune hêtre de quatre centimètres de diamètre. Comment ? La scie magique ! Un fil d’acier couvert de petits éclats de tungstène et diamant avec un anneau à chaque bout. Il tient dans la poche et est redoutable. En cinq minutes, le baliveau est abattu. On l’ébranche au couteau et on l’emporte tout entier, on le débitera selon besoins. Nous rentrons en faisant le tour du lac par la rive opposée, histoire de visiter notre nouvel univers. C’est l’occasion de créer des passages à pieds secs sur les différents ruisseaux, notamment sur le torrent sortant du lac vers la vallée. Il y a un petit ressaut un peu plus large et moins profond où des embryons de passage subsistent, travail de l’ermite certainement, mais le centre a été emporté par les débâcles. Nous retrouvons nos potes, bien tranquilles, qui ont eux aussi trouvé deux parcelles potagères de l’ermite, l’une très exposée au soleil avec ce qui ressemble à des patates redevenues sauvages, et une autre dans le limon près du lac où poussent quantité de plantules ressemblant à des cucurbitacées, courges ou citrouilles. Nous allons essayer de valoriser tout ça rapidement, parce que nos réserves de nourriture fondent à vue d’œil. En attendant, pêche à la ligne ! Fil, hameçons, bouchons, plombs, toutes choses très légères dans les poches des sacs que j’avais préparées à l’avance. Les cannes sont un peu sommaires, mais ça fonctionne. Trop bien, même. Elles sont affamées ces pauvres truites. À peine la ligne est-elle lancée que le bouchon plonge.
Avec un seul ver, nous pêchons nos six truites de belle taille, rejetant les plus petites. En fait, ce ne sont pas des truites, mais des lavarets, affirme Fred, grand pêcheur devant l’éternel. Pas grave, c’est aussi bon, grillés au feu, embrochés sur des branches fines. Le premier repas est un festin et il en reste, les petits estomacs n’ont mangé qu’un côté. Mais au quatrième repas, on s’aperçoit vite que nous ne sommes pas habitués à manger toujours la même chose. Ras-le-bol des truites. Pourtant, nous faisons des progrès. Le bouquin que j’ai sélectionné est un manuel de reconnaissance des plantes. Quotidiennement, c’est cueillette, et en fait la plupart des espèces sauvages sont comestibles, plus ou moins savoureuses, mais très peu sont toxiques. Ça permet de faire des salades et des bouillons, assez semblables au brouet de l’ermite dans ma mémoire. On l’enrichit avec les restes de poissons, ça nourrit et ça change de goût. Flo et Framboise se spécialisent dans le jardinage. Elles font un super boulot, nettoyant les parcelles de l’ermite, les agrandissant beaucoup en récupérant les plants des anciennes cultures qui se sont resemés spontanément. Malin, l’ermite avait toujours établi ses parcelles à proximité immédiate de l’eau. Elles arrosent, rapportent des seaux de toile de terre limoneuse accumulée près du lac et l’amendent avec… nos propres déjections précieusement conservées.
Travail magnifique, mais il faudra des semaines avant d’en profiter. Pendant ce temps, tous les quatre nous attaquons la reconstruction de l’abri. Les scies-fils et la hache fonctionnent à plein. C’est dur ! Des ampoules plein les mains. Mais ça avance. Les deux parois latérales sont montées avec des troncs de jeunes sapins et jeunes bouleaux. Ça paraît solide, mais c’est plein de fentes et de vents coulis. Il faudra colmater tout ça avec des branchettes et du pisée, de l’argile mélangée à de l’herbe. On fait le toit de la même façon, avec le même problème d’étanchéité. Je ne sais pas comment l’ermite avait fait, et maintenant qu’on a tout déblayé, c’est trop tard pour analyser les gravats.
Chaque soir, nous sommes tous épuisés, et les dernières rations de survie associées aux truites ne permettent pas de remonter le moral. Nous avons vraiment besoin de bonne bouffe. Pas le choix, il faut descendre faire des courses. Il faut que j’en sois, au moins pour servir de guide, et le principe du « couple » utilisé la première fois avait bien fonctionné. Au programme, cinq heures aller et sept heures retour chargés.
Nous partons un peu avant sept heures pour être au supermarché vers midi, espérant qu’il y aura moins de monde. Malgré la fraîcheur, Flo est en short, courageuse ou pas frileuse. Comme moi, elle porte une claie dans laquelle elle a mis deux seaux en toile plastique, moi j’ai mis le sac cheminée d’Yvette. On n’y va pas pour rien, bonjour l’ascension ! Je reste derrière elle, la guidant si c’est nécessaire, il faut que nous soyons plusieurs à bien connaître l’itinéraire. L’occasion jusqu’à la crête de mater son cul, à hauteur de mes yeux, ma foi fort respectable. Pas gros, mais bien pommé, et la fesse qui creuse sur le côté pendant l’effort, à croquer. Au moment du passage difficile du col, l’accès périlleux au petit promontoire, elle ne moufte pas, tout juste sa main gauche prend-elle appui de temps à autre sur le rocher. Cette fille discrète semble avoir un mental d’acier.
La descente est aisée au début puis devient rapidement pénible pour le dessus des cuisses et les genoux. On s’arrête un instant pour resserrer les chaussures qui ont tendance à piler les orteils. Elle en profite pour quitter son sweat-shirt, il fait de plus en plus chaud. Il est à peine onze heures et demie lorsque nous approchons du magasin. Parking presque vide, petite file d’attente d’une douzaine de personnes très espacées avec des masques. Les masques, nous en avons dans la ceinture à pognon, nous les mettons et nous planquons nos sacs derrière un tas de bois, un peu à l’écart. Pas envie de passer pour des touristes en camping, mais pour un couple d’un hameau voisin, ce qu’attestent nos « ausweis ». Nous intégrons la file ensemble en nous tenant par la taille, un vrai petit couple. Dix minutes plus tard, nous sommes dans la place, le magasin se vide très vite à cette heure. Des pâtes, spaghetti, c’est ce qui prend le moins de place, dix paquets de 500 gr ; thon, dix boîtes ; pâtés divers, dix boîtes ; pareil pour le corned-beef, les saucisses et le confit de canard. Avec dix pots de confiture, nous voilà à vingt kilos de charge. J’ajoute un kilo de farine pour faire des essais de cuisson de gâteaux, un cubi de pinard, un de pastis (au moins cinquante apéros), une bouteille de vinaigre et un bidon de cinq litres d’huile. Trente et un kilos, la limite est proche. Flo fait provision de pain longue conservation pendant que je vais fureter du côté du bricolage. Le rayon est assez pauvre, c’est pourquoi ils ne l’ont même pas fermé. En fouillant bien, je finis par trouver ce que je cherche, une bâche noire pour couvrir le salon de jardin et une autre épaisse et transparente destinée à protéger les tables et autres meubles vernis. En bas de gondole, un bric-à-brac d’outils divers, où je pêche un gros marteau lourd, hélas il faut le porter, un jeu de burins et pointerolles, certainement de mauvaise qualité, mais tant pis, et un écheveau de corde de nylon d’assez gros calibre. Là, je crois qu’on va dépasser le poids total en charge ! Mais bon, on ne va pas y retourner tous les jours. À la caisse, l’homme de la sécurité nous regarde d’un sale œil.
On a un caddy débordant qu’on pousse jusqu’à la limite du parking. Je laisse Flo le temps d’aller chercher les sacs, et puis on empile. Je prends les douze sachets de pain longue conservation et les deux bâches dans le sac cheminée que je porterai en ventral. Dans les claies, je prends toutes les pâtes, les bouteilles, les outils et les pots de confiture calés par des paquets de café. Florence prend toutes les conserves, déjà douze kilos et demi, elle portera à la main le cubi de pinard, comme moi le bidon d’huile, et dans son autre seau les bricoles restantes, farine et sucre.
On se planque dans les premiers arbres et elle nous sort deux énormes burgers avec deux bouteilles de coca.
Nous mangeons doucement, en mâchant bien, pour que la digestion soit facile et sans problème. Je lui demande d’entamer ma bouteille de coca. Je veux bien le sucre et la caféine, mais pas le gaz. Alors je secoue.
Pour en chier, on en a chié ! Pardon, mais je ne vois pas d’autre mot pour exprimer les efforts qu’il a fallu faire. À un moment, Florence a ralenti en se tenant les côtes. Point de côté.
Nous repartons, lentement, mais sûrement, et sans parler. Il est dix-huit heures quand on arrive à peu près à l’endroit où Zoé avait fait sa crise, voilà que Florence l’imite.
Je me place derrière elle, assise sur un rocher, et je lui malaxe la nuque, le trapèze, et je descends vers ses épaules. Elle ronronne de satisfaction et remonte son t-shirt pour que j’œuvre en direct sur sa peau douce.
Je lui passe les mains sous les bras et je tire en arrière en mettant mon genou sur sa colonne.
Je n’ai pas arrêté, je les ai même dégustés, l’un après l’autre. Nos fringues se sont retrouvées sur l’herbe pour nous faire un tapis, et ma dégustation s’est poursuivie plus bas. Un goût de musc légèrement salé par la sueur, une chatte bicolore, rose fuchsia ourlée de marron, très jolie, très accueillante. Elle me plante ses ongles pourtant courts dans la peau du dos et des bras, elle aime le câlin tendre et caressant, elle m’offre ses fesses adorables pour un final en levrette qui la laisse pantelante et brillante de sueur. Je me relève et la contemple.
En disant cela, je la regarde dans le cadrage de mes deux index et pouces joints en rectangle. La lumière orangée, pas trop violente, met en valeur sa peau mate de brune et modèle ses courbes en leur donnant un prodigieux relief. Elle est vraiment bien roulée, très équilibrée, très féminine. Elle joue, elle joue à poser, je joue à la diriger, ça dure cinq bonnes minutes et puis je la prends dans mes bras et l’embrasse à lui filer un nouveau point de côté.
Un quart d’heure plus tard, nous étions à la crête. Je la déleste de ses charges de mains pour qu’elle puisse se hisser de l’autre côté, je les lui repasse avec les miennes pour franchir l’escarpement à mon tour et je les récupère. Elle a tout compris sans rien se dire. Pour franchir l’épaulement sans encombre, elle se place face à la paroi et progresse latéralement, aucune charge ne la gênant pour cela. Moi, je suis plus gêné, vu que j’en ai aussi devant, pas envie de basculer en arrière. La seule solution est de tout porter de la main gauche et de prendre appui sur la paroi avec la droite vers laquelle je me penche pour assurer l’équilibre. La cinquantaine de mètres les plus longs du parcours. Ouf ! C’est flippant, mais c’est passé. Nous poursuivons silencieusement notre descente vers le fond du cratère. Soudain, Flo s’arrête et me dit :
Nous nous arrêtons près du ruisseau, nouvelle sensation de s’envoler quand on pose la charge. Elle baisse sa culotte sans plus de pudeur, se met à cheval sur le petit ru et je me pâme devant ces gestes si délicieusement féminins, la main qui plonge dans l’eau et asperge la foufoune bien écartée.
Elle s’essuie délicatement le sexe avec un kleenex.
Je m’exécute, elle s’accroupit, prend de l’eau par deux fois dans sa main en cuillère et se remplit la bouche. Puis elle me prend le sexe qui, rien qu’à ce contact en plus du spectacle de ses ablutions, reprend une certaine vigueur, et elle se l’enfonce dans sa bouche fermée, dents écartées. Là, sa langue me joue une vertigineuse sarabande sensée me nettoyer méticuleusement le p’tit chose. Je grogne et je soupire d’aise. Elle s’arrête enfin et crache dans l’herbe.
Elle me rince de la même manière, crache l’eau et s’attarde sur l’essorage à grands coups de langue avant de m’essuyer délicatement avec un nouveau kleenex. Je range mon matos et je lui file un baiser d’une profondeur insondable.
Il faut terminer le trajet, presque à regret, il est déjà vingt heures et, s’il fait encore jour, le cratère est tout entier dans la pénombre sauf les crêtes de l’est. Ce que les épaules font mal quand on reprend les sacs, c’est affreux. Les autres nous accueillent avec des applaudissements, nous jouons à peine l’épuisement total.
Ils vident les sacs et stockent les réserves au fond de la grotte.
Tu as raison. C’est ce qu’il aurait dû faire déjà à l’entrée, il aurait eu encore plus chaud. Le froid entrera par l’ouverture, c’est certain. Et puis, si c’est juste pour dormir, on n’est pas forcé de creuser sur deux mètres de haut.
Bon dîner, bien reconstituant. On se dit qu’en alternant avec les truites et nos cueillettes un jour sur deux, on pourrait prolonger les réserves jusqu’à dix ou douze semaines. Et d’ici là, peut-être que certains légumes auront poussé.
Zoé prend ses affaires, Flo apporte les siennes. Je me déshabille et me couche. Elle vient se glisser contre moi comme une liane sur un tronc. Sa bouche s’approche de mon oreille :
Sensation inouïe de son joli corps complètement enroulé autour du mien, de sa bouche offerte, de ses seins, ses fesses, sa chatte disponibles. Je flotte au paradis, entre épuisement et excitation. Pour rester très discrets, elle me tourne le dos, s’encastre contre moi et va chercher mon sexe pour l’enfiler dans sa grotte délicate. Je la serre contre moi, cramponné à ses seins. Nous mettons très, très, très longtemps à jouir en bougeant le moins possible, et nous nous endormons l’un dans l’autre. Je crois que je n’ai pas eu le temps de rêver. C’est le jour, filtré par la toile de tente, qui m’a tiré des nimbes, et peut-être aussi un petit coup d’air frais sur le visage. Elle n’était plus là, une fermeture de la tente était restée entrouverte. Des pas légers, elle revient une serviette sur l’épaule, se retourne pour fermer la tente et poser ses tongs. Elle se glisse près de moi.
Avec une incroyable souplesse, elle se met en boule sur le côté, fait demi-tour et m’enfourche, présentant son intimité à mon visage étonné tandis qu’elle s’attaque à ma toilette matinale. Courageuse, la fille, parce que si sa foufoune sentait fort, ma queue ne doit pas ressembler à une rose dans la rosée matinale. La faible lumière me permet d’admirer sa fleur avant d’y plonger le nez. Elle a réussi à faire son demi-tour sans même effleurer la toile et elle est plaquée contre moi, ses seins durcis sur mon ventre, ses fesses largement écartées. Je peux me régaler en toute facilité, sauf que parfois le souffle me manque, tant elle s’amuse bien avec mon service trois-pièces.
Je lui rends la pareille en suçant son clitoris dilaté et en étalant sa mouille tout autour de sa grotte, jusqu’à sa rosette. Elle aussi est marron, un petit disque discrètement boursouflé, rayé très régulièrement du centre aux bords, avec un trou de 33 tours et pas de 45. Un de ceux qui n’ont jamais dû voir passer autre chose que ce pour quoi il est fait. Je suis curieux de le caresser à coup de langue. Ça la fait réagir, elle halète et abandonne un instant sa tétée. Je continue en glissant un doigt dans son vestibule et le pouce sur son clitoris, la pince qui réjouit les dames. Ses ongles rentrent dans mes cuisses. Mais j’ai une main libre, sais-tu ma belle, et mon index va tenter de pénétrer dans la caverne d’Ali-Baba. Mon index va-et-vient, de plus en plus loin, je le mouille régulièrement. Elle agite son popotin, souffle fort, puis redresse et retourne la tête, essayant de m’attraper la main. Comme elle n’y parvient pas, elle éloigne ses fesses du danger et fait à nouveau demi-tour, rampant sur moi.
Elle monte un peu plus haut, je pensais qu’elle m’offrait ses seins à sucer, mais non, elle redescend en s’empalant sur mon bâton de pèlerin. Et là, c’est un enchaînement, ou un déchaînement, de bisous, de léchouilles, de baisers, de caresses. Tout y passe, mon cou, ma poitrine, ma bouche, mes oreilles, mes petits tétons. Je la caresse en papillon, très légèrement tout le long du dos, changeant d’endroit sans qu’elle sache où la caresse va se poser et la surprendre. Elle frémit, sa peau se couvre sporadiquement de chair de poule. Son bassin oscille d’avant en arrière en permanence, je pense qu’elle frotte son clitoris sur mon bas-ventre pendant que ma queue lui distend les muqueuses. Je la soulève légèrement pour atteindre ses seins et les gober dans ma bouche avide. Elle frémit de nouveau, puis encore et finalement tétanise en se jetant sur ma poitrine.
Moi je n’ai pas pu, trop envie de pisser ! Je me rattraperai sûrement. La timide et réservée Florence vient d’avoir ses vingt-quatre heures de gloire, en gros de sept heures à sept heures, vingt-quatre heures qui compteront aussi pour moi. Cette fille est un délice, une sucrerie de maître chocolatier. Je me trouvais un gros penchant pour Zoé, très belle aussi dans le genre garçon manqué, gourmande, puissante et spontanée. Mais je me sens soudain partagé. Si je devais faire ma vie avec l’une des deux, laquelle choisirais-je ? Le plat de résistance ou le dessert ? Je sors pisser, j’en ai la bite enflée. Soudain je m’aperçois d’un truc : elle a triché ! Nous avons trois tentes, trois tentes et une grotte. Les filles sont dans la grotte, Fred et sa gnan-gnan dans une tente, Flo avait une tente libre, rien que pour elle. Promis, je ne me plaindrai pas. Mais ça méritera une fessée, ce qui ne doit pas être désagréable. Elle sort aussi, elle s’est habillée.
Je n’ai pas chaud et je vais aussi enfiler mes fringues et nous préparons le café ensemble. Je la regarde, au réveil, avec une dure journée dans les jambes plus une nuit agitée, sans fard, elle est toujours aussi mignonne. Pas de ces beautés pétantes, comme Zoé par exemple qui, malgré sa grande bouche, ses fortes pommettes, son grand pif, est une fille que l’on remarque et qu’on finit par trouver belle, en dehors des canons classiques. Elle pourrait jouer une Indienne, parfois elle me fait penser à la chanteuse Zazie. Florence, c’est l’opposé, la fragilité discrète et pourtant un mental d’acier, elle l’a prouvé. Rien du garçon manqué, toute en féminité, en délicatesse et en retenue. Ne te fais pas des bleus au cerveau, mon gars, l’avenir ou les circonstances détermineront pour toi.
Avec Fred, nous avons croqué un vague plan de ce que nous espérons faire, un croquis pour l’excavation, un autre pour l’auvent. Sur le papier, ça a de la gueule, y a plus qu’à. L’auvent aura un toit à deux pentes, un pilier central soutenant une poutre maîtresse, mur de rondins à gauche avec une fenêtre, là où l’on placera la table et deux bancs, de l’autre côté une porte fixée au pilier central, comment, on verra, et on espère pouvoir bricoler un fourneau en pierres avec un semblant de cheminée extérieure, maçonnée en pierres plates et argile. Les filles approuvent le projet. Nous sommes en avril, nous pouvons compter sur six mois pour être prêts pour l’hiver. On attaque la paroi, avec le pic de l’ermite, puis avec burins et marteau. Putain, c’est dur ! Très dur ! Ne risque pas de s’écrouler. Au bout d’une heure, on a à peine entamé le calcaire, d’un côté comme de l’autre. On décide de commencer par un seul côté en se relayant.
Au bout de la deuxième heure, on a quand même fait sauter un bon seau de roche, mais on n’est pas près de voir l’autre côté de la montagne.
La troisième heure se passe un peu mieux. L’entaille de départ permet d’avancer plus vite et de détacher des morceaux un peu plus gros. Et puis soudain, à peu près à dix centimètres de profondeur, la roche devient plus tendre. Toute tendre, même. Je me souviens d’un coup de ces dallages que l’on peut acheter à prix d’or, emballés pierre par pierre dans du plastique étanche, et que l’on peut découper tout bêtement à la scie égoïne. C’est tout à fait ça, une pierre tendre qui durcit à l’air. Le temps du déjeuner, on calfeutre notre saignée avec des torchons mouillés. L’après-midi, on avance bien. On appelle les filles à la rescousse pour évacuer les gravats pendant qu’on taille inlassablement. La couche extérieure, nous parvenons à la faire tomber en faisant levier par-derrière, il se détache de belles dalles. Ce sera utile pour paver le sol ou faire des trucs. Le soir, nous avons avancé de près d’un mètre sur un mètre de hauteur, car plus on s’enfonce et plus la roche est tendre. Malgré tout, ce n’est pas de la pâte à modeler et il faut taper. Mais là, on est vraiment dans le possible, et plus vite qu’on le pensait ce matin. Un morceau de bois s’enfonce dans la roche tendre avec quelques coups de marteau, ce qui nous permet d’accrocher des linges humides en espérant qu’elle reste tendre. Un mètre cube dans la journée, ça augure de douze jours de boulot pour creuser une salle de trois par deux, sur deux mètres de haut. Zoé sera contente. À partir de là, nous décidons de creuser intelligemment, en détachant des blocs que l’on pourra utiliser ailleurs.
Je me souviens du creuset dans lequel l’ermite avait préparé l’onguent pour ma cheville et qu’on n’a pas retrouvé. Voilà comment il l’avait creusé, dans le calcaire mou, puis l’avait laissé sécher. Il faut donc inventorier nos besoins, nous y passons la soirée au coin du feu. Les idées ne manquent pas, surtout pour des pièces difficiles : évier et bac à douche ! On promet d’essayer quand notre technique sera vraiment au point. Avec Fred, nous faisons le croquis d’un fourneau dont nous détaillons les pièces. Pas facile. Ce truc doit nous servir à cuisiner et à nous chauffer l’hiver sans nous asphyxier. Il faut un bon tirage et une cheminée extérieure. On envisage donc deux plaques porteuses verticales supportant une grande plaque horizontale. Puis deux cales pour le tirage avec une plaque foyère percée à la tarière. Une plaque arrière pour forcer la flamme à monter, mais un vide en haut pour récupérer les fumées par une plaque trouée ouvrant sur le conduit. Et puis un dessus et des côtés évidemment. Comment faire tenir tout ça ? Dans un premier temps, on envisage le scellement à l’argile, mais pas sûr que ça tienne à la chaleur. C’est en regardant nos accroches de linges humides que nous trouvons la solution : des chevilles de bois, du hêtre de préférence. On fait des trous dans les plaques tendres à la tarière et on enfonce des chevilles. Au cœur de la pierre, elles ne brûleront pas, d’autant que nos plaques ne seront pas minces, dix centimètres au moins. Si on y parvient…
On apprend en avançant, notre pratique s’affine. D’abord, faire une surface la plus plane possible, on le fait à petits coups de hache en tirant régulièrement une ficelle. Ensuite, tracer la dalle à découper puis faire une saignée tout autour en martelant la hache de place en place. Enfin, dégager le tour, passer le fil de scie derrière et scier, scier, scier… jusqu’à ce que ça se décolle. Un travail de Romain ? Oui, mais les Romains devaient avoir des carrières de ce type pour paver des centaines de kilomètres de voies. On en casse quelques-unes, pas la première parce qu’on a fait très attention, plutôt les suivantes, en faisant trop vite. Le soir, nous sommes fous de joie, le socle du fourneau est réalisé, pierres chevillées, posées en place. Il vaut mieux, parce qu’il doit peser autour d’un quintal. Le problème, c’est que nous avançons moins vite dans le forage. Ça tombe bien, parce que Flo propose timidement :
Elle me plaît cette fille, elle me plaît ! Pas trop de problèmes pour modifier notre travail, l’excavation n’est pas encore très profonde. Donc, un passage de quarante, à gauche un « lit » de cent quarante, à droite deux « tabourets » de quarante dans les angles et des niches dans la paroi. Des niches aussi au fond. Considérant qu’une « table de nuit » pourrait être utile, on la laisse solidaire du tabouret et du lit, tout simplement.
Au fond de la grotte, il fait assez sombre, surtout que nous creusons perpendiculairement à la lumière. Il faut de l’éclairage, nos petites lampes à manivelle à recharger régulièrement. À cause de nos mains sales et engluées par cette purée blanche, c’est Yvette qui s’y colle, deux lampes qu’elle recharge régulièrement et alternativement. Entre deux coups de manivelle, elle enfile des gants et évacue les gravats, on gagne du temps. Pendant ce temps, les trois autres filles sont parties de l’autre côté du lac couper des troncs de jeunes bouleaux, les plus droits possible. Après un épuisant décollage de plaque, je réclame un coup de flotte à notre assistante.
Fred se laisse aisément convaincre, de la main à la bouche, le soutif s’envole et puis… et puis nous ne sommes que des hommes et on se met à bander fort.
Yvette, toujours partante pour que je m’occupe d’elle, plonge à genoux et se met à me pomper. Je vois que le jean de Fred est bien déformé et je l’invite à en faire autant.
Elle ne barguigne pas et pompe les deux pénis alternativement en les branlant simultanément. Jusque-là, ça relevait plus du moment de détente et de la petite gâterie entre amis. Mais il me vint soudain l’idée saugrenue de montrer à mon pote la caractéristique humide de la dodue en faisant gicler son geyser. Elle est déjà excitée comme une folle et quitte son jean et sa culotte. Les pattes en l’air, je lui ramone le fri-fri pendant que nous continuons de la peloter sévèrement. Deux minutes plus tard, Fred s’ébahit, la belle se tétanise et deux verres à liqueur de jus giclent à deux mètres.
Elle se met en position et je la bourre copieusement, donnant le rythme à la double manœuvre. Ses gros seins ballottent au ras du sol, Fred profite allègrement et à pleines mains de cette aubaine mammaire. Elle me gicle dessus à nouveau, elle est au sommet de son excitation. Je me couche sur le dos et la prends sur moi, rouge, en sueur, abandonnée à tous nos vices. Bien embrochée sur ma queue, je lui claque les fesses, elle glapit, puis je saisis les globes à pleines pognes et les écarte en grand.
Lui aussi est excité, il ne réfléchit même pas et présente son dard sur la rosette dégagée des grosses fesses. Yvette proteste, je lui affirme qu’elle va connaître le bonheur dont toute femme rêve, elle braille quand il s’enfonce dans son cul.
Yvette ne peut pas répondre, son processeur est en overdose. Elle ne fait que grogner et haleter en marmonnant de temps en temps « putain… putain… ». Mais rapidement Fred rend les armes.
Il lui balance la purée dans les boyaux, ce qui la tétanise et la fait gicler de nouveau sur mes cuisses et mes couilles. Alors moi aussi, je me rends, excité à mort par cette première expérience de double pénétration. On se relève, on remercie Yvette tour à tour en lui roulant une grosse pelle tout en lui pétrissant une fesse et un sein. Elle est écarlate, pète en faisant des bulles par les deux trous et court se plonger dans le lac. Une heure plus tard, les trois filles reviennent, Zoé en tête, tirant deux troncs, Flo ensuite avec deux troncs qu’elles laissent tomber l’air dégoûté. Arrive enfin Françoise avec un seul tronc, une main fermée contre sa poitrine.
Y a comme de la tension dans l’air… Le lendemain, elles vont entretenir les parcelles potagères, il y en a trois, ça tombe bien, chacune la sienne. Yvette, quant à elle, s’est fort bien remise de son expérience sandwich. Elle pétille d’énergie envers nous, et ses yeux ne disent qu’une chose : « quand est-ce qu’on recommence ? »
Un mois… Il nous a fallu un mois pour terminer la première chambre, mais aussi pour terminer le fourneau. Il est beau, enfin presque. Va-t-il tirer correctement ? Nous l’ignorons. Il faut laisser durcir la pierre, pendant un mois au moins. C’est le temps qu’il faut pour monter sa cheminée. Le trou de sortie est fait, un trou de tarière par lequel on a passé le fil de scie. En voyant cette plaque, les filles ont cru que c’était des toilettes ! Nouvelle commande.
Avec Fred, nous prenons une semaine de repos, et surtout de lumière, avant d’attraper une mentalité de rats d’égouts. Les réserves s’épuisent, il faut retourner au supermarché, au moins pour varier les menus. Nous avons quelques salades et radis, mais pour le reste, il faut encore attendre. Cette fois, j’organise l’expédition à quatre. Florence est toujours d’accord pour m’accompagner, Fred et Françoise aussi, Zoé et Yvette resteront au camp. Nous descendons à deux, Fred et Françoise se positionneront à mi-chemin pour reprendre nos chargements, ce qui nous épargnera une fatigue excessive, aux uns comme aux autres. Les courses se passent bien, le même agent de sécurité se souvient de moi et me fait un grand sourire au lieu de m’emmerder. J’en profite pour dégotter une scie égoïne de qualité médiocre, mais c’est mieux que rien, et un grand faitout du diamètre du sac cheminée, ça aussi ça nous manque. Je cherche désespérément du matériel de camping, mais il n’y a que des petites piscines gonflables pour enfants. J’achète un petit tuyau d’arrosage avec un embout multi jets. Je trouve aussi une brosse métallique, un paquet de papier de verre et trois ceintures de cuir qui laissent Flo perplexe. Ce qui prendra le plus de volume, c’est le P.Q., alors on le prend en feuilles, plus compact. Avant de partir, je me renseigne au bureau :
Je repars avec cent euros de moins, mais trois matelas avec pompes et oreillers. C’est aussi c’est un peu lourd, mais on aura le relais. Comme la dernière fois, on se tape deux énormes burgers, et Florence en a prévu quatre autres pour les autres ce soir. Elle m’a même pris une demi-bouteille de rosé, mignonne. Nous cassons la croûte avant de monter. C’est encore plus dur que la dernière fois, on s’est lâché sur le poids. En passant, je repère une scierie avec des tas de planches que personne ne vient chercher en ce moment. Un soir, je ferais bien une expédition « planche », parce que c’est un produit bien utile qui nous manque. Nous faisons plusieurs arrêts, les guiboles en compote et les poumons en feu. C’est à chaque fois l’occasion de se faire des bisous et quelques caresses, ce qui remonte le moral. Enfin la relève. Je file ma charge à Fred qui n’en revient pas, vacillant presque sous le bât. Flo refile sa claie à Françoise qui râle déjà, alors elle garde les deux cubis de pinard qu’elle portait à la main. Ils partent, on reste pour souffler un peu, probable que sans sacs on les rattrapera bientôt. Je m’allume un clope, ça fait trois mois que je n’ai pas fumé. Un délire de l’instant, j’ai acheté un paquet pour retrouver ce plaisir, ce léger vertige de la première cigarette de la journée. C’est même pas bon. Je suis là, debout face à la vallée, j’admire le paysage en suçant mon mégot. À peine les copains ont-ils quitté notre champ de vision, donc nous le leur, que ma petite Flo se met à poil pour venir m’émoustiller.
Elle déboucle mon jean et se sert. Qu’elle est jolie et joliment faite ! Nos fringues nous servent de tapis de sol et je lui déguste les seins et la grotte d’amour. Quand ensuite je la pénètre et que je l’embrasse, elle rouspète :
Haleine rectifiée, c’est ensuite à son tour de perdre la sienne. J’avais tellement envie d’elle que nos ébats ne durent pas une éternité, une demi-heure environ. On souffle un peu, on se rhabille et on monte. Première fois que nous montons sans charge ou presque, juste un cubi chacun. Ça paraît d’une facilité déconcertante. Nous arrivons assez vite à la crête et là, nous retrouvons nos deux compères en fâcheuse posture. Françoise est passée la première sur l’épaulement, Fred lui a passé ses bagages de main pour pouvoir escalader à son tour, mais cette gourde a perdu l’équilibre, trop lourd pour ses petits bras, et elle a failli dégringoler. Fred a juste pu attraper une sangle de la claie avec sa copine suspendue comme une tortue soulevée par la carapace. Elle s’est râpé les genoux, bien sûr a laissé tomber les matelas dans le vide et depuis elle reste collée au rocher, elle ne veut plus bouger ni que Fred la lâche. J’entends Flo grogner entre ses dents serrées « quelle gourde ». Elle me laisse son cubi et grimpe à côté de Fred et se met à lui parler.
Elle passe derrière, un pied entre les pieds de Françoise, puis l’autre, elle s’assure au rocher au-dessus de sa tête. Une fois de l’autre côté, elle se retourne.
Je déleste Fred pour lui donner de l’air et de l’agilité. Il s’assure à cheval sur la crête et prend le bras de l’andouille. De l’autre main, il détache les sangles du sac. Florence le récupère à moitié, mais elle est obligée de défaire complètement la bretelle parce que l’autre ne veut pas lâcher le rocher. Il lui faut bien cinq minutes pour se réharnacher. Quand elle se sent prête, elle pose sa main sur celle de Françoise et fait signe à Fred de passer l’enrochement.
Elle lui prend les cheveux, la force à relever et tourner la tête et lui balance un aller et retour cinglant. Françoise est totalement surprise et aspire d’un coup tout l’air de la vallée. Jamais personne n’avait dû la traiter ainsi. Il n’empêche qu’elle ne pleurniche plus, que Florence la tient par le poignet et la tire vers elle, et Fred suit en lui tenant l’autre bras et en mettant une main rassurante dans le dos. Situation débloquée. Les cent mètres d’épaulement se font à vitesse d’escargot, mais se font, moi je franchis la crête avec armes et bagages et j’aperçois mes matelas éparpillés une centaine de mètres plus bas. Revenus en terrain facile, Florence pose la claie devant Françoise, les mains sur les hanches et la mine sévère.
Long soupir, mais elle daigne reprendre le sac. Moi, je refile les miens à Fred et je fonce chercher les matelas égarés en pleine pente. Je dérange une marmotte. C’est un peu glissant à cause de l’herbe, mais ce n’est que de la montagne à vache, ou à dahu. Je rassemble les sacs des matelas, Flo me rejoint.
Nous rentrons tranquillement en devisant. Elle me dit combien elle est contente de ce qu’on a fait, que c’était bien l’idée qu’elle s’en faisait et qu’elle aimerait bien passer quelques nuits avec moi dans ces chambres. Promis. À notre arrivée, la grande blessée se fait soigner par Fred, décidément très patient, ou très amoureux. Mais dès qu’elle voit Florence, elle sort de ses affres de grande blessée.
Et Zoé serre Flo dans ses grands bras. Il n’y en a qu’une qui fait la tronche et refuse son burger, nous nous le partageons avec Florence.
Petit problème. Outre que la petite pompe livrée avec le matelas me donne aussi chaud que l’ascension depuis la vallée, ledit matelas mesure un mètre cinquante-deux de large et pas un mètre quarante… Allez, encore douze centimètres à piocher, mais ça n’en sera que plus confortable. Il faudra également creuser légèrement le support, de façon que le matelas n’ait pas tendance à glisser. Puisque l’installation est en cours, je décide unilatéralement, après avoir consulté ma bite, que je resterai ce soir inaugurer cette chambre avec Florence. Na !
Mon intervention a un peu calmé les esprits, et puis Françoise ne quitte plus Fred d’une semelle. Si bien que, comme nous reprenons les travaux, c’est elle qui est préposée à la lumière (et ça n’en est pas une, dirait Flo). Retailler la chambre terminée permet de se rendre compte du temps de durcissement du calcaire. En une semaine, le dessus est bien dur, mais sur à peine un centimètre. C’est donc assez facile. La brosse métallique permet de faire des surfaces beaucoup plus lisses, en revanche, le papier de verre ne fonctionne pas sur le calcaire tendre, il s’empâte tout de suite. Nous le réservons au calcaire dur, le fourneau notamment qui devient tout proche de l’œuvre d’art. Les très grosses pièces, évier et bac à douche, nous les avons ratées dans la première chambre, nous espérons les réussir dans la seconde. En attendant, creusons. J’ai chargé les filles de faire un lagunage entre notre abri et le lac, deux bassins successifs qui se remplissent par débordement, évitant de polluer ces eaux limpides par de l’eau savonneuse, bien que le savon de Marseille soit notre seul produit d’hygiène et d’entretien.
Notre technique de forage est de plus en plus au point, et nous ne perdons pas de temps à batifoler avec notre assistante lumière. Tout juste faut-il la rappeler de temps en temps à l’ordre par un bref « Aziz, lumière » tout droit tiré du « Cinquième élément ». Au-dessus du futur lit, nous dégageons un gros moignon de calcaire sur quatre côtés, faisant des bords bien réguliers à l’égoïne. Dessous, c’est un mixte égoïne et scie fil pour dégager ce beau parallélépipède. Un bloc d’au moins quatre-vingts kilos. Mis au sol avec précaution, nous entamons le creusement de l’intérieur. On fait simple, une vaste courbe partant des deux côtés et un petit orifice à l’arrière, au plus creux. Il reste bien cinquante kilos de matière, mais… ça a de la gueule ! Je suis sûr qu’en dehors de crise ce truc-là vaudrait une fortune. On le transporte jusque sous l’auvent, nous lui ferons un piétement avec quatre troncs. Florence ayant toujours une idée qui pousse l’autre réclame des plaques entre fourneau et évier, évier et mur, de façon à faire un joli plan de travail. Pourquoi pas. Modèle homologué par Cuisines Schmidt ! Et l’autre ramène sa fraise :
Ça, c’est fait ! Pour le bac à douche, c’est une autre paire de manches. La lame de scie ne fait pas cinquante centimètres, mais trente. Nous dégageons un grand moignon d’un mètre carré, bords bien nets. Nous découpons tout le tour à vingt centimètres, puis de nouveau nous dégageons le dessous en moignon pour parvenir à terminer le sciage au fil. Joli champignon dont nous sommes incapables de bouger le chapeau. Trop lourd. Comme il n’est pas trop haut, on décide de le creuser avant de retenter de le bouger. Burin, hache, scie. Nous laissons des bords de dix centimètres, pas trop fragiles, et l’évidons sur dix de profondeur. C’est encore très, très lourd. Nous continuons de creuser encore cinq centimètres, et stop, après il risque de casser avant de durcir. Enlevant le maximum de matière, nous donnons la petite pente qui va bien vers un trou d’évacuation, bords et fond bien polis. Et puis pas d’autre solution que deux troncs et quatre épaules pour le déplacer. C’est comme ça que nous arrivons à le mettre au sol sans casse. Mais il est trop large pour la porte, alors il faut découper trois rondins et le faire rouler dessus posé sur chant, Yvette récupérant le rondin de derrière pour le mettre devant et ainsi de suite. On le place à l’extérieur, juste derrière l’évier de l’autre côté du mur. J’ai ma petite idée, j’alimenterai les deux par le même tuyau d’arrosage.
Après cet effort surhumain, nous prenons deux jours de presque repos. Juste creuser une rigole de la douche et l’évier jusqu’aux bassins de lagunage, faire une évacuation de l’évier avec un bout de tuyau d’arrosage, puis installer le reste du tuyau, un gros entonnoir rapporté au fond du faitout d’un côté, la pomme d’arrosage de l’autre. Objectif, capter l’eau le plus haut possible et suspendre le tuyau sur des branches en fourches plantées dans le sol. Dire que ça gicle à deux bars de pression, comme Yvette, non. Mais c’est une jolie petite pluie continue qui sort de la pomme, de quoi se doucher agréablement. Les nanas battent des mains et ne se posent pas la question de savoir si le calcaire est durci. Toutes à poil attendant leur tour à la queue-leu-leu ! Putain le spectacle ! J’aurais dû mettre une fenêtre au-dessus de l’évier. La grande Zoé entame, se trémoussant lascivement sous la petite gerbe d’eau, savonnant les moindres parties de son grand corps, joli ! À peine sortie, c’est Yvette qui la remplace, autre spectacle, entre érotisme et humour. Puis c’est le tour de Florence, et là, ça confine au sublime. Pas d’excès, tout en pudeur et rapidité, mais qu’est-ce qu’elle est bien roulée. Équilibre des dimensions, des formes, gestes sans ostentation, mais d’une élégance rare. Croyez-moi si vous voulez, la seule qui râle parce que l’eau est froide, c’est Françoise. Normal, vu sa maigreur. Circulez, y a plus rien à voir ! Sauf deux mecs qui se savonnent avec satisfaction. On a maigri, Fred comme moi. Les efforts permanents, la bouffe frugale, l’alcool très limité, nous ont permis de virer les mauvaises graisses et de renforcer les muscles. Pas plus mal.
Nous terminons la seconde chambre en juin, non sans avoir découpé une assise de chiotte avec trois dalles pour la porter. Là, on a déliré, on a fait dans le poli de chez poli, au point que même durcie, cette assise toute en courbes brille au soleil. Douche, toilettes, parfait dehors quand il fait chaud, mais quand il va faire froid ou pleuvoir… Ça tombe bien, le toit de l’auvent n’est pas encore fait, il faut le prolonger d’un bon mètre et ajouter un mur extérieur. Ça augmentera l’isolation de l’auvent et le conduit de cheminée servira de chauffage, en espérant qu’il soit à peu près étanche. Je me dis qu’il devient urgent de faire ce toit avant de nous faire surprendre par la pluie, même si l’on peut pique-niquer dans la première grotte. Fred et Françoise s’installent dans la seconde chambre, aussi réussie que la première. Les filles découpent deux toiles de tente et fabriquent des rideaux portières. Yvette et Zoé continuent de dormir sous la dernière tente, elles ne risquent pas d’avoir froid, la température monte régulièrement, et les après-midi sont torrides.
On commence à choper des coups de soleil. Le toit se fait tranquillement, on a même fabriqué une sorte d’échelle avec des branches de noisetiers et du fil de fer. Poutre porteuse verticale, poutre centrale entre la première et la falaise, puis petits troncs de sapin et bouleau ligaturés bien serrés. On couvre avec du torchis, gadoue et grandes herbes, puis on pose la bâche et on remet une couche épaisse. Pareil pour les murs, on les colmate au torchis et on empile tous nos déchets d’excavation le long. Les filles empilent soigneusement les plus belles pierres et on entasse derrière graviers et poussière, et ce jusqu’au bord du toit. Avec un peu de recul, l’auvent semble faire partie de la montagne, du reste il y fait vite plus frais. On avait conservé un grand nombre de dalles ratées, ou découpées sans but précis. On en fait un dallage pour l’auvent. En allant ramasser des branches de genêts, on fabrique un balai et les nanas peuvent jouer à Cosette. Vraiment, ça prend tournure, notre affaire. Viennent ensuite les bancs, la table, mais les rondins ne sont ni confortables ni plats. Alors on recouvre aussi la table de pierres et on utilise les matelas autogonflants des tentes comme coussins. Grand confort ! Ayant pris nos douches en « public », comme il fait très chaud, on se dit que rien ne nous empêche de vivre à poil. Sauf Françoise, évidemment.
Nous prenons une bonne drache dans la soirée. Le ciel s’est soudainement couvert et, au fond de notre cratère, on ne voit rien venir. Pluie violente suivie d’une pluie plus légère, mais régulière, toute la nuit. L’avantage, c’est de pouvoir contrôler l’étanchéité, et on a des fuites. Pas dans les grottes, heureusement, mais dans l’auvent, plus exactement entre le rocher et l’auvent. L’autre avantage, c’est que les potagers sont arrosés, je sors pour aller les voir avec mon parka et sa capuche. La nature sent bon, c’est plutôt agréable. Flo m’emboîte le pas, et ça aussi c’est agréable. Nos capuches se rapprochent pour un long baiser, puis elle m’entoure de ses bras.
J’ai ramené deux seaux et nous avons couru les bois tous les deux. On a fini par les trier pour ne garder que les plus gros. En deux heures, nous en avons quatre cents. De beaux bourgognes bien dodus.
Tu as raison. Elles nous plaisent bien ces petites escapades, hein ?
À sept heures du matin, il ne pleuvait plus, même si des nuages lourds de promesses passaient rapidement dans le ciel. Nous nous sommes levés, fringués et du balai, avec nos sacs. L’épaulement avant le petit col était un peu périlleux, mais en étant prudent, ça allait. Chargés, ce serait plus dur, espérons que ça sèche d’ici ce soir. On a pris les produits désirés, mais j’ai souhaité aussi préparer des stocks pour l’hiver. Des chaussettes, un autre sweat, des gants neufs, un jean et des godasses. J’ai usé tout ça en creusant. On a trouvé une lampe tempête, et le bidon de cinq litres de pétrole fera équilibre avec le cubi de pinard. Florence a collecté des boîtes de conserve variées, du riz, des lentilles, des haricots secs, encore des pâtes et du maïs. Elle a aussi acheté une grande poêle, du papier d’alu et deux douzaines de pièces de viande sous vide. J’ai repris du sucre, de l’huile, du vinaigre, du sel et du poivre, des herbes de Provence. On s’est arrêtés à vingt-sept kilos, à peu près, douze pour elle, quinze pour moi. Une rigolade par rapport aux fois précédentes. J’ai repris un journal, toujours aussi catastrophique.
Comme d’habitude, Florence a pris deux burgers, un coca et une demi-bouteille de Bourgogne. J’avais aussi un cubi de blanc pour les escargots et les truites. Casse-croûte puis remontée tranquille. Il ne pleut pas, mais l’herbe est encore trempée, pas terrible pour les galipettes, et en plus nous couchons ensemble toutes les nuits. Moins chargés et sans arrêt amoureux, nous arrivons au col bien plus tôt que d’habitude. Ça reste dangereux, surtout que la terre qui couvre l’épaulement est de l’argile jaune. Mais nous sommes prudents sans avoir peur, donc tout se passe à merveille. Fred a fait du bon boulot de son côté. Il s’est dit que vingt-quatre heures après la pluie, avec cette température élevée, ça pourrait plaire aux champignons, une de ses spécialités. Quand nous arrivons, les filles terminent de trier deux beaux seaux et une poche plastique de jeunes pousses très sympathiques. La poêle tombe à pic, les pièces de viande aussi. Nous avons prolongé la soirée tard, riant et buvant autour de la table dans la chaude lumière de la lampe à pétrole. Les poêlées de champignons et de viande grillés se consommaient à pleines ventrées, j’en rotais encore en allant me coucher. On aurait dit un groupe de randonneurs dans un refuge de montagne. Je dis à Florence :
Je n’aurais pas dû manger autant de champignons, elle m’a mis sur les rotules, au propre comme au figuré.
Juillet, nous devons entamer le forage de la chambre des filles. Avant, nous avons fait un gros boudin d’argile le long du toit contre la falaise, en croisant les doigts et en attendant la prochaine pluie. Ayant alterné viande et truites, il est temps de s’occuper des escargots avant que le beurre ne soit rance. Le faitout, le gros sel et c’est parti. J’admets que c’est franchement dégueulasse. Des litres de bave qu’il faut éliminer sans autre alternative que les mains. Mais de là à faire une comédie sans nom, il y a de la marge. C’était Zoé et Françoise qui étaient chargées de cette tâche, en toute ignorance, et ça s’est très mal passé. Très. Françoise croyait qu’il s’agissait de rincer les bébêtes une à une, et n’imaginait pas plonger ses mains dans cette substance collante et écœurante. Elle a poussé des cris de fin du monde, Zoé lui a passé une tournée, le ton est monté, monté… Françoise appelait Fred désespérément, il était parti couper des troncs de l’autre côté du lac avec Yvette. Elles en sont venues aux mains, et la petite blonde n’avait pas l’avantage. Zoé tenait cette teigne à distance en lui posant juste une main sur la tête, mais l’autre l’a mordue. Alors la petite Françoise s’est retrouvée sur l’épaule de la grande Zoé qui l’a balancée au milieu du lac pour lui rafraîchir les idées. Elle en sortait à peine quand Fred est arrivé en courant comme un dératé.
Nous l’ignorions encore, mais la rupture était consommée. Je n’aurais jamais cru cela de Fred, on connaît mal les gens. Au dîner, alors que nous n’avions pas revu la blondasse de la journée, au lieu de se régaler ensemble avec les escargots, pourtant super bons même sans four, il nous a annoncé qu’ils partaient demain matin. J’ai tout fait pour le raisonner, y compris en lui disant de la laisser partir seule.
Il embrassa les trois filles qui pleuraient comme des madeleines, et il alla rejoindre Françoise sous la tente. Je suis resté longtemps dehors, fumant les dernières clopes de mon paquet. J’espérais… je ne sais quoi, qu’il vienne me dire qu’il renonçait… Mais non. Ils sont partis très tôt, ils n’ont rien voulu prendre comme bouffe, ils feraient des courses en bas. Journée sinistre, journée perdue.
Je mets en œuvre la solution proposée par Fred, cette sorte de toit avant le toit pour supprimer les fuites. Le résultat est bizarre et fait vaguement penser à une pagode. Les filles m’ont apporté une trentaine de seaux de gadoue pour constituer une sorte de caniveau au-dessus et évacuer le ruissellement plus loin. On a rapidement pu vérifier. Ce que les orages nocturnes peuvent faire comme boucan ! Le son se répercute à l’infini dans le cirque et résonne dans les grottes. Mais nous sommes satisfaits, nos efforts sont récompensés, plus de fuites. Après la pluie vient le beau temps, très beau, même, et très chaud dans notre cratère. Même le lac se réchauffe par endroits, en dehors des courants froids des petits torrents qui l’alimentent, mais leur débit faiblit. Nous vivons nus la plupart du temps et nous nous baignons souvent. Le troisième matelas pneumatique nous sert de radeau pour nous balader, jouer, plonger ou pêcher. Ça fait vacances.
J’en profite pour faire quelques essais, fabriquer du charbon de bois en faisant brûler le bois mort que nous ramassons en quantité et en le couvrant de terre. Je m’essaye aussi à fumer des filets de truite en découpant patiemment des copeaux de hêtre. Après quelques ratées, le résultat est maintenant tout à fait acceptable. En terminant de les sécher au soleil, nous stockons une trentaine de filets pour l’hiver. On verra bien s’ils se conservent… Nous récupérons un peu de charbon de bois, ce qui nous permet de varier un peu les goûts en faisant des cuissons « barbecue ». Finalement, à quatre, c’est l’harmonie. Depuis qu’elles dorment dans la grotte, nous avons découvert que Zoé et Yvette se faisaient « du bien » ensemble. Faute de mieux… Les cris d’Yvette annonçant « je pisse, je pisse ! » et les beuglements de Zoé en témoignent. Pourtant, elles ont négocié avec Florence le droit de bénéficier de mes attentions de temps en temps. Ça se fait en toute transparence, voire en sa présence, selon l’envie. Du moment que nos instants d’intimité sont préservés, elle n’y voit pas d’inconvénient ; pire, voir son mec faire jouir ses copines l’excite au plus haut point. Ça fait un peu communauté des années soixante-dix et… ce n’est pas si mal.
Mine de rien, nous ne faisons pas que nous amuser. Les travaux avancent, mais il me faudrait des planches pour faire les portes et des étagères, et aussi un tas de petites choses utiles. Des clous, des vis, nous en trouverons au supermarché. Mais pour les planches, il faut faire une expédition nocturne, et il faut deux costauds pour les porter. Donc obligatoirement Zoé et moi. Par sécurité, nous décidons de partir avant la nuit, quitte à attendre le calme dans la vallée pour agir. J’aime bien me retrouver seul avec cette grande nana. Oui, je suis amoureux de Flo, mais j’ai toujours eu un faible pour Zoé. Et puis l’amour avec elle, c’est un véritable corps à corps, une lutte pour le plaisir. C’est d’ailleurs ce que nous faisons pour passer le temps, cachés dans le bois qui borde la petite route. J’ai repéré une scierie qui a l’air abandonnée à l’entrée du premier hameau. Mais l’est-elle vraiment ? Le propriétaire est-il mort ou confiné ailleurs ? Les herbes folles commencent à l’envahir et je n’ai vu qu’un atelier et pas d’habitation. Mais il y a des fenêtres à l’étage. Bureaux ou logement ? Et puis il y a les chiens, nos pires ennemis. Ils ont beau être enfermés, au moindre bruit suspect ils se mettent à gueuler et à réveiller tout le voisinage, ça nous est déjà arrivé en passant le pont.
Nous avons fait le plein des batteries de nos frontales en moulinant plus d’un quart d’heure, donc nous avons au moins une heure de lumière chacun. Je l’utilise à la main, les doigts devant le réflecteur, juste pour ne pas buter dans un obstacle. Sur le coup de onze heures et demie, tout est absolument calme. Nous y allons. On n’entend que des chouettes ou des hiboux qui semblent se répondre. Nous entrons dans la cour en passant sous la grosse chaîne qui la clôture. Ce qui nous intéresse, c’est la troisième pile à gauche, des planches d’un mètre sur deux centimètres d’épaisseur environ, du sapin ou de l’épicéa. Je commence à charger la claie de Zoé. Nous n’avons pas pris les sacs, juste l’armature et des sangles. Les planches ne sont pas lourdes, prises une par une, environ trois kilos. Mais cinq planches, c’est déjà quinze kilos. Je lui en mets sept, elle affirme que je peux continuer. J’arrête à dix, c’est déjà énorme, et je sangle. C’est à ce moment que nous entendons un bruit de moteur et voyons une lueur de phares sur la route. Plongée derrière les tas de bois.
Maintenant c’est une lumière bleue tournante qui court sur les murs de l’atelier. Les flics ! Justement à la recherche de « pillards » comme nous. On aura beau dire qu’on aurait bien voulu payer, entre le viol du confinement et le vol de marchandise, on est bons pour le gnouf. Nous n’avons pas dû laisser de traces, ils sont passés très lentement, mais ne se sont pas arrêtés, comme on en avait l’impression. Du coup, la charge de Zoé est bancale. Je lui pose sa claie, équilibre le tout et sangle en serrant de toutes mes forces. Chance peut-être, la lune montre le bout de son croissant, plus besoin de lampe. Je lui fais signe d’attendre avant de se charger, je prépare ma claie. Je tente le coup avec quinze planches, on verra bien, quitte à en cacher en route et redescendre les chercher. Ben tiens, la voilà l’idée du siècle ! Pas besoin de prendre des risques plusieurs fois. Je me charge à vingt planches et j’en ajoute cinq sur la claie de Zoé qui, cette fois, hallucine silencieusement. Je l’aide à se charger, elle ouvre grand la bouche en signe de détresse, mais attache solidement la ceinture et la bride haute. Je pose avec difficulté mon bât de soixante kilos sur la pile de planches et je charge à mon tour. J’ai l’impression qu’Yvette vient de me monter dessus. J’en vacille moi aussi. Le pire étant de repasser sous la chaîne, mais Zoé choisit le centre, au plus bas, et fait un ciseau au-dessus avec ses grandes cannes, j’en fais autant. Rien que d’atteindre le bois, nous sommes déjà hors d’haleine. Nous apercevons de nouveau la voiture des keufs qui a fait sa ronde dans le village et repart par la même route, il était temps. Nous grimpons encore une centaine de mètres et j’explique mon plan à la grande.
Nous montons autant que nous le pouvons en nous arrêtant souvent. Il est une heure du mat’ et cette fois nous n’en pouvons plus. Je la fais asseoir le long de la pente, détacher ses ceintures et basculer en arrière pour poser sa claie, j’en fais autant. Je planque dix-huit planches derrière les sapins, et je plante un bâtonnet avec un kleenex sur le passage. Je me charge avec dix planches, elle sept, et tout est plus facile. Nous grimpons tranquillement, bien conscients qu’il nous faudra bien cinq heures avant d’arriver au col, il devrait y faire jour. En attendant, la lune nous file un sacré coup de main. Inutile d’allumer les lampes et la vision est beaucoup plus large. C’est marrant, mais Zoé coince exactement au même endroit qu’à l’arrivée. Sauf que cette fois elle ne fait pas de crise. Nous faisons une vraie pause en nous délestant. Le jour se lève, c’est superbe. J’allume une clope, eh ouais, j’en ai racheté, je sais, ce n’est pas bien. Elle m’en demande une.
Il est presque huit heures quand nous atteignons le col et là, surprise, nos deux acolytes nous attendent. C’est sympa. On passe le col et on leur passe les charges, ça fait un bien fou. On leur explique qu’on en a laissé la moitié en route, elles décident d’aller la récupérer tout de suite. Quatre heures aller, six heures retour, elles ne seront pas au col avant dix-neuf heures. On se fait un gros dodo tous les deux et un gros câlin pour se réveiller. Douche, et nous préparons un bon repas avant d’aller les chercher. Cette entente à quatre fait vraiment plaisir à vivre. On sait bien que le problème n’était pas Fred, mais je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi il l’a suivie.
Nous les déchargeons, juste renvoi d’ascenseur. Elles sont crevées, mais apprécient le dîner. Et dodo. Nous construisons la porte avec ces belles planches, une belle porte solide ouvrant vers l’extérieur, avec dépassements autour pour assurer la meilleure étanchéité possible. Elle se ferme par une barre tournante à l’intérieur. Je suis très fier de ma réalisation jusqu’à… jusqu’à la remarque de Florence :
On se met autour de la table avec nos calepins et on réfléchit. En deux heures et un paquet de petits gâteaux, le plan est fait. Un, augmenter le toit d’un bon mètre, plus si on peut. Deux, monter un mur depuis l’angle des toilettes jusqu’à la porte actuelle que l’on tourne de 90 degrés, de façon qu’elle s’ouvre sous l’avancée de toit. À droite, toujours abrité par le toit, on empilera le bois ainsi abrité. Tout ça augmentera l’isolation. Et puis il faut creuser une fosse pour les toilettes et la couvrir d’une grosse trappe, on la videra au printemps, miam-miam…
Au boulot ! Pour l’avancée de toit, il ne reste plus de bâche d’étanchéité, et puis il faut augmenter les réserves de nourriture, de pétrole pour la lampe, acheter un autre faitout pour fabriquer de l’eau chaude quand le fourneau est allumé et surtout deux gros jerrycans de vingt litres pour une réserve d’eau en cas de fort gel. Nous redescendons, au supermarché, Florence et moi, avec nos trois sacs habituels. Encore une bonne tournée. J’ai pris un journal, je n’aurais pas dû. Rien qu’en lisant les titres, j’ai racheté des cigarettes. La situation reste catastrophique, les gouvernements sont dépassés, c’est le chaos. Le gérant du supermarché ne sait pas s’il sera de nouveau approvisionné, du coup il a ouvert une partie de ses stocks et les gens achètent tout ce qu’ils peuvent. Nous y faisons un tour, il y a des vêtements d’hiver que personne n’achète pour l’instant, il fait encore trente à l’ombre. Nous en profitons pour aller jusqu’à la poste, voir si Fred n’a rien envoyé en poste restante, hélas non. J’en profite pour retirer du liquide, mon compte est approvisionné normalement, Florence aussi, l’avantage d’être fonctionnaire en ces temps difficiles.
En retrouvant nos copines, je les incite à descendre aussi pour acheter des vêtements d’hiver supplémentaires, manteaux, doudounes, caleçons, pulls, écharpes, gants, tout ce qui peut tenir chaud, et surtout des bottes fourrées pour la neige. Elles se regardent, gênées, et soudain je comprends. Une chômeuse et une petite couturière, quand nous avons décidé de vider nos comptes, les leurs sont restés vides. Voilà aussi pourquoi elles n’étaient jamais volontaires pour descendre faire les courses, elles ne pouvaient simplement pas.
À quatre, l’équipée est plus joyeuse, du moins jusqu’à la file d’attente du magasin, assez longue cette fois. Mais les gens achètent surtout des vêtements d’été et se ruent sur les derniers stocks de pâtes. Nous en faisons autant, pâtes, riz et compagnie. Il ne reste en rayons que des conserves chères, plats cuisinés, confits, etc. Tant pis, nous prenons et nous dévalisons les fringues d’hiver, des duvets aussi, car les nôtres faiblissent. Pas seulement, ces dames ont aussi besoin de petites culottes et autres accessoires féminins. Nos quatre sacs sont pleins à déborder, mais les fringues c’est volumineux sans être très lourd. Nous en profitons pour lester nos mains d’un bidon d’huile, un de pétrole et le reste de cubis de vins des trois couleurs. L’ascension est lente, surtout parce que nous jacassons. On parle de l’après, s’il y a un après un jour. Les filles évoquent leur projet « couture » qui semble bien mûrir dans leurs têtes depuis que Zoé m’en a parlé. Et puis la question logique arrive : et vous ?
Faut que j’arrête les remarques stupides qui font tomber les conversations. Pour pouvoir marcher sans problèmes digestifs, nous avons gardé les burgers et les frites pour le dîner, nous contentant d’un sandwich. Mais ce soir, c’est la fête ! Et ce qui fait du bien, c’est de poser les sacs, mais aussi les vêtements, fussent-ils légers, tellement nous nous sommes habitués à vivre nus. Cependant, Florence s’éclipse dans la chambre et revient un moment plus tard avec… un maillot de bain. Si on peut appeler cette chose « maillot ». C’est essentiellement de la ficelle avec quatre petits triangles isocèles de tissu bleu, deux qui cachent tout juste les aréoles de ses seins, un qui couvre difficilement son buisson d’astrakan et surtout, le plus coquin à mon goût, celui très étroit qui relie la ficelle ceinture et disparaît entre les fesses.
Mignon, le mot est faible. Des images me viennent soudain de cette petite nana en dessous affriolants et talons hauts, elle doit être sublimissime. Vivement que ce putain de virus nous lâche !
Les travaux reprennent d’arrache-pied, malgré la chaleur, et personne ne ménage sa peine. L’avancée de toit est réalisée, la porte modifiée, une seconde porte ajoutée vers les toilettes. Zoé et moi creusons la fosse, Florence et Yvette enterrent le tuyau de captage, ne le laissant ressortir que sous la toiture, le long du conduit de cheminée. Aux premiers froids, nous laisserons couler un filet permanent dans l’évier pour tenter de l’empêcher de geler. Et puis nous faisons le stock de bois. D’abord, tous les déchets de construction que nous empilons à peu près jusqu’à la fenêtre. Ensuite, nous allons exploiter une zone de sapins fauchés par une coulée de neige l’hiver dernier. Ce n’est pas le bois idéal pour tenir le feu, mais faute de mieux. Début septembre, je retrouve Florence à quelques mètres de l’abri, les mains sur les hanches, le regard attentif à tout.
Nous avons attendu une quinzaine avant de redescendre compléter nos réserves et améliorer l’ordinaire, marre des truites grillées. Je sais bien que l’ermite mangeait de la marmotte, mais les filles s’y sont totalement opposées. La supérette avait été livrée des produits de première nécessité, beaucoup de rayons vides. On trouve tout de même un jambon, du gruyère et un peu de pain sous vide et de pain de mie. Même les burgers, c’est terminé, on est obligés d’acheter d’infâmes sandwiches sous plastique. Je retrouve le Monsieur du bureau, le patron, je suppose.
Il revient avec trois pochettes plastiques et même une quatrième.
Sympa vraiment, et très opportune, cette corde. Très lourde aussi. Il n’y en a que six mètres, mais ça devrait aller pour sécuriser le passage le plus difficile, les balançoires fournissant environ trente mètres de corde plus fine, mais très solide. Nous rentrons, chargés en volume plus qu’en poids, sauf le jambon et les cordes. Flo a trouvé aussi des paquets de café et quantité de sachets de thé et de tisanes diverses, ses boissons favorites, et une grande bassine qu’elle trimballe à la main.
Nous rions de cette discussion de « vieux couple ». Nous examinons au passage comment sécuriser le petit col, et surtout cet épaulement périlleux. C’est bien là, à la descente de la crête rocheuse qu’il y a des risques quand on est chargé. Il faut se rétablir sur trente centimètres en dévers, puis longer la roche sur la même largeur pendant une centaine de mètres. On ne peut pas assurer sur si long, et puis le dévers décroît très vite, en dix mètres. Donc, grosse corde depuis la crête jusqu’à l’épaulement, puis petite corde sur vingt mètres. Si en plus je parviens à creuser un peu le long de la roche, de façon à faire un dévers dans l’autre sens, ce serait parfait. À mon avis, la pluie fera ensuite le reste en ruisselant le long de la roche et en complétant mon travail. On verra ça demain s’il fait beau, je laisse le matériel sur place. Ce soir, c’est asperges en vinaigrette, saumon fumé et taboulé. C’est la fête !
Premières pluies de septembre accompagnées d’un fort coup de vent. Dans ce cirque, on ne sait pas dans quel sens il vient, il doit tourner, bien amoindri par rapport à la plaine cependant. Surprise le matin, la pluie ici a fait de la neige sur les crêtes, mais bientôt le soleil revient illuminer tout ça, c’est magnifique. Ah les photos ! Où est mon appareil ? Trop lourd, inutile pour la survie… Puis le temps se remet au beau jusqu’autour du vingt octobre. Nous sommes tous redescendus deux fois, autant pour tester la sécurisation du col que pour compléter nos ressources.
Un truc tout bête, j’ai acheté un paquet de cartes et un bouquin de chansons connues, pour nous occuper quand le mauvais temps nous coincera. Les filles ont pris aussi des bouquins et des livrets de jeux, mots croisés, sudoku, etc. Géniale, leur promotion charcuterie ! Sur un petit présentoir en bois façon « terroir », des kilos de saucissons, saucisses sèches et viande séchée. Je vide presque le présentoir. Voilà le complément protéines qui nous manquait, idéal aussi en casse-croûte si on est loin de l’abri. Deux fois également l’occasion d’acheter du pain et aussi, il faut le dire, les petites bricoles qui font envie, juste pour le plaisir. C’est la première fois que nous laissons la place à ce qui n’est pas indispensable. Ça va du tube de rouge à lèvres pour les filles, au nouveau phare à LED alimenté par manivelle pour moi, en passant par des thermomètres, des bonbons, chewing-gums, dentifrices, eaux de toilette, savonnettes parfumées, crèmes pour la peau et pour les mains… On se lâche avant le vrai confinement. Et ça nous fait très plaisir. Au retour, nos deux sans ressources nous embrassent et nous remercient. À vrai dire, on se moque bien de claquer un peu de pognon comme ça, si ça se trouve c’est la dernière fois.
Le vingt octobre, tout a changé. Les dernières noisettes ont été disputées aux écureuils, les derniers champignons ramassés et le froid s’est installé, vif, pinçant. Le fourneau fonctionne bien et a cet avantage de conserver très longtemps la chaleur dans l’épaisseur des pierres. Le thermomètre extérieur annonce – 4°, les chambres restent imperturbablement à 15° certainement à cause de notre présence nocturne, et sous l’auvent on varie de 8-9° en nous levant à 18° en fin de journée. C’est très bien, pour l’instant…
L’hiver s’installe, le vrai, le dur, celui de montagne. Les dix premiers centimètres de neige sont tombés, rapidement suivis par dix autres. Pourtant, il fait souvent beau, plein soleil pâle, lumière aveuglante. Nous sortons bien protégés, pulls, parkas ou doudounes, bonnets, écharpes, gants et bottes fourrées. Nous jouons un peu comme des gamins avec une bataille de boules. Et puis la nécessité nous rattrape, il faut recharger le tas de bois qui fond rapidement, bien plus vite que la neige. J’en profite pour pêcher aussi, deux truites fraîches changent des conserves. Et puis, au fil du temps, les conditions s’aggravent. Nous avons maintenant de la neige jusqu’aux genoux. Le thermomètre extérieur oscille entre moins dix et moins quatorze. L’eau ne coule plus de notre tuyau, il faut remplir des récipients de neige et les placer sur le fourneau pour n’obtenir qu’un fond d’eau tiède, de quoi faire la cuisine et des boissons chaudes. La température est à peu près identique sous l’auvent et dans les grottes, malgré le fourneau : 14°. La chaleur monte sous le toit et s’y accumule, nous laissant grelotter en dessous. Comme nous avons racheté des duvets neufs, nous demandons à Yvette d’utiliser les anciens, remplis d’isolant mince, pour confectionner un faux plafond. Elle tire l’aiguille pendant deux jours et réunit solidement les quatre duvets en un grand rectangle aux dimensions de la pièce. Le plus simple est de fixer cette toile épaisse sur le bois, à chaque extrémité, mais ça fera obligatoirement le ventre au milieu. Alors je suis obligé de scier la petite échelle fabriquée pour construire le toit et d’en faire une sorte d’escabeau précaire. Avec ça, je fixe des fils de fer sur les rondins du plafond. D’un coup de couteau, on les passe à travers le faux plafond et on les enroule sur des branches fines et longues. Une bonne journée de travail. Mais le résultat est payant, on gagne d’un coup trois degrés. Ça peut ne paraître rien, mais on passe d’un coup de l’inconfort au confort. 17°, c’est très vivable, on peut poser les manteaux.
Tant que les aiguilles, le fil et le dé à coudre sont sortis, je demande à Yvette de nous confectionner une portière, un rideau, à mettre à la place de la porte primitive. Il me semble que par cette ouverture nous perdons tout le bénéfice de la double paroi. Pour cela, je ressors les deux tentes dont nous avons déjà pris les doubles-toits pour faire les portières des chambres. Il ne restera plus que les tapis de sol, ils peuvent aussi servir un jour. Cette toile de tente, c’est du coton fin. La coupe n’est pas adaptée, mais Yvette va rapiécer tout ça et faire un rideau double épaisseur. Là encore, c’est un degré de gagné. Précieuse cette Yvette ! Il reste des points notables d’inconfort. Les toilettes notamment. Jolie, la pierre taillée façon abattant, mais froide, très froide. Déjà qu’il fait 9° dans la pièce, se poser les fesses sur une pierre glacée est très désagréable. Et les filles s’assoient aussi pour faire pipi, soit dix fois plus que moi, normal pour des « pisseuses » ! Je ne peux pas chauffer la pierre, je n’ai pas de bois pour la remplacer. Alors je leur propose de transformer le système en W.C. à la turque qui, c’est bien connu, ont été inventés par les Belges, les Turcs n’ayant fait qu’ajouter le trou. Elles sont d’accord, elles préfèrent ça plutôt que de se cailler les miches. Agréable de bosser au-dessus de la fosse ! J’enlève la pierre percée et la mets de côté, elle pourra resservir, je démonte les trois pierres verticales du socle et les dispose à plat, en « U ». Inconfort pour inconfort, celui-ci est moins désagréable, même si quelques petites culottes en pâtissent au début, question de technique et d’habitude…
Une semaine entière sans mettre le nez dehors ou presque. Bise permanente, tourbillonnante, portant des quantités de neige poudreuse. Des congères se forment le long des troncs. Le lac est embâclé et la glace trop fine au milieu casse sous le poids de la neige. Des plaques basculent, se calent contre d’autres, ce qui fait de loin en loin des monticules qui accrochent la neige. Il n’est plus possible de pêcher, la glace ne porterait pas mon poids pour aller faire un trou, et rester immobile par ce temps est impossible, je serais transformé en bonhomme de neige. La dernière scie à fil nous lâche, il ne reste plus que l’égoïne et la hache pour couper du bois. Le bref moment de la toilette est la seule occasion quotidienne pour apercevoir un sein, une foufoune ou une fesse. Dire qu’il y a trois mois nous étions tous à poil ! La seule consolation pendant cette période, c’est de découvrir des espèces que nous côtoyions sans le savoir, telles que le lièvre variable ou la perdrix blanche, qui parcourent l’étendue de neige en recherche de pitance. Les marmottes hibernent, nous ne les reverrons qu’au printemps. Nous marquons Noël et le Premier de l’an par des repas un peu plus copieux et arrosés. Les filles se maquillent un peu, on rentre une branche de sapin que l’on décore avec des boules et des cocottes en papier. Florence avait piqué et planqué des échantillons de parfum, Yvette a confectionné des vide-poches, des couvertures de carnets, Zoé a écrit un poème pour chacun en le croquant remarquablement. Et moi ? Rien… J’avoue ne pas avoir pensé à préparer quelque cadeau que ce soit. Devant mon air dépité, Florence intervient :
L’idée ayant reçu une approbation générale, Joyeux Noël et Bonne Année !