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n° 19686Fiche technique76534 caractères76534
Temps de lecture estimé : 44 mn
28/06/20
Résumé:  Un mal pour un bien.
Critères:  fh hplusag couple voisins amour pénétratio exercice -rencontre
Auteur : Roy Suffer  (Vieil épicurien)            Envoi mini-message
Chômage



Lecœur la regarda s’éloigner et traverser la rue avant de s’engouffrer dans sa Mini. Sacré belle femme ! Un petit cul pommé à souhait avec des fesses bien séparées que ne parvenaient guère à dissimuler ni la jupe courte, ni une petite veste cintrée qui mettait en valeur ses hanches et sa chute de reins, et qui ne devait pas pouvoir se fermer devant tant elle laissait passer une poitrine haute et généreuse, sans être toutefois opulente. Elle trottinait sur des escarpins à très hauts talons qui dessinaient merveilleusement les muscles de ses mollets et de ses cuisses. Vraiment superbe, pensait-il, si j’avais dix ans de moins…



Il l’emmena dans son arrière-boutique : un petit endroit bien aménagé à côté de la réserve, avec des toilettes, deux petites pièces équipées l’une en cuisine et l’autre en bric-à-brac électronique, la passion de l’épicier. Ça sentait bon le couscous « maison ».



Le brave homme était bien au courant des difficultés de son client. Il le voyait acheter le minimum vital, et encore, parfois moins. Une boîte de sardines et un paquet de nouilles, comme ce jour-là, c’était celui où l’indemnité était versée. Le reste du temps, c’était quelques œufs ou des pâtes seules, ou uniquement un bout de pain, et il allait vivre de soupe pendant le reste du mois. Mais il savait aussi que l’homme avait sa fierté et n’aurait pas accepté de cadeaux, alors il trouvait des subterfuges, faisant appel à l’homme de goût qu’était cet ancien chef d’entreprise. Lecœur repartit avec ses maigres achats et ses boîtes de plastique. Du couscous, il en aurait au moins pour trois repas. Il le fit réchauffer avec parcimonie. Quel délice ! « C’est bon comme là-bas », disait une ancienne pub, mais là c’était tellement vrai ! Un tel festin méritait un peu de vin, il descendit à la cave chercher l’un des vestiges de son glorieux passé. Il se régala en s’empêchant d’en reprendre, songeant à demain. Ce soir, il aurait sa soupe de légumes du jardin. Même s’il y mettait un peu trop d’eau, pour la faire durer, elle serait bonne malgré tout et tiendrait mieux au ventre avec quelques vieux croûtons émiettés dedans.


Un « battant » avait dit sa voisine à l’épicerie. Oui, Lecœur en était un, ou du moins se considérait comme tel. Mais aujourd’hui, il se sentait plus Don Quichotte qu’autre chose, à force de s’user à postuler partout pour n’obtenir que des réponses négatives, quand toutefois il avait une réponse. Cependant, il refusait de sombrer. Il se levait toujours à six heures trente, buvait un grand bol de café clair, se préparait comme pour aller au travail et s’installait sur son ordinateur, épluchant une à une les petites annonces en prenant des notes. Puis il préparait des courriers et allait les poster. Papier, cartouches d’encre et timbres constituaient son plus gros budget. Dès neuf heures, il téléphonait aux autres entreprises qu’il avait repérées, mais l’espoir s’était émoussé au fil du temps. Ensuite, il avait un programme établi pour chaque journée de la semaine : un jour jardinage, un jour ménage de toute la grande maison bien vide, un jour à Pôle Emploi, un jour bricolage et un jour récupération. Le samedi et le dimanche il faisait comme avant son jogging et un peu de musculation pour rester en forme, quelques courses s’il lui restait un peu d’argent, et il s’occupait de lui et de ses vêtements. Rasage de près, taille des cheveux, lessive, repassage, raccommodage éventuel. Ses indemnités avaient été fortes au début et avaient peu à peu diminué.


En rentrant chez lui de ses grandes enjambées, il rêvait de revoir sa jolie voisine qui hantait parfois ses nuits solitaires. Il faut dire qu’à la belle saison elle prenait fréquemment des bains de soleil dans des maillots minimalistes, et il lui arrivait parfois de la contempler depuis certaines fenêtres de sa maison. Il fallait bien peu d’imagination pour se sentir glisser la queue entre ces hémisphères magnifiques, côté pile comme côté face. Un bien beau motif de masturbation, que cet homme vigoureux pratiquait sans honte, estimant que ça faisait partie de l’hygiène corporelle et du maintien de la forme. En arrivant chez lui, une excuse toute trouvée lui sauta aux yeux. La haie de cyprès plantée depuis deux ans côté voisins dépassait maintenant le mur de plus d’un mètre cinquante, en faisant des tiges étroites et séparées. Ça ne ressemblait à rien. Il posa ses courses et alla sonner.



Elle le fit entrer dans sa maison « de luxe », disons plutôt à la mode. Carrelage anthracite en dalles immenses, murs de différents gris, meubles blancs et inox brossé très design. À l’image du propriétaire, prétentieux ! En revanche, son whisky était excellent, et Madame Labielle, assise sur un pouf bas, les jambes bien rangées l’une contre l’autre en biais, était magnifique. Quel crétin, ce Labielle ! Bon, après deux portos, on s’aperçoit vite que la jolie femme n’a pas reçu le prix Nobel pour l’invention de l’eau tiède, mais l’a-t-il reçu lui-même ? En tout cas, le moment est délicieux, comme Lecœur n’en avait pas vécu depuis fort longtemps, et son régime frugal fit que le second whisky lui tourna un peu la tête. Il prit congé, promettant de venir tailler le lendemain, jour de jardinage.



Lecœur sonna à la grille, équipé de ses gants, d’une cisaille et d’un coupe-fort. Madame Labielle l’attendait de pied ferme en tenue de jardinage, short minimaliste à peine plus large qu’une ceinture, T-shirt dissimulant à peine sa jolie poitrine parfaitement libre de ses mouvements, et chaussures de sport avec talons compensés de quinze centimètres. Plus appétissante pas possible ! Il coupa les troncs un à un au coupe fort, elle les rangeait en trottinant dans la remorque garée sur le trottoir. Il termina en rabattant les petites branches à la cisaille puis effectua une taille verticale soignée. Déjà, la haie ressemblait à quelque chose… à une haie en somme.



Ils entrèrent dans le garage puis dans un réduit sombre où quelques outils étaient rangés le long des murs. Il trouva le râteau mais en se retournant buta sur son assistante qui resta sur place sans bouger. Elle passa ses mains sur sa chemise et lui dit d’une voix rauque :



L’occasion était trop belle, elle l’avait saisie au bond. Elle agita ses longues mains fines de sa chevelure à ses pieds, sans rien omettre, au contraire, puis se redressa contre lui.



Sans hésiter, elle défit le ceinturon, le bouton et la braguette. Effectivement des brindilles s’échappèrent des pans de la chemise. Elle brossa longuement le boxer, ravie de sentir Lecœur bander comme un âne.



Elle s’accroupit et emboucha l’objet de son désir, entamant une formidable turlute dont Lecœur n’aurait pas osé rêver. Elle y mettait à la fois du cœur et un indéniable savoir-faire. Le chômeur en était tout éberlué. Aspirant un à un les testicules, elle remontait de la base au gland sa langue agile qui fouettait le frein, titillait le méat, puis pompait en astiquant la hampe de solides coups de poignet. Si elle continuait ainsi, le voisin n’allait pas se retenir longtemps, mais elle le sentit bien. Elle se releva en faisant voler son T-shirt, découvrant deux magnifiques obus qu’elle n’eut de cesse de coller sur le torse velu qu’elle libéra de la chemise. Au paroxysme d’un désir réciproque, elle le prit par la main.



Sautillant d’un pied sur l’autre pour se libérer de son pantalon et de ses chaussures, Lecœur la suivit dans l’étroit escalier. Ils arrivèrent dans une chambre d’aussi mauvais goût que le reste de la maison, principalement meublée d’un écran plat géant et d’enceintes de home-cinéma. Elle se laissa tomber sur le lit, il se rua sur ses tétons qu’il aspira et titilla longuement, avant de la dépouiller du short étroit découvrant un impeccable « ticket de métro ». La belle était trempée, il la butina de toute son expérience et l’envoya par deux fois flirter avec les étoiles, avant même de l’avoir enfilée. La séance s’éternisa jusqu’en milieu d’après-midi, tous deux oubliant le déjeuner, et Lecœur partit à la déchetterie les jambes flageolantes et les couilles deux fois vidées. Quelle gourmande cette Madame Labielle ! N’empêche que la belle lui avait refilé un billet de cinquante euros pour la haie, qu’il n’était pas question de refuser, le sexe n’ayant rien à voir avec les cyprès. Et s’il avait une petite disponibilité, disons hebdomadaire au moins, pour un tour de manège enchanté, la dame le serait également.


Mais le soir venu, la réalité le rattrapa. Bientôt, il allait devoir faire un dossier pour le RSA, lui qui avait gagné plus de dix mille euros par mois !… Les impôts avaient lourdement entamé ses indemnités la première année, et maintenant qu’elles avaient diminué, c’étaient les taxes sur la maison qui grevaient son maigre budget, avec l’électricité et le chauffage pour à peine avoir dix-huit. Alors il avait établi un plan de bataille. D’abord, changer de voiture. Il avait revendu sa grosse Mercedes pour une petite Clio d’occasion, avec une remorque et des barres de toit. Chaque vendredi, il faisait le tour de tous les magasins de meubles et d’électroménager et revenait avec un chargement d’emballages en polystyrène. Maintenant on le connaissait, on lui mettait de côté, ravi d’avoir moins de déchets à traiter. Il rentrait chez lui, faisait un tri, découpait, stockait et retournait à la déchetterie avec les excédents. Il prolongeait son tour dans d’autres entreprises pour récupérer des palettes non consignées qu’il sciait et entassait jusqu’au bout de sa fatigue.


Madame Labielle parlait beaucoup, trop peut-être. Tant que c’était en bien… Du coup, plein de gens du voisinage se mirent à interpeller Lecœur lors de ses passages dans la rue.



La vie bien organisée de Lecœur s’en trouva un peu perturbée. Mais il aimait cette pression, cette lutte contre le temps qu’il avait toujours connue à la tête de son entreprise. Il dut s’offrir un agenda pour noter ses rendez-vous. Très rigoureux, il posait les demandes de bricolage le jour du bricolage et celles du jardinage le jour du jardinage. Il lui restait moins de temps pour ses propres besoins, mais il rapportait régulièrement quelques billets de cinquante euros. Ces rentrées d’argent imprévues étaient une bénédiction et le jour de la récupération, il s’aventura dans une grande surface de bricolage, côté clients. Il avait de quoi couvrir son premier mur. Là, plus de calendrier, il ouvrit une session « chantier », repoussant quelques rendez-vous à plus tard. Il attaqua la façade nord, vissant des chevrons aux angles puis tous les mètres et autour des petites impostes des toilettes et de la salle d’eau. Entre les chevrons, il dépila sa réserve de polystyrène de cinq centimètres d’épaisseur, collant une première couche, puis une seconde en quinconce de façon à supprimer tout passage de froid. Le troisième jour, il agrafa par-dessus une collection de couvertures de survie patiemment constituée. Il entendit Labielle, le mari, dire à sa femme :



Laisse hurler les chacals et passer la caravane… Enfin vint la dure épreuve de placer seul les plaques très lourdes d’OSB, ces panneaux de grandes particules de bois, qualité « marine ». Il en bava. Il fallait à la fois hisser, positionner, tenir et fixer sans déchirer les couvertures de survie ni esquinter le polystyrène. À force d’essais et d’astuce, il réussit à mettre au point une technique efficace par glissement sur l’échelle et des lattes pré-positionnées qu’il retirait ensuite avant de fixer, côté par côté. Ce travail de romain lui prit le reste de la semaine, week-end inclus. Mais au final, il avait une façade de bois propre et lisse. Une couche d’accroche et un crépi au rouleau, hydrofuge et bien épais firent le reste. Chère Madame Labielle ! Elle battit des mains et lui offrit une journée entière de manège autour de sa grotte à plaisir. Le repos du guerrier en somme.


En travailleur acharné, Lecœur poursuivit son labeur un mois durant, bénéficiant d’un automne sec et ensoleillé. Les façades avant et arrière, quoique plus grandes, s’avérèrent plus aisées à réaliser car comportant plus d’ouvertures. Il y avait donc moins de plaques à poser et surtout de plus petite taille. La façade sud, la dernière, ne comportait que deux fenêtres, et cette dernière ligne droite lui parut harassante. Il était fatigué, avait un peu maigri, et aurait eu besoin d’une nourriture plus riche et plus abondante pour ce genre de travail épuisant. Du haut de son échelle, il dominait la petite maison voisine, une charmante maisonnette un peu ancienne avec un perron couvert, un grenier à combles perdus et pas plus de quatre pièces vu le nombre de fenêtres. Son occupante l’observa longuement et finit par nouer le contact.



C’est ainsi qu’il fit la connaissance de Virginie Cottine, enseignante, portant l’uniforme de cette profession : jupe plissée, chemisier à col Claudine, gilet de laine et lunettes d’écailles. En un mot, d’apparence sinistre. Il entra dans sa bonbonnière avec précaution, prenant soin de ne pas troubler l’ordre des bibelots de « maman », hélas disparue. La dame au chignon lui fit l’insigne honneur de lui confier un chèque en blanc pour effectuer les achats, ne voulant pas s’afficher en ville avec un homme inconnu. Il rapporta avec le ticket de caisse la somme exacte qu’elle nota vite sur son carnet Il se saisit de l’escabeau pour se mettre à la tâche et en fin de soirée, toutes les vieilles ampoules à filaments étaient remplacées. Il fit « Versailles », allumant tout ce qu’il venait d’installer. Ils allèrent jusqu’au compteur électrique qui tournait paisiblement, comme quand précédemment deux seules lampes étaient allumées. Elle n’en revenait pas.



Elle lui tendit un billet de cinquante euros, et il se dit que les femmes devaient y être abonnées, à moins que ce ne soit les distributeurs de billets. Ils bavardèrent de tout et de rien, du difficile métier d’enseignant, de la chère maman disparue qui vivait avec elle jusqu’alors.



Il lui narra rapidement ses mésaventures professionnelles et familiales. Elle hocha la tête tristement et des larmes lui vinrent aux yeux. Elle quitta ses lunettes, dévoilant un magnifique regard émeraude.



À la grande surprise de Lecœur, Virginie Cotine retroussa sa jupe jusqu’à mi-cuisses, dévoilant une paire de jambes superbe, longues, fines et galbées et, fait rarissime, des genoux d’une égale beauté, ne donnant pas cette impression de gros bloc disgracieux. Elle questionna :



Lecœur rentra chez lui tout émoustillé par cette exhibition spontanée, bien que sans la moindre indécence, qu’il n’aurait pas imaginée de la part de sa prude voisine. Il apprécia la température douce qui régnait chez lui, malgré l’absence de chauffage. L’habitation avait bien emmagasiné le rayonnement diurne du soleil d’automne. L’hiver approchait et il se sentait prêt à l’affronter. Il ne lui restait plus qu’à effectuer l’achat. C’était quasiment l’achat le plus important de sa nouvelle vie.


Il avait économisé pendant des mois, euro par euro, pour pouvoir se l’offrir. En même temps, il avait vécu des mois dans un chantier qu’il réalisait lui-même, petit à petit, rognant sur tout et surtout sur la nourriture, pour financer les quelques matériaux dont il avait besoin, hors récupération. Cet achat, c’était une cuisinière, oui, une grosse cuisinière de fonte comme en avaient les grand-mères. C’était pour lui LA solution pour limiter sa consommation de gaz. Il avait trouvé cet engin sur Internet et avait tout de suite été séduit : ça permettait avec un seul foyer de se chauffer, de chauffer de l’eau et de faire la cuisine. Génial ! Il avait donc décidé de réunir la cuisine avec le grand salon-salle à manger et de placer la cuisinière entre les deux. Pourquoi pas, comme autrefois, la grande pièce à vivre où l’on faisait tout ? C’est un très bel objet en plus, avec sa fonte noire et ses poignées de laiton. Il a donc cassé des cloisons, il en a construit d’autres pour enfermer l’escalier montant à l’étage et qui allait aspirer toute la chaleur, il a modifié le circuit de chauffage, avec des vannes, pour amener à la cuisinière des tuyaux alimentant les radiateurs de la salle d’eau, de la chambre et du bureau, et fabriquer l’eau chaude dans le ballon. Il a stocké une montagne de palettes bien découpées pour l’alimenter.


Le problème était que cet engin coûte désormais horriblement cher sur Internet, plus de trois mille euros. Il allait donc être contraint d’économiser encore une année de plus. Mais en faisant ses tournées « palettes et polystyrène », il a discuté ici et là et a fini par dénicher un marchand de poêles à bois bougon, dans un village voisin, qui le reçut comme un chien dans un jeu de quilles.



Il l’entraîna dans une arrière-cour sordide, envahie de hautes herbes et remplie de déchets divers et alla dans un hangar sombre dans le même état, herbes exceptées. Il déplaça des choses, ils durent pousser une guimbarde aux pneus à plat, pour finir par découvrir, sous une bâche et un doigt de poussière et de fientes d’oiseaux, un monstre des temps passés.



Lecœur était excité comme une puce, car même s’il ne l’avait pas montré au marchand de poêles, récupérer une grosse cuisinière comme celle-là gratuitement c’était inespéré. Il chercha partout, contacta des déménageurs qui refusèrent ou demandèrent des prix démentiels. La solution vint encore une fois des magasiniers qui lui fournissaient palettes et emballages : emprunter un chariot élévateur pour un week-end et louer un camion-plateau, ceux qui servent à transporter des voitures, très bas avec deux rampes. Le chariot permettrait de soulever la bête, de la sortir du hangar et, sans même la poser au sol, il grimperait sur le plateau pour faire le trajet jusque chez lui. Eux se chargeaient du chariot auprès de leur patron, à lui de louer le camion. Il lui fallut attendre plusieurs semaines, car un camion-plateau sans permis poids-lourd, ça existait mais c’était très demandé, notamment pour transporter des voitures de collection. Il retint le véhicule pour le premier week-end disponible et prévint ses acolytes. Puis il retourna chez le marchand de poêles pour conclure l’affaire, démonter tout ce qui était démontable et surtout dégager un passage pour le chariot-élévateur. Le bonhomme traînait derrière lui, mains dans les poches et cigarette au bec, goguenard.



La vie est pleine de surprises et le monde est très petit. Dire qu’hier encore, Lecœur était attelé aux fesses de Madame Labielle et la lutinait fougueusement en pensant à Virginie et à tous les mystères que cachaient encore ses vêtements hideux ! Il travailla jusqu’à ce que la nuit le chasse dans ce vieux hangar sombre, sale et plein de fuites. Il rentra, la Clio pleine de pièces diverses qui pesaient déjà leur poids. Il avait entrepris de donner aux éléments de laiton leur éclat d’origine quand on sonna au portail.



Virginie était méconnaissable. La silhouette moulée dans un tailleur près du corps d’un très beau vert amande, la coiffure aux épaules, remplaçant l’affreux chignon de dame patronnesse, encadrait un visage discrètement maquillé, avec des lunettes légères traitées anti-reflets, des escarpins mi-hauts à large talons, elle était… à croquer.



Elle partit en faisant un tour sur elle-même, juste pour ravir encore une fois les yeux ébahis de son voisin, ce qui semblait beaucoup l’amuser. Quel âge pouvait-elle avoir ? La trentaine à tout casser, si la Labielle en a trente-cinq… C’est vrai qu’elle a moins « d’heures de vol » aussi. Elle a vraiment beaucoup de classe et beaucoup de charme. Elle ne tardera pas à trouver chaussure à son pied.


L’affaire fut plus délicate que prévu. Tout se passa bien jusqu’à l’arrivée à la maison. Mais pour lever la cuisinière jusqu’au balcon, le chariot devait s’engager dans la descente de garage. Et là, la cuisinière plus lourde que lui avait tendance à le faire basculer. Et puis comment faire une fois qu’elle serait hissée au niveau de la rambarde ? La descendre à la main semblait impossible. Les magasiniers partirent chercher une poutre métallique IPN et, pendant ce temps, Lecœur découpa la rambarde métallique à la disqueuse, juste en face de la porte-fenêtre. Il la ressouderait après. La poutre posée sur les murets de la descente de garage, ils installèrent les rampes métalliques du camion dessus, ce qui faisait une pente inversée, mais c’était mieux ainsi. Vers seize heures, la cuisinière fut enfin déposée au bon niveau. En la soulevant légèrement avec deux diables, deux hommes à chaque extrémité suant et ahanant, ils finirent par la mettre à sa place définitive. Ouf ! Lecœur fit sauter le bouchon d’une de ses dernières bouteilles de champagne gardées d’un lointain passé et récompensa grassement ses trois aides. Après tout, il fallait bien que la somme épargnée serve à quelque chose, et il n’en dépensait que la moitié. Il retourna remercier le marchand de poêles en lui apportant sa dernière caisse de grand Bordeaux qui ne suscita qu’une remarque :



Dès le lendemain, il se mit en devoir de remonter toutes les pièces de la cuisinière, brancher le tuyau de fumée, et il tenta sa première flambée. Bigre ! La température de la pièce, même grande, augmenta significativement, ce qui augurait bien pour l’hiver. Ensuite, il fallut ressouder la rambarde, son petit poste à soudure ferait l’affaire. Le tout bien calé avec des morceaux de bois et des serre-joints, il entama ses soudures derrière son masque.



L’expression le fit sourire intérieurement ; « garde-au-corps » et « balcon », des mots qui convenaient bien à ce joli corps avec du monde au balcon.



Elle ne se fit pas prier. Il lui montra sa belle cuisinière et lui narra son histoire, pas tout à fait innocemment.



Elle savait qu’il savait, les gens du village avaient parlé, trop contents de faire encore des gorges chaudes d’un passé qu’elle voulait désespérément oublier.



Les yeux pleins de larmes, elle tourna les talons en laissant Lecœur décontenancé. Pauvre fille ! Désormais, ils ne firent plus que se saluer poliment par-dessus la haie de cyprès.



La journée Pôle Emploi ne fut pas plus réjouissante. Les indemnités de chômage étaient à leur terme, il fallut remplir un dossier RSA, et désormais percevoir la somme rondelette de cinq cent cinquante euros par mois ! Une fortune ! Allez payer trois mille euros par an de taxes foncière et d’habitation : six mois de RSA !



Mendier aux impôts, mendier aux Restos du cœur, Lecœur devenait soudain mendiant, peut-être bientôt SDF. Il rentra avec le moral dans les chaussettes. Il alluma une flambée et se fit cuire un œuf, le dernier de son frigo vide. On frappa à la porte, quelqu’un qui n’avait même pas sonné.



Lecœur la raccompagna sans même remarquer son jean’s moulant et son petit pull angora qui mettait en évidence deux seins assez petits mais terriblement fermes et drus. Il voulut prendre une douche, mais l’eau était à peine tiède, son système ne fonctionnait pas aussi bien qu’espéré. Il alla se coucher dépité, dans une chambre très fraîche.


Le lendemain était un autre jour, un samedi, jour de marché. Son moral s’était renforcé, la petite voisine avait raison, il ne fallait pas baisser les bras. Il s’autorisa à prélever sur le reste de sa cagnotte « cuisinière » de quoi acheter deux poulettes, et les installa dans son jardin. Des portillons, datant de l’époque de ses parents qui avaient un chien, fermaient l’espace arrière. Il leur construisit une cabane en bois de palettes pendant le week-end, entre deux lessives, et Virginie le relança pour ses travaux. Soucieuse de son état, elle l’invita à partager un délicieux rosbif aux haricots verts.



Ils inspectèrent ensemble la maison, mais cette fois dans l’intention de la transformer. Lecœur sonna les cloisons, repérant celles qui pouvaient tomber et celles qu’il ne fallait pas toucher. Mais comme la maison était petite, environ huit mètres par huit, il semblait qu’aucune ne fut porteuse. On pouvait faire ce que l’on voulait. Virginie voulait faire a minima. D’accord pour réunir cuisine et salon pour un grand espace traversant avec cuisine américaine, mais le reste n’avait besoin que d’être rafraîchi : deux chambres, dont l’une lui servait de bureau depuis le décès de sa mère, une salle de bains où elle voulait remplacer la baignoire par une douche à l’italienne et des toilettes en bout de couloir. Lecœur se dit qu’en un mois l’affaire serait pliée. C’est en examinant de plus près les installations qu’il changea d’avis. L’électricité n’était plus aux normes depuis belle lurette, la plomberie était si fatiguée et entartrée qu’elle ne supporterait pas de transformations et le chauffage était totalement obsolète, chaudière comme radiateurs et tuyaux.



Douce et timide, Virginie savait être maîtresse-femme quand il le fallait. Et là, elle a vraiment eu froid dans le dos.



Fille tardive d’un petit postier et d’une mécanicienne en confection, son père avait succombé à une crise cardiaque peu de temps après sa retraite, dont il n’avait pas profité. Sa mère avait perdu son emploi à cause des importations d’Asie depuis longtemps. Elle était restée à la maison pour élever leur fille unique, fruit tardif et improbable de leur amour sans défaillance. Cette enfant incarnait leur bonheur de vivre, grandissant dans un environnement paisible et modeste, respectueux de tout. Intelligente, elle réussit ses études et devint ce qu’elle souhaitait, professeur. Ils en étaient si fiers… Elle n’eut pas le cœur d’abandonner à sa solitude sa mère veuve et resta vivre avec elle. Pourquoi, pour qui serait-elle partie, elle dont l’apparence surannée et timide n’attirait personne dans un monde de paillettes trop bruyant à son goût. Non, son idéal masculin, elle le voyait passer chaque jour au volant de sa Mercedes, symbole de sa réussite, sûr de lui et de son pouvoir. Il était très gentil cependant, avait toujours un mot aimable pour ses parents, et un petit « Bonjour Mademoiselle » pour elle. Elle n’osa même pas lui parler de sa fille qui, un jour en classe, l’avait traitée avec tout son mépris. Par respect pour cet homme, elle n’avait pas osé demander un conseil de discipline pourtant mérité. Juste une retenue que la gamine n’avait pas faite, envoyant sa mère chez le proviseur pour tout mettre sur le dos de la petite prof.


La vie offre des retournements de situation inattendus. Aujourd’hui, elle était là devant lui, auprès de cette grosse cuisinière, mangeant l’omelette qu’elle avait confectionnée avec ses œufs frais et l’oseille de son jardin.



Il la trouvait merveilleuse et si facile à vivre depuis qu’il l’hébergeait. Les travaux étaient bien entamés dans la petite maison. Il avait commencé par isoler les combles, accessibles par une trappe, pour éviter de tout salir quand le reste serait fini. Et rien qu’avec cela, il n’avait plus du tout froid, surtout en travaillant. Ensuite il avait tout démonté : baignoire, lavabo, toilettes, évier, radiateurs, chaudière, des mètres de tuyaux, et tout porté à la déchetterie. Il avait également cassé les cloisons à supprimer, et l’espace ainsi dégagé ravissait Virginie, c’était le principal. Maintenant, il refaisait les circuits, patiemment, méthodiquement depuis le sous-sol. Un à un, les nouveaux éléments trouvaient leur place. Au tableau électrique, une gerbe de fils de couleur sortaient des gaines, toutes repérées.



Au bout de deux mois, la salle d’eau et les toilettes étaient terminés et opérationnels. La nouvelle chaudière à condensation avait été testée, mais il fallait démonter à nouveau les radiateurs pour faire les papiers-peints. La cuisine américaine était presque terminée, il ne restait plus qu’à poser le carrelage pour qu’elle le soit définitivement. Lecœur gardait pour la fin l’isolation par l’extérieur, comme chez lui, mais avec des matériaux dédiés bien plus faciles à mettre en œuvre. Il redoutait presque de voir la fin des travaux approcher et le bel oiseau retourner dans sa cage en le laissant seul.


C’est pourtant ce qui arriva un jour, trois mois et dix-huit jours exactement après le début du chantier. Le quatre-pièces de Mademoiselle Cotine était terminé, fonctionnel, isolé, sentant bon le neuf et ne comportant plus aucune trace du passé. Virginie ré-emménagea totalement, ravie par son nouvel environnement. Il faisait encore bien froid en cette fin février, mais la chaudière n’allait pas tarder à fabriquer du gaz ! Avec l’isolation et ses performances, elle ne consommait presque rien. En plus, les travaux durant les mois d’hiver avaient économisé plus de deux mille euros de chauffage habituellement consommé. C’était le bonheur… en principe. Mais le samedi suivant, elle frappa à la porte de Lecœur.



Dans un premier temps, il n’osa pas bouger, il était trop ému. Et puis c’était la première fois qu’elle l’appelait par son prénom. Enfin, il se décida, fort embarrassé, à lui passer une main sur les cheveux, lui posant l’autre sur l’épaule.



Et sans plus attendre de réponse, elle se hissa sur la pointe des pieds, plaqua sa bouche sur celle de Lecœur et en força l’entrée de sa petite langue pointue. Comme c’était bon, à la fois chaud et frais, et ce petit corps serré contre le sien, ses seins drus perforant son poitrail, ses mains douces lui prenant le visage. Le souffle lui manquait mais peu importait, mourir dans de telles conditions serait une bénédiction. Il se laissa aller, la saisit à pleins bras, caressa sa taille, son dos, ses hanches ses fesses et bandait à en éclater. Elle se recula un instant, détacha la chemise pour enfouir aussitôt son museau avide dans la toison du torse aimé, l’embrassant, le léchant, le humant. Elle était comme possédée, serpentant sans relâche contre ce corps désiré en grognant comme un marcassin à la tétée. Ce faisant, elle le poussa vers la chambre et il recula jusqu’au lit. Soudain, elle s’arrêta net et le regarda, les prunelles dilatées :



Il la dépouilla lentement de ses vêtements, les laissant tomber au sol puis la prit dans ses bras maigres mais puissants, la souleva de terre et la déposa sur le lit comme un objet d’art de grande valeur. Il est vrai qu’elle était magnifique dans le plus simple appareil, pas de ces beautés excessives de magazines, non, de cette beauté qui vient de l’intérieur et qui irradie un corps simple mais parfait, blanc, harmonieux, délicat. Il n’en finissait pas de s’en ravir le regard, osant à peine la toucher du bout des doigts. Elle frissonna lorsqu’il parcourut son échine, frémit quand il tournoya autour de ses seins, gémit quand il traça les bords d’un triangle délicieusement en friche, sans « ticket de métro » ni même de « maillot ». Elle exulta quand sa bouche aspira ses tétons, elle battit l’air de ses petits pieds quand il la plongea entre ses cuisses. Le sang battait à ses oreilles comme un tambour annonçant l’arrivée d’une armée qui déferla depuis son ventre jusqu’à son cerveau où la bataille fit rage, alors qu’un incendie ravageait tout son corps. Elle crut se défendre en s’arquant des talons à la nuque, mais rien n’arrêtait cette langue chaude, humide, gourmande, fouineuse qui la fouillait du petit bouton rose à l’anus et repartait dans sa tournée incessante. Son ventre tout entier se liquéfiait et la honte s’ajouta à son trouble car elle allait pisser et ne pouvait plus se retenir. Mais son amant adroit se régalait de ce jus poivré qui sourdait abondant et cristallin. Ses doigts se joignirent à sa langue et sondèrent cette trompette de chair encore si étroite, trouvant un hymen déjà bien perforé en son centre et qui ne devrait pas poser problème. Il y engagea un doigt avec délicatesse, aspirant entre ses lèvres le petit bouton rose. Par ses gesticulations incontrôlées, c’est la belle elle-même qui finit sans même s’en rendre compte de détruire la fine membrane, témoin de sa pureté. Elle explosa soudain en soubresauts violents, l’instant qu’il avait choisi pour s’étendre sur elle, contrôler ses spasmes de tout son poids et engager son gland dans le couloir inexploré. Elle avait encore de la sueur sous le nez et au creux du menton, un regard de cheval fou lorsqu’elle comprit que son sexe était progressivement envahi par celui de son amant. Elle gémit sans trop savoir pourquoi, cri rauque et animal de femelle se laissant couvrir. Elle ne souffrait pas, mais était juste surprise de sentir ce puissant barreau de chair chaude avancer inexorablement au creux de ses entrailles. Elle enlaça son amant des quatre membres et le serra très fort, une fois qu’il fut arrivé au fond de son ventre brûlant. Lui était au paradis depuis qu’elle s’était jetée sur lui. Il ne cessait de la humer de sa chatte à ses cheveux, se délectant de ses fragrances qui ne sortaient ni de chez Chanel ni de chez Dior, mais d’un petit corps propret aux fumets très discrets. Sa vieille queue avait pourfendu un certain nombre de chattes de toutes sortes, mais jamais il n’avait ressenti une telle plénitude, ce bonheur unique d’être le premier, l’insigne honneur d’avoir à commencer la vie sexuelle d’une jeune femme, si douce, si adorable, si délicate. Évidemment qu’il en était tombé amoureux dès le premier jour. Mais il vivait une telle période de frustrations de toute nature qu’au bout de ces trois mois il s’était encore fait une raison. Si ça n’avait pas été, alors ce ne serait plus. Et puis si, elle était là, sous lui et il était là, en elle.


Quel jour sommes-nous ? moulinait sa cervelle. Il faut que je m’en souvienne, c’est le plus beau jour de ma vie !


Dans sa tête également, les connexions ne se faisaient plus très bien et la situation le perturbait sévèrement. Il se souleva un peu et chercha son regard, écartant d’un doigt les cheveux qui collaient à son front. Il se mit à osciller du bassin sans lâcher ses yeux, elle ouvrit une bouche ronde, respirant fort. Elle ne pouvait pas parler mais son regard lui disait « je t’aime ». Il bougea plus fort, plus vite, sa respiration s’accéléra. Ses mouvements prirent de l’amplitude et sa bouche ronde se dilata, laissant voir sa parfaite rangée de quenottes serrées. Ses yeux se plissaient et tout son visage passait de l’étonnement à une sorte de rage. Elle jetait maintenant son bassin contre le sien, cherchant à apaiser le besoin vital de se sentir pilonnée par son mâle.


Voilà le vrai désir, pensa-t-il, ce besoin impérieux que seul le coït peut satisfaire… Et normalement, si je tiens assez longtemps, on devrait aboutir au vrai plaisir.


Et le vrai plaisir arriva très vite. Elle se mit à rugir, frappant le lit et griffant son dos alternativement. Elle jetait si fort son bassin contre le sien qu’il en avait mal aux testicules. Puis ce fut l’explosion, si violente qu’il en fut décollé du lit, retomba sur et en elle provocant une seconde secousse sismique suivie de répliques plus faibles. Ce prodigieux orgasme laissa Armand abasourdi et il n’eut même pas le temps ni le réflexe de se retirer, son jet de semence partit en elle. Après tout… tant pis, se dit-il… il existe la pilule du lendemain, il faudra juste courir la pharmacie de garde un dimanche. Ils restèrent longtemps ainsi imbriqués, jusqu’à ce que le vagin se referme et expulse naturellement le pénis rétrécissant. Elle fit un petit « oh ! » et ils rirent ensemble et s’étendirent côte à côte, épuisés, en sueur. Un frisson la fit bondir à la douche, il l’y rejoignit, requérant le privilège de la savonner toute entière, gavant ses sens excités de ce fabuleux contact glissant qui la rendait à la fois insaisissable et tellement palpable. Il lui doucha longuement la vulve, essayant de rincer au mieux ce vagin encore un peu ouvert.



Ce qu’il y avait de bien, c’est qu’elle était restée la même : discrète, timide, travailleuse, attentive, gentille. La vie avait repris un cours normal, sauf qu’elle vivait chez lui. Il lui arriva cependant de devoir aller se doucher dans sa maisonnette parce que la cuisinière d’Armand s’était éteinte prématurément.





…oooOOOooo…



Madame Labielle regarda partir la Mercedes.





Dans la voiture, le couple devisait tranquillement.