n° 19697 | Fiche technique | 28109 caractères | 28109Temps de lecture estimé : 16 mn | 09/07/20 |
Résumé: Un marin-pêcheur normand s'offre une nouvelle vie dans le nouveau monde. | ||||
Critères: fh couleurs extracon grossexe voyage fsoumise hdomine fellation pénétratio fsodo historique -historiqu | ||||
Auteur : Roy Suffer (Vieil épicurien) Envoi mini-message |
DEBUT de la série | Série : Nouveau Monde Chapitre 01 / 02 | Épisode suivant |
La grande carriole tirée par deux chevaux remonta la longue allée plantée de chênes rouges et vira devant le vaste perron dans un nuage de poussière. Le maître et le régisseur, qui conduisait l’attelage, en descendirent. Ils brossèrent d’un geste rapide les revers de leurs redingotes, souillées par les volutes farineuses de cette terre fertile. Puis ils firent descendre leur chargement, six esclaves noirs qu’ils venaient de choisir au marché de Beaumont. Il y avait là quatre hommes jeunes et robustes et deux femmes, l’une d’une trentaine d’années et l’autre à peine sortie de l’adolescence. De Longueville appela sa femme pour lui montrer ses acquisitions, notamment la plus jeune qu’il comptait lui offrir comme femme de chambre. Madame de Longueville apparut sous la galerie dans une grande robe à froufrous vert pâle. Elle aurait presque pu paraître jolie de loin, ainsi parée, si ces deux plis partant des ailes du nez et encadrant sa bouche tombante ne lui avaient pas conféré un air de perpétuel mépris ou dégoût.
Il est vrai que ces pauvres diables n’avaient guère connu d’hygiène ces derniers temps, bringuebalés de soutes puantes en écuries, d’écuries en marchés et de marchés en charrettes, sans voir une goutte d’eau pas même pour boire en pleine chaleur moite et poussiéreuse. On les fit se diriger vers leurs futurs logis, des cabanes de planches à l’écart du manoir des maîtres. Sur un caillebotis touchant un abreuvoir avec une pompe manuelle en fonte, on leur fit poser leurs haillons. On leur jeta un bout de savon et deux étrilles à chevaux, et ils durent faire leurs ablutions sous le regard du régisseur, du maître puis de la maîtresse qui vint les rejoindre un peu plus tard.
Les deux hommes se délectaient d’observer les peaux noires des femmes se couvrir de mousse blanche. La plus âgée avait des formes typiques : un cul très rebondi, des cuisses charnues, fuselées et musclées, de gros seins écartés qui ballottaient au rythme de ses mouvements. La plus jeune n’avait encore toutes ces formes qu’en promesses. Elle était fine, presque maigre, mais déjà deux jolis seins en virgules dont les pointes brunes, épaisses et dures, pointaient vers le ciel. Les deux types aux regards libidineux se disaient qu’ils allaient bien profiter de ces achats et commençaient à bander sérieusement. L’arrivée de Madame stoppa leurs envies pour le moment, ajoutant en cela le piquant de l’attente à ces désirs montants. La Longueville, elle, fit le tour de l’estrade humide et ne se priva pas non plus. Il y avait là quatre beaux mâles bien membrés, l’un d’eux surtout, plus grand, plus musclé et plus puissant que les autres, ballottait une queue d’un diamètre déjà impressionnant au repos et qui lui arrivait à mi-cuisse. La dame essaya d’imaginer ce serpent de chair dressé et prêt à cracher son venin, ce devait être impressionnant. Elle sentit soudain comme une vague de chaleur lui envahir le ventre et une humidité déborder de son intimité. Mais son sale air méprisant ne laissa rien paraître de son trouble ni à son époux, ni au régisseur. Les nègres se rinçaient maintenant mutuellement en se versant des seaux d’eau sur la tête. On leur indiqua des hardes propres qui se trouvaient plus loin, sur une barrière au soleil ; ils les mettraient lorsqu’ils seraient secs.
En fait, de Longueville avait conquis ses quartiers de noblesse après son débarquement sur le nouveau monde, un soir, dans une gargote de ce presque port sur le fleuve. Rien à voir avec les quais de granit du port de Granville où il était pêcheur. On avait juste ajouté des pontons de bois à un endroit où le fleuve puissant avait découpé la berge à l’abrupt. Sorti des planches, tout n’était que boue et puanteur, mélange de gens et de bestiaux affairés à débarquer les cargaisons et déjà à en marchander le contenu. Robert Courtin, c’était son nom de naissance, avait déjà eu maille à partir avec la maréchaussée normande, pour une sale histoire de rixe dans les ruelles de la haute ville avec un soldat de la garnison. Une querelle d’ivrognes qui avait mal tourné, et Courtin avait saigné le militaire d’un coup de surin entre les côtes. Il avait préféré quitter la masure misérable où vivait encore sa mère à Longueville et s’embarquer pour les Amériques. À peine arrivé, voilà bien qu’un breton endimanché comme un monsieur, mais bien obligé de fréquenter l’unique débit de boisson du port pour se désaltérer, lui chercha querelle parce qu’il était normand.
Le lendemain, le fleuve boueux charriait un corps qu’on identifia à ses hardes comme étant celui de Courtin. Le vrai Courtin arborait les beaux vêtements dont il avait dépouillé le breton et, à court d’idée quand on lui demanda son nom, se déclara « Marquis de Longueville ». Comme la ceinture du défunt recelait au moins deux livres de pièces d’or bien dissimulées, Courtin/de Longueville commença à goûter un peu à la vie facile des riches. Il s’offrit d’abord un bon repas bien arrosé, fit la rencontre d’une gentille dame, un peu égarée dans cet univers si masculin et si dangereux, qui accepta très vite sa protection. Il la protégea donc toute la nuit, vidant ses bourses pleines de deux mois de traversée, et agrippa son poignet au moment où la donzelle allait faire main basse sur les autres bourses, celles du breton, sonnantes et trébuchantes. Ces deux-là étaient fait pour s’entendre. La putain du port ne voulant pas laisser échapper une telle aubaine décida de ne plus lâcher Courtin d’une semelle, c’est ainsi qu’elle devint par un accord de brigands la marquise de Longueville. Ils achetèrent un attelage, retournèrent au port réclamer les plus beaux bagages débarqués et pas encore récupérés, et s’enfuirent le long du fleuve pour y construire une nouvelle vie. Arrivés à Beaumont, on leur avait dit que l’avenir était là, dans les plantations de coton. Ils dépensèrent presque toute leur richesse mal acquise pour acheter une propriété à quelqu’un qui partait plus loin vers l’ouest pour y chercher or et fortune.
La maison n’était pas très fraîche, pas immense, mais le style leur plaisait. Et ils pourraient toujours lui ajouter un étage, comme d’autres magnifiques propriétés, quand ils auraient à leur tour fait fortune. Un scribouillard, soudoyé avec une pièce d’or, leur avait fait de vrais faux papiers les intitulant à la fois mariés et nobles, bref, tout pour entamer une nouvelle vie. Cependant, comme tous les arrivants de l’ancien monde, Robert ne connaissait rien à la culture du coton et n’avait pas franchement envie de s’y casser le dos. Un grand balafré dénommé Martin eu tôt fait de le convaincre qu’il était l’homme de la situation. Lui aussi avait quelques raisons de se « mettre au vert » et de se refaire une pseudo virginité. Par chance, le précédent propriétaire avait déjà ensemencé les champs, preuve d’un départ précipité. Mais quand la fièvre de l’or vous prend…
Dans quelques semaines, le coton serait bon à ramasser, juste le temps pour les six esclaves de donner meilleur aspect à la propriété. On faucha, gratta, lessiva, usa force blanc de chaux pour donner un aspect convenable, si ce n’est coquet, au manoir qui en avait bien besoin. Car c’est ainsi que le nouveau maître nomma son bien, plantant lui-même une pancarte clinquante en bord de route :
Il était temps que le coton soit cueilli, car depuis plusieurs jours la petite communauté vivait sur le compte ouvert au magasin général du coin. Robert n’avait plus la moindre pièce en poche. Martin fixa les quotas de récolte quotidienne : deux cents livres par esclave mâle, cent cinquante pour les femmes. Tous ceux qui n’atteindraient pas ces chiffres seraient fouettés après la pesée du soir. Dès le premier jour, les sanctions tombèrent. Le colosse rapporta deux cent cinquante livres, deux autres juste deux cents, mais l’un ne fit que cent soixante, pas plus que l’aînée des femmes. Il fut fouetté. La plus jeune et la plus frêle ne dépassa pas quatre-vingt-six livres.
Heureusement, Martin ne pouvait pas tout surveiller, d’autant que la chaleur et la poussière soulevée par le vent le portaient plus vers la bouteille que vers le travail. Les esclaves s’arrangeaient entre eux, équilibrant leurs récoltes pour échapper au châtiment. La récolte se poursuivit et, en fin de semaine, maître et régisseur firent charger une carriole qu’ils partirent négocier au port. Restée seule à la plantation, la sévère catin appela le grand esclave sur lequel elle lorgnait depuis son arrivée. Elle le fit dévêtir, reluquant ce mâle avec concupiscence. Ses ongles griffèrent doucement le torse musculeux, elle tourna autour pour admirer le fessier musclé et revint à la trompe qui pendait en une courbe harmonieuse. En quelques coups de poignet habiles, le prodigieux organe prit sa taille de fonctionnement ; elle s’en délecta des deux mains et de la bouche. En deux ou trois boutons, la lourde robe glissa à terre, dévoilant un corps qui conservait d’assez beaux restes, malgré des années d’utilisation intense. D’une main et sans le moindre mot, elle attira à elle l’énorme pénis et le positionna entre ses cuisses. Le regard dans le vague, le colosse noir se soumit au désir de sa maîtresse. Rêvait-il de son pays, ou d’une épouse abandonnée ? Nul ne le sait. La Longueville ne savait qu’une chose, c’est que ce membre improbable lui donnait des sensations à la hauteur de ses espérances. Elle, la traînée de gargotes, la fille à marins, était en train de jouir comme une jouvencelle durant sa nuit de noces. Elle se fit saillir par-devant et par derrière jusqu’à ce que la queue d’ébène ne fut plus capable de se redresser.
L’esclave repartit au labeur, la maîtresse se plongea dans une baignoire de cuivre trouvée sur place dans cette bicoque. Ce n’était pas tant pour vider son ventre de l’énorme quantité de semence que le colosse y avait mis, elle savait depuis longtemps qu’elle ne pouvait pas avoir d’enfant ; mais plutôt pour chasser d’elle l’odeur puissante de la sueur de son amant, afin que Robert ne se doutât de rien. Ses ablutions terminées, elle se rhabilla correctement et s’alanguit sur un fauteuil à bascule sous l’auvent, surveillant du coin de l’œil sa main-d’œuvre, affairée à préparer la terre d’un potager. Des pulsations de son ventre dévasté lui rappelaient délicieusement la fantastique intromission du gigantesque pénis. Elle avait hâte d’être à la semaine suivante pour réitérer cette fabuleuse expérience.
De son côté, Robert guidait ses chevaux sur le chemin du retour empli d’allégresse. Le coton était vraiment une belle façon de s’enrichir. Dans la poche de sa redingote, un paquet de billets en prouvait la rentabilité : près de mille cinq cents livres pour une première semaine de récolte, pour deux chariots remplis de la précieuse cargaison ! C’était inespéré. Il avait bavé d’envie en voyant les gros producteurs repartir avec des mallettes entières de billets, mais pour des dizaines de chariots. C’est sûr, il lui fallait plus de terres et surtout plus d’esclaves. Il restait encore au moins six semaines de cueillette, près de dix mille livres à récolter. On fit ripaille ce soir-là au manoir de Longueville. Même les esclaves eurent droit à un beau morceau de lard et de bœuf bouilli dans leur brouet habituel de haricots et de pois chiches, et les hommes reçurent en prime un quart de vin. Curieusement, cette journée de presque repos et cette nourriture améliorée eurent des conséquences sur la récolte, car même la jeune négresse atteignit sans aide son quota le lendemain, et les autres le dépassèrent allègrement.
Lard, bœuf, poules, lapins entrèrent désormais dans la ration quotidienne des esclaves, et le travail s’en ressentit nettement, en plus du savoir-faire acquis petit à petit. Les chargements suivants furent encore plus lourds et le rapport plus important. L’enthousiasme de Robert augmentait en proportion du capital accumulé. La dernière récolte fut la plus laborieuse, parce qu’il fallut détacher les graines des fibres afin de conserver de la semence. Mais ainsi nettoyée, cette livraison se vendit plus cher.
Aussitôt, on arracha les cotonniers pour les brûler, seule façon d’en éliminer les parasites. On enfouit cette cendre ainsi que le fumier des écuries par un labour profond. Dès que la température le permit, on sema de nouveau. Robert Courtin ne connaissait du coton que sa chemise de marin-pêcheur. Mais il se prit de passion pour cet « or blanc » et se documenta très sérieusement sur le sujet.
Tant qu’il n’y aurait pas de décès ou de départ subit pour la « ruée vers l’or », il ne pouvait pas agrandir son domaine. La seule solution était donc de produire plus en améliorant ses rendements. Il fit installer un système d’irrigation mû par le vent, un énorme réservoir en haut d’une tour qu’un moulin remplissait en pompant l’eau d’un puits profond. Il passa des accords avec des éleveurs pour récupérer de grandes quantités de fumier, et acheta deux nouveaux esclaves affectés à cette tâche. Son capital fut sérieusement entamé par ces opérations, au grand dam de son épouse qui en aurait fait tout autre usage. Cependant, ce fut la grande année pour Robert, celle où tout a basculé, exauçant ses désirs les plus fous dans un premier temps, avant de le conduire à sa perte. Une année terrible, d’une sécheresse comme on n’en avait jamais vu de mémoire de colon. Tout grillait sur pied, même les arbres centenaires perdaient leurs feuilles comme en automne. Et bien sûr, partout les cotonniers desséchaient, rabougris, promettant une récolte calamiteuse.
Partout sauf à Longueville. Dès le soleil couché et avant la nuit, les esclaves munis d’arrosoirs, de seaux et de tous les récipients disponibles couraient entre les rangs de cotonniers, apportant un peu de cette eau salutaire qui ne venait plus du ciel. Ils arrosaient jusqu’à nuit noire et, au petit matin, ils passaient encore dans les rangs pour recouvrir la terre encore humide d’un peu de poussière ou d’herbe sèche, parfois de paille ou de feuilles mortes pour limiter l’évaporation. Quand arriva la période de la récolte, tous les planteurs faisaient grise mine. Non seulement la quantité de coton était à peine d’un tiers celle de l’année précédente, mais en plus il était laid, jaune et de piètre qualité. Le grossiste alla même jusqu’à refuser certaines productions jugées inutilisables. Ce fut la surprise lorsque Longueville et son régisseur traversèrent la ville jusqu’aux entrepôts. Même les gamins courraient autour des attelages. Non seulement la production était très abondante, mais la qualité était au rendez-vous, avec des touffes superbes et très blanches, un coton parfait. Compte tenu de sa qualité et de sa rareté, Robert négocia sa livraison à plus du triple de l’année précédente, une aubaine, une fortune.
Un à un, ses concurrents vinrent frapper à sa porte pour connaître le secret de cette réussite, qu’il ne livra pas dans un premier temps. Il prit le temps de savourer sa réussite, fit surélever sa maison d’un étage tout en rénovant le reste, pour le plus grand bonheur de sa fausse épouse qui paradait comme un paon à la saison des amours. Ce qu’il attendait patiemment arriva. Plusieurs planteurs de coton jetèrent l’éponge et optèrent pour l’aventure vers l’ouest où, paraissait-il, on trouvait encore de l’or. Notamment son plus proche voisin dont la plantation, jouxtant la sienne, était plus étroite, tout en longueur, mais allait jusqu’au fleuve. Doubler la surface cultivable signifiait doubler ses revenus, une aubaine, il acheta un bon prix à un homme dégoûté qui ne souhaitait que partir. Il lui racheta même avec la plantation les esclaves dont il n’avait plus besoin. Désormais, la maison abandonnée, assez modeste comme l’était la sienne auparavant, serait la maison des esclaves et du régisseur, chargé de les surveiller. Mais cela ne faisait pas l’affaire de Camille, son épouse, qui voulait enfin avoir des esclaves de maison à son service : cuisinière, femme de chambre et jardinier.
Joseph, qui s’appelait en fait Youssouf mais dont on avait changé le nom à son débarquement, comblait les désirs impérieux de Camille, et elle frétillait de l’avoir enfin à son entière disposition. Robert se rendit au port à l’arrivée du prochain navire pour acheter une cuisinière, une soubrette et deux costauds pour remplacer Joseph à la plantation. Dans la foule enchaînée et puante qui couvrait l’estrade, Robert crut loucher. Il se frotta les yeux et héla le marchand.
Ils discutèrent longuement. Comme Robert en achetait cinq, il en paya quatre et la jumelle lui fut donnée en prime. Elles n’avaient pas fière allure, sales et tondues. Mais son œil avisé avait tout de suite repéré un grand potentiel chez ces deux filles. Et puis il avait toujours rêvé de se faire des jumelles, il ne fallait pas rater l’occasion. Il ne les quitta pas des yeux durant la toilette collective. La future cuisinière était petite et rondouillarde, rien à voir avec les deux filles longilignes qui étalaient la mousse blanche sur leur peau foncée. Des kényanes lui avait-on dit, aux membres déliés et aux muscles bien dessinés, avec des culs pommés et surtout des petits seins en virgules dont les tétons très épais pointaient vers le ciel. Leurs visages étaient identiques, harmonieux, pommettes marquées, nez courts et retroussés, lèvres épaisses, cils très longs. Le peu de cheveux qui repoussaient semblaient bien crépus, ce qui ne manquerait pas dans quelques mois de faire deux boules noires et denses. Il bandait déjà en imaginant leurs caresses sur son ventre quand les grosses lèvres engloutiraient sa queue. Les deux costauds ne s’y trompaient pas et bandaient comme des ânes en matant les deux filles. Ils prirent un coup de cravache et se prosternèrent avant de filer avec Martin à la maison des esclaves.
En homme avisé, habillé de propre et les couilles bien vidées, Joseph les fit entrer pour leur trouver des vêtements. Le maître lui intima d’aller dans le chariot, chercher un paquet de vêtements qu’il avait rapporté.
Désormais les deux jumelles ne seraient vêtues que d’un petit tablier blanc à bordure de dentelle, couvrant à peine les seins et noué derrière au-dessus de fesses à l’air.
Sur ce, il monta dans sa chambre, située à l’exact opposé de celle de sa pseudo-épouse, accompagné des deux gazelles d’ébène. Ça couina fort dans le manoir ce soir-là. Épuisé et ruisselant de sueur, Robert sortit nu sur le balcon goûter de la timide fraîcheur montant du fleuve. Il y trouva Camille, éreintée elle aussi, vautrée sur un banc.
Dès le lendemain matin, il s’enferma dans son bureau avec son régisseur.
On traça, on prépara les terres et on sema. Robert invita alors ses collègues et concurrents à une réception qu’il voulait grandiose. Elle le fut. Ce genre de « pince-fesses » était encore assez rare, on se méfiait plutôt les uns des autres, et peu se côtoyaient, concurrence oblige. Entre l’apéritif, au champagne de France, et le repas, Robert fit une déclaration durant laquelle il révéla l’une des clés de sa récente réussite, l’irrigation. Il garda pour lui l’amendement et l’assolement, de façon à conserver une longueur d’avance sur ses concurrents. Mais ce faisant, il loua les valeurs du partage, de l’intérêt de se regrouper pour avoir un certain poids sur le marché du coton et fut en cela chaleureusement applaudi. À la demande générale, on fonda ce soir-là le « Groupement des Cotonniers de Beaumont », et il en fut naturellement élu président.
Sa vie en fut transformée. Il n’était plus une soirée où les Longueville n’étaient point les invités d’honneur. Camille était ravie, et le sourire qu’elle arborait presque en permanence gommait partiellement cette impression de dégoût profond que marquait habituellement son visage ingrat. Les autorités locales furent également conviées à Longueville, il fallait les mettre le plus possible de son côté. Parmi elles, un jeune juge rébarbatif aux compromissions, fit une apparition par politesse et saisit sans s’y mêler une conversation entre deux élus.
Il fouilla les archives et envoya force courriers en France. On lui confirma qu’aucun membre de la famille de Longueville, vieille noblesse très influente, n’était parti pour les Amériques, ce que recoupèrent les feuilles d’embarquement des différents ports. Bizarre ! Le magistrat remonta l’historique local jusqu’à l’arrivée probable de De Longueville, et tomba sur la disparition mystérieuse d’un riche breton venu tenter aventure et fortune. Le fleuve avait bien rejeté un corps, mais trop abîmé pour qu’on puisse formellement l’identifier. Il portait cependant dans ses hardes quelques papiers où l’on avait pu lire « … bert Cou… ».
Par comparaison avec la feuille d’embarquement, on en avait déduit qu’il s’agissait d’un certain Robert Courtin, recherché en Normandie pour le meurtre d’un soldat de la garnison de Granville. Le scénario se précisa dans la tête du juge, Courtin avait récidivé avec ce breton et tenté de disparaître grâce à son cadavre, lui-même adoptant un pseudonyme bidon, tiré de son village natal. Avec tout le culot de sa jeunesse, le juge accepta une seconde invitation, mais vint accompagné de deux agents qui restèrent cachés jusqu’à l’ultime moment. Il se plaça derrière Robert en grande discussion avec certains de ses pairs et appela :
Hélas, le planteur se retourna vivement, étonné qu’un « pays » l’eût ainsi reconnu.
Le scandale révolutionna toute la contrée. Courtin fut jugé et envoyé au bagne de Cayenne, quant à sa Camille, elle retrouva un réduit sordide dans le port après quelques mois de prison. Le manoir de Longueville était de nouveau à vendre.