n° 19811 | Fiche technique | 27097 caractères | 27097 4539 Temps de lecture estimé : 19 mn |
22/09/20 |
Résumé: Quarante méduimètres, c'est la tension délivrée par A'oy. Et A'oy, c'est un méduine : huit yeux, un chapeau violet translucide, des compétences en comptabilité et des tentacules agiles... | ||||
Critères: #fantastique #conte amour revede caresses cunnilingu | ||||
Auteur : Serafin Envoi mini-message |
Mélisse verrouille la porte de sa boutique, la tête enfoncée dans les épaules pour échapper aux bourrasques glacées. À nouveau, aucune vente. L’unique client de la journée s’est contenté de regarder les reliques de l’Ère des Excès – lampes, grille-pains, pompes à vélos, montres et autres objets disparus, qu’elle remet en état. Cette boutique d’antiquités, à la porte vétuste, est l’unique héritage de son père. Si tant est qu’on puisse nommer « héritage » un magasin ne permettant pas de gagner cinq sacs d’orge à la semaine.
Mélisse soupire, tourne les talons et remonte la ruelle. Le vent s’engouffre violemment entre les hauts bâtiments de bois. À défaut de clients, elle a eu le temps d’essayer de refaire marcher la montre du grand-père : une belle montre au bracelet de cuir craquelé par le temps. Une saleté de montre fonctionnant avec une pile de tension inhabituelle, trente-cinq ou quarante méduimètres à vue d’œil expert. Alors que tous les méduines font entre quatre-vingts et cent trente méduimètres. Mélisse a bricolé un convertisseur de tension de toutes pièces – la boutique d’antiquités a du bon. Mais lorsqu’elle a tenté de recharger la pile de montre via le convertisseur, ce dernier a tout bonnement explosé. Sûrement un court-circuit quelque part.
La fin du jour baigne d’une lumière désolée les façades de bois se serrant le long de la ruelle. Mélisse s’enfonce dans la neige jusqu’aux mollets, bénissant ses bottes fourrées, attendant avec impatience d’arriver à la maison. La maison, c’est ce grand appartement au premier étage où elle a toujours vécu, et qu’elle devra bientôt quitter faute de pouvoir honorer le loyer. Elle tourne à l’angle de la boutique et s’engage dans la rue principale du village de Sjensk. Il lui faut acheter du bois avant de rentrer ; le poêle en faïence en consomme un bon cabas par semaine en cette saison. Un banc de méduines flotte péniblement à quelques centimètres du sol, au milieu de la route de terre battue. Leurs tentacules sont recouverts de jambières de fourrure et leur chapeau, semblable à celui des méduses, d’une toque. Malgré cela, elles semblent engourdies, abruties par le froid. Le brûleur, situé entre les tentacules et sous le chapeau de chaque méduine, leur permet de flotter dans l’air à la façon d’une montgolfière. Et accessoirement, de ne pas geler.
Le banc de méduines nomades remonte lentement la ruelle. Aucun humain ne semble intéressé de troquer la recharge d’une lampe-torche ou d’une batterie multifonctions (luxe extrême) contre quelques billes de bois pour leur brûleur ou un peu de nourriture. Les quelques humains de la rue se pressent de rentrer chez eux, à l’abri du blizzard, où les attend une soupe chaude. Un petit méduine, bien plus petit que les autres, se traîne difficilement à la suite du groupe. Son brûleur semble sur le point de s’éteindre, ses tentacules frôlent déjà la couche de neige. Ses grands yeux d’onyx expriment une lassitude infinie.
Le manque de solidarité des méduines est incroyable, se dit Mélisse en regardant du coin de l’œil le petit méduine. Parce que ce petit ne peut produire d’électricité, il va sûrement mourir…
Il faut savoir que les jeunes méduines ne produisent pas d’électricité avant d’avoir atteint leur taille adulte. Grandir leur demande une énergie considérable. Une fois la taille adulte atteinte, cette énergie disponible se traduit en électricité, qu’ils peuvent dispenser comme bon leur semble. La tension qu’ils peuvent fournir est directement proportionnelle à leur taille. La plupart des méduines faisant entre quatre-vingts et cent centimètres, la tension minimale des appareils électrique actuels a été fixée à quatre-vingts méduimètres.
La jeune femme franchit enfin le seuil du marchand de bois. Le vendeur, Olric, est un vieil ami de son père. Il la regarde avec un large sourire ôter sa chapka givrée et libérer une touffe de cheveux noirs crépus.
Olric lui adresse un sourire amusé. Ses yeux d’un bleu très pâle pétillent étonnamment dans le visage buriné.
Il fait un signe de main vers la fenêtre. Au bout de la rue, le banc de méduines s’efface dans le blizzard.
Mélisse regarde le vieil homme d’un air horrifié.
Une silhouette aux cheveux noirs ébouriffés, sans chapka malgré le froid, remonte les ruelles à toute vitesse, tourne à l’angle de la boutique de torches, retrouve la rue. Vide. Les méduines ont disparu à l’horizon. Mélisse continue à marcher, scrutant les ruelles perpendiculaires et les encadrements des portes. Vides également. Merde, merde. Les façades à large porche succèdent aux petites entrées des boutiques. Dans l’encoche du mur ! Le petit méduine de tout à l’heure flotte à peine, ses tentacules dans la neige le soutiennent autant que son brûleur presque éteint. Pourvu qu’il ne soit pas déjà gelé.
L’humaine s’approche prudemment et sort les mains de ses poches doublées pour méduire. Méduire, c’est communiquer en une langue des signes commune aux méduines et aux humains. L’invention de cette langue a permis le commerce, et donc la cohabitation entre les deux espèces.
Le méduine la regarde fixement, réajuste son équilibre sur la pointe de ses tentacules. Il parvient enfin à en libérer deux pour méduire sa réponse :
Mélisse saute intérieurement de joie et lui indique à toute vitesse que le marché est conclu.
A’oy, car c’est ainsi qu’il lui a méduit s’appeler, a déjà repris quelques couleurs. À l’abri du blizzard et avec un brûleur flambant joyeusement, il dérive dans l’appartement, admirant les vieilles commodes, caressant le pèse-lettre en cuivre d’un tentacule songeur. Il s’est débarrassé de sa toque de fourrure et de ses jambières trempées, révélant une chair d’un violet translucide. C’est presque un miracle qu’aucune de ses extrémités n’aie gelé dans des conditions pareilles. Mélisse, de son côté, s’active aux fourneaux. Ce soir, c’est pizza en l’honneur du méduine. Une immense pizza pour elle – le froid, ça creuse – et plusieurs pizzas miniatures, au diamètre du méduine. Le tout au feu de bois, qui répand une douce chaleur dans la cuisine.
La jeune femme ne peut s’empêcher de sourire en regardant A’oy s’empiffrer de sa quatrième mini-pizza. Peu de gens le savent, car elle est solitaire, mais elle aussi talentueuse en cuisine qu’avec une caisse à outils – et ce n’est pas peu dire. Mais le regarder manger semble presque voyeur, tant le geste est intime. A’oy a déposé son brûleur avant dîner, se déplaçant sur la table grâce à ses tentacules. Il semble s’asseoir sur sa pizza et reste ainsi quelques minutes, posé sur l’assiette, le temps que les muqueuses de sa cavité buccale absorbent la nourriture. Ses grands yeux dépourvus de paupières sont absents tandis qu’il savoure la mozzarella. Les pizzas doivent être la raison de la paix entre nos deux peuples, s’amuse Mélisse. Avec l’interdépendance énergétique naturellement.
Le chemin vers la boutique semble bien plus court qu’à l’accoutumée. Le soleil matinal donne toute sa fierté au village de Sjensk, et méduire avec A’oy se révèle passionnant. Le petit méduine, avant de faire partie de la horde nomade, a travaillé plusieurs années avec un comptable de Gansk, une cinquantaine de kilomètres à l’est. Cet humain avait une calculatrice sans batterie, de sorte que la présence d’A’oy à ses côtés était constamment requise. Le méduine avait ainsi appris à lire, et s’était découvert un intérêt pour la comptabilité. À tel point que le comptable s’était senti menacé et l’avait mis à la porte. A’oy avait été profondément blessé de cette trahison, et avait préféré tenter une vie nomade plutôt que de retrouver un binôme humain. Mais la vie sans abri est rude, et a fortiori lorsqu’on ne fait que quarante méduimètres.
La lascivité avec laquelle A’oy flotte contraste fortement avec les arcs électriques qui se forment entre ses tentacules et la montre. C’est comme s’il transférait toute son énergie, toute sa vitalité, dans la pile-bouton. L’aiguille des heures tressaute, avance d’un cheveu, et revient à sa position initiale. Enfin, la grande aiguille fait un pas vers le midi avec un tic sonore. Mélisse voudrait prendre le méduine dans ses bras et sauter de joie ; mais elle n’ose déranger son intense concentration. Au lieu de cela, elle se lève pour préparer un thé. Les feuilles de thé sont devenues un luxe hors de prix depuis l’Ère des Excès, mais l’occasion mérite célébration. Et la présence d’A’oy également.
Méduine et humaine sont assis côte à côte sur deux chaises aux lignes épurées – encore des antiquités de Mélisse – et sirotent leur thé. La montre du grand-père est chargée et ronronne ; leur contrat s’arrête là. L’air est épais et trouble. A’oy méduit quelques mots, s’interrompt, hésite, puis continue. Il pense continuer à flotter dans la région de Sjensk, il pourrait repasser d’ici quelques mois lorsque la pile de montre sera à nouveau vide. Il ferait même un détour pour une de ces délicieuses pizzas et la compagnie humaine allant avec, ajoute-t-il avec un clin d’œil (il faut avoir vu un jour un méduine faire un clin d’œil : en l’absence de paupières, c’est le chapeau entier qui se contracte sur l’un des huit yeux. Et parfois, ne faisant pas attention, le méduine cligne de l’œil opposé à son interlocuteur, de sorte que celui-ci voit seulement le chapeau se distendre puis reprendre sa forme). Mélisse savoure le compliment, mais vu l’état de ses finances, il est probable qu’elle n’ait plus ni montre ni boutique ni toit d’ici ces quelques mois.
A’oy la fixe attentivement lorsqu’elle lui méduit, avec moult gestes et erreurs syntaxiques sous l’émotion, ses déboires depuis la mort de son père : la boutique pour seule source de revenus, les impayés qui s’accumulent, les acheteurs frileux. A’oy s’agite inconfortablement. Les méduines ne se préoccupent pas des problèmes humains, mais la jeune femme aux cheveux fous le touche. Ce n’est pas avec quarante méduimètres de tension qu’il pourrait l’aider, mais…
Elle le fixe, incrédule.
Mélisse se lève, pensive. L’œuvre de son père combinée à une pizzeria pour méduines… Le pauvre homme se retournerait dans sa tombe s’il l’apprenait. Mais le vieux fou l’a également laissée avec rien qu’un commerce moribond.
Mélisse regarde le petit méduine flotter autour de la table, détaille le chapeau marbré de veines sombres, les tentacules pâles et frêles, les yeux d’onyx répartis autour de son chapeau. Venir à la boutique seule demain, attendre un éventuel client en l’imaginant errer seul dans la toundra glacée…
[1 mois plus tard]
Mélisse sort un sandwich de son sac, en mort nerveusement un bout. La première ouverture du restaurant est dans très exactement treize minutes. La pâte à pizza a reposé, les garnitures sont prêtes. Elle jette un œil dans la salle. A’oy flotte au milieu des tables de bar – agencement fait par un méduine pour des méduines – mettant ici un coup de chiffon, là une bougie. Il lui adresse un signe d’encouragement des huit tentacules à la fois.
[2 mois plus tard]
Les fleurs s’épanouissent autour d’eux. Les tentacules d’A’oy sont libres de jambières, les cheveux crépus de Mélisse ne sont plus retenus par une chapka. Les deux compères se promènent dans la toundra printanière, discutant des derniers potins du village et de souvenirs d’enfance. Moqueuse, Mélisse grattouille du bout des doigts le chapeau du méduine. Faussement outré, celui-ci lui décoche un coup de tentacule sur l’épaule – ce qui le propulse lui-même en arrière. L’humaine éclate de rire face à la déconvenue du méduine.
A’oy regarde Mélisse rire. Ce n’est pas beau, un humain qui rit : le visage tout entier se fronce, la bouche s’ouvre et dévoile les mâchoires, les yeux se ferment. Et pourtant… Pourtant, il aime regarder Mélisse rire. Elle est belle quand elle rit.
[3 mois plus tard]
Une petite serviette blanche élégamment posée sur un tentacule, A’oy circule entre les tables et les canapés, prenant les commandes pour les méduines, amenant l’addition aux humains, enchaînant additions, différences et totaux pour tous.
A’oy lève ses huit yeux au ciel. Mélisse sourit, prend sa toque de chef et sort des cuisines. Usant de tout son charme, elle n’a aucun mal à convaincre l’ermite usé qu’il désire plus que tout au monde une Quattro Formaggi.
[4 mois plus tard]
A’oy flotte dans la cuisine de l’appartement, jonglant avec des cacahuètes.
Une, deux, puis une demi-douzaine de cacahuètes passent par-dessus le chapeau du méduine, repassent dans l’autre sens. Mélisse blêmit.
Une salve de cacahuètes s’envole vers le plafond pendant A’oy fait deux tours sur lui-même. Et s’emmêle les tentacules. Et atterris dans le bol d’arachides.
Mélisse s’enfuit en riant sous le bombardement de cacahuètes.
[5 mois plus tard]
Mélisse se réveille en sursaut. Ce n’était rien qu’un mauvais rêve, se morigène-t-elle. N’empêche… C’était un rêve, ça oui. Mais mauvais ? Si elle est tout à fait honnête avec elle, ces ventouses sur sa peau étaient douces. Sensuelles. Excitantes. Le parcours des tentacules sur elles. Sournois. Insidieux. Délicieux. Ces tentacules d’un violet translucide, comme…
[6 mois plus tard]
Le méduine flotte au-dessus de son bureau, plume et encre de seiche au tentacule, quand entre Mélisse. Ses cheveux crépus portent des traces de givre – la saison chaude a été brève cette année. Elle se laisse tomber sur le fauteuil à côté d’A’oy ; c’est le jour de vérité.
Cette fois, elle ne se prive pas de le prendre dans ses bras et de le faire tournoyer.
Quelques gouttes ont volé des cheveux de Mélisse sur le chapeau d’A’oy où elles glissent paresseusement, soulignant la délicatesse de la chair translucide. Mélisse craque. Pose ses lèvres sur le chapeau d’A’oy. Et, délicatement, capte de sa langue les gouttelettes éparses.
Mélisse sent un tentacule se poser sur sa joue, caressant, souple, frais… puis la caresse se mue en pression, la repoussant. Les autres tentacules méduisent à toute vitesse :
A’oy quitte précipitamment la pièce, laissant en plan le livre de comptes ouvert et la bouteille d’encre renversée.
Il reviendra, se dit Mélisse en pétrissant énergiquement la pâte à pizza. Il reviendra.
La pâte repose, monte, et monte encore. Pas trace de méduine à la porte de l’appartement. Le froid qui règne à nouveau n’incite pourtant pas à flâner. Étaler la sauce tomate. Râper le fromage. Mélisse agit par automatismes. Ne pas se poser de questions. Olives. Mozzarella. Il adore l’authentique mozzarella di buffala. Ne pas s’inquiéter. Câpres. On sonne à la porte. Sur le seuil flotte le petit méduine, plus bleu que mauve.
Mélisse ne peut s’empêcher de sourire tant le mot est lui-même inapproprié pour décrire ce qu’elle ressent.
Mélisse savoure sa part de Margherita, installée dans le canapé, en regardant A’oy se poser délicatement sur la sienne. On peut presque voir la pizza disparaître à travers le chapeau translucide.
Le tressautement soudain du chapeau d’A’oy indique son fou rire.
Le tentacule descend de son oreille vers sa joue, frôle le coin des lèvres. Un second tentacule rejoint la joue opposée, caresse les cheveux, se glisse derrière sa nuque. Mélisse attire à elle le méduine, pose son front contre le chapeau, savoure le toucher frais et lisse. La fumée du brûleur d’A’oy lui pique les yeux. Un regard. Un hochement. Mélisse souffle le brûleur et retire lentement les suspentes du haut des tentacules.
Privé de moyen de vol, A’oy entame une lente descente vers le buste de Mélisse. S’y pose. Presse doucement, de sa force tentaculaire, la nuque et le cou qui s’offrent à lui. Mélisse s’abandonne instinctivement, lascivement. Les tentacules frôlent sa mâchoire, remontent, hissant A’oy au niveau de son visage. Deux yeux bruns chocolat rencontrent quelques yeux d’onyx. Enfin. Mélisse sourit. Un tentacule aventureux glisse vers ses lèvres, en parcourt le contour. Se faufile entre les lèvres entrouvertes. Court le long des dents, franchit l’obstacle. Et vient jouer avec la langue. Rose et mauve, papilles et ventouses s’enlacent, s’entremêlent. Mélisse découvre la fermeté du tentacule, le velouté des ventouses, l’harmonie du ballet qu’ils sont en train de danser.
Un second tentacule rejoint le premier, s’amusant d’une langue qui ne sait plus où donner de la tête. Un troisième se pose sur sa joue, y dessine de lents motifs. Un quatrième rejoint sa nuque, caresse cet endroit si doux et si sensible. Un autre encore s’enroule autour de son oreille, en chatouille délicieusement les plis. Ce n’est pas un baiser, c’est une union entière entre son visage et A’oy. Lequel ne semble pas près de s’apaiser.
Le méduine retire lentement les deux tentacules de la bouche de Mélisse, laissant sa langue se languir de ses compagnons de jeu. Il entame une descente humide sur la gorge de Mélisse. Le chemisier de cette dernière ne résiste pas longtemps aux huit tentacules coordonnés, et son buste apparaît. Entre les seins, là où la peau est si fine, gît un médaillon gravé dans la chair. A’oy tangue sur ses tentacules jusqu’à l’un des deux monticules qu’il gravit sans façon. Il se pose sur l’aréole d’un rose pâle, l’englobant totalement. Et commence à contracter son chapeau en de lentes et profondes succions. Mélisse en a le souffle coupé. Les tentacules du méduine s’ajoutent au jeu et massent, caressent, palpent, roulent la tendre chair du sein.
Le méduine s’active sans relâche, tirant de petits gémissements à Mélisse. La jeune femme n’est pas restée inactive et torture délicieusement le mamelon laissé solitaire. Elle se tortille sous les caresses conjuguées – c’est trop bon. Et se retrouve, de façon totalement inattendue, traversée par une série d’ondes de plaisir.
Mélisse rit en serrant le méduine dans ses bras. Tous deux restent ainsi enlacés, savourant le toucher de l’autre.
Elle se redresse sur un bras, le regardant.
Il hoche du chapeau. Un sourire mutin s’installe sur le visage de Mélisse. Elle s’adosse, saisit précautionneusement A’oy et le pose sur sa bouche. Ses lèvres effleurent les bords du chapeau, jouent sensuellement avec la corolle. Puis laissent le passage à une langue toute curieuse de goûter cette partie si fragile du méduine. Méduine qui, à la première léchouille, se tortille de plaisir sur le visage de Mélisse. Encouragée, elle continue à explorer de la langue la cavité buccale : une peau très fine, comme on s’y attendrait pour un être humain, mais infiniment plus veloutée, lisse et fraîche. La langue de Mélisse se fait tantôt large et douce, tantôt pointue et excitante. Elle titille délicatement les organes du méduine à travers la peau translucide. A’oy semble apprécier particulièrement les léchouilles sur le cerveau. Quelle intimité que cette caresse – donner du plaisir au siège même de l’être. Cette pensée affole Mélisse, qui se déchaîne. Elle lèche, embrasse, suçote à un rythme effréné. Le chapeau d’A’oy se remplit d’arcs électriques, indiquant son plaisir. Le méduine, tous yeux fermés, frémit sans discontinuer. À bout de souffle, Mélisse cesse ses caresses par un baiser sur le chapeau et pose doucement le méduine sur son ventre.
A’oy se love paresseusement sur son ventre en rouvrant un œil.
Mélisse éclate de rire sans retenue. Platon peut bien s’inviter, mais il ne rendra pas cet amour platonique !
La jeune femme dort paisiblement, enroulée dans de grosses couvertures scandinaves, ses cheveux fous étalés sur l’oreiller. A’oy s’est blotti dans son cou. Quelques éclairs intra-nuageux parcourent toujours son chapeau. Encore à demi endormi, il frôle du bout des tentacules la peau humaine à sa portée. Une idée le réveille soudain totalement. Et si… Il se déplie doucement, étend ses frôlements au haut du buste à sa portée. Mélisse émet un petit miaulement encourageant. A’oy appuie davantage ses caresses, passant du cou à l’épaule, du haut du bras au creux du coude.
Deux yeux bleus pâles s’ouvrent. Dans ces yeux, de la surprise, un soupçon d’inquiétude, une certaine excitation… et une curiosité certaine.
A’oy pose deux tentacules de part et d’autre du creux du coude et se concentre.
A’oy reprend place sur son bras, le parcourt amoureusement de ses tentacules souples… et envoie une petite décharge. Mélisse frémit, émet un petit miaulement de plaisir. Rasséréné, il continue ses caresses, les pimentant de petites décharges. Il va des bras vers son buste, puis son ventre, semant frôlements et picotements sur son passage. Le corps électrisé de Mélisse réagit instinctivement à son contact. A’oy continue ses caresses sur sa hanche, puis sa cuisse, son genou. L’excitation du corps sous ses tentacules augmente d’instant en instant. Par jeu, le méduine rejoint l’autre jambe. Chatouille l’arrière du genou, puis envoie une petite décharge. Fait de même en remontant sa cuisse. Et cède, enfin, à l’impatience de Mélisse.
Un premier tentacule se glisse entre les cuisses veloutées de la jeune femme, lui arrachant un gémissement. Un second vient frôler les chairs ivres de désir. Et le méduine tout entier vient se poser sur les lèvres intimes de sa victime. Il ondule sur la chair humide, suçote les muqueuses gorgées d’envie, aspire goulûment le petit bouton qui s’offre à lui. Mélisse ahane, geint de plus en plus aigu. A’oy accélère ses ondulations. Enfin, la sentant proche de l’explosion, il se fige. Et place deux tentacules de part et d’autre du clitoris. Un long cri inarticulé répond à la décharge qui traverse l’organe du plaisir.
Mélisse tressaute irrépressiblement de longs instants, puis, dans un soupir voluptueux, s’apaise. Son corps lui semble peser des tonnes lorsqu’elle se retourne vers A’oy, qui s’était mis à l’abri du déchaînement. Elle caresse son chapeau du bout des doigts, s’allonge en le serrant contre elle.
Le méduine regarde le visage radieux. Jamais sourire n’a été aussi sincère.
Mélisse éclate de rire devant l’air ahuri d’A’oy.