n° 19831 | Fiche technique | 39567 caractères | 39567 6584 Temps de lecture estimé : 27 mn |
02/10/20 |
Présentation: Petit texte pas très érotique...! | ||||
Résumé: Dans un pays imaginaire et à une époque indéterminée, Gisela enquête. | ||||
Critères: #aventure #policier #personnages fh campagne hotel hdomine pénétratio | ||||
Auteur : Charlie67 Envoi mini-message |
Dans un pays imaginaire et à une époque indéterminée, Gisela enquête.
Gisela Prytsk se réveilla en sursaut, en sueur… Les histoires de condamnation à mort n’étaient pas sa tasse de thé, loin de là.
À chaque fois qu’elle y était confrontée, la même fureur l’envahissait.
À chaque fois, le même cauchemar revenait.
À chaque fois, elle repensait à lui, Samir Lacem : coupable ou innocent ?
Gisela, à maintenant soixante-dix ans et sous les ors de la Confédération, présidait, pour quelques jours encore, la Haute Chambre d’Éthique. La HCE qui surveillait si, dans ladite Confédération, tout se passait démocratiquement, que les droits individuels étaient garantis. Que la vie s’écoulait paisiblement pour tout un chacun. Que les débordements de la police, de l’administration ou de la magistrature ne perturberaient pas la vie des confédérés.
Comme à chaque fois, pour une demande de grâce suite à une condamnation à mort, le Président Confédéral demandait l’avis de la HCE avant de rendre son arrêt. Avis le plus souvent suivi, cela l’exonérait de sa propre responsabilité. Les situations, les affaires souvent délicates, nécessitaient une analyse circonstanciée. Ses services avaient fait le job et un avis de clémence serait préconisé et pourtant… :
Pourtant, il y avait Samir Lacem… !
Quel âge avait-elle à cette époque… ? Trente ans tout au plus. Elle venait de se rendre célèbre dans des manifestations contre la peine de mort. Gisela par-ci et Gisela par-là, elle devenait la porte-parole involontaire d’une cause où son nom était mis en avant pour une gloire éphémère et imméritée.
Samir Lacem, pourquoi l’avait-il choisie, elle, et pas une autre, pourquoi… ? Sans doute, une conséquence de sa médiatisation.
**********
Quarante ans plus tôt :
D’ange, elle n’en avait pas que le sourire, mais aussi le faciès. À maintenant trente ans, sa blondeur vénitienne, ses taches de rousseur et son nez en trompette, la classaient dans les ados attardées. Attardées et attachantes du genre qui exaspère, mais que l’on a envie de protéger. Vu le caractère bien trempé et les convictions inébranlables de la jeune fille, des protections, elle n’en avait aucun besoin. Elle avait acquis une certaine notoriété dans les milieux progressistes qui se battaient, entre autres, contre la peine capitale, mais aussi contre le colonialisme rampant qui ne disait pas son nom, le gaspillage des ressources naturelles et le massacre de la nature. Bref, toutes choses qui à ce moment-là intéressaient quelques personnes et laissaient indifférente la grosse majorité.
Rédiger cet opus ne présentait aucun problème et elle expédia cela en un rien de temps. Cet encart était maintenant sur le bureau du rédacteur en chef, à lui de se débrouiller avec !
Gisela, désormais libérée des contraintes de son métier, sortit de son sac le courrier qu’elle avait reçu le matin même. Ce n’était pas le premier du genre, car tous les condamnés à mort de la confédération cherchaient désespérément une aide, un soutien. Pourtant, cette lettre était différente. Loin du ramassis des propos incohérents habituels, cette missive était structurée et circonstanciée. Elle relevait les légèretés de l’accusation, les circonstances un peu « folkloriques » du procès d’assise et surtout, surtout, le condamné se targuait de connaître le véritable coupable.
La jeune reporter voyait déjà les difficultés. Cette affaire se déroulait dans la fédération de l’extrême sud : quatre mille kilomètres ! Cela occasionnerait des frais et Mat serait dur à convaincre. Il faudrait probablement coucher. Quel ennui : le rédacteur en chef se montrait un amant déplorable…
Et puis, il y avait le dossier de cet énergumène, pas très reluisant. Escroc à la petite semaine, c’était un spécialiste de la détrousse de vieilles dames à leur domicile. Beau parleur, il avait fréquenté l’université, mais sans jamais arriver au bout de ses essais. Son premier faux pas, il le dut à sa libido débridée. À soixante-cinq balais, la dame concernée lui accorda un ramonage en bonne et due forme, mais quand le quidam força la porte interdite, les ennuis commencèrent pour lui comme pour elle. On pouvait comprendre qu’à un certain âge on ne veuille plus se faire dépuceler l’entrée de secours, mais l’air goguenard des policiers (et policières) dissuada la plaignante de pousser plus avant sa demande de réparation. Cependant, les fonctionnaires, consciencieux, firent les prélèvements et constations d’usage. Ainsi l’homme se retrouva répertorié au fichier des empreintes génétiques, section délinquant sexuel. Quand dans une affaire on retrouva un mouchoir en papier souillé de sperme et concordant avec son ADN, bien évidemment, la maréchaussée l’interpella.
Affaire sordide. La victime avait été violée et tuée. Sordide, avions-nous dit, plutôt innommable quand on avait lu l’âge de la victime : huit ans. L’enquête fut expédiée et le coupable condamné. La guillotine allait bientôt reprendre du service.
Ce que relevait ce courrier interpella tout de même Gisela. Le mouchoir avait été trouvé à plus de cent mètres de la victime et l’endroit était connu pour être non seulement un lieu de rencontres, mais aussi une décharge publique. Combien de jeunettes avaient perdu leur virginité dans les environs, nul n’aurait pu le dire, mais elles étaient nombreuses, et puis, et puis, argument suprême, l’auteur de la lettre connaissait le violeur assassin.
Convaincre Mat ne fut pas une mince affaire. Les quelques nuits, décevantes, que la belle accorda à son chef, firent bien sûr pencher la balance dans le bon sens, mais c’était surtout son argumentaire qui emporta l’affaire. Mat était certes un amant très doux et très caressant, il savait faire monter le désir à son paroxysme, mais, il y avait un mais, la suite était moins héroïque. Sa prestation s’arrêtait le plus souvent à la pose du préservatif par une éjaculation qui souillait les mains de la belle. Au mieux, la pénétration durait trois secondes et obligeait l’amante à se satisfaire, seule, dans la salle de bain.
Maintenant à l’entrée de la prison fédérale d’Al Sijn, Gisela s’interrogeait sur le motif de sa présence à cet endroit et s’inquiétait des conséquences. Sa demande de visite fut examinée et réexaminée. L’officier tournait et retournait le papier dans ses mains, embarrassé.
Gisela regarda le maton et lut dans ses yeux une réelle inquiétude. Que faisait-elle là, pensa-t-elle à nouveau, vraiment, que faisait-elle là ? Pourquoi avait-elle répondu à cet appel ?
La salle sécurisée était réellement sordide. Deux rangées de barreaux, d’un diamètre tout à fait dissuasif, la séparaient du condamné. L’homme assis derrière ces protections ne semblait pas si dangereux. Un franc sourire éclairait son visage et son niveau de langage se révéla des plus corrects.
Les protagonistes se regardaient comme des chiens de faïence, pour le moment imperméables aux questionnements de leurs locuteurs.
Gisela en venait à s’impatienter et les airs cauteleux du condamné commençaient à l’indisposer.
Quelque part, la jeune journaliste s’amusait de la situation. Un condamné à mort qui lui faisait du rentre-dedans, dans un parloir sécurisé où ils étaient séparés d’au moins cinq mètres par cette double rangée de barreaux.
Celui-ci sortit du parloir menottes aux mains, mais avec un sourire narquois au coin des lèvres. Un sourire de défi, un sourire qui, tel un coup de pied au cul, vous propulse vers votre destinée.
Gisela connaissait le dossier par cœur, à force de le potasser. Elle ne s’attendait tout de même pas à se retrouver dans une vraie décharge publique comme lieu du crime. Maintenant en milieu de journée, le ballet incessant des camions-bennes alimentait ce tas d’immondices. Quel indice pouvait être pris en compte dans un tel fatras de détritus… ? Elle ne comprenait pas et pourtant les autorités y avaient trouvé de quoi alimenter l’acte d’accusation.
La journaliste continua donc ses investigations et se rendit au commissariat. Elle eut la chance d’y trouver le lieutenant inspecteur Sullivan qui daigna la recevoir. Après les présentations d’usages, il lui offrit un siège et lui dit :
L’hostilité du policier était manifeste, mais il en fallait plus pour désarçonner la jeune femme.
Gisela, perplexe, quitta le commissariat pour y revenir dans la soirée. Le lieutenant inspecteur Durand l’y attendait. Si Sullivan avait l’aspect du campagnard mal dégrossi, Durand avait plutôt l’air de la fouine, rusée et retorse.
Gisela regarda un long moment l’officier. Il dégageait une haine bestiale, un peu comme si c’était sa propre fille qui avait été tuée.
La jeune femme jaugea encore une fois le policier et reprit.
Le condé prit la lettre et la parcourut, puis la jetant sur le bureau, il dit :
Gisela rassembla ses papiers et fit mine de tout ranger dans son attaché-case, mais au dernier moment elle darda le fonctionnaire d’un regard inquisiteur.
La reporter rassembla calmement ses affaires et sortit du commissariat, pensive.
Gisela, à nouveau dans le parloir de la prison d’Al Sijn, ne savait que croire. Samir venait de s’installer en face d’elle, tout sourire, presque hilare. Elle le regardait, dubitative.
Ils se regardèrent un long moment puis Samir reprit.
Un ange passa, les ailes chargées d’interrogations puis le condamné se décida :
Puis le prisonnier partit d’un tonitruant « Gardien » qui clôtura l’entretien.
En journaliste sérieuse, Gisela fit des recherches. Première chose troublante, Fourey et Lacem avaient occupé des cellules attenantes pendant deux mois et avaient l’air de bien s’entendre, jusqu’au jour où il fallut les séparer, Lacem voulant étrangler Fourey. Certes déconcertant, mais là où la curiosité de la reporter fut vraiment piquée au vif, était que ledit Fourey avait été signalé à quelques kilomètres de là, le jour du crime.
Comment appréhender la chose, elle ne savait. Les deux étaient des dangers publics. Enfin, pour Samir, il ne lui était reproché qu’un seul crime, le reste, c’était de la petite bière, de l’arnaque à la petite semaine, où des rombières se faisaient baiser… dans les deux sens du terme. La jeune femme trouvait que le condamné n’avait pas le genre à violer une gamine… Quoique… Elle ne savait pas.
Pour l’autre, c’était plus net, c’était un tueur. Pour un oui ou pour un non, il tuait. Toute personne qu’il rencontrait était en danger de mort. Bizarrement, il était prouvé qu’une personne l’accompagnait dans son périple sordide et pourtant il ne voulut jamais en parler. C’était une femme probablement aussi déjantée que lui, mais jamais il ne divulgua son nom.
Obtenir une visite de Michael Fourey ne fut pas une mince affaire. Si Lacem était incarcéré dans un quartier de haute sécurité, son acolyte relevait de la très haute sécurité. L’ennemi public numéro un était son sobriquet. Néanmoins le poids de son journal fit la différence, avec malheureusement, à l’appui, une nuit bien terne avec Mat.
La jeune femme se retrouva donc en face du malfrat dans des conditions de sécurité similaires à celle de l’entrevue avec Lacem.
Gisela eut un haut-le-cœur à ce demi-aveu, mais poursuivit, très professionnellement.
Mat et Gisela cogitèrent un bon moment sur la conduite à tenir. Le rédacteur en chef prit les choses en main et se rendit dans la fédération de l’extrême sud. Il réussit bien sûr à faire déplacer le procureur, le juge, les inspecteurs et tout le bas bout des instances judiciaires pour un examen du tuyau incriminé. À la surprise des autorités, celui-ci contenait bien un eustache qui après analyse révéla des traces sanguines dont la liaison ADN avec la jeune victime ne faisait aucun doute.
Le Quotidien fit, bien sûr, ses choux gras de ce scoop. La chose fut si bien montée qu’un procès en révision fut promulgué et la sentence ne se fit pas attendre bien longtemps. Samir fut libéré et blanchi de tous les chefs d’inculpation.
Le procès fut pénible, car il opposait deux camps inconciliables. Dans la salle d’audience, le lieutenant inspecteur Durand ne quittait pas Gisela des yeux. Après le rendu du verdict, il s’approcha d’elle pour lui dire à l’oreille :
Puis l’officier de police s’éloigna, laissant la journaliste mal à l’aise.
Un tel coup d’éclat propulsa Gisela sur le devant de la scène. Des associations diverses et variées en firent leur égérie. Une invitation au siège du gouvernement lui fut même communiquée, au cours de laquelle elle fut intronisée consultante auprès de la direction de la HCE. Tout le monde savait que c’était le strapontin, la marche, le passage obligatoire vers de très prestigieuses fonctions. Dans quelques années elle serait au directoire et peut-être que…
Bref, au Quotidien on regardait Gisela d’un autre œil. L’image de l’ado attardée avait fait place à la professionnelle d’expérience. Plus « d’open space », mais un bureau particulier, plus de demandes récurrentes d’autorisations, plus de coucheries imposées avec le rédacteur en chef, mais une ligne de crédit permanente pour ses frais professionnels. Elle faisait maintenant partie de la crème des journalistes du plus puissant journal de la confédération.
Gisela, dans son luxueux bureau, tournait et retournait la lettre dans ses mains. Elle avait facilement reconnu l’écriture, point besoin de regarder la signature. Samir lui avait écrit. Samir la remerciait, Samir l’invitait à déjeuner !
Réticente au premier abord, elle accepta tout de même l’invite, sa curiosité surpassant toujours ses inquiétudes. Maintenant dans cette sympathique guinguette, elle commençait à se détendre. L’homme, devant elle, n’avait plus rien à voir avec le détenu en combinaison fluo. Il avait une élégance raffinée en face de laquelle sa tenue faisait ringarde.
Après les politesses d’usage, ils s’assirent à une table et ce n’est qu’après la commande et quand Gisela regardait son convive en transparence du verre d’apéritif, qu’elle lui retrouva cet air séducteur qu’il avait affiché lors de leur première rencontre. Une idée provocatrice lui vint :
Samir regarda intensément son interlocutrice puis reprit.
Elle le regarda avec un sourire mi-amusé, mi-interloqué.
Ce faisant, Samir se leva et présenta respectueusement sa main puis son bras à la jeune femme. Interloquée, puis amusée elle le prit et le suivit :
Arrivée dans la chambre, Gisela fit des yeux, le tour du propriétaire. Rien d’extraordinaire, une chambre propre et correcte, sans plus. Pas un nid d’amour comme elle l’avait rêvé, non, pas non plus un grabat sordide. Elle sentit l’homme derrière elle, qui posait ses mains sur ses hanches. D’une légère pression, il la fit s’avancer à travers la pièce. Quand ils dépassèrent le lit, elle tendit le bras dans sa direction et dit :
Il continua sa pression et dirigea la jeune femme vers un guéridon, ses mains délaissèrent les hanches et l’une d’elles se mit sur le dos de la journaliste et d’une pression douce, mais ferme, la plaqua sur le meuble.
Gisela sentit toute la puissance de cette main et se laissa faire. Elle devina que l’autre devait probablement libérer un sexe avide. Cette pensée la mit en émoi. Sa jupe fut prestement relevée et sa culotte descendue à mi-cuisse, sans autre forme de procès. Un doigt inquisiteur vérifia ses bonnes dispositions et ouvrit le chemin au sexe. Sur le moment, elle se demanda si c’était réellement le pénis de l’homme et non un artefact surdimensionné. Les deux mains reprirent leurs places sur les hanches et l’immobilisèrent totalement. Commença alors un pilonnage en règle où peu à peu elle perdit pied pour partir dans un éther de plaisirs. L’homme éjacula en elle, mais elle resta un long moment, pantelante, encore à demi allongée sur le guéridon. Ce n’est que quand elle sentit des coulures sur ses cuisses qu’elle reprit ses esprits et porta une main à son sexe. Constatant les dégâts, elle dit :
Interloquée, elle le regarda puis dans un demi-sourire, elle dit :
**********
Gisela prenait de plus en plus d’assurance et de poids dans son journal, mais la HCE lui faisait aussi des propositions. Elle eut un statut hybride avant de se consacrer exclusivement à la fonction que le gouvernement lui octroyait et c’est presque dix ans plus tard que cette histoire continua. À maintenant plus de quarante ans, madame la vice-présidente Gisela Prytsk était une personne en vue et son avis était suivi par les plus hautes instances. Néanmoins, elle accordait assez largement audience pour ne pas perdre pied avec la réalité. C’est pourquoi elle reçut ce policier, le capitaine enquêteur Durand. Le nom ne lui disait plus rien, mais le visage si… !
La journaliste, désormais magistrate, regardait le condé interrogativement. Sans être un bel homme, il avait les traits énergiques d’un potentiel prédateur. Une fouine, aussi, qui, si elle avait flairé une piste, ne la lâchait pas.
Gisela prit le temps pour répondre et observa son interlocuteur attentivement. Tout en lui faisait penser au bulldog. Quelqu’un qui ne lâchera jamais rien, jamais.
La directrice ne savait que penser. Les fougues de la jeunesse et de l’esprit journalistique l’avaient quittée au profit d’une tempérance et d’une réflexion approfondie de la chose :
Durand se carra confortablement dans le fauteuil visiteur, sûr de son coup, il prenait son temps.
Un ange, les ailes chargées d’interrogations, passa dans le bureau. Gisela, pensive, regardait le policier.
Gisela se voyait déjà destituée et soumise à l’opprobre général, pourtant elle ne pouvait accepter l’idée de continuer à vivre dans l’erreur. Elle fit un léger geste de la main, puis dit :
Ils se dévisagèrent un petit moment, se serrèrent la main et se quittèrent.
Comme toujours dans une enquête policière de ce type, les choses avançaient lentement. Le capitaine enquêteur Durand rendait compte à la vice-présidente une fois par mois, mais rien de spécial ne se passait. Après deux ans de surveillance, la magistrate soucieuse des deniers de son administration aurait pu faire cesser cette intervention, mais quelque part, le policier avait su lui communiquer ce feu intérieur qui l’obligeait à continuer. D’ailleurs pour son dernier rapport, l’officier était pratiquement sûr de pouvoir faire le lien avec une affaire qui venait de se produire.
Gisela fut interloquée en apprenant la mort violente de son chargé de mission. Durand avait été abattu d’une seule et unique balle dans la nuque. Son sang se glaça, car elle savait très bien après qui il courait. Ayant compétence dans l’ensemble de la confédération, elle se déplaça donc vers le lieu du meurtre, un swamp, une mangrove insalubre où la progression sur ce sol de tourbière était plus que malaisée. Tout cela pour ne trouver qu’un lieu de crime tout à fait improbable, perdu au milieu de nulle part. Un endroit juste fréquenté par quelques pêcheurs ou quelques chasseurs. Elle interrogea les policiers locaux :
La magistrate s’était adjoint deux lieutenants inspecteurs, habituellement détachés à ses services. Louis et Pierre. Elle les lança tout de suite sur une piste :
Les deux jeunes hommes se regardèrent et comprirent que leur supérieure avait une idée derrière la tête. Et puis c’était un collègue qui avait été assassiné, il fallait retrouver le coupable. La réponse ne se fit pas attendre très longtemps. Les jeunes hommes vinrent le soir même faire leur rapport.
Les deux jeunes pandores se regardèrent, puis examinèrent la vice-présidente. Elle présentait bien dans son tailleur de grand couturier, mais ses escarpins à talons et ses bas de quinze deniers n’étaient pas vraiment compatibles avec l’exploration d’un bayou. Ils s’exclamèrent de concert :
Elle en ressortit quelque temps après, vêtue d’un pantalon, d’une veste de grosse toile et avec aux pieds, des pataugas.
La « propriété » de Lacem, si elle était située dans un cadre idyllique, n’était pas à proprement parler un palace, à moins que l’on construise lesdits palaces de bouts de planches et de tôles ondulées. Il valait mieux ne pas s’écarter du chemin d’accès, car l’environnement marécageux était le piège idéal pour l’aventurier inexpérimenté. Gisela observait la situation à la jumelle, puis s’adressant à ses subalternes elle leur dit :
Chose inhabituelle pour une personne de son rang, elle leur fit un clin d’œil de connivence, monta dans la voiture et se dirigea vers l’habitation.
Le bruit du moteur avait bien évidemment alerté Lacem et il accueillit sa visiteuse sur son perron. Il la regarda descendre du véhicule et se diriger vers lui.
Sans rien dire, il s’effaça pour laisser entrer la femme. Si l’extérieur donnait l’impression du taudis, l’intérieur était tout à fait acceptable et même cosy. Il l’invita à s’asseoir dans un fauteuil et l’imita. Ils se regardèrent un moment, puis Gisela prit la parole.
Un ange passa, les ailes chargées d’histoires lugubres.
Lacem prit son temps avant de prendre la parole et regardait son antagoniste avec acuité.
Gisela regardait son interlocuteur, effarée, elle poursuivit.
Cette réponse laissa la jeune femme pantoise, interloquée. Samir se leva de son siège et s’approcha d’elle. Il prit appui sur les accoudoirs de son fauteuil et fléchissant les bras, il approcha son visage du sien. Elle lui accorda un baiser long et apaisé, un baiser de vieux couple.
Se relevant, il lui présenta sa main et elle lui dit avec un petit sourire :
Un simple sourire fut la réponse. Gisela ne se rebiffa pas, défit elle-même la ceinture de son pantalon, le descendit à mi-cuisses et s’allongea à demi sur la table dans l’attente de l’homme. Elle attendait le mâle et quand il la pénétra, elle partit d’un grand râle. L’ex-journaliste n’avait jamais eu l’orgasme discret et à l’extérieur, les jeunes agents étaient dans l’expectative. Leur responsabilité était grande et même si les cris de leur supérieure laissaient plutôt penser à une joute amoureuse, le viol ne pouvait pas être exclu.
Leur incursion fut violente, Samir se détourna de son amante pour se saisir de son fusil, mais n’en eut pas le temps. Plusieurs balles le clouèrent sur place. La mort ne tarda pas. Gisela toujours étourdie ne comprenait pas. Tandis que Pierre avec toutes les précautions d’usage, s’assurait du décès de Samir, Louis, prenant sur lui, prit l’initiative de rajuster sa supérieure en évitant des pensées grivoises. Gisela contemplait maintenant ce corps sans vie qui venait de la faire tellement vibrer.
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Trente ans plus tard
Gisela, sortant de sa rêverie, prit en main le portrait de sa fille, Yasmine. Pensive, elle regardait ce visage : ils avaient les mêmes yeux. Ces mêmes yeux qui l’avaient fait chavirer.
Pendant toutes ces années, « l’affaire Samir Lacem » avait semé le doute dans son esprit. Elle voulait croire à l’innocence de Samir, mais ne savait pas vraiment. Elle reposa cette photo avec brutalité en pensant : « Et merde, Samir, qu’as-tu réellement fait ? »
Après presque quarante ans, s’emparant rageusement de son stylo et malgré le doute, malgré ce doute persistant, elle parapha la demande de clémence de ce justiciable qu’elle ne connaissait pas.