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n° 19842Fiche technique67608 caractères67608
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Temps de lecture estimé : 48 mn
09/10/20
Résumé:  Angélique Quercy, Lieutenant de Gendarmerie à Colmar a mené l'enquête et résolu le meurtre de Jessica Dalmasso, l'épouse de l'inspecteur Dalmasso, flic à Colmar également.Elle se lance à la poursuite de Paul Kowalski, dit l'Amant, un tueur en série.
Critères:  #policier uniforme forêt chantage attache
Auteur : Laetitia            Envoi mini-message

Série : L'Amant

Chapitre 02 / 02
Dans la tête de Kowalski

Ce texte est la seconde partie de « L’Amant », paru ici il y a quelque temps.

Je vous conseille de lire « L’Amant » avant d’attaquer celui-ci.


En voilà cependant un très rapide résumé :


Angélique Quercy, Lieutenant de Gendarmerie à Colmar a mené l’enquête et résolu le meurtre de Jessica Dalmasso, l’épouse de l’inspecteur Dalmasso, flic à Colmar également. Quand débute ce second épisode, elle se lance à la poursuite de Paul Kowalski, dit l’Amant, un tueur en série.



Je n’avais pas prévu de faire cette suite, mais en relisant « L’Amant », après sa publication, il m’a paru évident, que Kowalski toujours dans la nature, Angélique devait revenir sur le devant de la scène. Et puis, je me suis attachée à Angélique en écrivant le premier épisode. Je n’allais pas la laisser en plan comme ça.




**********




Angélique Quercy attendait à une terrasse animée d’un café du centre-ville de Colmar.

Elle était vêtue d’une mini-jupe, avait chaussé des escarpins et avait mis des lunettes noires, comme pour dissimuler un peu son visage. Angélique était parée comme pour un rendez-vous galant. Il y avait un peu de ça d’ailleurs.


Un homme a traversé la rue et s’est approché de la terrasse. Grand, sportif, la trentaine, il portait aussi des lunettes de soleil. Il regardait attentivement chaque client assis aux tables, comme s’il cherchait quelqu’un. Enfin, il regardait plutôt les clientes seules, passant rapidement sur les hommes, les couples ou les groupes installés sur la terrasse.

Il aperçut Angélique et s’approcha en souriant :



Ah ! Et n’oublie pas de bien m’évaluer sur le site de rencontre. Enfin, bien évaluer Daphné plutôt. Tu lui mets cinq cœurs, c’est la note maximale, je crois ? Désolée, je ne suis pas trop habituée à toutes vos petites histoires de libertins, à évaluer les gens comme de la barbaque. Tu peux même laisser un commentaire élogieux sur mes qualités au lit. Ça serait gentil de ta part. On compte sur toi ! Et sur ta discrétion surtout hein… Sinon…


Ni une, ni deux, le type déguerpit la queue entre les jambes. Vincent à la table d’à côté lui fit un petit signe de la main et un grand sourire narquois quand il passa près de lui. Leila, quant à elle, le fusilla de son regard le plus sombre.


Angélique était amusée par la situation. Pauvre gars… Il pensait baiser une bombe sexuelle dans une chambre d’hôtel cet après-midi et il se retrouvait le bec dans l’eau. Tant pis pour lui. Il n’avait pas bronché quand Angélique avait commencé à lui parler de sa femme. Pas de pitié pour les maris volages. Il a perdu son temps, le prix de la chambre et sûrement une journée de RTT. Il n‘avait plus qu’à faire l’amour à sa femme ce soir après tout ! La grande gagnante, ça risquait d’être elle, finalement !



Après la conclusion de l’affaire Dalmasso, Angélique et son groupe avaient conservé l’enquête sur Paul Kowalski, dit l’Amant. L’Amant est un tueur en série qui s’en prend uniquement aux femmes mariées infidèles. Il a à son actif, neuf victimes, dont la femme de l’inspecteur Dalmasso. On peut ajouter à cette liste quelques victimes collatérales comme la greffière du tribunal.


Kowalski n’est pas un mari trompé en quête de vengeance, comme les enquêteurs l’avaient supposé au départ. Il s’est avéré au fur et à mesure des investigations qu’il a été traumatisé dès son plus jeune âge par sa mère. Elle ramenait des amants chez eux et avait fait jurer au petit Paul de ne rien raconter à son père. Au fil des années, elle n’avait pas vraiment arrêté et continuait ses rencontres, ne se cachant même plus de son fils. Le traumatisme avait grandi chez Paul Kowalski avec le temps, devenant une obsession puis de la haine vis-à-vis de sa mère, alors qu’il attendait prostré dans sa chambre qu’elle congédie ses amants. Il ne s’était pas attaqué à sa génitrice, mais s’est vengé par la suite, sur d’autres femmes infidèles. Sa mère avait d’ailleurs disparu. Elle avait abandonné mari et fils, après que le père de Kowalski eut découvert le pot aux roses. Dépressif depuis longtemps, le pauvre avait mis fin à ses jours quelques mois plus tard. Nouveau traumatisme pour Kowalski, encore enfant à l’époque.


N’ayant aucune piste pour attraper Kowalski, ne sachant même pas s’il était encore dans la région de Colmar, Angélique et son équipe avaient mis en place un stratagème pour essayer de le coincer.

Elle s’était inscrite sur le même site de rencontres coquines que Jessica Dalmasso. A priori, c’était comme ça que Kowalski avait rencontré Jessica. La suite de l’enquête et l’inventaire de l’ordinateur de Jessica, ainsi que de son deuxième téléphone, trouvé planqué sous le siège de sa voiture, avaient permis de découvrir des échanges de messages et des appels téléphoniques entre elle et Kowalski.


Sur son profil créé sur le site de rencontre, Angélique avait bien insisté sur le fait qu’elle était une femme mariée, mais libertine, souhaitant des rencontres d’un jour. Elle réclamait bien entendu la plus grande discrétion à ses contacts. La phrase d’accroche était « Femme mariée, 29 ans ».


Le type qu’elle venait d’éconduire était le troisième en deux semaines. Ce n’était que la partie visible de l’iceberg. Plusieurs autres candidats avaient été éliminés d’emblée. Il était évident qu’il ne s’agissait pas de Kowalski. Angélique était surprise par le nombre de maris infidèles, trompant allègrement leurs épouses. Lors des échanges avec les potentiels candidats à une partie de baise avec une femme mariée, ils lui annonçaient en général être aussi en couple.


Elle était aussi effarée par le nombre de femmes infidèles, en regardant les annonces publiées. Quel monde bizarre ! Les gens passent leur temps à chercher l’âme sœur, à éviter la solitude dans un univers de plus en plus déshumanisé et dématérialisé. Une fois que c’est fait, ils cherchent quasiment aussitôt à aller voir ailleurs et à tromper.


Est-ce symptomatique d’une époque ? Notre société et notre mode de vie basés sur la consommation, sur l’immédiateté et le jetable sont forcément en grande partie responsables. On a trompé de tout temps, mais Angélique avait quand même le sentiment que ça devenait presque systématique chez les personnes de sa génération. Quasiment un mode de vie.

Autrefois, on était peut-être plus discret. Aujourd’hui, ça se fait presque au grand jour. La tromperie est en train de devenir la normalité, s’était-elle dit, elle qui considère la fidélité comme la pierre angulaire d’un couple. Avant, on cachait l’adultère. La société avait un regard beaucoup moins bienveillant sur le sujet, enfin surtout sur la femme adultère du moins. On a toujours été plus tolérant pour les hommes, même si on se gaussait du mari cocu.


Aujourd’hui si tu n’as pas trompé à trente ans, tu as raté ta vie ! En quelque sorte, on banalise l’adultère et par la même on banalise l’amour.

Est-ce grave ? À chacun de se faire une opinion sur le sujet. Mais, Angélique se mit à penser que le sexe, mais aussi, et surtout l’amour, sont devenus des produits de consommation, comme des yaourts au bifidus ou un baril de lessive en quelque sorte.


De retour à son bureau, Angélique se mit à consulter le site de rencontre :



Je lui réponds quand même :



Le message suivant apparu dix minutes après :



Bon, mon gars, je t’ai pris dans mes filets, je vais te faire lanterner un peu. On va prendre notre temps maintenant.


Angélique choisit une photo d’elle en gros plan sur son téléphone, qui l’avantageait plutôt. Ses cheveux blonds lui tombant sur les épaules, le menton était légèrement relevé, un léger sourire barrait ses lèvres et ses yeux bleus étaient bien visibles. Daphné pouvait parfaitement ressembler à ça.



Le lendemain matin, l’équipe d’Angélique lui tomba dessus quand elle entra dans le bureau :



Le rendez-vous fut pris pour le lendemain à 18 heures, à la terrasse du même café, sur une place de Colmar. Angélique fit dire à Daphné qu’elle avait pu se libérer de son mari pour la soirée.


Le dispositif habituel a été renforcé.

Angélique attendait seule à sa table. À quelques mètres, Leila et Vincent avaient pris place, comme d’habitude.

À l’opposé de la place, deux gendarmes en civil attendaient. Un troisième proche d’une moto était posté à l’opposé. Deux autres gendarmes étaient camouflés dans une voiture dans une rue perpendiculaire. Un dernier était posté à l’intérieur du café, prêt lui aussi à intervenir.

Angélique avait sa tenue habituelle pour le genre de rendez-vous qu’elle donnait à ses prétendants depuis trois semaines. Sexy, mais classe. La table qu’elle avait choisie ne l’était pas par hasard. Elle pouvait avoir une vue d’ensemble des alentours et ainsi verrait arriver Kowalski de loin.



En effet, Kowalski en s’approchant de la terrasse jetait des regards de droite et de gauche.



Ils se levèrent et s’éloignèrent de la terrasse.

Il était convenu que Kowalski serait interpellé une fois sur la place et non pas sur la terrasse au milieu des gens attablés, nombreux à cette heure d’happy hour. Les réactions de Kowalski pouvaient être incontrôlables. Mieux valait s‘éloigner pour limiter les risques de dégâts collatéraux.


Lorsqu’ils passèrent devant Vincent et Leila, Angélique se raidit. Le regard que leur lança Leila était insistant « Baisse les yeux, Leila, bon sang ! ». Est-ce que Kowalski s’en était aperçu ? A priori non, il souriait en passant son bras dans le dos d’Angélique pour la tenir par la taille, comme un couple d’amoureux lambda.


Ils s’étaient éloignés de la terrasse de quelques mètres. Encore quelques pas, quelques secondes et Vincent lancerait l’ordre du début de l’intervention. Il devait déjà s’être levé derrière eux. Angélique n’osait pas se retourner afin de ne pas attirer l’attention de Kowalski. Elle comptait les pas, les secondes. Du coin de l’œil, elle vit les deux gendarmes postés à l’autre bout de la place se mettre en mouvement nonchalamment et se diriger vers eux. Son regard croisa celui de Kowalski. Elle réussit à lui sourire, malgré la tension.


Les toutes dernières secondes, les derniers pas… Ils étaient à quelques mètres de la Clio noire.


D’un seul coup, Kowalski tira Angélique vers lui en la tenant fermement par le bras et en se plaçant dans son dos. Horreur, il avait sorti un revolver de sous son blouson. Il le pointa vers la tempe d’Angélique.



Les deux gendarmes qui approchaient se sont figés. Vincent et Leila, qui étaient vingt mètres derrière aussi. De là où elle était, Angélique ne voyait pas les autres membres du dispositif.


Kowalski se déplaçait à reculons, pas à pas, vers sa voiture, tenant Angélique devant lui, comme un bouclier, le revolver tenu par sa main droite toujours sur sa tempe, son bras gauche serré autour de sa gorge. Kowalski a ouvert la portière arrière.


Angélique vit Leila faire un geste avec son bras droit, celui qui tenait son arme de service :



Kowalski tira deux balles. Puis donna un coup de crosse à l’arrière du crâne d’Angélique, avant de la tirer vers la banquette arrière de la Clio. La dernière chose que vit Angélique avant de perdre connaissance, c’est Leila s’écrouler sur le sol. Il l’avait touchée. La dernière chose qu’elle entendit, c’est le cri de Vincent, au moment où Kowalski démarrait la voiture et quittait la place en trombe :



Angélique sortit de l’inconscience. Elle se trouvait dans une pièce sombre. Une odeur de renfermé flottait dans l’air, de moisi même. L’atmosphère était légèrement moite.

Une douleur sourde lui vrillait le crâne. Où était-elle ?

Elle était attachée, ses poignets derrière sa tête contre quelque chose de froid et métallique. Ses chevilles aussi. Elle était allongée. Sur un matelas a priori. Mais où était-elle ? Ce mal de tête…

Sa bouche était pâteuse.


La mémoire lui revint d’un seul coup. Kowalski, le faux rendez-vous. Les choses qui avaient complètement foiré. Le coup sur la tête, qui expliquait son état. Et… Oh, non… Leila. Elle revit la gendarmette s’écrouler.


Ses yeux commencèrent à s’habituer progressivement à la semi-obscurité de la pièce. Sous la porte, un rayon de lumière, a priori artificielle, donnait un semblant de clarté.


Elle était chez Kowalski, prisonnière. Le coup sur la tête, l’inconscience, les souvenirs revenaient les uns après les autres. « Je suis attachée !! »


Un matelas, maintenant c’était sûr, posé sur un lit à barreaux métalliques. « C’est à ça que mes poignets et mes chevilles sont liés ». Hormis le lit, la pièce semblait vide.

Elle tenta de se débattre, enfin de tirer un peu sur ses liens. C’était serré. Elle avait peu de marge de manœuvre.

Elle pouvait bouger un peu ses bras repliés en arrière sur le côté de sa tête. Par contre ses chevilles étaient serrées contre les barreaux. Elle pouvait à peine bouger ses jambes tendues.



La crainte d’avoir été violée pendant sa période d’inconscience l’envahit. Elle se disait pour se rassurer que ce n’était pas le genre de Kowalski. Qu’il devait sûrement préférer avoir ses victimes sous lui, se débattre, implorer… Les dominer…


Non, en fait Kowalski n’était pas forcément un violeur. Seule la greffière l’avait été. Toutes ses victimes avaient couché avec lui volontairement avant d’être assassinées. Ça faisait partie de son modus operandi. La greffière pourtant… Le truc, c’est qu’elle ne faisait pas vraiment partie de ses victimes désignées. La greffière n’était pas une femme infidèle qu’il avait choisie. Avec elle, il n’était pas en chasse. Elle était tombée dans ses griffes par hasard, au cours de son évasion, un simple otage. Angélique, par contre, était la proie de sa partie de chasse. Enfin, c’était Daphné plutôt, pas Angélique !


Elle ne semblait pas avoir été violée. Elle ressentirait de la douleur dans son ventre ! Son vagin lui ferait sûrement mal, être au moins sensible. Elle était inconsciente. Il n’avait peut-être pas eu à la forcer.

Encore une fois, elle ne voyait pas quelqu’un comme Kowalski abuser d’elle, alors qu’elle était dans les vapes.


Et puis on sait au fond de soi si on a été violée, je ne ressens rien…


Ça la rassurait à peine. Elle entendit du bruit dans la pièce d’à côté. La porte s’ouvrit. La lumière s’alluma. Cela eut pour effet de lui faire perdre les repères qu’elle venait tout juste de trouver. La lumière crue d’une ampoule pendue au plafond l’aveugla. La voix de Kowalski se fit entendre :



Les yeux d’Angélique s’habituaient progressivement à la forte lumière. Elle était bien nue, allongée sur ce lit contre le mur. Kowalski s’approchait d’elle. Il s’assit sur le bord du matelas, à distance d’elle, presque timidement. Il la regarda un moment :



Kowalski approcha une bouteille de la bouche d’Angélique.



Angélique tourna la tête sur le côté. Peut-être était-ce une nouvelle drogue.



Elle avait soif, tellement soif. L’eau fraîche qui coulait dans sa gorge lui fit un bien fou. Elle avait la bouche si pâteuse. Sûrement un effet secondaire de la drogue…

Une fois qu’elle eut ingurgité une longue gorgée, Kowalski écarta la bouteille :



J’avais repéré les deux guignols à l’autre bout de la place. Ceux dans la voiture garée dans la rue d’à côté aussi. Le truc c’est qu’ils étaient dans le mauvais sens de circulation par rapport à mon sens d’arrivée. Le temps qu’ils fassent demi-tour quand j’ai démarré, j’étais déjà loin. J’ai pris à chaque carrefour une direction différente, j’ai grillé quelques feux, et dans le dédale des petites rues du centre de Colmar, ils m’ont définitivement perdu en moins de deux minutes.


Ce qui m’avait échappé, par contre, c’est votre collègue en moto qui a essayé de nous prendre en filature. Je l’ai vite repéré et je me suis occupé de lui dans une rue étroite, en freinant brusquement, puis en effectuant une marche arrière à pleine vitesse. Je l’ai percuté et je l’ai vu partir en l’air. Un joli vol plané. J’espère que je l’ai bien abîmé. Plus personne derrière moi, j’étais tranquille. Mais sûrement que votre collègue motorisé a été en contact radio avec les autres, je n’avais plus qu’à brouiller les dernières pistes et vous amener dans mon antre. Ils ne viendront pas nous chercher ici. Nous sommes au cœur de la forêt vosgienne, il n’y a personne.


Lieutenant Angélique Quercy de la Section de Recherche de Colmar, c’est bien ça ? Vous avez vraiment cru que j’allais tomber dans votre piège grossier Angélique ?

Vous n’êtes pas sans savoir que je m’intéresse toujours aux enquêteurs qui me traquent. Je leur écris pour revendiquer mes actes. Je leur donne des indices, je les mets sur des pistes vraies ou fausses. Vous n’avez pas fait exception à la règle, Angélique. Je me suis renseignée sur cette jeune lieutenante de Gendarmerie qui a, de manière magistrale, démonté l’histoire de cet idiot de Dalmasso. Pauvre Dalmasso, marié à une nymphomane et aujourd’hui accusé de son meurtre. Meurtre par procuration, mais meurtre tout de même.


J’ai été intrigué par votre ténacité. En plus vous me tendez un piège qui aurait pu marcher. Ce qui vous a trahi, c’est la photo bien sûr ! Quand je l’ai vue et que je vous ai reconnue, ça m’a excité. J’ai voulu jouer le jeu jusqu’au bout. Vous pensiez être la chatte, en fait, vous étiez la souris.


Savez-vous Angélique, que j’ai eu des dizaines d’enquêteurs à mes trousses et vous êtes celle qui aura été la plus proche de m’attraper. La seule, même. Je ne parle pas des policiers de Colmar qui ont eu de la chance seulement. D’ailleurs, ils n’ont pas été capables de me garder ! Vous êtes tellement perspicace, qu’il m’a été inutile de vous contacter pour vous refiler des indices, comme avec les autres guignols. Enfin, une adversaire à ma mesure !


Bon, par contre, votre piège, c’est raté, Angélique. Vous ne sortirez pas d’ici, mais je vous en félicite. Bravo ! Ça prouve votre abnégation. Et votre intelligence aussi ! Il en faut de l’intelligence pour faire presque jeu égal avec moi. Je dis presque, parce que finalement, vous vous retrouvez ici, nue attachée et bâillonnée. Il vous a manqué peu de choses. Votre seule erreur, m’envoyez cette photo de votre visage. Me sous-estimer en quelque sorte.


Vous m’intéressez, Angélique. Vraiment ! Vous êtes une énigme… Vous n’avez rien à voir avec Daphné, qui elle, n’était qu’une petite pute infidèle. Une pute de classe, certes, mais une pute quand même. Daphné, je l’aurais massacrée avec joie, après l’avoir sautée bien sûr, comme les autres putes avant.


Non, vous, Angélique, vous me troublez. Vous êtes si… angélique ! Est-ce que je vais vous violer, vous torturer un peu ? J’ai bien violé la greffière du tribunal, alors qu’elle n’avait rien fait ! Elle était juste au mauvais endroit au mauvais moment.


Vous, Angélique, vous êtes venue délibérément vers moi. Peut-être que Daphné est une partie de vous finalement, Angélique ? Votre côté sombre ? Votre côté vicieux ? Y a-t-il d’un côté l’angélique Angélique, et Daphné la petite pute de l’autre ? Est-ce que se sont deux facettes d’une même personne ?

Qu’est-ce que je vais faire de vous, Angélique ? Il faut que je me décide.

Vous êtes vicieuse, Angélique ? Vous n’êtes pas mariée, je le sais, mais avez-vous déjà été infidèle Angélique ?

Mais, suis-je bête ! Vous êtes bâillonnée, vous ne pouvez pas me répondre !

Mon intention n’est pas de soliloquer devant vous. Je veux un vrai dialogue avec vous. Je retire ce bâillon. Attendez… Promettez-moi seulement de cesser vos insultes. Voilà, c’est mieux :



J’ai massacré ces femmes, uniquement parce qu’elles étaient infidèles. C’est exagéré, me direz-vous ? Certes, je ne vais pas le nier. La punition est sévère. Après, ce ne sont pas des femmes qui ont cédé sur un coup de tête, dans l’aveuglement d’un moment qui les dépassait. Même si je condamne, je pourrais comprendre ces femmes-là. Pardonner, peut-être aussi, même si on doit toujours être maître de ses émotions.


Non, j’ai recruté mes victimes seulement sur des sites de rencontres. Ces femmes, Jessica Dalmasso en tête, avaient tout programmé. Le mensonge et le vice étaient ancrés en elles. Des putes… Un peu comme Maman ! Mais je m’égare…


À ce sujet, encore un bon point pour vous Angélique. Vous êtes la seule de tous les flics qui ont essayé de m’arrêter, à repérer cette histoire de site de rencontres. Les autres en ont été incapables. Vous êtes la meilleure, Angélique ! Je vous le dis.

Quel dommage de devoir vous tuer. La seule qui aura pu rivaliser avec moi. Mais je n’ai pas le choix. Je le regrette bien sûr, mais je sais aussi que je ne pourrai pas vous faire basculer de mon côté. Dommage, Angélique. Dommage ! Vraiment…

La courbe de votre mollet est quasiment parfaite…


La main de Kowalski s’est posée sur la jambe d’Angélique :



Ses liens étaient trop serrés :



La main de Kowalski se posa sur le ventre d’Angélique.



Mais ma question était « Avez-vous déjà été infidèle ? » Non, je le vois dans vos yeux. Je vous crois Angélique. Vous voyez, je vous crois… Vous n’avez jamais été infidèle. Pourquoi devrais-je vous violer ? D’ailleurs, je n’ai même pas violé les autres. Je les ai bien baisées, mais c’était ce qu’elles voulaient en fait, se faire baiser. Les putes, on les baise. Bon moi, je les ai tuées en plus. Elles le méritaient, non ?


Vous, je ne vais ni vous violer, ni vous baiser. Je vois votre sincérité. Je lis dans les femmes comme dans des livres ouverts. Elles ne peuvent rien me cacher et vous ne faites pas exception à la règle. Vous n’êtes pas une pute, vous, Angélique. Enfin, si, un peu, juste la part de vous qui s’appelle Daphné. Mais pas assez pour mourir à cause de ça. On a tous une face cachée, même moi. Savez-vous que je ne suis pas qu’un monstre, Angélique ? Eh oui, il y a en moi une part de bonté. Ma face cachée aussi.


Par contre, à supposer que je ne vous viole pas, vous n’êtes pas sans vous douter que je ne vais pas vous laisser en vie ! Si ?



Je vais vous l’avouer, Angélique, vous m’avez touché ! Eh oui, droit au cœur. Le coup de foudre ! Vous croyez au coup de foudre ? Moi non, jusqu’à aujourd’hui. Oh, ça n’a pas été immédiat. Quand je vous ai vue hier déguisée en pute, Daphné, je n’ai rien ressenti pour vous. C’est seulement cette nuit, quand je vous ai débarrassée des oripeaux de Daphné, quand vous étiez nue devant moi, que j’ai eu ce coup de foudre. Je vous aime Angélique. Malheureusement, notre amour est impossible, comme on dit dans les romans de gare.



Peur de vous, vous disiez ? Je n’ai peur de rien, sachez-le. Enfant, j’avais peur de Maman. Mais c’est terminé tout ça. J’ai un peu peur de ce que je suis devenu aussi bien sûr. Mais je vous avoue que je la maîtrise parfaitement cette peur-là.

Je vais vous libérer Angélique, nous avons encore tellement de choses à nous dire. J’ai aussi des choses à vous montrer. Non, ne vous réjouissez pas, par libérer, je voulais juste dire vous détacher. Je ne vais pas vous laisser partir. Ça, je ne peux pas.

Je reviens, attendez-moi patiemment.


Kowalski a quitté la pièce. Il revint aussitôt après avec des vêtements sur le bras.



Kowalski lui détacha les chevilles en prenant garde de rester à distance d’Angélique, de l’autre côté des barreaux du lit :



Il lui détacha les poignets également, puis dit en s’écartant du lit :



Il lui tendit une robe noire, magnifique en effet. Sûrement une robe de créateur, voire de grand couturier. La mousseline de soie était douce au toucher. C’était une robe longue qui lui arrivait aux chevilles, fendue sur le devant découvrant ainsi la moitié de sa cuisse. Elle remonta les fines bretelles sur ses épaules et les ajusta.



Vraiment superbe ! Si la drogue n’était pas encore présente dans votre sang, je vous aurais fait tourner pour vous admirer. Mais ça risquerait de vous étourdir. Vous êtes encore trop faible.


Quand je vous ai ramenée ici, j’hésitais à vous violer. Je n’ai pas pu m’y résoudre. Je vous ai expliqué pourquoi. On ne viole pas la femme que l’on aime. D’un seul coup, là, j’ai envie de vous faire l’amour. Pas de vous baiser, comme les autres putes, mais de vous faire l’amour… Je n’ai jamais fait l’amour à une femme. C’est un manque pour moi… J’ai baisé des femmes, j’en ai violé d’autres. Mais je n’ai jamais fait l’amour.


Un voile de tristesse envahit son visage :



Kowalski l’entraîna dans la pièce d’à côté, celle où il se trouvait quand elle avait repris connaissance. Elle était envahie de cartons. A priori, il n’y avait pas de fenêtre, comme dans celle où elle avait été prisonnière. Un escalier qui montait au fond de la pièce semblait indiquer qu’ils se trouvaient dans un sous-sol.



En effet, à l’étage supérieur, la clarté commençait à poindre par les fenêtres donnant sur l’extérieur.



Mais venez voir ce que j’ai à vous montrer. Mon petit cabinet de curiosité ! Ma collection !


En la soutenant toujours par le bras, il l’attira vers la pièce suivante. En effet, Angélique ne se sentait pas encore trop vacillante pour tenter de s’évader. Elle avait encore quelques vertiges et les talons hauts et la robe longue ne l’aideraient pas dans une fuite, s’il fallait enjamber une fenêtre ou courir dans la forêt. De plus, Kowalski la tenait fermement par le bras. Il se méfiait toujours des réactions qu’elle aurait pu avoir.


La pièce suivante était sûrement orientée à l’est. Le soleil levant l’inondait de sa lumière. Angélique vit par la fenêtre qu’elle se trouvait au milieu d’une forêt de sapins, apparemment assez dense. La pièce carrée possédait sur l’ensemble de ses murs de petites alcôves en bois accrochées, des sortes de vitrines.



Ce malade avait créé un musée de l’horreur ! Des stèles pour ses victimes. Dans la première vitrine se trouvait sur la gauche une photo de Ludivine Marchand, sûrement celle de son profil sur le site, à droite, une autre photo de Ludivine manifestement morte, nue allongée sur le ventre, une flaque de sang sous elle. Au milieu, sur un socle en velours rouge, reposait une mèche de cheveux bruns, appartenant sûrement à Ludivine et une bague.



Là, vous avez la vitrine de Sylvie Mercier, la greffière. Savez-vous qu’au final, elle m’a avoué avoir été infidèle une fois ! Si… Et pas sous la contrainte ! Elle était morte de peur bien sûr, mais je lui ai posé la même question qu’à vous, « Avez-vous été infidèle dans votre vie ? ». Elle m’a répondu un timide « Oui, mais ça fait longtemps et une seule fois ». Je ne suis pas sûr que le temps efface quoi que ce soit. Bon, je ne pouvais pas la baiser, elle n’aurait pas été consentante. Je l’ai violée donc, dans la forêt. Je n’ai pas éprouvé la même joie que pour les autres, je dois bien vous l’avouer. Pas la même plénitude, non. Sylvie aura été une œuvre inachevée, en quelque sorte.


Mais passons à la dernière, celle qui vous concerne directement : Jessica Dalmasso. Un sacré numéro, celle-là ! La reine des putes ! Après Maman, bien entendu… Jessica aurait pu être un aboutissement pour moi, vu son pedigree. Mais je n’ai pas encore l’intention de m’arrêter. Il y a encore des situations à relever.

Jessica donc, quelle salope ! Elle a voulu que je vienne chez elle. Elle baisait à l’hôtel d’habitude, m’a-t-elle dit lors de nos premiers échanges de messages. Elle m’a indiqué vouloir faire ça dans le lit conjugal, pour pimenter la chose. J’en ai reçu des photos d’elle, dans toutes les positions, mais je vous épargne les détails. Savez-vous que quand elle m’a ouvert la porte, elle n’avait sur elle que des bas résille et des talons démesurés. Une vraie pornstar. Enfin une actrice de X bas de gamme, plutôt. Aucune classe ! Savez-vous qu’elle m’a demandé de l’enculer ! Tel quel ! Oui, Angélique, avec ces mots-là ! Même moi, qui en ai entendu d’autres, j’ai été un peu gêné. Elle a rajouté « Bien fort ». C’est ce que j’étais en train de faire, alors qu’elle criait « Je suis ta pute », quand son mari est arrivé ! C’est ridicule ! Elle n’était pas ma pute ! Je n’ai pas de pute, moi… Les putes, je les détruis, mais je n’ai pas de pute… Que ferais-je d’une pute ?

Son imbécile de mari qui débarque et qui regarde sans rien dire… Elle non plus, d’ailleurs. Trop drôle ! Oh, je ne l’ai pas tout de suite reconnu, lui. C’est quand il a fait demi-tour que je me suis rappelé de ce jeune flic au commissariat de Colmar qui a participé à mon arrestation et qui m’a interrogé. Là, j’avoue que j’ai failli éclater de rire.


À peine, avait-il quitté l’appartement, que Jessica a voulu qu’on remette ça « T’inquiète, je trouverai bien une explication bidon pour lui, ce soir ou demain ». Comme elle me l’a demandé, je l’ai à nouveau sodomisée. Bien fort comme elle voulait. J’y ai mis du cœur, croyez-moi. Enfin, pas du cœur, si vous voyez ce que je veux dire. J’avais très envie de jouir en elle. Mais impossible, on ne baise pas une pute sans préservatif. J’ai donc éjaculé dans mon préservatif. Et puis ça évite les traces d’ADN, dont vous les flics êtes si friands. Je ne veux pas trop vous faciliter la tâche non plus.

Je l’ai prise par les cheveux, alors qu’elle était encore à moitié étalée sur le lit, encore râlante, après ce que je venais de lui mettre, je l’ai entraînée dans la salle de bain et je l‘ai égorgée au-dessus de la baignoire.

C’est seulement quand j’ai trouvé les fleurs sur la table que j’ai pensé à cette mise en scène. J’ai fait couler un bain, j’ai mis la pute dedans avec les fleurs. C’était assez réussi finalement. Le tableau était joli. Toute cette eau rouge et ces roses rouges qui flottaient à la surface, et Jessica au milieu. Une jolie nature morte ! Vous mesurez l’ironie de la chose ? J’allais faire accuser ce con de Dalmasso. Celui qui avait participé à mon arrestation, qui pérorait, tel un jeune coq, lors des interrogatoires. Vous imaginez la vengeance que j’en tirais ? Bon, d’accord, j’allais perdre le bénéfice de ce meurtre-là. Mais j’allais m’en remettre. Peut-être qu’au bout d’un ou deux ans, quand Dalmasso aurait bien été cassé en prison, je l’aurais disculpé et je me serais attribué le meurtre.


Mais vous avez tout deviné, Angélique. Je ne peux que vous applaudir ! Vraiment ! Vous le méritez… comment avez-vous deviné au fait ?



La vôtre est dans la pièce suivante…



Kowalski l’entraîna dans la pièce suivante en enfilade. Une seule vitrine s’y trouvait :



Il y avait dans la pièce suivante une stèle au milieu sur laquelle reposait… la tête naturalisée d’une femme.



J’ai remonté sa trace, d’adresse en adresse, d’amant en amant. J’avais très envie de massacrer chacun de ces amants. Mais ça n’aurait pas été prudent, ça aurait pu mettre la puce à l’oreille à Maman. Peut-être un jour, je reviendrais leur rendre une petite visite !


Ça m’a pris des années, mais je suis persévérant. Je l’ai retrouvé dans le Var, habitant chez un vieux beau, riche, qui devait l’entretenir. Je l’ai surprise un jour où elle était seule dans la villa. J’ai sonné. Elle ne m’a pas reconnu d’emblée. « Tu ne me reconnais pas ? » Je voyais bien qu’elle avait le sentiment de me connaître, mais n’arrivait pas à remettre mon visage. J’avais certes changé. La dernière fois qu’elle m’avait vu, j’étais un enfant et maintenant un adulte. Mais j’étais son fils, bordel !



J’ai perdu mon calme. Je l’ai frappée. Elle est tombée en arrière. Je l’ai relevée, j’avais sorti le couteau que j’avais amené et je l’ai égorgée. Je regrette, j’ai perdu mes nerfs. Je voulais la tuer, bien sûr, mais pas sous le coup de la colère. J’aurais tant aimé parler avec elle avant, qu’elle m’explique, vous comprenez ? Et peut-être que je l’aurais violée après, pour laver définitivement tout ça.


L’ayant tuée et n’étant pas nécrophile, je n’ai pas pu. C’est un peu pour ça que je suis parti en croisade après et que je suis devenu un tueur en série. Peut-être que j’aurais tout arrêté après Maman, si j’avais pu lui faire expier complètement ses fautes.

Aujourd’hui, je me préserve toujours de la colère. Elle n’est pas bonne conseillère.


Voilà, j’ai ensuite décapité Maman, j’ai gardé la tête et le reste de son corps se trouve dans un endroit où on n’est pas près de le retrouver. J’ai emmené une bonne partie de ses affaires aussi et j’ai laissé une lettre, où elle annonçait à son vieux beau qu’elle le quittait. Sortie d’une l’imprimante, la lettre, pour éviter les écueils de la graphologie.

Voilà, pour tout le monde, Maman était partie une fois de plus, on n’allait pas la rechercher.


J’ai d’abord congelé sa tête, avant de m’initier à la taxidermie. J’ai même étudié les sciences de la momification de l’Égypte ancienne et même des civilisations précolombiennes ou des Indiens Jivaros, vous savez les réducteurs de tête.


Bon, le travail n’est pas parfait. Je suis obligé de la congeler régulièrement. Je ne sors Maman que de temps à autre, pour lui parler. Et aujourd’hui, pour vous la montrer.



Kowalski sourit :



Combien de fois, dans votre métier, avez-vous croisé le regard d’une victime et vu son besoin de justice ? Son appel à l’aide ? Son envie désespérée pour que tout soit réparé ? Et combien de fois avez-vous compris que la justice était illusoire ? Qu’aucune aide ne viendrait ? Et que rien ne pourrait contrebalancer ce qu’elle a subi ? Nous les avons vus tous les deux ces regards-là, quoique pour des raisons très différentes bien sûr.



Autre exemple, Angélique, vous et moi. Je vous disais que nous étions les deux faces d’une même pièce. L’idée forte de cette théorie, c’est qu’au bout, tout s’équilibre, se compense. Imaginez un Dieu, une entité, une force, Mère Nature, l’univers, appelez ça comme vous voulez, qui ferait en sorte d’équilibrer le bien et le mal, avec sa pièce, jouant à pile ou face.

Il la balancerait en l’air, pile ça serait Hitler, face Gandhi. Pile le méchant Paul, face la gentille Angélique. J’adore cette idée-là ! Pas vous ?



Kowalski s’est levé de son fauteuil. Après avoir fait quelques allées et venues au centre de la pièce, il se figea debout devant celui d’Angélique. Il faisait des grands gestes, comme pour rendre son discours plus persuasif. Malgré la peur qu’il lui inspirait, Angélique voyait bien qu’il n’était pas agressif. Il voulait juste convaincre :



Toujours debout devant Angélique, la voix de Kowalski se faisait un peu plus aiguë, comme s’il allait se mettre à pleurer, comme s’il voulait vraiment qu’on le comprenne, comme s’il voulait justifier ses actes. Angélique eut le sentiment qu’il redevenait le petit Paul, apeuré devant sa mère :



Cette fois, Angélique en était sûre. Elle voyait une larme poindre une larme au coin de l’œil de Kowalski :





**********





Le tireur d’élite du GIGN est allongé à même le sol, son fusil de précision posé sur son trépied et dirigé vers la fenêtre du chalet de Kowalski.



Vigie cale la crosse du fusil au creux de son épaule, bloque sa respiration, joue avec son index sur le ressort de la gâchette afin de trouver le point de blocage. La croix de sa lunette de visée est positionnée au milieu du crâne de la cible. Aucune hésitation chez Vigie au moment d’appuyer enfin d’un coup sec et précis sur la gâchette. À cette distance, aucune perturbation ne doit venir interférer sur le tir. Pas de tremblement, pas le moindre mouvement.


La munition s’est instantanément extraite du canon de l’arme, et s’en est allée rencontrer sa cible en un centième de seconde. Vigie n’eut même pas le temps de relâcher sa respiration, que le métal pénétrait le crâne de la cible. Vigie se ressaisit juste après le moment de déconcentration qui suit immédiatement le tir. Il repose son œil sur la lunette, pour vérifier la justesse de son coup.


Angélique vit Kowalski être projeté en arrière, un jet de sang éjecté de son crâne éclaboussa le mur dans son dos.

Angélique s’est plaquée au sol à plat ventre. Elle entendait dans l’entrée et les pièces adjacentes les cris des gendarmes du GIGN qui investissaient le bâtiment.

La porte de la pièce où elle se trouvait fut ouverte d’un coup de pied. Un gendarme fusil d’assaut pointé en avant pénétra dans la pièce. Il balayait du canon de son arme les quatre coins de la pièce, s’arrêtant et se fixant sur Angélique.



Connaissant par cœur les procédures, elle resta ventre à terre, les mains bien en vue et écartées de son corps.

D’autres silhouettes entrèrent dans la pièce :



Il s’agenouilla auprès d’elle, l’aida à se redresser, la prit dans ses bras et la serra très fort.



Elle se remit à pleurer :



Angélique se mit à rire, la tête toujours appuyée sur l’épaule de Vincent. Ses larmes se tarissaient doucement.



Vincent l’aida à se relever, posa la couverture sur ses épaules et, la soutenant, l’entraîna vers la sortie :



L’hélico l’a perdu aussi, une fois qu’il a pénétré dans la forêt. Trop de végétation, trop touffu.


L’hélico a continué à tourner pour vérifier si la Clio ne sortait pas de la forêt. Ça n’a pas été le cas. On savait donc que tu étais quelque part dans cette forêt de plusieurs hectares. On a tout ratissé avant de trouver ce chalet abandonné, qui servait il y a longtemps de relais de chasse, bien plus tard dans la nuit. La Clio garée sous un arbre nous a permis de nous assurer que c’était le bon endroit. Il nous a fallu plusieurs heures pour ça. Le GIGN est arrivé vers trois heures du matin. Avec leurs lunettes de vision thermique, ils ont repéré deux traces de chaleur distinctes. On a donc su que tu étais là, avec Kowalski et encore en vie. Le GIGN a voulu attendre l’aube, qui n’allait pas tarder pour intervenir. Il y a cinq minutes, leur tireur d’élite a eu un angle de tir… Et voilà toute l’histoire. Mais bon sang que ça a été long d’attendre, en sachant que tu étais à l’intérieur à la merci de ce malade. Bon, ils suivaient tous vos mouvements avec leurs lunettes thermiques, mais quand même.


Jetant un dernier regard sur le corps de Kowalski, Angélique dit à Vincent :