n° 19856 | Fiche technique | 49414 caractères | 49414Temps de lecture estimé : 29 mn | 17/10/20 |
Résumé: S'il a fallu vingt ans à d'Artagnan pour retrouver Porthos, Athos et Aramis. Dix ans ont suffi à Jeanne et à Serge, mais entre le XVIIe et le XXIe siècle on a inventé l'informatique et les starts ups qui vont avec. | ||||
Critères: fh extracon hotel amour fsoumise cérébral revede voir miroir caresses fellation cunnilingu pénétratio -extraconj | ||||
Auteur : Volnay-a (Écrire pour passer le temps) |
Quand on s’emmerde on fait n’importe quoi. Par exemple traîner sur internet, aller sur des sites à la con, y perdre son temps et parfois son fric. Comme moi, par exemple, un vendredi d’il y a deux mois. Faut croire que ce jour-là j’avais vraiment perdu les pédales ! En temps normal, rien que le nom m’aurait dissuadé :
Le lendemain, en me réveillant, j’ai pensé que j’étais vraiment le roi des tarés. Donner mes coordonnées à ce genre de truc ! Comme s’il n’y avait pas assez de spams pour pourrir ma boîte mails ! Je me suis traîné jusqu’à mon ordi pour mettre en place la procédure qui expédierait automatiquement ces pollueurs du net à leur place naturelle : la poubelle. Pile à ce moment-là, mon téléphone a sonné. J’étais d’une humeur de chien, mais je n’ai pas eu le temps d’aboyer un allo. Une voix tout ce qu’il y a de grave et d’enjôleuse m’a demandé si j’étais bien Monsieur Serge Dellis. J’ai grogné que ouais, mais que… La voix ne m’a pas laissé le temps de finir. J’avais affaire, ai-je appris, à Charles Marquenterre, chargé de clientèle à Happy End lequel me proposait un rendez-vous pour me faire une offre que je ne refuserai pas. Naturellement, à l’issue d’une rencontre qui était, bien entendu, gratuite je serai libre d’accepter ou de refuser. La curiosité n’est qu’un de mes vilains défauts : j’ai accepté et me voilà chez Happy End.
Charles Marquenterre m’accueille en me glissant sa carte professionnelle. Il est accompagné de trois spécialistes (tous psycho-machins). Rien ne les distingue de la masse des cadres commerciaux qui, chaque matin s’engouffrent dans les ascenseurs du quartier de la Défense où Happy End a ses bureaux. Désarmé par cette normalité, je me laisse persuader de signer le contrat qu’ils me proposent. Il est vrai que son montant n’est pas exorbitant. Les trois paiements sont échelonnés et je peux les interrompre à tout moment. Enfin, si je n’obtiens pas satisfaction, on m’assure une confortable indemnisation.
Dans les semaines qui suivent, j’ai plusieurs entretiens avec Charles Marquenterre, et ses psycho-trucs (pour les curieux psycho-socio, psycho-sexo et neuro-psycho). De notre première rencontre à la catastrophe finale, ils commencent par me faire revisiter toute mon histoire avec Jeanne. Oui ! Jeanne dont, après quelques questions, j’ai rapidement avoué que, plaqué par elle dix ans plus tôt, sans avertissement ni explications, et malgré mes efforts pour l’oublier, je n’ai jamais totalement digéré l’abandon. Vient ensuite l’exposé de la stratégie et des tactiques qui seront mises en œuvre en fonction des habitudes de la cible, Jeanne en l’occurrence. Ce mot me dit Charles Marquenterre est employé pour des raisons déontologiques car les spécialistes de Happy End doivent éviter tout affect. J’ai également droit à un entraînement spécifique (pick-up training en franglais) pour apprendre à orienter ma première conversation avec la « cible » dans un sens favorable à mon projet. Après ? Rien pendant deux mois !
J’en suis à me dire qu’on m’a joué un tour genre caméra cachée quand je trouve dans ma boîte aux lettres une enveloppe siglée Happy End. À l’intérieur il y a un billet pour un concert classique, salle Gaveau, et une première facture à régler dans les dix jours « si satisfaction ».
J’ai le nez plongé dans le programme du concert quand j’entends « Tiens ! Tu es là ! » J’hésite une ou deux secondes. Juste le temps de me dire que oui, c’est bien Jeanne qui vient de prononcer ces trois mots en s’asseyant à côté de moi. L’entrée du chef d’orchestre et les applaudissements qui vont avec me dispensent de répondre autre chose qu’un très neutre et très court « Bonsoir Jeanne ! »
Pendant le concert nous nous observons à la dérobée. Rien que de brefs regards de côté et quand nos yeux se croisent, nous détournons la tête. Les derniers bravos éteints, nous quittons ensemble le théâtre. Elle me demande :
J’accepte même si je suis mal à l’aise. L’efficacité de Happy End me trouble. Comment ont-ils fait pour savoir que Jeanne occuperait cette place. Je dois aussi m’avouer qu’il est pénible de découvrir que mes blessures d’amour (ou d’amour-propre) n’ont pas cicatrisé aussi bien que je l’imaginais.
Au coin de la rue de Miromesnil et du boulevard Haussman, une brasserie à moitié vide nous accueille. Jeanne se glisse sur la banquette, je lui fais face. Même si nous savons tous les deux que ce n’est pas vrai, nous commençons par nous dire que nous n’avons pas changé. La vérité c’est que dix ans ça transforme tout, les gens et les choses. Il y a dix ans Jeanne était jolie, maintenant elle est belle. Et elle, comment voit-elle l’homme que je suis devenu et qui n’a plus grand-chose de l’étudiant timide et mince qui lui tenait la main dans les allées du Luxembourg ?
Suivent une série de ces phrases convenues dont la banalité rassurante laisse à la conversation la possibilité d’emprunter tous les chemins, même les plus inattendus. Comme je l’ai appris chez Happy End, je fais en sorte que la nôtre prenne celui du « Te souviens-tu ? » L’alcool que j’ai commandé y est sûrement aussi pour quelque chose. Elle me fait remarquer que ça nous change des diabolos menthe et des panachés du Quartier latin ? Je réponds qu’il n’est pas désagréable d’évoquer les trois mois de notre amourette en savourant une vodka correcte.
Est-ce l’influence de l’eau-de-vie ? Nous passons bientôt à des sujets plus intimes. Elle me demande pourquoi, je ne suis pas venu à la fête de son mariage alors qu’elle m’y avait invité. Je pousse un léger soupir et je réponds :
Et nous en parlons. Notre rupture d’abord. Si elle m’a quitté, dit-elle, c’est pour Michel Destut celui qui, six mois plus tard, est devenu son mari. Et elle précise :
En guise de réponse, elle hausse légèrement les épaules. J’en conclus qu’il n’est pas impossible qu’avec le temps, Michel ait perdu une partie de son prestige. Du coup l’idée me vient que m’inscrire sur Happy End n’était pas aussi stupide que je l’avais craint. Je commence même à croire que j’ai une petite chance d’ajouter à notre histoire un chapitre plus gratifiant pour mon ego que celui dont nous venons de parler. Je me penche vers elle et je murmure :
Jeanne a un petit rire.
Elle répond qu’il ne manque pas une rencontre. Fâcheuse habitude, dis-je en plaisantant, et j’enchaîne sur ces femmes qui, paraît-il, font ce qu’il faut dans leur chambre à coucher pour que la chance favorise le club de leur supporter de mari. Elle me coupe en me disant qu’elle ne m’imaginait pas capable d’un humour aussi graveleux. Bien que je n’éprouve pas le plus mince des remords, je m’excuse en mettant ce que j’appelle mon léger dérapage, sur le compte de la vodka. J’explique que je me suis laissé aller à ce genre de raillerie parce que le célibataire que je suis resté, a cru pouvoir lui parler comme on le fait entre vieux amis sans se laisser corseter par le politiquement correct.
Je poursuis en regrettant que l’heure tardive nous oblige à nous séparer. Enfin, en mettant dans ma voix, une dose convenable de nostalgie, je termine en souhaitant que nous puissions reprendre cette conversation si, dans dix ans, le hasard veut qu’un autre concert ait lieu le même soir qu’un autre match. Pas besoin d’attendre dix ans, répond Jeanne. Dans quinze jours, pendant que son mari applaudira ses footeux, elle ira écouter les suites pour violoncelle de Bach. L’amie qui devait l’accompagner s’est décommandée. Si ça m’intéresse, je pourrai profiter de l’occasion. J’accepte sans me faire prier en pensant que, contrairement à ce que prétend le proverbe, l’occasion a peut-être plus d’un cheveu.
Cette première rencontre a dépassé mes attentes. Les conseils reçus au cours des séances de préparation m’ont été fort utiles. J’ai aussi beaucoup apprécié le choix du lieu et du moment. C’est pourquoi j’allège sans le moindre regret, mon compte en banque du montant de la première facture de Happy End et je me lance avec enthousiasme dans la suite du programme. Deux semaines plus tard, quand je quitte mon appartement pour aller retrouver Jeanne, je me dis que rien ne pourra m’empêcher de relever le défi qu’à l’instigation de mes conseillers techniques, je me suis lancé à la fin mon dernier entraînement. Mais, dans la salle de concert, ma résolution commence à vaciller.
Les circonstances sont pourtant favorables : Jeanne et moi nous sommes assis dans une zone d’ombre, à l’extrémité d’une rangée et l’écart entre nos leurs fauteuils est réduit au minimum. Reste que j’hésite. Quand elle m’est venue, j’ai trouvée excellente l’idée de choisir un mouvement de chacune des six suites de Jean-Sébastien pour tenter un geste prouvant à Jeanne que, désormais, je savais oser. Maintenant je me dis qu’au mieux on peut juger que ce projet frise le ridicule, et, au pire, qu’il s’apparente à du harcèlement. J’en conclus qu’il est encore temps d’y renoncer. Tout en cherchant une excuse point trop navrante, j’amorce un mouvement pour me lever et quitter la salle, mais des applaudissements saluent l’arrivée de la violoncelliste. Cédant à ma superstition, j’y vois un signe du destin et je me cale dans mon siège. Moyennant quoi :
J-S Bach suite pour violoncelle numéro 1 en sol majeur BWV 1007 – Sarabande
Dès l’attaque du prélude, le jeu des regards reprend. Mieux, quand, au début de l’allemande, j’appuie mon bras contre celui de Jeanne, elle ne se dérobe pas. Même si l’étroitesse des sièges autorise une certaine promiscuité, je prends cela comme un encouragement. Au moment où la violoncelliste se lance dans la sarabande, je pose ma main sur son genou. Elle tourne la tête et souffle à voix basse :
Derrière nous, quelqu’un fait chut. Elle pose sa main sur la mienne comme pour me faire lâcher prise, mais elle y met si peu d’insistance que je peux glisser légèrement vers le haut en retroussant sa jupe. À ce moment, un silence annonce la fin du mouvement et je retire ma main.
J-S Bach suite pour violoncelle numéro 2 en ré mineur BWV 1008 – Gigue
Pendant les cinq premiers mouvements, je me force à ne pas la regarder. Je m’écarte même légèrement de son siège, mais au coup d’archet qui annonce la gigue, je passe mon bras autour de ses épaules. Elle a un petit mouvement comme pour chasser une mouche et elle se raidit. Je ne la lâche pas pour autant. Au contraire, tout en fixant la scène, j’accentue mon emprise. Lorsqu’avec le dernier accord je cesse de l’étreindre, je la sens totalement détendue.
J-S Bach suite pour violoncelle numéro 3 en do majeur BWV 1009 – Bourrée
Pendant les applaudissements qui saluent la fin de la deuxième suite, elle se penche vers moi :
La fin des applaudissements met un terme à l’échange. Elle s’est écartée. Pendant le petit quart d’heure qui sépare le début du prélude de la fin de la sarabande, je reste parfaitement immobile. Cet apparent détachement cesse quand débute la bourrée. De nouveau je pose ma main sur son genou et sans lui laisser le temps de réagir, je la fais glisser sur sa cuisse. Elle l’immobilise, mais sa prise manque de conviction. D’un geste sec, je me libère et, très vite j’arrive là où, dix ans plus tôt, elle ne m’a jamais permis d’aller. Elle ne résiste plus, même elle écarte légèrement les cuisses. Malgré l’obstacle du collant, mes doigts dessinent les pleins et les déliés d’un sexe dont la moiteur trahit l’émotion. Ainsi que je me le suis promis, dans l’intervalle entre la bourrée et la gigue, je retire ma main. Elle murmure « reste » mais j’ignore sa demande et je me croise sagement les bras.
J-S Bach suite pour violoncelle numéro 4 en mi bémol majeur BWV 1010 – Courante
Troisième mouvement de la suite : courante. À la première note, quand je glisse la main entre la jupe et le corsage de Jeanne, je note avec satisfaction qu’elle creuse le ventre pour me faciliter les choses. Je trouve sans difficulté la fermeture éclair de sa jupe. Je l’ouvre puis je m’en vais vérifier l’exactitude des souvenirs que je garde de la fermeté de ses seins. La fin du mouvement me laisse tout juste assez de temps pour constater que ma mémoire est fidèle.
SJ-S Bach suite pour violoncelle numéro 5 en do mineur, BWV 1011 – Prélude
Pour l’avoir chronométré, je sais que le prélude de la suite qui commence durera largement plus que cinq minutes. Tout s’étant déroulé comme je l’avais rêvé, je n’hésite pas une seconde à glisser mes doigts dans une petite culotte dont l’élastique ne m’oppose aucune résistance. Je m’attarde quelques instants dans une toison dont j’apprécie l’exubérance et la souplesse et j’arrive à l’objet de mon désir. Mes doigts le caressent, le flattent, le pénètrent, en sortent puis y reviennent avec un entrain qui trouve sa récompense dans l’humidité chaude et tiède qui les baigne. Jeanne se laisse aller avec de plus en plus d’abandon et quand, à la fin du mouvement, je me retire, elle ne peut retenir un petit soupir de dépit.
J-S Bach suite pour violoncelle numéro 6 en ré majeur, BWV 1012 – Allemande
L’allemande de la sixième suite est, de loin, le plus long mouvement des œuvres du concert de ce soir. Raison pour laquelle je l’ai choisie comme fond sonore du dernier acte de mon défi. Dès la fin du prélude, je saisis le poignet de Jeanne et j’amène sa main sur ma virilité. Les épisodes précédents et ce que je me promets de la suite de la soirée font que, comme l’écrivaient les libertins du XVIIIe siècle, l’objet est en très bel état. Jeanne le tâte à travers le tissu. Puis, sans doute désireuse de prendre la vraie mesure de ce qu’elle n’a fait que palper, elle ouvre ma braguette, glisse ses doigts dans mon boxer et s’empare d’une colonne de chair dont la vigueur n’est pas pour lui déplaire puisqu’elle murmure :
Je la remercie et parce qu’un geste fait à propos vaut mieux qu’un long discours, je remets la main là où elle se trouvait dix minutes plus tôt. Point n’est besoin d’une grande imagination pour deviner comment nous occupons la fin de l’allemande. Pour être discrètes, les caresses que nous échangeons sont exquises et c’est bien parce que je me promets qu’après le concert nous passerons à des jeux encore plus agréables qu’à la dernière note du mouvement tout en cessant d’agacer un bouton, qui ne demande pourtant qu’à s’épanouir, je repousse la main de Jeanne et rajuste ma tenue. Elle m’imite.
En sortant du théâtre après le concert, nous marchons côte à côte en silence. Soudain Jeanne s’arrête :
Alors je passe aux aveux (très partiels car je ne dis rien de la participation de Happy End). Pourquoi après notre discussion précédente, cette idée m’est venue. Que j’ai failli renoncer. Que j’ai bien conscience que tout cela était sans doute un peu, et même beaucoup, puéril. Qu’elle aurait raison de penser qu’il y avait là dessous quelque chose qui ressemblait à une revanche, une façon de tourner la page en ayant le dernier mot. Enfin, que, très vite, j’avais oublié ces absurdités pour ne plus penser qu’au plaisir, plus fort, dis-je, d’être contraint par les règles que je m’étais fixées et je finis en ajoutant :
Cette question, je le comprends, n’a qu’une réponse. Je l’attire contre moi et nous nous embrassons (un de ces baisers pour lesquels il n’existe pas d’adjectifs). Quand enfin nos lèvres se séparent, je lui dis :
Excellente idée, rit-elle, en ajoutant avec une pointe de regret qu’il va falloir limiter l’interprétation car elle veut être chez elle avant le retour de son mari. À ce mot de mari, je soupire, elle me rassure en m’annonçant que nous avons deux bonnes heures devant nous. C’est deux fois plus, plaisanté-je, que le temps nécessaire pour jouer les variations Goldberg et bien assez pour nous qui ne sommes que des dilettantes.
Justement, nous arrivons rue de Penthièvre où le néon de l’enseigne d’un hôtel nous fait signe. Le type de la réception est un professionnel : pas de remarque ni de sourire complice quand il nous tend la clé. Ascenseur, couloir, je tire derrière nous la porte de la chambre. Très vite, nous sommes nus, aussi impatients l’un que l’autre de nous donner et de nous prendre. Je la couche sur le lit et je la pénètre, émerveillé de la souplesse et de l’humidité chaude du fourreau qui m’étreint. Pour mieux m’accueillir elle s’écartèle. Je l’aide en appuyant ses cuisses sur mes épaules. Bientôt, elle pousse des petits geignements qui annoncent son bonheur, j’accélère mon rythme. Elle m’encourage, me dit qu’elle a assez attendu et qu’il est temps que je vienne, qu’elle me veut vite, très vite. Je me laisse aller et, comme le bonheur n’est pas toujours une utopie, nous trouvons ensemble notre joie.
Suit un silence pendant lequel j’hésite entre sentimentalité et ironie. Finalement je m’en sors par un compromis et je murmure :
Elle a un petit rire approbateur, puis elle chuchote :
Je m’agenouille et, du bout des ongles, je caresse le corps qui s’offre à moi. Je frôle ses épaules, je glisse le long de ses hanches puis sur ses cuisses et je m’aventure jusqu’à la plante de ses pieds. Puis, en suivant le même chemin, je remonte jusqu’aux seins dont je pinçote les tétons que j’abandonne pour décrire un cercle autour du nombril avant de m’aventurer dans le buisson doux qui couronne l’origine du monde. Mes doigts y jouent quelques instants avant de plonger au cœur du plaisir et d’y jouer une partition qui n’est pas sans effet. Tout en écartant largement ses cuisses, Jeanne laisse échapper des gémissements de jouissance. J’en profite pour plaquer ma bouche contre le sexe humide encore de nos plaisirs mêlés. Ma langue cherche et trouve ce que nos anciens appelaient si justement la clé du bonheur. Commence un pas de deux où ma bouche et mes mains tiennent chacune leur rôle. Jeanne apprécie et le fait savoir assez nettement pour que je n’aie aucun doute sur mon efficacité. Je poursuis donc jusqu’à ce que, dans un mouvement convulsif, elle emprisonne ma tête entre ses cuisses tout en criant un « Oui… » dont la dernière voyelle se prolonge dans une espèce de râle. Quand elle se détend, je me dégage de son étreinte et je la prends dans mes bras.
Je ne connais pas, mais je découvre très vite que l’effleurement des cils d’une amante sur certaines parties de mon anatomie peut avoir un effet que je ne soupçonnais pas. Ce n’est pas la seule surprise de la soirée. Si elles n’égalent pas en nombre les variations Goldberg, les nôtres sont assez diverses pour que l’un offre à l’une et l’une à l’un, d’inédites et exquises façons de donner et de trouver le plus beau des plaisirs. Quand nous nous quittons, nous sommes si complètement satisfaits l’un de l’autre que nous nous donnons rendez-vous quinze jours plus tard. Ce jour-là, dis-je, ce sera soirée sport. Pendant que ton mari applaudira ses footeux, nous pratiquerons une autre discipline. Elle n’est pas olympique mais elle mériterait de l’être même si elle encourage les hors-jeu, favorise les débordements et condamne l’usage des crampons. Jeanne daigne sourire de ces médiocres à-peu-près, puis :
J’effectue d’un cœur léger le second paiement. Mes réticences se sont évanouies et c’est avec une confiance totale que je participe aux trois séances prévues à mon programme. La première est consacrée à un retour d’expérience. J’apprécie le tact et la rigueur avec lesquels sont analysés et évalués tous les aspects de ma relation avec Jeanne, y compris les plus intimes. Les deux autres sessions sont consacrées à la préparation de mon prochain rendez-vous. Je reconnais que je peine à accepter le déroulement prévu par les spécialistes de Happy End. Certes, je ne suis plus aussi moralement corseté qu’il y a dix ans, mais j’ai encore un certain nombre d’a priori et j’ai du mal à admettre que je serais à l’aise dans la situation qu’ils ont prévue. Je finis pourtant par me laisser convaincre et j’accepte leur proposition.
En sortant du métro, je vois Jeanne descendre de son taxi. On sait que je suis superstitieux et cette coïncidence me paraît des plus heureuses. Je passe les détails sur notre baiser de retrouvailles, tout ce qu’il y a à savoir c’est que c’est long et délicieux. Ensuite, je la prends par la main et je l’entraîne. Elle me demande où nous allons. Je réponds que, comme elle me l’a demandé, je lui ai préparé une surprise et je presse le pas.
Mis à part un interphone et une très discrète plaque de cuivre, rien ne permet de savoir que le portail devant lequel nous nous arrêtons donne accès à un hôtel. Dès que je me suis annoncé, un vantail s’ouvre et nous entrons. On accède à l’établissement, une ancienne folie du XVIIIe siècle, par une petite allée qui court entre deux pelouses. Une réceptionniste souriante vérifie la validité de ma carte de crédit puis elle me tend la clé de ma chambre en souhaitant que notre passage dans l’établissement soit agréable. Dans l’ascenseur, Jeanne fait la moue.
Je réponds que, pour la surprise, il lui faut attendre que nous soyons dans notre chambre. L’arrêt de l’ascenseur me dispense d’en dire plus.
Elle hausse les épaules
Juste en face du lit, il y a un rideau qui masque une glace sans tain. Je le tire, mais la chambre sur laquelle elle donne est vide. Jeanne a un petit rire :
Là-dessus j’éteins la lampe, je prends Jeanne par la main et je la fais asseoir près de moi sur le lit.
Un couple entre dans la chambre voisine. Vieux trentenaires ou jeunes quadras. Pas désagréables à regarder mais rien de bien particulier sinon, pour elle, de magnifiques cheveux châtains rassemblés en chignons et des courbes assez prononcées, mises en valeur par un tailleur qui ne sort pas d’un atelier du Tiers-Monde. Lui porte l’uniforme CSP+ : costard de marque, chemise qui l’est aussi et cravate qui va avec. Mode oblige, il exhibe la barbe de trois jours propres aux explorateurs publicitaires, aux mannequins de GQ et aux aventuriers du RER B. À peine ai-je noté ces détails que les nouveaux arrivants passent à l’action et le moins qu’on puisse dire c’est que tout montre qu’ils n’ont pas de temps à perdre. La dextérité avec laquelle Madame débarrasse Monsieur de son costume, et celle dont Monsieur fait preuve pour ôter son tailleur à Madame, prouvent qu’ils n’en sont pas à leur coup d’essai. À mi-voix, je fais observer que, contrairement à ce qu’enseigne l’Académie, quand on arrive à l’étape sous-vêtements, le féminin l’emporte sans problème sur le masculin. En effet, si le ravissant petit ensemble de dentelle et les bas autofixants de Madame mettent parfaitement en valeur ses formes décidément voluptueuses, le boxer informe et les chaussettes légèrement tirebouchonnées de Monsieur sont beaucoup moins érotiques.
Jeanne ne commente pas ce sarcasme. Il est vrai que je l’ai murmuré à voix si basse qu’il est possible qu’elle n’ait pas entendu. Je me tourne vers elle. Elle regarde ce qui se passe de l’autre côté du miroir avec une attention passionnée. J’en conclus qu’une fois de plus, les mots sont inutiles et qu’ils doivent laisser la place aux actes. Pendant que, dans la chambre voisine, dentelles, bas, chaussettes et boxer se retrouvent en tas sur le tapis, j’entreprends de démontrer que je suis, moi aussi, assez adroit quand il s’agit d’ôter à ma partenaire, les voiles qui cachent aux yeux du monde ses beautés secrètes (en français du XVIIe dans le texte). Ma tâche est aisée : la robe ne m’oppose aucune résistance. J’ai une vraie maîtrise dans l’art délicat de faire sauter les attaches d’un soutien-gorge. Quant aux derniers remparts de sa féminité (son collant et sa culotte pour ceux qui ont été privés d’études classiques) je n’ai pas à m’en soucier. Elle les ôte elle-même avec un charmant mouvement des hanches où se mêlent retenue et lubricité.
Elle est nue et je le suis bientôt. Adossés à nos oreillers, nous contemplons le spectacle qui nous est offert. Il ne brille pas par l’originalité : Monsieur s’occupe de Madame et Madame de Monsieur dans la position résumée par l’équation 70-1= x. Néanmoins l’entrain avec lequel ils s’activent à quelque chose de si convaincant que l’envie me prend de suivre leur exemple. Je m’apprête à remplacer par mes lèvres et ma langue, les doigts que j’ai envoyé pianoter sur l’autel du plaisir (expression directement empruntée à l’immortel Giacomo Casanova). Mais un événement imprévu arrête net mon élan. La porte de la chambre voisine vient de s’ouvrir et un nouveau couple fait son entrée. Tous deux sont à l’état de nature (c’est à dire à poil en langage familier) à ceci près qu’ils portent l’un et l’autre le genre de masque qu’on appelle un loup.
Du coup j’oublie momentanément mes velléités bucco-génitales (ça c’est du vocabulaire médico-légal, et si c’est moins littéraire que du Diderot, c’est anatomiquement plus précis). En effet, quand les spécialistes de Happy End, m’ont proposé de réaliser avec Jeanne le fantasme exprimé dix ans plus tôt, en prétendant qu’il ne pouvait y avoir de meilleure fin à notre histoire, j’ai eu du mal à me laisser convaincre. Séduisante tant qu’elle restait du domaine de l’imagination, l’idée de jouer les voyeurs dans la réalité me semblait moralement peu justifiable. Pourtant j’ai fini par me rallier à leur point de vue quand ils m’ont assuré que, non seulement Jeanne et moi en tirerions beaucoup de plaisir, mais que nous allions aussi contribuer au bonheur de ceux dont nous contemplerions les ébats puisqu’eux-mêmes seraient là pour satisfaire leur goût de l’exhibition. « Soyez tranquille, avait conclu le responsable de mon programme, on ne choisit pas la chambre aux miroirs par hasard. Ceux qui la retiennent savent parfaitement qu’ils vont se donner en spectacle et ils aiment ça ! »
Seulement voilà, je m’attendais à un duo et nous sommes face à un quatuor. Ce n’est plus la situation évoquée par Jeanne du temps de nos premiers émois. Je crains un instant que cela ne lui déplaise. Heureusement, il n’en est rien, bien au contraire. Ses doigts ont remplacé les miens et ce qui brille dans ses yeux ne s’appelle pas fureur, mais lascivité (je ne suis pas mécontent d’avoir placé ce dernier mot). Je reprends mon mouvement où je l’avais arrêté et je m’en vais m’abreuver à la source des délices. Elle coule déjà. Je fais de mon mieux pour en renforcer l’abondance et une série de spasmes accompagnés d’un Ouiiiii étouffé m’avertit bientôt que je n’ai pas été trop maladroit.
Après un rapide et léger baiser sur la fleur de son secret (merci Almodovar) je reprends ma place aux côtés de Jeanne.
Elle appuie sa joue contre mon épaule et saisit délicatement un organe qui ne demandait que ça. Tout en le caressant avec une science de la retenue et de la légèreté dont j’apprécie la maîtrise, elle murmure « Monsieur le loup que vous avez une grosse queue ! » Je connais mon Perrault et je réponds « C’est pour mieux te fourrer mon enfant ! » et j’ajoute « Au fait que penses-tu de celles des loups de la chambre à côté ? » « J’aime mieux la tienne et de toute façon, vu ce qui se passe on a du mal à juger ! » Il est vrai que le méli-mélo des corps qui s’agitent en face de nous, ne permet pas une observation précise des particularités anatomiques des participants. Pour le moment, autant qu’on puisse en juger, la première occupante des lieux est doublement honorée par son compagnon et le porteur de masque. L’un côté face, l’autre côté pile tous deux s’activent en mesure pour, apparemment, le plus grand plaisir de leur partenaire.
À côté d’eux, la femme masquée entretien son émotion à l’aide d’un de ces objets que le snobisme anglicisant nomme des sex-toys comme si les mots godemichet et olisbos n’existaient pas (ce petit accès de chauvinisme linguistique a l’avantage de détourner mes pensées des actions en cours et par conséquent de faire durer le plaisir »). À ce moment Jeanne me lâche, mais c’est pour mieux me reprendre. Elle se met de dos, m’enjambe et tout en continuant de s’intéresser aux performances du quatuor, elle s’empale sur ce qu’elle caressait. Initiative des plus heureuses. En effet, appuyée contre moi comme sur un oreiller, elle laisse libres mes mains. Celles-ci trouvent sans peine à s’occuper. Pendant que l’une joue sur ses tétons, l’autre accompagne les mouvements de l’engin qui s’est planté en elle et qui s’y trouve bien. Le résultat ne se fait pas attendre. Jeanne jouit une seconde fois en remplaçant le Oui de tout à l’heure par un rugissement pour lequel il n’existe pas de traduction à l’écrit. Fort heureusement, comme me l’a dit Happy End, notre chambre étant parfaitement insonorisée, cette manifestation ne peut pas troubler nos voisins. De toute façon, au point où ils en sont, il est peu probable que quoi que ce soit puisse les détourner de leurs occupations.
Pendant qu’allongée contre moi, Jeanne reprend ses esprits, j’admire l’inventivité dont ils font preuve. C’est maintenant la femme masquée qui est au centre de l’action. Contrairement à ce que je croyais, nous n’assistons pas la simple reproduction de la scène précédente. Pour commencer, elle s’assoit sur son compagnon qui en profite pour ficher son membre viril (cette expression est un nouvel hommage au XVIIIe siècle, je sais très bien que le sexe, même masculin, est un organe – génital – et pas un membre) dans ce qu’il est convenu d’appeler la porte étroite. Une fois l’objet bien en place, les deux comparses restants prennent le relais et le moins qu’on puisse dire c’est qu’ils n’y vont pas de main morte. Après avoir du bout des doigts éprouvé la souplesse et la moiteur d’un abricot déjà bien ouvert, la femme cède sa place au second de ces messieurs. Celui-ci ne se contente pas d’effleurer un fruit qui n’a rien de défendu. Tout au contraire, il le pénètre et y joue avec un phallus artificiel d’une taille moyenne, mais d’une technologie assez avancée. En effet, avant qu’il ne disparaisse entre des grandes lèvres maintenant bien ouvertes, j’ai vu nettement ce produit de l’inventivité moderne vibrer et tourner sur lui-même. Sa complice ne reste pas inactive puisqu’elle s’occupe très activement d’un bouton d’amour qu’elle n’a eu aucun mal à décapuchonner.
Jeanne est fascinée, je ne le suis pas moins. Pour que nous puissions garder les yeux sur le tableau toujours aussi animé qui nous fait face, tout en reprenant nos ébats, elle prend l’antique et très efficace position décorée du nom de l’animal préféré de Julie Manet (une levrette pour ceux qui ne connaissent pas l’œuvre de Berthe Morizot). Je la pénètre d’un coup, ce qui n’est pas compliqué vu son état et le mien. Ce qui suit est d’une telle intensité qu’avec la notion du temps je perds le contrôle de mes actes et de mes paroles. Je pilonne, je martèle, je fourrage tout en éructant des obscénités dont je ne me serais pas cru capable. Je ne suis pas le seul. Jeanne se déhanche, accompagne mes va-et-vient, se dérobe et revient se coller à moi. En même temps, elle gémit, grogne, répond à mes divagations, en rajoute même. Pas d’autre mot pour décrire la fin qu’apothéose. Nous sommes allés tellement loin dans la joie qu’il nous faut plusieurs minutes pour reprendre nos esprits.
De l’autre côté du miroir, le quatuor se défait. Pendant que les porteurs de masque quittent la pièce, le couple du début se rend dans la salle de bain. Jeanne les imite :
Je réponds qu’il me faut un peu de temps pour reprendre mon souffle et mes esprits et que je la rejoindrai dans quelques instants quand je serai redescendu sur terre. Elle rit, m’embrasse et va se livrer à ses ablutions. Je reste sur le lit quatre ou cinq minutes. Le bruit de l’eau qui ruisselle vient me tirer de ma paresse. J’ai toujours aimé partager ces instants à la fois savonnés et érotiques qui, tout en satisfaisant aux règles de l’hygiène, permettent de terminer une rencontre amoureuse par un ultime moment de béatitude. Je me lève, mais en me dirigeant vers la douche, je trébuche sur le sac que Jeanne avait laissé traîner à côté du lit. Il s’ouvre en déversant un contenu assez disparate. Réflexe automatique du mec qui se moque du fouillis d’un sac féminin en oubliant le capharnaüm qui règne dans ses poches, je commence par sourire puis je me baisse pour remettre le contenu dans le contenant. Une carte de visite attire mon attention. Rien de plus normal, j’ai la même dans mon portefeuille puisque c’est celle de Charles Marquenterre chargé de clientèle chez Happy End. Impossible de décrire précisément l’effet produit par cette découverte. Disons que je passe presque simultanément par les étapes suivantes :
• la stupéfaction : Je m’attendais à tout, mais pas à ça !
• la déception (accompagnée d’une relative lucidité) : Dire que je croyais que c’était moi qui organisais tout en fait…
• la colère : EN FAIT… Une fois de plus, elle a m’a pris pour sa marionnette et ça a marché, mais ça ne va pas se passer comme ça !
• la honte : Te venger, pauvre mec ? Pourquoi ? T’avais qu’à pas être aussi naïf !
• le relativisme : De quoi tu te plains ? C’était pas le pied ce que tu viens de vivre ?
• la perplexité : Maintenant que je sais ça, qu’est-ce que j’en fais ?
• l’audace (tempérée de procrastination) : Ce que tu vas faire ? Tu le sais parfaitement : Profiter de ce qui t’attend sous la douche et pour la suite tu verras bien ! Tu sais oser oui ou merde ?
• le doute : Oser, oser… oui mais quoi ?
• l’espoir (et sa compagne l’illusion) : Fais pas chier, va la rejoindre, tu finiras bien par trouver !
Tout ça ne me prend que les dix secondes pendant lesquelles je remets dans le sac le reste de ce qui s’en était échappé, puis je file dans la salle de bain. Le temps que nous y passons est employé conformément à mes prévisions de très agréable façon. Pour ne pas lasser je m’abstiens de donner des détails, sachez simplement qu’utiliser adroitement, un flacon de gel douche peut se révéler très stimulant.
En sortant de l’hôtel, Jeanne me remercie de ma « surprise ». Quelle bonne idée, me dit-elle, de lui avoir fait vivre ce fantasme. Sans moi, elle ne l’aurait sans doute jamais réalisé. Je la coupe :
Je serais bien en peine de dire pourquoi je lâche cette phrase. La triste impression que, depuis le début au lieu de maîtriser cette aventure, je suis le jouet d’une manipulation ? Le courage imbécile des provocateurs. Celui qui fait qu’on se jette à l’eau, même si on sait qu’elle est glaciale et qu’on va détester ça, pour le seul plaisir de susciter les réactions qu’on espère admiratives de l’assistance. En m’entendant, Jeanne s’arrête net.
À la façon dont elle me regarde, je commence à penser que l’eau va être encore plus froide que je ne l’imaginais et l’assistance pas vraiment admirative. Mais il est trop tard pour reculer. Donc je déballe ! Comment j’ai trouvé la carte de visite et, presque, tout ce que j’en ai pensé en insistant sur mon côté victime : Qu’est-ce qu’elle a dû se marrer quand les autres lui racontaient comment ils me faisaient marcher : entre le mail, le contrat, les séances d’entraînement et pendant qu’ils y étaient le montant de mes factures. Puis, croyant conclure sur un sarcasme victorieux, je dis que même si, quelque part j’ai l’impression d’avoir été escroqué, je trouve que ce n’est pas trop cher payé vu le résultat du service.
Et elle continue en m’expliquant que le Happy End c’était le sien. Un cadeau qu’elle s’est fait parce que, même si elle pensait en avoir fini depuis longtemps avec notre histoire, elle n’avait jamais pu l’oublier.
Elle ne répond pas. Seulement une moue un peu crispée et des yeux… Je rêve ou quoi, elle ne va tout de même pas se mettre à pleurer. Il y a moins d’une demi-heure on était en plein film porno dans un hôtel pour libertins et là j’ai l’impression de me retrouver dans une comédie romantique. Manquent juste le coucher de soleil et le vent dans les roseaux. Ma parole, mais c’est des larmes. ! Des vraies larmes ? Méfiance ! Une fois de plus elle doit être en train d’essayer de me balader. Je fais appel à mon peu de raison et au cynisme qui va avec pour, d’urgence, arrêter cette farce et prouver que je ne suis pas dupe. Hélas, raison et cynisme sont aux abonnés absents ! Alors, histoire de prendre une contenance, je sors mon mouchoir (propre) et je le lui tends. Elle ignore mon geste et elle continue à pleurer. Bon ! Je sens qu’avec ce mouchoir à la main, j’ai l’air grotesque. Je le remets dans ma poche et comme, décidément je n’ai pas la moindre idée, je vais au plus facile. Je la prends dans mes bras. Elle se serre contre moi. La suite s’enchaîne avec l’implacable logique des grandes catastrophes ou des petits bonheurs. Elle lève son visage vers moi. Nous nous regardons. Nos lèvres se rapprochent, suit un baiser. Quand il se termine, elle questionne :
Et il n’y a pour le baiser qui suit ni adjectif, ni métaphore sinon, peut-être, ces deux mots : happy end.