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n° 19880Fiche technique57543 caractères57543
Temps de lecture estimé : 34 mn
31/10/20
corrigé 05/06/21
Résumé:  Franchir le pas avec une collègue de travail, c'est parfois une épreuve redoutable.
Critères:  fh couple collègues amour -rencontre
Auteur : Roy Suffer  (Vieil épicurien)            Envoi mini-message
Elle




Dès son entrée, le brouhaha permanent s’est soudainement arrêté. Le chef nous l’a présentée comme nouvelle responsable de production, son bras droit en somme. Tout m’indique que ce garçon, un peu rond, un peu roux, la cravate en bataille et des perles de sueur en permanence sur le front, a de grands projets personnels pour cette femme. Je ne suis pas certain qu’il y parvienne, car au premier coup d’œil il est éclipsé, comme une petite planète auprès d’un soleil. Belle ? Oui, certainement, disons des traits harmonieux, une bouche épaisse et de grands yeux aux aguets. Elle est grande sans excès, je dirais un mètre soixante-quinze, mais quand vous ajoutez à cela des talons de dix centimètres et des cheveux certainement très longs ramassés en un chignon parfait au sommet du crâne, ça donne une impression d’un mètre quatre-vingt-quinze sous toise. Ils font le tour des différents pôles, présentation des personnes et des fonctions, jusqu’à mon petit coin. Poignée de main énergique et chaleureuse.



La voix est également chaleureuse, assez grave et profonde, et l’on sent immédiatement la pertinence de l’observation, voire un léger soupçon sur une éventuelle divergence de pensée entre compta et direction.



Un peu d’humour, de références sportives, pas trop, juste ce qu’il faut. Elle sait qu’elle aura besoin de moi. Ils repartent vers la gauche de l’espace, cheminent de poste en poste jusqu’à son poste de travail. Une fois installée, elle me jette un bref regard, comme pour s’assurer qu’elle avait bien anticipé nos positions.


Les semaines suivantes se passent sans grands bouleversements, si ce n’est une présence bien plus forte et prégnante du management sur les pôles. Elle est partout. Sa longue silhouette se déplace dans l’open-space comme dans son jardin. Elle a mis très peu de temps à prendre la mesure, des enjeux, des objectifs, mais aussi des gens. Jamais un mot plus haut que l’autre, une énorme capacité d’écoute. Je la vois souvent dans sa position favorite, les fesses appuyées contre un bureau, un bras replié sur son ventre et l’autre levé avec un stylo dans les doigts, alors qu’elle n’écrit jamais. Comme nous tous, elle n’écrit que sur écran. Ce stylo est une petite manie qu’il faut que j’observe plus précisément. Il passe de doigt en doigt, fait des vrilles, des tours, des volutes, à mon avis ce pourrait être « l’aiguille du compteur », un moyen de savoir si elle est agacée, intriguée, intéressée, perplexe, etc. Car rien d’autre dans sa physionomie ne trahit ses sentiments. Voix basse est égale, ses « remontrances » commencent toujours par :



Ce qui signifie : vous avez intérêt à changer de méthode dans les vingt-quatre heures. Il est certain que sa présence a mis de l’huile dans les rouages, et si nous avions eu un sonomètre, je suis persuadé que le niveau sonore a baissé d’un tiers. Moins de conversations, plus de travail, et ce sans avoir l’air d’y toucher. Chapeau ! Bon, malgré une certaine fascination que j’admets volontiers, je n’ai pas le loisir de faire son étude psychologique, un certain nombre de points ne cessant de m’inquiéter. Après trois années d’exonération partielle de charges, il va falloir payer plein pot. Or, bien que mon écran de contrôle soit dans le vert, quelques indicateurs me paraissent, a contrario, dans le rouge. Conclusion rapide, nous allons droit dans le mur et personne n’y est préparé. Mon devoir est d’en faire un rapport, le plus précis et exhaustif possible, pour que les bonnes décisions soient prises avant qu’on ne se réveille un beau matin sur la paille. En une semaine, mon rapport est bouclé. Je le lis et le relis, il est alarmant, mais pas alarmiste, et je crois vraiment que tout y est, y compris la prospective de l’année à venir. Je le balance sur les boîtes de la direction.


Le jour même, Son Altesse en sueur vient me voir :



Ah ouais ! D’accord ! On appelle ça la politique de l’autruche ou je n’y connais rien. Je le vois foncer vers la belle, lui expliquant à grands gestes que ce n’est rien du tout, que ça va aller. Bon, j’ai fait mon boulot, au mieux. Peut-être que je vais me mettre en chasse d’un nouvel employeur avant que le bateau ne coule…


Elle ne vint me voir que deux jours plus tard :



Me voici à vingt heures sonnant au porche d’un immeuble huppé de la capitale. La gâche se déclenche et j’entre dans un hall où il me faut repérer les boîtes aux lettres pour connaître l’étage. Pas difficile, c’est le dernier. Ascenseur, couloir au tapis épais, porte double, sonnette. C’est une autre femme qui m’ouvre, plus petite, pieds nus, longs cheveux tombant jusqu’à la taille, qui m’ouvre.



Elle est en peignoir, mais malgré ce prodigieux changement, elle reste altière et élégante.



Cette femme impressionnante est en fait toute simple. Elle nous fait une omelette champignons-lardons avec une petite salade et un Côtes-du-rhône. Parfait. Elle est encore plus splendide dans sa simplicité quotidienne. Parfois, le peignoir prend du lâche et j’aperçois une petite dentelle blanche de soutien-gorge ou le galbe d’une cuisse. Mais il n’y a rien de volontaire, de provocateur, tout est dans le naturel et reprend immédiatement sa place. L’ordinateur portable est sorti sur la table basse du salon, nous y allons café en main et passons en revue tous les éléments du problème.



J’y aurais bien passé la nuit dans l’appartement de pépé-mémé. Surtout quand elle était assise contre moi sur le sofa. Incroyable nana, incroyable mental, aussi impressionnante que simple et vraie. Pas de triche avec elle, pas possible. Le tricheur est débusqué dans l’instant.


Nous allons chez le principal fournisseur, un homme suffisant.



Dans le TGV qui nous ramène, je lui dis :



Putain la tronche ! C’est sûr, on ne joue pas dans la même cour. Moi, fac de Poitiers, ça ne dit rien à personne. Quelques jours plus tard, elle m’envoie un mail, « Projet d’appel d’offres ». Elle me transfère également la réponse de notre fournisseur principal qui baisse soudain ses prétentions de dix pour cent. Il est rare que je traverse l’open-space, sauf pour arriver et repartir. D’ailleurs je reste persuadé qu’un employé sur deux ignore ce que je fais ici. Mais je vais la voir.



Vache ! J’aurais un ticket avec la plus belle cadre d’entreprise de Paris ? Trop beau pour être vrai. Pourtant… pourtant je reçois un SMS :


« Vous êtes pris à dîner ce soir ? »

« Oui, moules-frites dans un troquet normand de Montparnasse. »

« Génial ! Je ne veux pas m’imposer, mais… «

« Si vous voulez, dix-neuf heures trente, rue de l’Arrivée, le Saint-Jacques. »

« J’y serai. »


On se retrouve entre copains dans ce bistrot découvert par hasard. Que des produits normands, tout frais, et cuisinés comme chez nos grands-mères. Un couple et deux autres célibataires, tous normands, je fais exception, mais ils m’ont adopté.



L’endroit est petit, tout en longueur, la cuisine au fond et il n’y a de place que pour une vingtaine de couverts. Mais quand elle entre, en uniforme de service, là comme partout le silence se fait. Je lui fais signe, elle vient prendre place à mes côtés.



Je n’avais jamais vu Carla rougir, mais ses pommettes se sont un peu colorées. Surtout quand ils enchaînent :



Elle se retourne vers moi pendant qu’ils crient et me murmure :



Et de me coller un joli bisou sur les lèvres. J’en ai le goût douceâtre de son rouge à lèvres. Ensuite, le patron arrive, face rubiconde d’un bon normand.



Le ton est donné. Après, ce sont les andouilles de Vire, nature et au poivre, avec un gentil Pommeau, les moules-frites avec un Quincy de derrière les fagots, les fromages tous normands, la crêpe au chocolat, café et Calva pour bien digérer. On se sépare sur le trottoir, Carla reste accrochée à mon bras.



De Montparnasse à la rue Vavin, ce n’est pas très loin, une bonne trotte tout de même. D’un geste grâcieux, elle libère son chignon et s’ébroue. Comme ces gestes intimes me touchent et me font frissonner l’échine ! Tout comme son bras enroulé autour du mien. Nous évoquons les moments marquants de la soirée, je lui dis que nous sommes désormais catalogués en tant que couple, juste pour un bisou.



Sans attendre la réponse, elle m’en colle un nouveau, plus long, plus appuyé. Cette fois elle sent le Calva. Moi aussi, sûrement. Elle se recule pour me dire :



Je n’insiste pas, je ne transforme pas le bisou en baiser, je reprends la marche. Si elle doit s’offrir, que ce soit avec l’esprit clair et pas embué par l’alcool. Ses cheveux volent au vent et se mettent parfois dans ma figure, je les repousse malgré leur parfum délicat. C’est dingue comme une femme vraiment belle, de cette beauté qui vient de l’intérieur, reste belle en toute circonstance, même bourrée, même échevelée. Nous arrivons à son porche.



Celui-ci est très, très appuyé, très long, très tendre. Ni l’un, ni l’autre ne se décide à franchir le pas, pourtant si proche. Je rentre aussi à pied, pour me dégriser plus de ces bisous que de l’alcool, pour faire le point sur la conduite que je dois tenir… Le lendemain, à froid donc, je reçois un SMS :


« Je ne vous ai pas assez remercié pour cette soirée si sympathique. Croyez-vous que je sois admise au club ? »

« A priori, c’est évident. Mais je ne les revois que vendredi prochain. »

« Ma présence ne sera pas déplacée ? »

« C’est votre absence qui le serait. »

« Chouette ! Bon week-end, mon ami. »


Nous avons lancé l’appel d’offres et quelques réponses sont arrivées, d’autres posent des questions complémentaires, ce qui est en général signe de sérieux. Les conditions ont bien changé depuis le début de l’aventure : on partait sur un espoir de vendre cinq mille pièces par an, on est sur une réalité de vingt mille. Les premières réponses, même si elles ne sont pas retenues, montrent qu’on s’est fait enfler pendant trois ans. Notre fournisseur a dû faire un petit profit la première année et s’est goinfré par la suite. Les chiffres le prouvent, certains se positionnent à cinquante pour cent en dessous. Ce ne sont pas forcément les meilleurs, mais tout de même.


Nouvelle soirée au Saint-Jacques. Cette fois le patron a fait fort. En entrée, poêlée de boudin normand. C’est un boudin particulier, très gros, comme un salami. Et passé à la poêle avec quelques louches de crème… c’est léger ! Clara est complètement intégrée et déconne avec tout le monde. C’est marrant, comme elle ne hausse jamais le ton, tout le monde se tait quand elle parle. Je la raccompagne à pied encore une fois. C’est agréable de marcher dans Paris la nuit avec une telle nana au bras, et puis on a le temps de discuter.



Je l’ai eu ce gros et tendre bisou de ses lèvres charnues. Oui je sais, je suis très con ! J’aurais pu monter et passer la nuit avec elle. J’aurais pu l’emmener en week-end avec moi, j’ai bien vu qu’elle en avait envie. Et puis… On se serait retrouvés pour la première fois dans le même lit dans une ferme sans confort au milieu de nulle part, un plumard qui sent le hareng ferné (non, pardon, j’ai bu, le renfermé) ? C’est moyen comme escapade romantique. Nous sommes amis, collègues, on s’entend bien, on travaille bien ensemble, ne gâchons rien. Sur la route, je reçois un SMS :


« Rapportez-moi des photos de nature, svp… »

« Avec plaisir », réponds-je dès que je peux m’arrêter.


Week-end sérieux, mes parents passent la main et prennent leur retraite. Réunion de famille le samedi soir avec mon frère, sa femme et leurs deux enfants. Après le dîner, Jacqueline, ma belle-sœur, rentre avec les enfants et nous laisse discuter. Le projet de mes parents est de laisser les terres à mon frère, paysan lui aussi, et de me laisser leur maison comme maison de campagne. Eux se font construire une petite maison près de chez mon frère, histoire de lui donner un coup de main de temps en temps et de ne pas être trop isolés en vieillissant. Moi ça me va, je n’en demandais pas tant. Quant à mon frère, il va pouvoir mener ses projets à bien : passer en bio sans perte de production grâce à l’agrandissement, et surtout revenir aux valeurs d’antan ; avoir une ferme diversifiée qui produise un peu de tout. Il est heureux, moi aussi.


Je conserve la maison de mon enfance, un petit bout de prairie et un verger attenant, de quoi s’amuser un peu. Elle est à rénover, mais ça se fera avec le temps. Jacqueline passera aérer régulièrement et mon frère débroussaillera autant que de besoin. Parfait, tout ça. Il faudra revenir dans une quinzaine pour passer chez le notaire. Le dimanche matin, je fais un tour au village, acheter quelques produits locaux pour remporter à la capitale, l’après-midi je fais quelques photos avant de reprendre la route, le coffre rempli de bons produits de la ferme. Au moment de partir, mon frère se pointe sur les chapeaux de roues.



Bouledepoil, c’est notre âne du Poitou, avec une toison bouclée et épaisse jusqu’en bas des pattes. Il est trop rigolo et porte bien son nom.


Je reprends la route en essuyant une petite larme sur la joue ridée de ma maman.



Elles sont comme ça les mamans. Elle ne peut même pas imaginer ma vie, peut-être que c’est mieux ainsi. Il est à peine vingt heures trente quand j’arrive. J’ai bien fait de passer par la vallée de Chevreuse, la radio dit que le péage de Saint-Arnoult est bloqué, comme tous les dimanches soir. Je croque quelques carottes crues, juste passées sous l’eau, j’adore ça, elles étaient encore dans la terre ce matin. Puis je fais un mail à Carla, une photo de Bouledepoil. Un instant après, mon téléphone sonne :



Elle a débarqué dans le quart d’heure, avec son peignoir sous l’imperméable.



Quand tout est prêt, haricots sautés à la poêle avec beurre, ail et persil frais, je sors le rosbif et je le découpe. Juste saignant à cœur, et j’aurais pu le couper avec le dos du couteau.



Et on parle, et on parle, et le temps passe. Il est déjà minuit passé.



Elle se lève et vient se nicher dans mon cou.



On fait faire un test de fabrication à l’entreprise qui nous semble la mieux-disante. Impeccable. Quarante pour cent moins chère que l’autre, qui n’a pas pu, ou voulu, s’aligner. Carla a mis au point une stratégie commerciale : un mois de promotions pour attirer de nouveaux clients. « Prix cassés avant augmentation ». On ne prend pas nos anciens clients en traître, ils ont tout loisir de commander et faire du stock. Après, plus cinq pour cent. Avec ce nouvel équilibre, je suis certain de pouvoir absorber l’intégralité des charges, avec consigne à Gérard de ne pas faire le père Noël avec les salaires. Ouf ! Naufrage évité, pour l’instant du moins.


Le week-end en Poitou est une épreuve nerveuse pour tous les deux. Ma Parisienne s’est vêtue simplement, jean, bottes et blouson, queue de cheval et pas de maquillage. Mon père, mon frère et moi allons chez le notaire en laissant les trois femmes préparer le repas. Je crains le pire. Côté hommes, nous allons arroser ça au bistrot du coin. Mon frère me dit :



Deux points pour Carla. Restent les femmes, et connaissant les compétences culinaires de mon amie, je me dis qu’on va droit au match nul. Tout est calme quand on rentre, la popote mijote tranquillement. Maman a sorti le beau service et c’est Carla qui met la table. Ça, c’est dans ses cordes.


À table, ils lui demandent ce qu’elle fait. Elle expose rapidement son poste. Je complété en disant :



Tout le monde rit, elle a encore marqué un point. Elle m’agace, elle est excellente et elle le sait bien. Pourquoi j’ai accepté ce deal ? Parce que j’en suis amoureux, certainement… Au cours du repas, elle s’extasie sur la nourriture. Pour l’occasion, ma mère a fait rôtir une oie, avec de simples pommes de terre sautées dans la graisse de l’animal.



Et voilà, ma belle-sœur qui la tutoie déjà. Traîtresse, Jacqueline ! Mais le pire, là où elle fait jeu, set et match, c’est au cours de l’après-midi. Ma mère lui demande :



La garce ! Elle n’avait pas menti, mais… cette façon de jouer les saintes-nitouches ! Diablesse ! Évidemment, ma mère a trouvé un moment, quand elle était partie caresser Bouledepoil pour me dire :



Voilà, quatre-zéro ! Et c’est bien le constat qu’il me faut reconnaître sur la route du retour. Elle s’enflamme soudain et se met à débiter :



Je monte le son de la radio qui diffuse un extrait de Notre-Dame de Paris, « Belle », avec la voix râpeuse de Garou…




  • — Tiens, voilà « cuisse légère » !
  • — Comment vous l’appelez ?
  • — Oh, c’est entre nous, on l’appelle « cuisse légère » parce qu’elle a couché avec tout le service, y compris les gars du Samu. C’est une folle furieuse de la baise !

Elle lui a dit bonjour et s’est pendue à mon cou. Le mec s’est retiré, gêné. On est quand même allés au restaurant, après j’ai prétexté une migraine et je l’ai ramenée chez elle. Le monde venait de s’écrouler…



On fait comme elle a dit. Bien que n’ayant pas de voiture, ni même le permis, elle dispose d’un garage sous son immeuble. J’y range ma voiture et nous faisons deux allers et retours pour monter tout ce que nous ramenons. Le dîner est rapide et frugal, nous avons assez mangé pendant deux jours. Ensuite… Eh bien, ensuite il m’est donné de découvrir le plus beau corps de femme que j’aie jamais vu, de le toucher, de l’embrasser, de le tenir dans mes bras. Quand mon pénis pénètre son vagin, je suis sur le toit du monde, en manque d’oxygène, ébahi par la beauté irréelle du paysage, avec un sentiment prodigieux de victoire et d’exploit sur moi-même et la nature. Je l’empale, elle me chevauche, je la couvre, elle me vide. Hors d’haleine, nos regards injectés de sang se croisent, un simple sourire nous colle de nouveau l’un à l’autre, ce qui ne devait être qu’un baiser ranime immédiatement l’incendie… Quand le réveil sonne, je ne veux pas l’entendre. Elle vient me secouer en m’apportant un mug de café fort.



Au boulot, dire que je suis dans le gaz, c’est peu dire… Mais ce qui me ramène à la vie, c’est que je sais… Je sais ce que cette femme en face de moi, contemplée de loin, a sous son tailleur. Et dans ce grand open-space où nous sommes cinquante, je suis le seul à savoir quelle est la couleur de sa petite culotte, et à savoir ce qui se cache en dessous. Mon téléphone perso vrombit. Un texto :


« Alors Jérôme ? Le bonheur c’est comment ? »

« Vraiment, vraiment fatigant. Mais magnifique ! Et vous ? Toi ? »

« Moi, 365 fois autant pour l’année qui vient, ça me va. On verra après… »

« Putain… faut que je prenne des vitamines !




Ding ! Ding !


La sonnette du vélo me tire de ma torpeur au bord de l’endormissement. Je suis vautré sur le canapé du grand living que nous avons aménagé dans la grange. Une porte-fenêtre remplace les grandes portes, que nous avons conservées comme volets. Elle donne sur le pré et le verger où gambadent nos deux beaux enfants.



Je la regarde grimper la colline, son cul parfait oscillant sur la selle à chaque coup de pédale. Un cul en forme de poire, fraîchement rempli de ma semence, accroché à sa taille fine, son dos en V, son petit chapeau de paille… Eh oui, pendant que les enfants faisaient la sieste, nous en avons fait une « crapuleuse », une de ces séances de mi-journée qui vous met les jambes en coton pour le reste de l’après-midi, violente et douce à la fois, en un mot passionnée. Que je l’aime…



Elle a entendu, fait demi-tour et s’arrête près de moi, un peu essoufflée.



Elle repart en se retournant fréquemment, pour voir si je la regarde. Son rire cristallin dévale la colline jusqu’à mes oreilles. Ça doit être ça, le bonheur, ou je ne m’y connais pas.