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Temps de lecture estimé : 63 mn
02/12/20
corrigé 02/06/21
Résumé:  Coups de foudre... mais pas que ! Malheureusement !
Critères:  fh boitenuit amour jalousie revede voir fellation cunnilingu 69 pénétratio sm -amouroman
Auteur : Claude Pessac      Envoi mini-message
Me abbandono a te

C’est un dimanche comme les autres.

Enfin, comme tous les dimanches depuis huit mois.


Comme d’hab’, je me suis levé à dix heures moins le quart. Que je me couche avant minuit (ce qui est rarissime en fait le samedi !) ou à cinq heures du matin, je me lève toujours à ce moment-là le dimanche. Le carillonnant appel aux fidèles ne me laisse pas le choix. C’est le prix à payer lorsqu’on habite juste sous un clocher.


Quoique…

Avant, on ne les entendait pas ces cloches, elles ne nous réveillaient pas. À croire que nos horloges internes étaient réglées sur midi et que nos cerveaux bouclaient fort judicieusement les écoutilles de nos oreilles. Claire et moi dormions presque systématiquement jusqu’au milieu du jour. Voire bien au-delà, pour peu qu’au réveil, quelques tendresses, quelques caresses n’aient renouvelé nos appétits coquins et engendré des débordements nécessitant alors un petit rab de dodo.


Mais ça, c’était avant.

Avant que Claire ne me quitte, du jour au lendemain, pour un bellâtre. Mister Univers, son prof de fitness. Des muscles à gogo et le QI d’une huître. Je sais, je sais, ce n’est pas gentil pour les huîtres.


Si vous connaissiez Claire, vous comprendriez que son départ m’ait laissé dans un état lamentabilissime. Je suis tombé à – 8000 ! Éparpillé façon puzzle ! Pendant une semaine, je n’ai rien foutu, incapable de me concentrer, totalement asséché, l’esprit vide, à court d’idées, ce qui, pour un créatif, est le pire qui puisse arriver. Passés ces huit jours, mon associée-pourvoyeuse de fonds a déboulé au bureau, m’a gentiment remonté les bretelles, remis les points sur les i et balancé trois dossiers sur mon bureau ainsi qu’une carte de membre VIP du Macumba, le discret club privé, mais néanmoins mythique du centre-ville.



La menace ultime ! Pas le choix, ou alors je me retrouvais avec un ticket pour Popol Emploi ! Je me suis donc remis à bosser, d’arrache-pied. Et à m’éclater le week-end.


Depuis huit mois donc, tous les dimanches matins, debout aux premières cloches. Pas le choix, passé ce délai, en été surtout… aller courir sous le cagnard serait de la folie. Et surtout, mon footing, c’est une stratégie. Je pars en laissant un petit mot scotché sur la porte de ma chambre : Je suis parti courir – Retour à 11 h – Le petit dèj est prêt – Si tu es pressée, tu claques juste la porte derrière toi. Huit fois sur dix, ça marche. Ma conquête de la veille s’est fait la malle avant mon retour. Pour les deux autres cas, je sers l’excuse du rituel rosbif-fayots dominical avec papa-maman et hop, merci-ciao. Elles ne sont pas censées savoir que je suis orphelin ! Ça marche à tous les coups ! Salut mam’zelle, à la prochaine ! Ou pas…


Ce matin, comme d’hab, j’ai accroché mon panonceau sur la porte. Je suis parti faire deux petits tours du quartier, vite fait, et je suis rentré. Fissa. C’est clair, je ne voulais surtout pas que Clara file sans me laisser une chance…


Claire – Clara. Ferais-je une fixette sur les déclinaisons de ce prénom ? Je ne vois que ça, car pour le reste, elles sont aussi différentes que le jour et la nuit. Claire, elle l’était : claire de peau, cheveux très blonds, yeux bleu très pâle. Cette petite nana fluette arborait en outre une poitrine ahurissante. Clara, elle, est grande, fine, très brune, peau mate et p’tits nibards. Bon, soyons clairs, Clara est beaucoup plus mon genre de femmes a priori. Claire était en quelque sorte une exception, un écart de régime. C’est clair ?


Est-ce uniquement pour son physique idéal que je ne voulais pas risquer de voir Clara filer en douce ?


Parce que bon, je ne sais rien d’elle. On s’est connu hier…



oooOOOooo



Je suis assis-debout contre l’allège d’une des fenêtres de la cuisine et je sirote mon café. Lorsqu’elle est apparue au seuil de la pièce, Clara n’a répondu à mon « Bonjour » que par un vague hochement de tête et un timide grognement genre «’jour ». Sans un regard. Pas plus loquace lorsque je lui ai proposé du café, juste un signe de tête. Serait-elle du genre à ne desserrer les dents qu’après un premier café ? À moins qu’elle ne soit agacée de me trouver là, bien avant l’heure annoncée sur mon petit mot ?

Elle tourne sa cuiller dans sa tasse. Manœuvre parfaitement inutile puisqu’elle n’a ajouté ni sucre ni lait dans son double-expresso. Geste automatique ? Réminiscence d’une époque où elle sucrait son café ou juste une façon de se donner une contenance ? Les yeux dans le vague, le regard fixe, elle est ailleurs. Visage fermé, sans expression, je ne sais pas si elle continue sa nuit ou si elle réfléchit intensément. Elle a l’air un peu perdue.


Moi, je reste silencieux. J’ai bien compris que lui adresser la parole à cet instant serait une agression. Et je ne veux surtout pas la braquer. Je la regarde. Je la contemple. Elle porte l’ample chemise de coton qu’elle avait enfilée cette nuit en m’attendant au lit. Seule variante, elle a fermé un bouton, au niveau du nombril, ce qui me laisse le bonheur d’apercevoir les contreforts des montagnes alpines. Enfin, disons plutôt des collines sous-vosgiennes dans son cas.


Elle finit par arrêter son touillage, sort la cuiller de sa tasse, la fixe un instant avec une petite moue, comme si elle réalisait à l’instant la vacuité de sa manœuvre. Elle boit trois gorgées, repose doucement sa tasse et pour la première fois ce matin, porte son regard sur moi.



Son ton est parfaitement neutre, sans chaleur aucune, sans animosité non plus. Neutre. Le pâle sourire qui a un peu détendu son expression n’est-il juste qu’un réflexe ?

Elle finit sa tasse.



J’ai droit à un vrai sourire cette fois : ouf ! Pendant que je nous prépare deux nouveaux expressos, je cherche désespérément comment engager la conversation. Mais rien ne vient et je panique grave. J’aurais mille choses à dire à cette charmante inconnue, mais si je ne lui en disais seulement qu’une ou deux, elle partirait en courant, persuadée que je suis un dangereux malade. Comment pourrait-elle comprendre cette incroyable flamme qui me consume depuis cette nuit, comment pourrait-elle admettre la sincérité de cette passion imprévisible ?


Le silence perdure, lourd, inconfortable. C’est elle qui le rompt, enfin, après avoir goûté son second café. Affichant un air perplexe, elle plante son regard dans le mien et lâche :



J’ouvre de grands yeux et dois afficher un air si ahuri qu’elle rit. Ben merde, si je m’attendais à cela ! Qu’est-ce qui va me tomber dessus ?



Je n’en mène pas large, c’est le moins qu’on puisse dire. Qu’est-ce que je vais prendre ?



Qu’est-ce que vous voulez répondre à ça ? Un queutard ! Je suis déstabilisé et ne peux m’empêcher de rougir.



Mon petit mouvement de tête oblique et ma moue l’arrêtent.



Visiblement, Clara n’est pas très convaincue :



Je hausse les épaules et grimace un peu, mais la laisse continuer.



Je pourrais protester, pour la forme, mais préfère jouer la carte vérité :



Clara opine du chef et d’un geste, m’invite à m’expliquer.



Clara m’écoute certes, mais je la vois réfléchir : petite ride au front, yeux étrécis et sourcils froncés. Elle lève la main pour m’interrompre :



Là, je suis un peu désarçonné et bafouille :



Soudain rêveuse, Clara me considère avec attention. Visiblement, elle cherche à se remémorer les propos exacts de sa camarade de terminale. Quelles confidences Claire a-t-elle bien pu lui faire à mon sujet ?



Je vois Clara hésiter une seconde :



Amusée, Clara glousse :



Je rechigne un peu, car je ne suis pas très fier de moi. Ni de mes conquêtes.



Cette fois, Clara rit franchement :



Clara repousse un peu le banc de la table et s’adosse contre les éléments de la cuisine. Du coup, sa chemise s’entrebâille un peu plus, dévoilant les marques de bronzage de ses seins. J’adore !



Je suis un peu gêné de répondre. Tant qu’il s’agit de moi, no problemo, je n’ai rien à cacher, rien à lui cacher, mais divulguer les petites folies de Claire m’embarrasse. Je m’en tire plus ou moins par une pirouette, en généralisant.



Je suis un peu surpris que Clara parle ainsi, sans détour. Elle aurait pu biaiser pour éviter « baisées » ! Mais, bon, on va dire qu’elle s’est mise à mon diapason…



Couillon, indécrottable crétin ! Je n’ai pas osé. J’aurais pu, j’aurais dire « jusqu’à cette nuit » ou « jusqu’à toi », mais j’ai calé. Bêtement. Lamentablement. Supra connement ! Toutefois, j’ai l’impression que Clara n’est pas dupe, qu’elle a bien relevé mon hésitation sur la fin de ma phrase. Son petit sourire et ses yeux étrécis paraissent se moquer gentiment de ma timidité. Je décide de garder la main avant qu’elle ne me mette dans l’embarras.



Clara prend un air exagérément condescendant :



J’imagine assez facilement les qualificatifs utilisés. Faut dire que mon paternel n’était pas du genre commode !



Clara respire un grand coup avant de répondre :



Clara marque un temps d’arrêt, se lève en se frottant le postérieur, ce qui me permet d’entrevoir sa petite culotte blanche. Spectacle toujours délicieux !





oooOOOooo




Lorsque je la rejoins, Clara est assise en tailleur sur le canapé. Sa chemise, serrée entre les cuisses, bâille de plus en plus dans le haut. La belle boit deux gorgées après avoir soufflé sur son café. Alors que je m’assieds dans le fauteuil en face d’elle, elle se penche pour poser sa tasse sur la table basse qui nous sépare. Se redressant, elle me fixe et demande :



Le temps de la timide pudeur est passé, je lui réponds franchement :



Carla prend une profonde respiration avant d’enchaîner :



Premier doute pour moi : non, mais attends, il sert ces discours à toutes les pétasses qu’il embarque ou j’ai droit à un traitement spécial ? On arrive chez toi, tu te plantes devant moi pour fouiller les poches de ta veste à la recherche de tes clés et voilà que tu en profites lâchement pour me glisser un bisou dans le cou. Hey, tu n’y es pas mec, je viens pour m’envoyer en l’air, pas pour jouer la romance ! C’est un truc d’amoureux çà, le bisou dans le cou ! C’est une marque de tendresse, de complicité intime. T’es pas dans l’mouv’là ! N’empêche que ce bisou m’avait collé le frisson : Oh le con, il est pas vrai ce mec ! Et puis, on entre chez toi. Alors là, je sais, c’est complètement idiot, mais, idée préconçue, j’avais imaginé déboucher dans un studio, plus ou moins en bordel et pas très propre, où un immense lit aux draps douteux tiendrait la vedette : un studio de play-boy de supermarché avec le tableau érotique made in China, nana à poil sur fond bleu métallisé clinquant et leds étincelantes. Le top du top quoi ! Or, je découvre un appart superbe, propre et rangé, cosy, où des meubles rustiques en bois naturel ou polychrome voisinent avec des éléments très contemporains, de bonne facture et pas du tout tape-à-l’œil. Ni les nordiques en kit, ni les éternels Le Corbusier ou les incommodes sièges Starck, mais du beau, simple et confortable. Idem pour la décoration, du bon goût, pas d’agressivité ou de surcharge.


Je me souviens effectivement de son air étonné et ravi alors qu’elle détaillait les objets et tableaux. Tout juste l’avais-je vue tiquer en regardant une des toiles, un nu en l’occurrence.



Comme j’acquiesce, elle reprend la parole :



Tout en parlant désormais d’une voix un peu rauque et basse, yeux fermés, Clara reproduit avec sa main droite les caresses qu’elle raconte. Abandonnant sa position en tailleur, elle se cale confortablement dans le dossier du sofa, presque allongée, les pieds au sol, les cuisses à peine entrouvertes. De sa main libre, elle déboutonne sa chemise dont les pans ne tardent pas à s’écarter, libérant les sommets érigés de ses seins.

Spectacle prodigieux que cette adorable qui s’abandonne peu à peu, revit les tendresses de la nuit précédente. Spectacle irrésistible qui m’enflamme, finit de réveiller le crotale lubrique déjà remuant dans mon short et le dresse douloureusement au point que je doive discrètement le dégager de mon slip. Je n’ose pas aller jusqu’à le libérer du short qui se dresse désormais en tipi. Clara ne pourra douter de l’effet qu’elle produit par la musique envoûtante de sa voix et ses mimes lascifs si jamais elle ouvre les yeux. C’est précisément ce qu’elle fait à cet instant. Sourire satisfait. Ses deux mains désormais papillonnent sur ses tétons tendus.



Clara, qui s’était légèrement avancée vers moi pendant son explication, se réinstalle confortablement dans le canapé. Elle libère le bas de sa chemise qui jusque-là masquait son entrejambe et je découvre, ravi et surexcité que la coquine a profité d’être seule pendant que je préparais les cafés pour se débarrasser de sa culotte en coton. Entre les cuisses désormais assez généreusement ouvertes, je voyage entre Groß Deutschland et USA, de la petite Forêt-Noire de sa motte au Grand Canyon ruisselant. J’adôôoore cette géographie !

Fière de son effet, Clara me défie du regard :



Je ne me fais pas prier et vire de concert short et slip. Et tant qu’à faire, j’enlève mon t-shirt. Nu, je me rassois, braquemart en main.



Sa voix à nouveau baisse d’un ton et de quelques décibels, pour se faire caressante, ensorcelante. Clara reprend son récit, sa main gauche titillant toujours un téton, la droite plongeant vers son ventre :



Clara halète bruyamment, le rouge lui est monté au visage, son corps s’est arqué. Moi, totalement hypnotisé par le spectacle, je tente de garder le contrôle, mon self-control, osant à peine toucher mon chibre tendu. Je me sais au bord de la rupture, mais voudrais plus que tout au monde qu’elle m’invite à la rejoindre. Passer à l’action, ne pas rester spectateur. Mais je ne veux prendre aucune initiative, je ne veux la forcer d’aucune manière, quand bien même l’impatience me tétanise.


Plongeant une main dans la petite poche de sa chemise, elle en sort une capote et me la lance.



Répondant à sa supplique, je me lève et m’approche, mais je suis bien décidé à ne pas lui obéir ! Plonger en elle, la buriner direct, cash, sans fioriture ? Niet ! Je veux plus, plus, et bien davantage encore !

L’attrapant par la main, je l’oblige à se relever et l’entraîne dans le couloir malgré ses protestations. Mais si elle a rechigné au départ, elle me suit sans résister, me dépasserait même si elle le pouvait. Arrivés dans la chambre, alors qu’elle veut se jeter sur le lit, je lui fais effectuer un 360 et la plaque contre le mur. Mes mains enserrent ses poignets que je lève à hauteur de sa tête et que je colle au mur.



Instantanément, je relâche ses poignets : visiblement, le hand-uplui a fait mal à l’épaule gauche. Réellement !



Je lui découvre un étrange regard : frayeur ? Panique ? Une petite lumière rouge s’allume dans mon esprit : au-delà de sa douleur à l’épaule, la fougue de mon mouvement semble l’avoir paniquée. Au point d’anéantir son désir. Je sens son corps totalement raidi ; ses tétons ont dans la seconde complètement perdu leur insolente érection, ses épaules sont bloquées, son bassin visiblement fuit mon contact. Il me semble même qu’elle tremble !

Je crains que sa réaction ne recouvre une assez triste réalité dont il me faudra découvrir les origines. Plus tard. Avec patience et délicatesse. À cet instant toutefois, je comprends qu’il va me falloir tout reprendre à zéro pour la ramener sur le lumineux chemin du plaisir.


Délicatement, j’enferme son visage entre mes mains, lui caresse les joues ; mon museau se plaque sur ses lèvres, ma langue parcourt ce délicieux coquelicot écarlate, tente d’envahir sa bouche qui peine à s’entrouvrir. À force de tendres bécots légers et de mots doux, les lèvres finissent par s’écarter. Nos souffles se mêlent et brusquement, je sens son corps se détendre d’un coup, si totalement que je dois la soutenir pour lui éviter de s’affaler au sol.


La portant à moitié, je l’allonge sur le lit. De statue de sel, Clara s’est transformée en poupée de chiffon, molle et inerte. Allongé à son côté, je la caresse, je l’embrasse, lui lèche le menton, les joues. J’alterne baisers et léchouilles, je la surprends en soufflant légèrement sur ses yeux, en embrassant ses paupières, en caressant sa nuque. Ma bouche glisse dans son cou, parcourt son épaule gauche avant de descendre vers son bras. Le contact de ma langue dans son aisselle la fait sursauter et lui arrache un petit rire. Chatouilleuse ? Ma baveuse insiste, conquiert le creux axillaire, provoquant sursauts et gloussements. Le dégel se confirme, la chair de poule envahit sa peau et les cabochons de ses seins se hérissent légèrement.


Clara prend ma tête entre ses mains pour la ramener à quelques centimètres de son visage. Elle affiche un air grave, mais son regard est serein :



Nos bouches se scellent, nos lèvres se soudent, nos souffles se mêlent et s’emmêlent. J’aime le goût café-passion de sa bouche. Nos langues s’affrontent en un délicieux combat où nous sommes tous deux vainqueurs : elle, dont le corps s’arque et se tend, et moi qui succombe à ses assauts brûlants qui réveillent définitivement mon sexe qui vient barrer sa cuisse.


Oubliant alors sa bouche gourmande, ma langue glisse dans son cou, dérape vers le sillon d’entre monts, humecte les contreforts des éminences opalines. Je bécote patiemment les pentes légères du sein droit alors que ma dextre flatte le satin de l’autre. Je vois les aréoles s’étrécir, les sombres tétins se dresser encore, se façonner en bâtons de réglisse, s’élever en crampons insolents. Ne m’a-t-elle pas avoué avoir failli succomber à mes agaceries cette nuit ? Saurais-je la faire basculer ce matin ? La propulser dans un tourneboulant séisme juste avec mes caresses ?


Je vais tenter ma chance : doucement, irrésistiblement, insidieusement, ma langue d’un côté, mes doigts de l’autre, font mine d’aborder les fleurons hérissés, s’en approchent à les frôler pour s’enfuir avant d’y revenir. À chaque fois, Clara se tend, propulse son torse au contact espéré, et chaque fois j’esquive. Ma douce impatiente soupire, geint, râle doucement sous cette insidieuse torture. Ses yeux fermés s’ouvrent furtivement, m’interrogent, me supplient de franchir le cap. Ma paume alors vient effleurer, aussi légère qu’une plume, un sommet turgide et Clara se cabre, son corps s’électrise, ses lèvres se tétanisent. Machiavélique, j’insinue un genou dans son entrejambe qu’elle ouvre volontiers, prête qu’elle est à subir les pressions de ma cuisse sur son sexe enflammé.

Alors… Alors seulement, alors enfin, ma bouche et mes doigts abordent les sémaphores ardents de ses seins durcis, les flattent, les caressent, les pressent, les supplicient, les cajolent. Ma cuisse, traîtresse félonne, coulisse sur la fente baveuse, écrase les lèvres inondées, déflagre le bourgeon délicat.


Sous ces assauts tendres et violents, Clara se lâche, bascule, explose, m’abandonne son corps, s’atomise dans le néant lumineux. Elle rue, se cabre, sursauts spasmodiques, écarts erratiques, elle tente de me fuir pour mieux retrouver dans la seconde, et mes doigts, et ma bouche, et ma cuisse scélérate qui râpe sa conque inondée, élime son clito douloureux.

Je plaque mes lèvres sur sa bouche pétrifiée en O, lui vole son souffle, l’oxygène du mien, l’étourdit plus encore dans sa petite mort. Je n’ai plus rien à faire désormais qu’à jouir de son plaisir, qu’à me repaître de son bonheur, qu’à capter sa lumière qui auréole ma victoire.


Quand son séisme se calme, que d’incontrôlables répliques assassines font tressaillir son corps de loin en loin, quand elle finit par reprendre pied, son visage est lumineux, ses traits magnifiquement détendus. Elle prend mon visage dans ses mains, l’attire doucement avant de m’embrasser, tendrement. Doux baiser, tranquille, sincère.



Je me redresse légèrement, bloque son regard :



Je tremble d’avouer l’impossible, l’incongru, l’insensé, l’irraisonnable, mais ne peux y résister :



Elle a répondu instinctivement, presque violemment ! Mais son regard me rassure, l’éclat dans ses yeux me conforte. Elle secoue légèrement la tête en signe de dénégation, pince les lèvres avant de les entrouvrir, de me sourire.



À voix basse, elle chantonne le refrain que j’ai paraphrasé quelques instants plus tôt :


Oui, mais toi, c’est différent

Toi, c’est différent

Pas un autre

Aucun autre, ne te ressemble

,Car toi c’est différent


Clara n’a certes pas l’insondable profondeur de la voix voluptueusement voilée de Maurane, mais elle m’émeut autant que l’interprète originale et mes yeux s’embuent quand elle distille les arpèges du dernier « toi ». Un long silence complice s’installe entre nous, tout contre nous, nous unissant dans une paisible communion.


De longues minutes s’écoulent encore où nous nous embrassons, nous bécotons, nous câlinons. Nous nous répétons des mots insensés, nous nous offrons des aveux impossibles, des promesses folles. Nous nous saoulons de fadaises délicieuses, de tendresses puériles, nous nous coulons avec ravissement dans un cocon duveteux où nos corps se fondent, nos peaux s’apprivoisent.


Nos mains, inévitablement, s’animent, parcourent avec légèreté d’abord nos chairs alanguies. Mais ses insatiables gourmandes ont tôt fait de cibler des zones précises qui attisent nos désirs. Nos baisers se font plus fougueux, nos caresses plus indécentes. Mes phalanges se perdent dans les ciselures fragiles de son coquillage pourpré, s’empoissent de son miellat, explorent les douces anfractuosités du bénitier avant de s’immiscer dans l’échancrure veloutée où ces friponnes cartographient avec une indécente précision le plafond stridulé et le plancher velouté. À la recherche d’un hypothétique certain point, ils explorent en apnée le chaudron bouillottant.

Mon sacré mathurin, lui, est désormais captif d’une menotte habile qui coulisse avec ferveur, a rabattu le col roulé, libéré sa tonsure écarlate. Les mouvements restent doux pour ne pas affoler le flûtiau, l’abandonnant par instant pour capturer les grelots, les triturer avec mesure.


Comme j’amorce une descente résolue vers sa ria ennoyée, Clara me repousse fermement, me fait rouler sur le dos. Je proteste :



Je lui répondrais bien que non, bien au contraire, mais l’agile anguille déjà me chevauche tête-bêche et me bâillonne en plaquant résolument son berlingot sur ma bouche. Le nez dans le frou-frou de ses dentelles carmines, je lape l’exquise cyprine, fouille le lit de la rivière tumultueuse. À deux mains, j’écarte les jumelles charnues et promène ma baveuse du promontoire nacré jusqu’à la sombre cerne plissée de son joufflu. Clara s’active avec dévotion sur mon chibre, le lape, le titille, le pompe avec ardeur. Déchaînée, elle l’avale tout entier, l’abandonne avec brusquerie pour le branler fermement, le réembouche avec ferveur, le malaxe, le triture, le mâchouille : l’horreur exquise ! Sa langue joue sur mon frein, l’agace, l’horripile. Le traitement est si délectable et forcené que je comprends bien qu’une fatale issue s’annonce dans un délai plus ou moins proche. Surtout plus, en l’occurrence. Inutile de se leurrer, je suis battu, Clara va remettre les compteurs à zéro, je n’ai aucune chance de l’expédier vers Cythère avant qu’elle n’obtienne l’éruption convoitée. Je cesse de lutter contre l’inéluctable, les spasmes s’accélèrent et mon foutre s’expulse, jaillit dans sa bouche, une fois, deux fois, avant qu’elle ne libère le venimeux qui continue de cracher son venin. Je suis transporté, explosé, tourneboulé dans le divin charivari de l’orgasme ! Cramponné à deux mains à ses hanches, le nez dans sa conque, je m’asphyxie dans les flots enivrants de sa mouille, avant de m’effondrer, bienheureux vaincu.


Le temps que j’émerge de ma béatitude, Clara s’est retournée. Me chevauchant toujours, je la vois recueillir les pendeloques de mon gel dispersées sur ses joues et son torse. Elle porte ostensiblement à sa bouche le fruit de sa récolte, lèche ses doigts avec une gourmandise coquine.



Je ris en la voyant fuir ! Sacrée nana ! Pas froid aux yeux ! Ni ailleurs d’ailleurs !


Elle est presque sortie de la chambre quand elle se retourne et me lance :





oooOOOooo




Nous avons beaucoup parlé encore, avides que nous étions de nous connaître mieux. Doux aveux, tendres confidences, surprenantes vérités, tristes pour certaines. Puis, la belle, m’ayant laissé son 06, s’est éclipsée en me promettant de revenir très vite.


Elle n’est pas partie depuis trois minutes que retentit la sonnette : aurait-elle oublié quelque chose ?


J’ouvre la porte, tout sourire… et me retrouve face à un inconnu.



J’acquiesce et il enchaîne :



Causer ? De Clara ?


À peine ai-je le temps de refermer la porte que, me tournant vers cet énigmatique visiteur, je me prends un monstrueux coup de poing dans le nez. Un phénoménal bourre-pif comme auraient dit « Les Tontons ». Sinistre craquement, mon nez est explosé. Pas le temps de récupérer, on passe aux « Valseuses » : le mec m’expédie un coup de genou dans les choses de la vie. Je m’écroule doucement et c’est « Karaté Kid », atémi dans la glotte. Tu parles d’un cinéma !


Faudrait qu’il cesse le brutal, j’aime pas trop beaucoup sa façon de causer !




oooOOOooo




La circulation est particulièrement fluide. Et c’est tant mieux, car au volant de son coupé, Clara conduit la 504 sans être très attentive. Elle est passée en mode automatique (elle, car la « old-timer » ne dispose que d’une boîte manuelle). Clara rêvasse, Clara est aux anges, à croire qu’elle a gardé un pied dans les plaines lumineuses du septième ciel !


Putain, faut croire que je suis sacrément veinarde ! Hier soir, je cherchais juste un petit coup dans la caisse, mais en fait, j’ai eu droit à la totale ! Matt m’a inspecté pas loin des 133 points du contrôle technique : vérification des airbags, test de leurs commutateurs de déclenchement et réglage de sensibilité. Il m’a démonté le carbu, renversé la culasse, récuré les pipes d’admission, resserré le carter, réglé les vis platinées…


La jeune femme est parfaitement consciente des limites de ses connaissances en mécanique générale et imagine bien accumuler incohérences et incongruités dans ces énumérations. Mais elle s’en tape : elle exulte, elle s’amuse, elle veut délibérément être crue, obscène, salace et vulgaire. Se lâcher sans complexe et « faire honte à papa ! ».


Oh yes, on peut dire qu’il m’a culbutée, démontée, tourneboulée et totalement atomisée ! Il n’a pas la tringlette la plus ahurissante que j’aie tâtée, mais il sait s’en servir ! Sans compter que c’est un sacré manuel !


Elle frémit d’aise rien qu’à se rappeler des caresses patientes et expertes de Matthieu sur son corps frémissant et fermerait volontiers les yeux à ce souvenir. Mais si la Peugeot connaît bien le chemin de l’écurie, il faut quand même conserver un minimum de conscience pour arriver à bon port. Et si elle laissait ses doigts prendre le chemin du carrefour de ses désirs, l’opération risquerait de finir dans un tête-à-queue qui n’aurait rien de jouissif !


Même que si un de ces jours, il veut parachever le contrôle, desserrer les pare-chocs arrières, me décalaminer l’échappement et me lubrifier le train arrière, why not - pourquoi pas !


Clara rit de ses bêtises, joue, oui, de sa liberté licencieuse. Elle est heureuse, bêtement heureuse, béatement heureuse. Et pleinement rassurée !



Sacré hasard que cette rencontre trois jours plus tôt avec son ancienne copine de lycée. Copine ? Enfin, à l’époque, avec Claire, c’était plutôt la guerre ! Blanche-Neige la snobait ouvertement et ne ratait pas une occasion de lui faire une crasse ! Son Altesse ne supportait pas la concurrence ! Clara n’avait certes pas des arguments aussi convaincants que les siens à projeter sous le nez des puceaux affamés, mais elle avait déjà une aura que sa concurrente avait détectée. Un certain charme, voire un charme certain qui attirait vers elle les blancs-becs comme les guêpes sur un pot de confiture. Bien qu’une bonne dizaine d’années se soient écoulées depuis, Clara avait été surprise de la soudaine amabilité complice que la jeune femme lui avait témoignée. Super-miss l’avait invitée à prendre un verre chez elle.


Se comportant d’abord en hôtesse un peu cérémonieuse, Claire avait vite abandonné ses airs de princesse pour avouer sa détresse. De toute évidence, au trente-sixième dessous, la jeune femme avait éprouvé le besoin de vider son sac. Estomaquée, Clara l’avait entendue avouer ses erreurs, ses errements : Je suis juste une conne, avait-elle confié. Je filais le parfait amour depuis deux ans avec le plus adorable, le plus doux des compagnons, un garçon merveilleux, gentil, complice, jamais un mot plus haut que l’autre, toujours attentionné et caresseur… et j’ai tout foutu en l’air pour un toquard musclé, bien gaulé certes, mais cent mille fois plus macho que mon Matthieu ! Et pas forcément plus « expert » ni doué si tu vois ce que je veux dire. Au contraire !


Clara n’avait pas eu besoin d’un dessin pour comprendre le sous-entendu, mais aurait bien aimé en savoir davantage sur l’identité du fameux Matthieu. Mais Claire n’avait rien précisé à son sujet pour continuer à s’épancher sur le désastre qu’elle avait généré.


En repensant aux détails donnés par l’ex de Matt, Clara se sent rassurée. Adorable, caressant, d’humeur égale et attentionné avait-elle dit ? Il pourrait donc être le compagnon idéal qui lui éviterait une mésaventure aussi sordide que la précédente. Un vrai et simple bonheur serait-il du domaine du possible ?





oooOOOooo







La voix est douce et me serait agréable si chaque syllabe prononcée ne déclenchait un tonnerre dans ma tête.


J’ouvre un œil. Un seul. L’autre refuse ! Il me fait mal. Il n’est pas le seul : j’ai l’impression que chaque parcelle de mon corps est endolorie. Surtout du côté de la poitrine. Et de la tête. Et des jambes. Et aussi des coucoug… Oui bon bref, j’ai mal partout. Everywhere !


De mon œil valide, je découvre d’abord le décor d’une chambre d’hôpital. Puis, près de mon lit, deux nanas. Une grande blonde, plutôt jolie, sacrément jolie même, et une petite brune adorable, toute fluette, yeux bridés.



Parler ? Je teste mon maxillaire inférieur est le faisant aller de droite à gauche : même pas mal ! Bonne nouvelle donc ! Ouf ! Je me lance :



Je lève la main pour signifier de m’accorder quelques instants pour que je puisse rassembler mes idées.


Après réflexion, j’explique. Je suis assez lucide pour leur livrer une histoire compréhensible, en démarrant par le commencement du début, car il s’agit d’être clair. Je raconte donc, vite fait, ma rencontre avec Clara la veille au soir. Sans entrer dans les détails of course ! Jusqu’à son départ, en tout début d’après-midi.



C’est l’Eurasienne qui embraye :



Mon amie ? Inconnue hier et amour de ma vie aujourd’hui ! Je sais si peu d’elle…



La chef réagit :



La jolie bridée m’explique comment elle et sa patronne sont intervenues chez moi. Revenant du centre-ville, elles rejoignaient leur voiture garée sous mes fenêtres lorsqu’elles avaient entendu des cris, un bruit de verre brisé et avaient vu un objet jaillir d’une fenêtre du premier, tomber et exploser le pare-brise de leur Jumpy. Depuis la rue, elles avaient lancé des sommations qui avaient eu pour effet de stopper net le chahut dans la maison. Une silhouette d’homme était apparue fugitivement à la fenêtre avant de disparaître. Le temps pour elles de monter au premier étage et d’ouvrir la porte, l’homme n’était plus là :



La commandante revient dans la chambre, la mine sombre :



J’abonde en son sens :



Les deux femmes opinent du chef en échangeant un sourire complice.



La lieutenante demande :



Je m’emploie à leur livrer les moindres éléments qui permettraient d’identifier ma compagne. Son père, professeur d’université, de lettres sans doute, en retraite, sa maman d’origine italienne. L’indication fait tiquer la commandante qui fronce les sourcils en réfléchissant. Puis me reviennent les confidences de Clara :



Les policières laissent place à un médecin accompagné d’une troupe de carabins. J’ai droit aux tests visuels, « suivez mon doigt… »



Rire ! Franchement, je n’ai pas le cœur à rire ! L’inquiétude me ronge, l’angoisse m’étreint. Le furieux a sûrement débarqué chez Clara : s’en est-il pris à elle, est-ce qu’il l’a tabassée ? Est-ce qu’elle ne gît pas inconsciente, blessée, dans son appartement ? À moins qu’il ne l’ait enlevée ?




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Clara se souvient du charmant jeune homme rencontré le 31 décembre. Prévenant, attentionné, drôle, elle avait passé grâce à lui ce qui aurait pu rester à jamais son meilleur réveillon. Désigné Sam par ses amis, Tony avait tenu son rôle, ne trempant qu’après les douze coups ses lèvres dans une demie flûte de champagne et elle avait apprécié ce sens des responsabilités. La nuit avançant, ils avaient flirté agréablement, sans que Tony ne se montre jamais pressant. Ce n’est qu’au moment de se quitter qu’un tendre baiser avant été échangé, un délicieux bécot qui l’avait délicieusement fait frissonner.


Leur histoire n’avait démarré que quelques jours plus tard, quand elle l’avait relancé. Dîner resto gentiment coquin, où des jambes s’étaient entremêlées, se caressant lascivement, où les doigts de Tony avaient timidement escaladé l’échelle de nylon d’un bas, sans oser franchir la jarretelle élastique du Dim Up. Une retenue presque frustrante pour la belle qui n’aurait pas porté plainte s’ils s’étaient montrés un peu plus entreprenants. Lorsqu’il l’avait déposée chez elle, c’est elle encore, après quelques embrassades fougueuses, elle qui, craignant que son trop vertueux cavalier ne l’abandonne au pas de sa porte, avait proposé le fameux dernier verre. Là, heureusement, l’affaire s’était emballée molto vivace  ! Aux tendres caresses avaient succédé des explorations, douces, patientes certes, mais résolument orientées. Tony avait su débusquer ses points sensibles et leurs ébats avaient été couronnés par une extase commune avant qu’ils ne partagent d’autres jeux et découvertes mutuelles jusque fort tard dans la nuit.


Quelques semaines s’étaient écoulées, ponctuées de soirées brûlantes, de folles nuits avant que Tony ne vienne plus ou moins s’installer chez elle. Le début de leur cohabitation s’était révélé heureux, simple. Mais peu à peu, leur relation s’était détériorée. À chaque fois qu’il buvait un peu trop, Tony devenait irascible, s’énervant pour un rien, capable alors de fracasser une lampe ou de déchirer un bouquin avec une rage effrayante. Un comportement qui n’avait pas tardé à l’effrayer, car elle avait compris qu’il reportait sa furieuse colère sur le premier objet à portée de main pour éviter de s’en prendre à elle.


Parfois, Tony disparaissait quelques jours, pour travailler dans son atelier, revenant avec une toile dont Clara reconnaissait certes la qualité. Mais à chacun de ces retours, il était plus énervé, soûl et colérique. Incontrôlable. Brutal, il lui faisait l’amour sans ménagement, sans partage. Égoïstement. Il la sautait en fait, la baisait sans se préoccuper de lui donner un quelconque plaisir.


Le lendemain, elle retrouvait le gentil Tony, charmant, attentionné. Et penaud. Et pour un peu, elle lui aurait pardonné ses écarts si elle n’avait, déjà, redouté une rechute probable. Alors, le doute s’était installé en elle, le lien s’était distendu, l’amour qu’elle lui portait s’était teinté de peur, d’appréhension du moins.


Un jour, début mai, Tony l’avait fait poser pour lui à l’atelier. Nue bien sûr. Elle avait accepté sans rechigner, ne craignant pas d’être reconnue un jour sur ce tableau, car Tony peignait au couteau et ses tableaux, patchworks aux couleurs flashy, ses toiles n’étaient ni figuratives ni suffisamment précises pour qu’elle puisse être identifiée. Il l’avait installée semi-allongée sur une vieille machine, un épais levier en acier entre les cuisses et une sorte de gros tuyau annelé à quelques centimètres de sa bouche. Elle avait trouvé la position particulièrement indécente, mais somme toute excitante. Elle avait accepté d’orienter son profil vers le pseudo pénis tubulaire et de laisser pendre une jambe, dévoilant ainsi son intimité pressée contre la manette d’acier.



Clara n’avait pas trouvé l’intitulé très génial, mais peu lui importait si la séance de pose se clôturait précisément par un orgasme. Inquiète cependant, elle avait vu son amant écluser plusieurs bières. Allumer un pétard également. Une première en l’occurrence, qui n’avait fait qu’accroître ses appréhensions, redoutant que le mélange n’ait un effet détonnant sur lui. À moins que ça le calme, l’abrutisse un peu, avait-elle espéré. Elle avait vu ses gestes de plus en plus désordonnés, ses mouvements erratiques, ses sauts de cabri dément. Mais elle avait gardé la pose suffisamment longtemps pour que l’artiste puisse ébaucher son œuvre.


Les arêtes saillantes de l’emballeuse-lieuse avaient fini par la meurtrir durement et pour échapper au supplice, elle s’était alors animée, frottant lascivement son sexe sur le métal froid du levier, pétrissant ses seins dardés, offrant un spectacle irrésistible. Elle espérait, qu’excité, il abandonne son travail pour passer… à autre chose ! Le résultat ne s’était pas fait attendre. Mais pas celui qu’elle avait imaginé.

Abandonnant son chevalet, Tony s’était rué sur elle pour la gifler violemment :



Une autre claque, puis une autre encore. Lui attrapant le bras, il l’avait décollée de la machine, l’avait fait tournoyer vivement avant de la lâcher : elle s’était trouvée projetée sur la cercleuse de colis où elle s’était méchamment cognée le bas du dos. Souffle coupé par le choc, incapable de réagir, elle avait pris d’autres coups encore avant que son bourreau, l’attrapant par les cheveux, ne la traîne jusqu’au lit au fond de la pièce.

Tony avait alors voulu la violer. Mais, effets de l’alcool et du shit sans doute, il s’était trouvé incapable de bander. Piteux, rageur, il lui avait méchamment tordu un sein avant de l’abandonner sur le pucier. Avec une barre de fer, il s’était acharné sur un gros bidon métallique pendant de longues minutes, avant de stopper brutalement. Comme étourdi, il s’était alors assis au sol, le dos appuyé contre la lieuse à feuillards, la bave aux lèvres. Dix secondes plus tard, il s’affaissait sur lui-même, mou comme une poupée de chiffons et sombrait dans une effrayante cataplexie.


Affolée par cette scène, meurtrie de toutes parts, Clara avait eu bien du mal à se remettre debout. Elle avait hésité entre fuir sur-le-champ ou porter secours à l’homme qui, bien que conscient, paraissait totalement absent, comme décérébré. Elle n’avait pu se résoudre à l’abandonner en voyant son regard vide, immobile, inquiétant.


Quelques minutes plus tard, Tony avait plus ou moins retrouvé réflexes et tonus musculaire. Pleurant comme un gamin, il s’était excusé, avait imploré son pardon. En vain ! Pour elle, la décision était prise, irrévocable : elle le quittait, pour fuir sa folie, sa violence. Question de survie !


Mais sur le moment, patiemment, elle l’avait exhorté à consulter un psy, à se faire soigner et ne revenir vers elle que lorsqu’il serait guéri, sachant bien toutefois que pour elle cette rupture serait définitive. Il avait accepté la séparation sans broncher, promis, juré de suivre un traitement. Le voyant à peu près remis, elle l’avait quitté sans remords.


Il n’avait pas osé se re-pointer chez elle, mais l’avait rappelé début juin, assurant avoir consulté et être sous traitement – ce qu’elle n’avait cru qu’à moitié – et lui demandant de l’accompagner au vernissage de son exposition dans une galerie réputée de la ville. « C’est tellement important pour moi, tu comprends ! » Il lui avait offert une robe de cocktail, superbe, mais qu’elle avait jugé un peu trop moulante, un peu trop courte. Il avait insisté pour qu’elle la porte et elle avait fini par céder avant de le suivre, une dernière fois, par bonté d’âme.

Bonté qu’elle avait très vite regrettée !




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Dans ma chambre aseptisée, je suis aux cent coups. Je cogite. Son nom ? Le nom de ce taré ? Clara a cité son nom un moment donné… Oui, ça me revient : Tony ! Oui c’est ça, Tony ! Clara a parlé d’un Tony !


Un policier passe me rendre mon portable et quelques vêtements aussi (bienveillant le flic !) et je suis prêt à appeler ses supérieures quand un nouveau détail me revient. Clara avait dit apprécier la déco de mon appart, mais avait nettement tiqué en regardant un de mes tableaux. Lequel ? Je fouille ma mémoire : Le nu post-industriel ! Un tableau que j’ai acheté pour une misère – trois francs-six sous aurait dit mon père – dans la galerie de mon pote Arnaud !



J’expédie les salutations pour en venir au plus vite à l’objet de mon appel.



Tony ? Ça colle ! Et donc, si elle a reconnu la toile, je comprends sa grimace.



Elle s’était rebiffée, lui rappelant que c’est lui qui avait acheté cette robe, lui qui avait insisté pour qu’elle porte ce fourreau moulant ! Le mec avait alors attrapé le bas de la robe et la lui avait troussée d’un coup au-dessus du nombril. Comme c’est souvent le cas avec ce genre de robe hyper moulante, la fille ne portait rien dessous : tu imagines le tableau. Se retrouver fesses et berlingot à l’air au milieu de tout le monde, elle n’a pas vraiment apprécié ! Elle l’a giflé direct et lui, il lui aurait sauté dessus si je ne l’avais pas ceinturé et contenu avec l’aide de deux autres bonshommes. Il écumait de rage, poings serrés ! Un véritable dément ! La nana est partie illico en lui disant qu’il ne devrait plus jamais mettre les pieds chez elle ni même simplement croiser son chemin ! Je ne t’explique pas ce qu’il a fallu qu’on fasse pour le calmer ce psychopathe ! J’ai bien cru même qu’il allait s’en prendre à moi ! Un furieux !



Le temps qu’arrive son message, je suis déjà habillé. Non sans mal… Vive les mocassins qu’on enfile sans vraiment avoir à se baisser ! Je quitte ma chambre, croise une infirmière qui pousse des hauts cris – « Pas le temps - Urgence ! » je sors en trombe, enfin… façon de parler, et j’attrape un taxi. J’appelle une des policières :



Lorsque j’arrive, l’appartement d’Alvarez est vide, hors la présence de plusieurs policiers qui fouillent les lieux. Écartant les bras en signe de dépit, la lieutenante confirme ce que j’ai déjà compris : Clara n’est vraisemblablement pas passée par ici aujourd’hui. Je déambule lentement dans l’appart, observe, note, accumule les impressions. Je suis totalement mutique, incapable que je suis de prononcer la moindre parole. Je sais que toute tentative de prononcer fusse un seul mot me ferait fondre en larmes.

Je suis si faible, si désespéré, si désemparé… Et tellement angoissé !




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Clara à froid. Terriblement froid. Froid jusqu’à la moelle des os, froid jusqu’aux tréfonds de l’âme. Froid. Pas d’être nue sur le carrelage : il fait bien assez chaud en ce début août pour que la température ambiante ne soit en rien responsable de son état.


Clara est frigorifiée de peur ! Ce que lui a déjà fait subir Tony suffirait à expliquer sa panique, mais elle redoute tellement plus ce qui va suivre. Ce qu’il va encore trouver pour la punir ! Il est fou ! Il est soûl ! Et il continue de boire ! Et plus il est soûl, plus il est fou ! Et puis, il y a ce revolver qu’il a glissé à l’arrière de son jean. Cette arme qu’il lui enfonçait dans les reins quand il l’a obligée à sortir de chez elle, à prendre le volant de son coupé. Ce canon qu’il a promené sur son corps pendant qu’elle conduisait, qu’il a insinué entre ses cuisses avant de l’enfoncer en elle. Cet abominable cylindre froid qui avait meurtri sa fente sèche et froide.


Arrivés à l’atelier, Tony l’a frappée, du plat de la main au visage, avec ses poings dans le ventre, dans les côtes. Il l’a fait voler dans tous les sens, la projetant contre un baril métallique contre lequel elle s’est écorché l’aine, dans une ancienne cuve en béton où elle s’est fortement cogné la nuque. Il l’a déshabillée, lacérant ses vêtements au cutter, affichant un sourire satisfait chaque fois que la lame faisait perler le sang qu’il léchait alors avec délectation. Sourire sardonique lorsqu’il a déchiqueté le soutien-gorge et fait mine de lui trancher un téton. La terreur qu’il avait lue dans les yeux de sa victime l’avait fait éclater de rire. Lorsque, ayant découpé le slip, il avait découvert sa mini-touffe, il l’avait à nouveau giflée :



Attrapant la motte, il avait tiré les poils pour les attaquer au cutter. Clara avait craint le pire, mais Tony avait vite abandonné pour aller fouiller dans la cuisinette du loft. Un instant, Clara avait pensé profiter de cette absence pour s’enfuir, mais l’idée était insensée : elle était sans doute incapable de courir, si tant est qu’elle arrive à se mettre debout. Et où serait-elle allée, nue, et sans les clefs de sa voiture. Aucune aide à espérer, pas âme qui vive dans cette friche déserte. Devinant l’inéluctable suite des événements, elle s’était résolue à changer de stratégie : amadouer le salaud, faire mine d’entrer dans son jeu. En espérant qu’il finisse par se calmer.


Il était revenu, entièrement nu cette fois, avec une bombe de mousse, des ciseaux et un rasoir. Et son revolver toujours. Mais Clara s’était sentie un peu rassurée, temporairement : « S’il veut me raser proprement, au moins, c’est qu’il ne veut pas me massacrer ! Pour l’instant du moins. Il veut d’abord me baiser ce fumier, ça me laisse un répit ! » .


Gagner du temps, c’était là son unique idée. Et saisir la première opportunité qui s’offrirait.


Pourtant, la perspective d’être baisée par ce salaud la révulsait. Qu’ils aient été partenaires pendant plusieurs mois, qu’elle l’ait aimé, passionnément, qu’ils aient même l’une ou l’autre fois joué à des jeux faussement brutaux, qu’ils aient parfois simulé le viol, viol de la belle endormie par exemple, rétive d’abord, mais très vite consentante, n’y changeait rien : là, on ne jouait plus et c’était bel et bien un viol qui allait être perpétré. Elle n’était plus sa compagne, elle n’était plus sa chose – elle ne l’avait jamais été, ni avec lui ni aucun autre ! – il n’avait pas le droit ! Ce salaud s’imaginait peut-être la subjuguer avec sa queue, la reconquérir avec son braquemart ? Il se trompait lourdement ! Il n’était qu’un agresseur, un immonde salaud, un violeur ! Mais il avait la force pour lui, la force brutale d’un enragé, d’un dément.




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Bérénice – c’est le prénom de la jolie Eurasienne – a proposé de me ramener chez moi. En d’autres circonstances, rien qu’hier seulement, sans doute aurais-je tenté ma chance auprès de cette superbe nymphette au corps de rêve. Mais je ne pense qu’à Clara : où est-elle, qu’est-ce que le cinglé peut bien lui faire subir à cet instant ? Pas du bien, j’imagine ! Ce type a totalement disjoncté. Merde, il a quand même bel et bien tenté de me tuer ! Il est capable de tout, surtout du pire !


Mon mal de crâne n’aide pas à la réflexion, mais je rassemble les impressions collectées lors de la visite de son appart. Beaucoup de toiles (pas vilaines dans l’ensemble), mais pas de chevalet, pas d’espace de création, pas de pinceaux, de pots de peinture. Une évidence se fait jour : il ne travaille pas chez lui !



Bérénice acquiesce et réfléchit.



Puis se ravisant, elle annonce :



Ni une, ni deux, la donzelle bloque son frein à main et la voiture effectue un demi-tour serré. Elle se la joue à la Starsky et Hutch ! Heureusement que la route est déserte !


Gyrophare et sirène hurlante, elle fonce.



Quelques minutes plus tard en effet, elle repasse en mode silencieux. Nous approchons d’un immeuble désaffecté, immense. À petite vitesse désormais, la lieutenante s’engage sur le site, longe le bâtiment, le contourne, se dirige vers l’arrière.



Je viens d’apercevoir un coupé 504 blanc.



Bérénice saisit son talkie :



Nous abandonnons la Clio, nous approchons précautionneusement en rasant la façade. Je voudrais entrer dans le bâtiment, mais Bérénice me retient.



D’accord ! Mais bordel, qu’elle vienne vite la cavalerie !




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Alors qu’il essuie les traces de mousse à raser autour du pubis, content de lui, Tony paraît se calmer. Peut-être interprète-t-il le fait que Clara n’offre plus de résistance comme une forme d’acceptation :



Clara entre dans son jeu.



Clara risque un sourire. Timide sourire, pour ne pas trop en faire. Comme si cette promesse de baise la faisait fléchir. Ce qu’elle espère, sans trop y croire, c’est que ce con, si fier de son braquemart vienne le lui présenter à la bouche.



Oh, mais qu’il vienne, qu’il lui mette sa queue en bouche, pense-t-elle. Elle n’ose pas imaginer que ce débile puisse croire qu’elle ne lui résistera plus, qu’elle crève d’envie pour lui et son guignol !


Comédienne, elle murmure faiblement :



Elle a failli en rajouter, lui dire que c’est la plus belle bite qu’elle ait jamais sucé, mais se retient : primo, pour rester sur sa ligne de conduite, ne pas trop en faire, paraître céder, mais sans exagération, manifester du désir, mais surtout, ne rien demander. Et secundo, parce qu’il ne faut pas pousser : l’érection de son agresseur est, heureusement, loin d’être convaincante.


Tony la saisit par les épaules, l’oblige à se redresser, à se mettre à genoux sur le béton et lui présente sa queue. Clara en est sidérée : ce salaud est décidément totalement con, c’est à n’y pas croire !



Il lui place le canon de son arme sur la tempe.



Clara fait tout son possible pour maîtriser les tremblements de son corps et lentement, approche sa bouche du membre, tend sa langue, commence à léchouiller la hampe, flatte le gland avant de l’enfourner doucement. Elle s’applique en pensant à ce qu’elle va faire, lui faire. Elle en tremble d’impatience autant que d’horreur prospective.



Quel sang-froid ne faut-il pas à Clara pour ne pas réagir à cet instant, pour ne pas s’effondrer ! Car elle le croit, elle le sait parfaitement capable d’avoir tué Matthieu. Il est dément ! D’ailleurs, quand elle lève les yeux et trouve le regard halluciné et triomphant de son agresseur, elle en est persuadée : il a tué Matt ! Il l’a tué !


La peur qui jusque-là lui nouait les tripes se transforme instantanément en rage, rage désespérée, aussi désespérée qu’elle l’est de la vie à cet instant. Peu lui importe le risque, le canon appuyé sur sa tête, elle est prête à tout, prête à se venger, prête à venger Matthieu. Alors, elle suce, pompe le dard avec frénésie, l’enfourne jusqu’à la garde, l’affole. Une de ses mains s’est glissée entre les cuisses de l’homme, ses doigts viennent flatter les couilles, assurent leur position alors qu’elle joue la forcenée insatiable et se démène sur le manche.


À l’instant où le foutre jaillit dans sa bouche, ses dents se plantent dans le pieu, juste derrière la collerette du gland. Si elle le pouvait, elle l’arracherait, le sectionnerait ! Dans le même temps, ses doigts pressent et tordent les boules : l’homme hurle, se cabre, tente de reculer, mais ne parvient pas à échapper aux mâchoires quasi soudées.

Le coup part, l’arme fume.




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La détonation nous a saisis, la flic et moi. Je pars comme une fusée, je cours, je ne sens plus aucune douleur. L’adrénaline ! Bérénice n’a pas pu me retenir, elle est contrainte de me suivre. Nous faisons irruption dans l’atelier : Clara gît sur le sol, son agresseur hébété à genoux près d’elle. Au sol, une flaque de sang.

Puis, l’homme lâche son arme et tombe en travers du corps de Clara.



Je suis penché sur elle, j’ai pris sa tête entre mes mains, caresse ses cheveux. Deux, trois secondes s’écoulent, une éternité avant qu’elle ouvre les yeux !



Bérénice, d’un coup de pied, a éloigné le revolver, retourné sans ménagement le type sur le dos. Le sang geysère de son bide.


Clara est indemne, Clara est sauve !


Tony ne gémit même plus. Il peut bien crever ce salaud !




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Trois semaines seulement sont passées depuis les événements. Trois longues semaines sans nous voir quasiment. Pas directement du moins.


L’enquête a conclu à la légitime défense : lorsque Clara l’a mordu, Tony, par réflexe a voulu se reculer, échapper aux mâchoires qui lui entamaient le gland et aux doigts qui lui broyaient les testicules. Clara a utilisé sa main libre pour saisir le poignet de son agresseur et détourner l’arme de sa tête. Le coup est parti, Tony s’est auto-flingué. Le 357 Magnum ne lui a laissé aucune chance, en lui dévastant les tripes, un rein, tout le bas-ventre. Fatal bazooka, lui évitant de finir ses jours en tôle ou plus vraisemblablement en hôpital psy. Point final. Brûle en enfer, pourriture !


Clara a été admise en maison de repos pour une cure de sommeil. Sommeil agité aux dires des médecins, cauchemars fréquents, semi-réveils hallucinés avant de replonger dans l’amorphe torpeur. Puis, ma chérie est partie en Bretagne, se requinquer chez son « Parrain Bricole », celui-là même qui avait patiemment restauré le coupé Peugeot avant de le lui offrir.


Je suis rétabli désormais, mes hématomes se sont évanouis, même mon nez ne me fait plus mal. Mes côtes encore un peu, quand je ris. Ce qui ne m’arrive pas. Ces trois semaines sans elle sont un calvaire. Bien sûr, nous nous sommes téléphoné, nous avons visio-conférencé. Conversations laborieuses, prudentes, malhabiles, où l’un et l’autre avons fait bien attention à ne pas réactiver nos angoisses. Puis, peu à peu, nos désirs ont refait surface, l’envie, le besoin, l’absolue nécessité de nous retrouver s’est imposée. Nous avons fait de notre mieux, mais les tendresses à distance atteignent rapidement leurs limites. Et nous nous refusions à sombrer dans une sordide télé-baise à distance.


Hier soir, pas de mots doux, pas de serments enflammés. Clara voulait parler. Me raconter. Se raconter. D’une voix blanche, atonique. Tout, tous les détails, elle ne m’a rien épargné des sévices qu’il lui avait fait subir. La séance de pose notamment. L’histoire du tableau. En détail. Sans m’épargner précisément un seul détail. En l’écoutant, je regardais régulièrement l’huile accrochée sur ma droite, la trouvant plus laide, plus horrible à chaque coup d’œil. Insupportable témoignage, immonde preuve de la folie de Tony.


Lorsqu’elle avait achevé son triste récit, je mettais levé, j’avais décroché l’œuvre maudite et revenant vers la caméra, j’avais présenté l’arrière du cadre à Clara : je ne voulais pas lui imposer la vue de cette horreur. À coups de cutter, j’avais lacéré, méticuleusement déchiqueté, confettisé la toile avant finalement d’en briser le cadre de bois sur le plat de ma cuisse.

Clara m’avait offert alors un timide et triste sourire, seule façon pour elle d’approuver mon acte.


J’avais alors pensé que notre communication du jour allait s’arrêter là, mais Clara s’était redressée sur son siège et d’une voix résolument plus ferme, elle avait expliqué :



Les yeux brouillés, Clara avait marqué un temps d’arrêt pour reprendre son souffle, son calme. Je n’avais pas osé faire la moindre remarque, tenter la moindre réponse.



Après un long silence, Clara avait repris :



Pour le coup, Clara était restée bouche bée quelques instants. C’est d’une voix toute timide qu’elle m’avait alors interrogée.



Il était hors de question que j’en dise plus par vidéo interposée !





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Quand donc va-t-elle me revenir, je n’ai pas osé le lui demander.


Ce soir, tard, comme tous les soirs précédents, j’ai quitté mon bureau pour traîner péniblement ma carcasse jusque chez moi. Dans cette ville que je n’appréhende plus qu’en dégradés de gris, j’ai erré en voyant, mais sans les regarder, les terrasses bondées, les bacs fleuris dans les rues piétonnes, les cohortes de Chinois qui mitraillent les monuments, les mini-jupes affolantes des touristes nordiques pendues aux bras de leurs grands blonds.


Je rentre chez moi, avec pour tout espoir, tout projet, à dix heures pile, un nouvel appel vidéo qui me frustre chaque jour davantage.



Je bloque, me statufie, ma clé à deux centimètres du cylindre de la porte de mon appartement. Une silhouette sort de l’ombre où elle était tapie.



Tout disparaît, tout s’efface, les angoisses, les peurs, les manques, le voile gris. Le crépuscule s’illumine : Clara m’est revenue, elle se presse contre moi, m’offre sa bouche avide, m’époumone de ses baisers passionnés. Nous nous saoulons l’un de l’autre, nous volons au-dessus de plaines chamarrées où l’air est doux et sucré. Nous vivons une extase lénifiante, un instant suspendu, hors du temps, hors du monde.



Coquine, la belle plisse les yeux, sourit et me murmure à l’oreille :



Je fonds à cette citation qui nous ramène à notre premier jour : eh oui, merveilleux, nous avons déjà des souvenirs d’amour !


Nous entrons chez moi, nous ruons vers la chambre. Une incroyable frénésie s’est emparée de nous, à la hauteur de nos fringales respectives. Nous rions bêtement en faisant voler nos vêtements. Des gamins !


Nus, l’un en face de l’autre, nous voilà soudain immobiles, aussi calmes et paisibles que nous étions fous l’instant d’avant. Nous nous redécouvrons, avec ferveur, avec inquiétudes aussi. Mains unies, nos bras balancellent doucement dans l’immensité des cinquante centimètres qui nous séparent. Nous nous dévorons du regard, sans gêne aucune, nous nous lorgnons avec tendresse et avidité, cherchons vainement nos plaies, nos bosses aujourd’hui heureusement disparues, ne découvrant avec soulagement que charmes et tentations sur nos corps impatients. Impatients, nous le sommes, à l’extrême, à la folie, les tétons de Clara en témoignent, qui pointent insolemment, et mon sexe turgide le proclame. Nous nous rapprochons, insensiblement, irrésistiblement, millimétriquement.


Je la savais jolie, je la découvre belle, mille fois plus belle que dans mon souvenir. Je ne me la rappelais pas aussi grande, si grande que j’ai à peine à baisser la tête pour cueillir le coquelicot de sa bouche, retrouver le miel de ses lèvres, la caresse chaude et bouleversante de sa langue mutine.


Un séisme nous secoue, réflexe électrique, lorsque nos corps se joignent, que nos peaux se rencontrent. Nous nous serrons l’un contre l’autre, nous enfermons dans nos bras, à nous en faire presque mal, à nous en étouffer, pour que nos dermes se confondent et se fondent. Les seins pointus s’écrasent sur mon torse, mon membre tendu pointe sur son ventre. Nous avons besoin de cette re-connaissance épidermique, de partager la re-naissance de notre « nous » qui, à peine bourgeonnant, a failli ne jamais fleurir dans l’ouragan psychopathe qui nous a désarticulés. Reconstituer notre puzzle éparpillé, renaître à deux, à nous deux, avant de pouvoir basculer dans la tempête éblouissante que nos corps canailles nous réclament.


Je saisis doucement ma belle sous les fesses, la hisse pour glisser mon merlin entre ses cuisses, juste sous l’abricot humide. J’en ressens la chaleur irradiante, la moiteur touffante du désir qui l’embrase.


À l’instant de me glisser en elle, éclair de lucidité, car s’il faut sortir couvert, il est plus important encore… d’entrer couvert ! Je fronce les sourcils, mon regard glisse vers le chevet, j’évalue la distance. Clara a saisi mon tracas.



Cette confiance, sa confiance, serre littéralement mon cœur, me transporte de joie ! Toujours debout, je laisse mon zoziau glisser dans le nid douillet, envahir doucement, pleinement, le havre moelleux, forer la grotte ardente, s’installer dans la gaine veloutée. Nous restons sans bouger là encore et dégustons cette immobilité complice : je suis en elle, elle m’a appelé, happé, capturé et retient mon épée prisonnière de son étroit fourreau. Les yeux dans les yeux, nous savourons et nous amusons des contractures involontaires de la gangue qui enserre mon pieu, des constrictions spasmodiques du phallus séquestré, réflexes nerveux de nos corps ardents, alors que nos âmes sont sereines, paisibles et légères. Ainsi connectés, nous baignons dans une béatitude idyllique. La communion est parfaite, le temps est suspendu. Les secondes s’écoulent, la minute s’allonge…


Nous ne souhaitons pas quitter cette félicité, mais nos corps ne nous en laissent pas le choix. Le désir est trop fort, trop impérieux ! L’étau des cuisses nouées à ma taille se desserre, le bassin de Clara entame une lente chaloupe, son bassin paraît vouloir tourniquer sur mon axe, sa minette coulisse sur mon dard, ses flots m’inondent, me carbonisent le flambeau. Avec une exaspérante lenteur, Clara se recule, abandonne peu à peu mon sexe, ramène mon gland aux portes de son paradis, le laisse même s’échapper, se rafraîchir une seconde à l’air libre. Mutine, Clara plisse ses yeux, ses pupilles s’étrécissent, un sourire trouble me nargue. Comme si elle me préparait une catastrophe, un mauvais coup. Mais je ne crains rien, je sais bien qu’elle ne va pas m’abandonner !


Appuyé contre le mur, je peux seulement me cambrer quand, d’un coup de rein, elle s’enfourne mon chibre jusqu’à la garde, jusqu’au fin fond de sa caverne. Elle rue, se déchaîne sur ma queue, sa chatte m’avale et me rejette à un rythme forcené. Clara se ramone, se baise tout autant qu’elle me baise, déchaînée, incontrôlable furie, gymnaste bondissante sur ma barre fixe, incroyable marathonienne qui s’active sans s’essouffler pendant de longues et délicieuses minutes.


J’avais déjà toutes les peines du monde à rester debout, mais voilà qu’elle me noue ses mains dans le cou, s’arque et bascule son torse en arrière, renverse complètement sa tête. Je meurs de voir ses petits seins blancs ballotter à la cadence de ses coups de reins affolants, je meurs de ne pouvoir embrasser leurs sombres sommets érigés, les pétrir, les avaler, m’en goinfrer. Mais je ferme les yeux pour me reconcentrer : le traitement assassin qu’elle inflige à ma queue est définitivement redoutable, imparable et l’issue est inéluctable ! Et proche ! Déjà ! Les spasmes s’annoncent, je ne tiendrai plus très longtemps.


Folle cascadeuse, Clara lâche brusquement les mains jusqu’alors vissées dans ma nuque. Heureusement que le lit est juste derrière nous. La tête renversée s’enfonce dans le matelas : Clara s’arc-boute, mais ne peut plus désormais imprimer le rythme. Elle est en train de sombrer, d’exploser en vol. À mon tour de la ramoner, à mon tour de la buriner, à mon tour de l’accompagner surtout dans le grand saut, la lumineuse dégringolade vers les cieux.

L’éjaculation est douloureuse, mon sperme jaillissant me brûle : trois semaines de désir inassouvi l’ont sûrement gélifié, voire lyophilisé ! La douleur merveilleuse m’anéantit, mais je trouve quelques forces encore pour saisir mon adorable furie et la pousser plus avant sur le lit. Et encore, de tendre les bras pour ne pas m’effondrer trop lourdement sur elle.


Le cataclysme nous projette dans des terres inconnues, des espaces sidérants, des mondes illogiques de miroirs transparents dont seul un amour sublimement partagé peut déverrouiller les accès et décoder les images subliminales.


Anéanti et heureux, je n’ai plus aucune force désormais, je ne tiens même plus sur mes coudes. Je roule sur le dos en entraînant Clara pour garder quelques instants encore notre divine connexion. Ma douce exaltée enferme mon crâne dans ses mains, couvre mon visage de baisers affolés, de tendresses mouillées.



Mais où trouve-t-elle l’énergie de m’embrasser avec autant de fougue ou même simplement de parler ? Monstre qu’elle est, aurait-elle décidé de m’affoler de caresses et folies indécentes pour enchaîner un second round sans me laisser le temps d’atterrir, de reprendre conscience, de souffler un instant ?


Je crois bien qu’elle lit dans mes pensées, car la voilà tout à coup redressée, le visage presque grave. Calme.



Je ne lui réponds pas, je ne lui fais aucun serment en retour à son fabuleux aveu quand nos lèvres se séparent. J’ai une autre envie, un autre besoin, une petite idée en tête.



Clara me fixe, surprise, interloquée ! Et vraisemblablement déçue que je ne lui re-re-re-confirme pas ce qu’elle sait déjà pourtant. Elle se détache de moi, rompt notre connexion intime et se lève d’un bond :



J’avais bien escompté sur cette escale technique ! Je me lève rapidement, ouvre mon dressing, fouille dans un tiroir et trouve les objets de ma quête. Je traverse l’appartement et file droit au frigo où je garde toujours une bouteille de champ et des flûtes glacées que je dépose vite fait sur la table basse du salon avant de me replier dans la cuisine.


J’entends les pas de ma douce dans le couloir et lui crie :



Je la rejoins, me positionne.



Normalement, elle devrait éclater de rire, car je suis sublimement ridicule : nu, avec juste un nœud pap écarlate à pois verts autour du cou et… ma bistouquette vaguement déconfite qui pendouille, entre mes cuisses, ça va sans dire ! Clara devrait rire, mais elle ne le fait pas. Elle reste bouche bée, les yeux écarquillés, car… j’ai un genou à terre.



Lorsque nous avons fini par avoir soif, les flûtes avaient dégivré depuis longtemps et le champagne n’était plus qu’à peine frais. Mais quelle importance ? Nous nous étions soûlés de bien d’autres liqueurs entre-temps…



La vie est une belle salope… mais Dieu qu’elle est belle !



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