n° 19982 | Fiche technique | 12990 caractères | 12990Temps de lecture estimé : 7 mn | 30/12/20 |
Résumé: Léonore donne un cours en distanciel, mais Paul l'excite en présentiel... Vive l'amour à l'ère du télé-travail... | ||||
Critères: fh collègues travail noculotte pénétratio humour -libercoup | ||||
Auteur : Ludivine de la Plume Envoi mini-message |
La crise sanitaire a hacké la langue française. Outre les gestes-barrières et la distance sociale, d’autres néologismes barbares ont fait leur apparition, notamment dans la sphère professionnelle.
Dans le domaine de Léonore, la formation, l’heure est au « distanciel ». Elle fait cours à ses jeunes stagiaires de formation continue depuis son ordinateur, eux-mêmes devant le leur, et elle voit leurs visages comme autant de petites lucarnes au-dessus de son PowerPoint, sur son écran partagé avec le logiciel Zoom, grand gagnant du confinement épisode 1. Elle visite ainsi les salons ou les cuisines des un.e.s et des autres, tour de France de la décoration intérieure façon « maison à vendre »… le persiflage en moins.
Elle-même prend toujours soin de placer sa bibliothèque en fond de scène, et d’éliminer du décor le linge à repasser. Mais pour l’heure elle vit le cauchemar du télétravailleur : son wifi est en panne ! Il lui a fallu trouver refuge au pied levé chez son collègue préféré. Celui-ci l’a accueillie dans sa cave voûtée aménagée en bureau, et le décor derrière elle est donc aujourd’hui un mur de pierres brutes. Ses stagiaires l’ont remarqué, et les spéculations sont allées bon train sur la présence ou non de grands crus classés ou, variante des amateurs de films d’horreur, de cachots humides. S’ils savaient…
La séquence « plaisanteries » close et l’appel effectué, Léonore déroule sa présentation sur les médias avant de lancer les Workshops, avec cette concentration décuplée qu’exige le mode distanciel et la désincarnation qu’il provoque. Parler devant un écran, pour une assistance réelle, mais dont la présence et l’écoute sont virtuelles, est loin de procurer la même énergie que s’adresser à un auditoire dont les visages servent de repère. Ne pas pouvoir s’appuyer sur des regards attentifs, un geste d’assentiment ici ou un froncement de sourcil là, ne pas pouvoir repérer les signes de lassitude est extrêmement frustrant.
Et le changement de local met sa concentration à rude épreuve. Car Paul, l’hôte du jour, se trouve être l’amant de Léonore.
No zob in job est pourtant une règle quelle a toujours respectée, craignant les complications que ne manquent pas d’attirer les relations entre collègues, et surtout la fin de celles-ci. Croiser tous les jours à la machine à café le regard torve d’un ancien amant remercié, merci bien. Sans compter les risques de représailles.
Mais avec Paul, c’est différent. D’abord il était son amant avant de devenir son collègue. C’est elle qui l’a embauché après plusieurs mois d’une relation torride. Ensuite ils sont l’un et l’autre non exclusifs, tous deux déjà en couple, et partageant leurs largesses avec d’autres amants, ensemble ou séparément. Il faut préciser qu’ils se sont rencontrés en soirée libertine, ce qui fixait d’ores et déjà les bases d’une relation pas comme les autres, forcément moins contraignante.
Et diablement plus excitante.
Les hôtels des environs de leur tour de La Défense abritent bien souvent leurs après-midi de liberté commune, auxquelles participent parfois quelques invités, souvent des hommes, croisés dans des hauts lieux du libertinage. Car Paul a fait découvrir à Léonore les joies du pluralisme et du candaulisme, qu’ils pratiquent avec enthousiasme. Voir son regard brillant de désir, et se tenir dans ses bras tandis qu’elle se fait prendre par un autre homme est un plaisir inégalé qu’elle doit à cette rencontre.
Elle avoue avoir plus de mal à pratiquer l’inverse. Sans doute plus insécure que Paul, elle ne peut se défaire d’un fond de jalousie et de méfiance quand elle le voit donner du plaisir à une autre et surtout en prendre d’une autre qu’elle. Elle travaille sur ce sentiment, car elle aimerait ressentir le même plaisir altruiste que lui à travers le candaulisme, mais elle veut tellement être et rester « la préférée » que cela impacte son regard.
Ils pratiquent donc plus volontiers les invités masculins. Ils se voient seuls aussi, pour de longues séances de sexe intense au plaisir sans cesse renouvelé. Il a pu avec elle développer sa pratique du bondage, durant de longues séances d’encordement où l’esthétique et l’excitation sexuelle se conjuguent pour leur plus grand bonheur. La contrainte rend Léonore folle de désir, et le spectacle de ses courbes graciles soulignées par les cordes savamment entrelacées se conjugue pour Paul au vertige des pleins pouvoirs. La voir ainsi entravée, impudique et offerte, le souffle suspendu par l’envie, à la merci de tous ses désirs et les appelant de tous ses vœux, le comble d’un plaisir sauvage.
Leurs emplois du temps sont souvent concordants : Léonore y veille, forte de ses fonctions de Coordinatrice pédagogique. C’est pratique. La tension sexuelle est ainsi permanente, même si leur professionnalisme à tous deux empêche les débordements. Ils sont en phase là-dessus, depuis le début de leur relation : business et family first. Léonore n’aurait pas pris le risque d’embaucher un amant possessif ou imprudent.
Mais travailler ensemble est un piment supplémentaire à leur relation. Le prétexte du travail facilite les contacts et développe leur proximité, et être amants nimbe leurs rapports de travail d’une fine couche de perversité. Ils sont passés maîtres dans l’art des regards obliques et du double langage devant leurs collègues, ce qui leur procure à tous deux une délicieuse excitation, sur le fil du rasoir entre risque et prudence.
Lorsque leurs emplois du temps coïncident, Léonore porte toujours une jupe et des bas, et s’affranchit souvent de soutien-gorge. Il n’est pas rare qu’ils se frôlent en se croisant dans un couloir, voire que sa culotte finisse dans la poche de Paul. Plusieurs réunions ont vu les mains de Paul disparaître sous la table sur la cuisse découverte de sa voisine sans que rien n’apparaisse sur leurs visages respectifs. L’ascenseur qui les mène au 32e étage de cette tour de La Défense a souvent abrité des baisers torrides, mais vigilants, le cœur battant la chamade et le regard surveillant la course des étages.
Aussi dans ce sous-sol aménagé, assise bien droite sur sa chaise en plastique moulé, face à sa webcam, Léonore sent son intimité déjà envahie par le désir. Elle connaît bien les lieux, qui abritèrent leurs escapades lors du premier confinement.
Paul avait transformé en donjon de poche la cave voûtée, fixant aux murs et au plafond des mousquetons auxquels il pouvait suspendre barres et chaînes afin d’attacher Léonore debout. Il avait ainsi longuement profité du splendide spectacle qu’elle offrait, bras levés attachés au plafond, jambes maintenues écartées par une barre fixée à ses chevilles, nue ou vêtue de son seul corset de cuir et de ses bas. Le regard de son amante en ces circonstances, mi-envie mi-défi, le rendait fou de désir. Voir rouler sur le haut de ses cuisses soulignées par les bas noirs les premières gouttes de cyprine lui confirmait, s’il en était besoin, combien elle-même prisait cette position. Ils avaient même pu offrir ce spectacle à un complice, venu en catimini se repaître de cette vision puis du corps de Léonore entravé puis libéré pour leur plus grand plaisir à tous les trois.
Pendant son exposé, concentrée sur son propos et sur les questions de son auditoire, Léonore lutte pour ne pas laisser son fond d’écran mental projeter ces images et ces souvenirs.
Paul ne lui facilite pas la tâche. Il est venu sans bruit se glisser sous la table et caresser doucement à travers sa culotte le creux de ses cuisses dégagé par les bas. L’humidité devient inconfortable. Tandis qu’il lui retire sa culotte, Léonore bataille pour garder le fil de son discours et ne pas laisser son trouble faire chavirer son regard. En s’habillant ce matin elle avait hésité à mettre un pantalon, comme rempart pour protéger sa concentration, mais avait finalement choisi de relever le défi en optant pour une jupe portefeuille et des bas.
Allait-elle le regretter et laisser échapper un gémissement dont la nature n’échapperait à personne ? À mesure que les doigts de Paul précisent leur caresse, elle sent les digues de son esprit rationnel s’effriter sous l’assaut des vagues de plaisir.
Jamais pause ne fut plus bienvenue. Les stagiaires perçoivent-ils son soulagement quand elle leur donne rendez-vous dans trente minutes ? Elle n’a pas le temps de s’appesantir sur le sujet tant l’impatience la gagne.
Paul l’attend dans son propre bureau, juste à côté.
Prudente elle checke et double-checke son ordinateur : micro coupé OK. Léonore se connaît, elle a le plaisir bruyant et il ne serait décidément pas souhaitable pour sa crédibilité professionnelle que ses stagiaires l’entendent !
Le regard de son amant est brûlant quand elle entre dans son bureau, fébrile. Il se lève vivement ; en deux pas il est sur elle et la dévore de baisers. La situation contrainte a décuplé leur envie et le temps leur est compté. Léonore est prête, plus que prête, son désir coule à l’intérieur de ses cuisses tremblantes ; elle veut qu’il la prenne maintenant.
Mais Paul veut encore faire durer l’instant. Il l’allonge sur son bureau, ouvre sa jupe, écarte vivement ses cuisses et se jette sur son sexe comme un fauve affamé sur sa proie. Léonore est si excitée qu’elle se sent déjà partir, mais il ne la lâche pas. Sa langue parcourt ses pleins et déliés, caresse et fouille, darde et lape, tandis qu’il maintient ses cuisses d’une poigne de fer.
Le plaisir irradie tout son corps depuis le point névralgique qu’il déguste avec passion. Le plaisir qu’il prend à la lécher participe de son propre plaisir qui provoque des ondes successives à l’intensité insoutenable. Elle crie quand elle atteint le point culminant, secouant la tête en tous sens, le corps arqué par la tension électrique qui la parcourt. Elle n’a plus qu’une idée fixe maintenant : qu’il la prenne, qu’il la pénètre, qu’il la comble et la remplisse.
Il obtempère sans se faire prier. Sa queue est raide et dure quand elle touche l’orée de son sexe. Ce contact la fait défaillir. Cette douceur, cette promesse la fait hésiter dans son envie : faire durer ce plaisir-là, la douceur insensée de cette sensation, les vagues de chaleur qu’il lui procure, ou le remplacer par celui, moins subtil, mais plus puissant de la pénétration ?
Elle craque :
Mais Paul résiste :
Pas longtemps toutefois, le voilà qui s’enfonce en elle avec un cri de contentement qui rejoint le soulagement qu’elle ressent. Leurs regards se verrouillent l’un dans l’autre, un sourire dément flotte sur leurs lèvres. Ils partagent cette folie furieuse que ce plaisir sans cesse renouvelé leur procure chaque fois, ici décuplé par la transgression. Et par les voix des stagiaires qui résonnent dans la pièce à côté :
La pause est finie. Trente minutes se sont écoulées pendant leur corps à corps qui leur a fait quitter la réalité. Mais, loin de les couper dans leur élan, ces appels les galvanisent, soulignant la transgression, magnifiant leur plaisir. Ils ne peuvent se déprendre encore, c’est trop tôt, c’est trop bon, encore un instant, encore un autre, ils sont éperdus, acharnés, enragés, comme des chiens dans une cour de ferme qu’un seau d’eau ne saurait séparer.
Une vague gigantesque emmène enfin Léonore. Elle hurle pour lâcher cette pression intense, irrépressible, quasi insupportable ; un truc qui la transporte ailleurs en un état second. Cette impression d’élévation, d’apesanteur, d’envolée, que suit la chute de la descente. Laquelle les trouve exsangues et apaisés, comme déposés sur le rivage par une lame de fond.
Le temps de se recoiffer et de rafraîchir son visage échauffé… La pause ce jour-là aura duré quarante minutes…