n° 19989 | Fiche technique | 14813 caractères | 14813Temps de lecture estimé : 10 mn | 04/01/21 corrigé 01/06/21 |
Résumé: Il pourrait tout de moi, s'il me le demandait. Mais, en réalité, il ne demande jamais, puisqu'il exige, et c'est encore plus... moi, maintenant ! | ||||
Critères: amour fsoumise hdomine sm nonéro confession portrait -dominatio | ||||
Auteur : Enzoric Envoi mini-message |
Moi je joue ma vie à pile ou face. Tous mes sentiments à pile ou face.
J’ai toujours aimé le jeu. Quel qu’il fût, et, surtout, quelles qu’en soient causes ou conséquences, alors cette chanson chante en moi comme une évidence. Moi j’suis comme une bombe qu’on a larguée, et puis qui tombe au beau milieu d’un slow d’enfer sans partenaire.
Je ne m’appelle pas Corynne, mais Charlotte, et je ne suis pas chanteuse. Je n’ai pas une belle voix, et, surtout, je ne vis pas ma vie par procuration. Oui, j’aime la musique, pour ce qu’elle exprime, et non je ne serai jamais l’interprète de quelqu’un. Pas rebelle, anarchique, ou foldingue, et pas brebis surtout. Je sais ce que je vaux, ce que je suis, et plus encore ce que j’aime, ou non.
Ça, c’était moi avant ; avant lui. Lui qui m’a transformée en une autre, lui qui m’a révélé ce qu’est la vie, la vraie, et surtout l’amour. Depuis lui, je vois la vie comme dans les chansons d’Édith : Quand il me prend dans ses bras, qu’il me parle tout bas, je vois la vie en rose. Lui, il me dit des mots d’amour, des mots de tous les jours, et ça m’fait quelque chose.. Lui, c’est mon hymne à l’amour. Il pourrait tout de moi, s’il me le demandait. Mais, en réalité, il ne demande jamais, puisqu’il exige, et c’est encore plus… moi maintenant !
La première fois que je l’ai vu, c’était lors d’un karaoké. Ouais, je sais, c’est has been aujourd’hui, mais hier c’était the place to be . Hier j’avais mes habitudes, de jeune femme en mal de baise, certes, mais j’avais mon ami le canard. Pas très causant lui non plus, j’avoue, mais toujours là en cas de besoin ; comme lui depuis que le canard n’a plus de pile. Hier j’avais vingt-trois ans, et j’étais mignonne ; enfin c’est ce que les copains des copains qui voulaient me pécho disaient. Hier les mecs qui ne s’intéressent qu’à un cul, je les attirais, parce que j’avais un beau cul bien rebondi, et une belle paire d’arguments qui affichait fièrement l’arrogance d’une langue que je n’avais pas dans ma poche.
Mais ça c’était avant ; avant lui.
Lui qui ne m’a pas draguée, mais conquise. Lui qui n’a pas fait le premier pas, mais qui n’a pas reculé pour autant. Lui qui m’a écoutée, buvant ce trop-plein de déclarations sans être ni surpris, ni choqué, ni saoulé. Lui qui a souri, ne sachant que dire, déjà. Lui qui m’a comprise telle j’étais, hier, et avec qui je conjuguais la vie au futur. Lui qui a toujours été là, ou jamais très loin. Lui qui m’a tracé un avenir. Lui, ce seul qui a su déceler ce qui dormait en moi, et faire ce demain qui depuis dix ans est un plaisir de chaque instant. Lui qui m’a accompagnée, plus que me guider ou me contraindre, jour après jour, nuit après nuit, main dans la mienne. Lui qui m’a ouvert au monde, son monde, et à la jouissance. La vraie. Lui pour qui faire l’amour n’est pas l’amour. Lui pour qui les plaisirs charnels ne sont que le reflet de ce que le corps reçoit, exulte et transmet. Lui qui m’aime, comme nul autre ne peut, et ne pourra jamais, m’emporter plus puissamment que lorsqu’il me regarde si amoureusement baisée comme une chienne. Sa chienne. Voilà ce que je suis depuis lui. Lui qui n’a rien prémédité. Lui pour qui notre relation n’est pas un jeu, pas un style de vie, mais un besoin de deux êtres, aussi complémentaires qu’opposés.
Lui, on l’appelle Louis dans la vie de tous les jours, mais, pour moi, c’est Maître. Pas pour ce que ce mot signifie dans le langage d’une soumise lambda, mais parce qu’il est réellement mon maître de tous les jours. En tout. Pour tout.
Je ne suis pas captive, pas craintive, mais heureuse, parce que je l’aime pour ce qu’il est, et qu’il m’aime pour ce que je suis. Nous, c’est la croisée de deux extrêmes contraires. Il est aussi déterminé que juste, et moi aussi sienne que profondément moi, que je sois à ses pieds ou au pied de qui il m’a demandé d’être.
Il m’avait prévenue, avertie, il avait même tentée de m’en dissuader, longuement, mais plus il m’expliquait, plus j’étais convaincue que ce monde, son monde, était celui dont je rêvais chaque nuit, quant au matin je n’avais, comme seul souvenir, qu’un corps en sueur qu’une main posée sur mon sexe ruisselant finissait de mener au plaisir. À court d’arguments pour le convaincre, lui faire entendre raison, mes raisons, qu’il ne voulait pas entendre, j’ai alors eu recours à l’ultime preuve de ma détermination : j’ai joué ma vie, notre avenir, à pile ou face. Pas une, ni deux, mais trois fois la pièce a scellé notre amour. Ce fut la dernière fois que je le fis, car depuis lui je ne joue plus, n’en déplaise à Corynne Charby ou aux auteurs de cette chanson ; car je sais que ces trois lancers consécutifs ne sont pas le fruit du hasard, mais notre destinée.
L’a-t-il pris comme défi, caprice de gamine, ou simple hasard, qu’il a accepté le gain du jeu : moi. A-t-il voulu me tester, me dégoûter, ou me convaincre, qu’il n’a pas été tendre, et que cette première semaine avec celui qui devint mon Maître nous a prouvé, à chacun, ce que chacun aime : l’autre.
Oui cette première semaine fut déterminante. Pas en pratiques, mais en envies. Et en frustrations surtout. J’étais étudiante, libre, et déjà amoureuse de lui. J’avais flashé sur lui, et je n’avais plus qu’un but : le conquérir, vaille que vaille. Sept ans nous séparent, mais à cœur courageux rien d’impossible ! Ce que j’ignorais alors, était que l’expérience affine les désirs. Ce qu’aujourd’hui je sais, pour notre plus grand plaisir.
Il m’avait toute à lui, de cœur déjà croqué, et de corps avide, mais… il n’en fit rien. Tous les soirs j’allais chez lui, et n’en partais qu’au petit matin. Une semaine durant laquelle il ne fit que me laisser un espoir, mince, mais auquel je m’accrochais telle une moule à son rocher. Quelques sous-entendus, quelques bises en guise d’accueil et au revoir, mais guère plus. On discutait, beaucoup, de tout, de rien, de sujets aussi variés que personnels, mais sans plus. En réalité, sans en avoir l’air, il me sondait, me cernait.
La qualité d’un maître n’est pas de savoir les limites de sa soumise, mais de connaître les siennes. Plus nous discutions, et plus il discernait, comprenait, se comprenait. Il ajustait, plus que mon attente, plus que ses envies, notre relation. Peut-être a-t-il occulté certaines pratiques qu’il aurait aimé partager avec moi, mais jamais il n’a semblé en être frustré. Qui sait, peut-être les aurais-je acceptées, ou quémandées, si j’avais ressenti ce besoin ? Mais non, il avait posé les règles, et il ne sortit jamais du sentier qu’il s’était imaginé comme celui nous menant au but ultime.
Je ne suis pas masochiste. La douleur, pour moi, n’est pas un besoin, un plaisir à magnifier jusqu’à la jouissance. Mon appartenance n’est pas de corps, mais d’esprit. Non dans la contrainte, ni la dépendance, mais l’union. Ce, il l’a compris comme nul autre, alors il a assis sa puissance sur un siège bien plus cinglant qu’un fouet qui claque et zèbre la peau : il a touché mon cœur au fer rouge. Non de ses initiales comme certains maîtres sont fiers d’afficher, mais d’amour. Est-il en manque de défouler son autorité de coups savamment administrés ? J’ai la certitude que non. Est-il fier d’imposer ses règles à ces compères lorsqu’il me prête, car c’est ainsi qu’il leurs annonce la chose ? J’ai la certitude que oui, car je ne suis que sienne, et lui que mien.
Nombres ont rompus le contact, les moins proches pour la plupart, mais quelques-uns ont maintenu un lien avec nous. Je dis nous, car nous sommes perçus comme couple, et non plus comme soumise et maître. Ce fut rapide, trop sans doute pour beaucoup, mais les plus ouverts d’esprit, ceux qui ont compris que ce qui nous unissait n’était pas une relation ordinaire, sont devenus plus intimes encore. Certains ont même changé. Notamment un : Édouard.
Je l’aime bien Édouard. Son épouse aussi, même si pour rien au monde je n’aurais aimé être à sa place ! Jamais je n’aurais supporté ce qu’elle a enduré, la pauvre !
Il avait une soumise attitrée, qui vivait quasiment en permanence chez eux, et plusieurs autres occasionnelles, de passage, ou confiées. Un jour, elle m’a invitée à déjeuner. Lorsque j’ai demandé la permission à Louis, il m’a remercié et donné son tacite accord en me faisant l’amour tendrement. Non qu’on ne le fasse jamais, mais j’ai senti que ma demande le comblait plus que tout.
Au restaurant, elle me raconta, comme à une amie, sa vie : elle s’était fait une raison, mais n’en pensait pas moins ! Ils s’aiment, aucun doute possible, mais elle n’avait toujours pas accepté, et compris surtout, que c’était par amour que son mari calmait sa libido avec d’autres, pour lui donner, à elle, sa femme, toute la tendresse qu’il lui réservait. À la fin du repas, elle m’a remerciée. Je n’ai pas compris sur le coup, mais, lors d’une soirée chez eux, je l’ai vue plus… épanouie. Pas ravie de voir son mari se défouler, mais plus, comment dire… détachée.
Je n’ai jamais été prêtée à Édouard. Je ne le serai jamais. Louis connaît trop bien son ami d’enfance et de jeu pour me prêter à lui. Tant ils s’apprécient en tous points, tant ils sont différents, niveau domination, qu’un lien subtil s’est tissé entre eux. Même si je sais qu’ils ont parfois partagé les mêmes soumises, je sais plus encore que ni l’un ni l’autre ne le fera plus. Leurs visions, leurs passions, sont toutes autres maintenant. Édouard flirte en permanence avec les limites, alors que Louis, mon Louis, s’en est abstrait. De femmes à ses pieds, il n’en est plus qu’une : moi.
Il y a peu, Marie-Odile, la femme d’Édouard, m’a serrée dans ses bras. Je n’ai pas compris. Quand Édouard s’est levé, puis s’est agenouillé et m’a baisé la main, j’ai paniqué. Je tremblais, et lui il pleurait en répétant « merci ». Combien de fois l’ai-je vu se défouler, il n’est pas d’autres mots, sur une femme qui n’en attendait pas moins. Alors, le voir à mes pieds ! Quand les envies des unes rencontrent l’exutoire d’autres, tout semble être de l’ordre des choses, du normal ; pourtant, souvent, les coups, la douleur, ne révèlent pas le profond, l’enfui.
Édouard est un homme dur. Très dur. Plus envers lui-même qu’envers ses soumises. Quant à elles, elles pensent trouver un plaisir dans une soumission douloureuse. Connerie ! La souffrance n’exprime pas l’amour. La brûlure d’une main, d’une lanière, les insultes… bref, la contrainte, physique ou morale, jamais ne procurera le plaisir qui est mien : l’appartenance d’esprit et non de corps. L’abandon total n’est pas dans l’offrande de l’enveloppe, mais dans le don du cœur. Louis me possède, je suis sa chose, mais librement. Je lui fais don de moi, car je sais qu’il n’en abusera pas.
Édouard c’est tout le contraire. S’offrir à lui, c’est s’oublier. Oublier son plaisir au détriment du sien. Un paradoxe que je peux comprendre, mais aux antipodes de mes désirs et envies. Aimer ne peut être une contrainte. L’amour est un partage. Louis est mon maître, mais on communie, on chemine ensemble, pas comme Édouard et ses soumises. S’il leur donnait ce qu’elles pensaient être une preuve d’amour, il ne ressentait rien pour elles. Elles n’étaient qu’un palliatif, consentant, demandeur, certes, mais sans contrepartie. Louis et moi, on s’est révélé, l’un de l’autre, l’un pour l’autre. Ce qu’Édouard n’a jamais pu, seul et mal accompagné. Une femme à ses pieds ne sera jamais qu’un corps sans âme, alors que sa femme, qui l’aime, et qu’il aime pour ce qu’elle est réellement, le pouvait. S’ils leurs fallait un déclic, un exemple, une preuve, et si nous avons été, Louis et moi, ce déclencheur, alors tant mieux. Je n’éprouve aucun orgueil, aucune fierté. Je n’ai jamais été que moi-même, et je compte bien le rester. Si mon maître change, si je change, alors nos chemins divergeront. Ce, il le sait, je le sais, et qui nous connaît autrement que d’une soirée le sait. Ainsi sommes-nous heureux. Louis de me savoir éperdument sienne, et moi de l’être, non par besoin, mais d’amour. Car l’amour est besoin et offrande de l’autre, à l’autre, et non-appartenance.
J’ai trop joué à pile ou face pour savoir aujourd’hui que le destin n’est pas toujours le fruit du hasard, et que l’amour ne l’est jamais. Si ce sentiment peut naître rapidement, il peut tout autant mourir précocement. Rien n’est jamais acquis, certain, et l’amour ne déroge pas à cette règle. Si j’ai cru avoir aimé, c’était qu’avant lui, mon maître, mon Louis, j’ignorais qui j’étais. Pour aimer, et ce bien faire, et l’être dignement en retour, il faut se connaître plus que discerner l’autre. C’est dans la connaissance de ses envies, de ses désirs, et l’union de ses contraires ou de ces mêmes, que le couple naît, grandit, et ne meurt pas. Qui se ressemble s’assemble, les contraires s’attirent, qui aime bien châtie bien, c’est du pareil au même…l’important n’est pas le jeu, ni la chandelle, et encore moins le but. L’important est le bien-être. Le soi.
Depuis quelques mois, Marie-Odile et Édouard forment un couple normal. Chacun a mis de l’eau dans son vin. Elle, en acceptant enfin d’être une femme soumise, ce qu’elle était déjà sans vouloir l’admettre, comme moi avant Louis, et Édouard en l’aimant plus encore pour ce qu’elle ne sera jamais, une réelle soumise . Quant à moi, si Louis aime encore à me prêter parfois, ces rares offrandes me prouvent que l’amour que je lui porte est de loin plus puissant que les plaisirs que d’autres se donnent à travers moi. Plus que jouir d’une queue, et faire les faire jouir, je savoure un plaisir bien plus orgasmique : la jalousie avec laquelle mon mari, mon Louis, mon maître, me regarde, moi, sa femme.