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n° 19994Fiche technique10696 caractères10696
Temps de lecture estimé : 7 mn
06/01/21
Résumé:  Une histoire très courte. Ça change, diront les grincheux...
Critères:  fh extracon collègues travail caresses fellation cunnilingu pénétratio tutu -extraconj
Auteur : Roy Suffer  (Vieil épicurien)            Envoi mini-message
Équipe

C’est bien connu, on passe plus de temps avec sa secrétaire qu’avec son épouse. L’inverse est vrai aussi. Notre histoire est donc d’une banalité rare. Elle n’a eu qu’un mérite, celui d’exister et de nous faire du bien sans faire de mal aux autres.


Au début, ce fut un peu difficile et tu soupirais souvent. Mon prédécesseur avait ses habitudes, différentes des miennes. Il avait l’avantage d’avoir créé ce service et de t’avoir recrutée, ce qui générait une sorte de vénération renforcée par son grand âge et sa santé précaire de quadruple ponté cardiaque. Mais nous étions amis, et il m’avait souhaité à ce poste, parrainé en quelque sorte, en me confiant la mission de le développer et d’améliorer les outils qu’il avait mis en place. Tu n’appréciais pas que je touche à ce « patrimoine maison », d’autant que son décès prématuré avait donné un caractère intangible à son héritage. Et puis nous avons fini par nous habituer l’un à l’autre.


Tu as fini par comprendre que tu n’étais pas son exécuteur testamentaire et que je n’étais pas le fossoyeur de son œuvre. J’ai reconnu tes capacités et compris que tu étais digne de confiance. Nous avons appris à travailler ensemble, beaucoup. Oui, nous avons beaucoup travaillé et obtenu de splendides résultats. Alors, petit à petit, tu as cessé de tirer une tronche de trois pieds de long, de soupirer à tout bout de champ, de discuter mes décisions comme si j’étais un débutant. Nous avons pris l’habitude d’arriver au boulot avec le sourire et, après les chocolats de Noël et un cadeau d’anniversaire, un très beau stylo, nous avons fini par nous saluer avec une petite bise. Nos discussions se sont parfois éloignées du travail et sont devenues plus intimes. Tu avais deux garçons, j’avais deux filles, la maison, les vacances, les jolis coins, les bonnes adresses, le partage devenait convivial. Jusqu’à ce jour de mai, après un pont de quatre jours, où tu es arrivée la mine défaite et les yeux cernés :



Et tu es partie pleurer dans ton bureau. J’étais bien embêté par ma plaisanterie maladroite et je ne savais trop quoi faire. Dans ces cas-là, ce que tu m’as souvent reproché, je laisse passer un peu de temps. Ce n’est donc que vers midi que je suis allé te voir pour te présenter quelque excuse. Tu t’es remise à pleurer en me disant que je n’étais pas responsable de ta déprime et tu m’as expliqué :



C’est vrai que tu étais une belle quadra, avec tout ce qu’il faut là où il faut. Un visage plutôt fin et agréable malgré d’imposantes lunettes, une poitrine et un postérieur rebondis, des tenues vestimentaires toujours sobres et élégantes. À quarante-cinq ans passés, les années et deux maternités avaient laissé sur toi un peu d’enrobage, certes, mais pas encore d’affaissements ou de rides profondes. Je t’aurais décrite comme pulpeuse, même si nos premières relations m’avaient laissé l’impression d’un fichu caractère, et ce n’était que depuis qu’ils s’étaient améliorés que j’avais commencé à te regarder comme une femme plus que comme un dragon.


Tu m’as pris la main et tu l’as posée sur ta joue encore humide de larmes, instant émouvant et silencieux. Puis tu l’as doucement embrassée, je me suis rapproché de toi pour intensifier ce qui n’était encore qu’un soutien moral, tu l’as reçu comme une invitation et tu t’es blottie contre ma poitrine, longuement, puis tu as levé ton visage défait vers le mien et tu m’as offert tes lèvres. Un baiser tendre d’abord puis rapidement enfiévré, et nous avons soudain basculé dans une improbable folie, un moment hors du temps dans ces bureaux désertés par la pause méridienne. Ta veste et ton chemisier ont volé, ta jupe s’est retroussée je ne sais comment, mon sexe s’est retrouvé dans ta bouche puis entre tes cuisses épaisses et tendres. Tu t’es offerte avec l’énergie du désespoir, je t’ai prise avec la furie d’un dénouement inéluctable trop longtemps retardé. Dire que c’était bon n’aurait pas de sens, c’était irréel, effrayant de puissance et totalement irréfléchi, l’opposé de nos comportements habituels. Le calme revenu, tu m’as nettoyé le sexe avec application pendant que tu t’essuyais avec des kleenex, puis tu m’as rajusté pour retrouver l’image convenable de ton patron, toi-même redevenant la secrétaire exemplaire, et tu m’as dit :



Et tu l’as souhaité, souvent, très souvent, pour ne pas dire tous les jours sauf les week-ends. Que ce soit entre midi et deux ou après dix-huit heures, nous trouvions quotidiennement le moyen de raviver notre frénésie charnelle, avec toujours le même appétit, le même goût délicieux de l’interdit, du secret. N’y a-t-il pas « secret » dans « secrétaire » ? Je suis persuadé que personne, ni au bureau ni dans nos familles respectives, n’a été au courant de cette relation qui atteignait pourtant des sommets de folie érotique.


Cependant nous avons osé, osé créer des situations qui n’existaient pas auparavant. Désormais, je t’emmenais partout avec moi, dans les réunions régionales ou nationales. Parfois tu assurais effectivement une rigoureuse prise de notes, parfois tu faisais simplement du shopping ou m’attendais tranquillement à l’hôtel. C’est remarquable comme nous ne manquions à personne, car jamais ton mari ou mon épouse n’ont appelé ces soirs-là. Pendant plus de deux ans, cette relation nous a permis de supporter nos vies, orageuses ou sans saveur. Retrouver ton corps était ma récompense, mon apaisement. Ce n’était pas de l’amour, ou du moins je ne le crois pas, ce n’étaient pas les sentiments qui nous poussaient l’un vers l’autre. Rien que la satisfaction des sens.


Tu aimais être désirée, que je bande pour toi, que je te prenne et te mène à l’orgasme. J’aimais ton corps trop généreux, trop blanc, trop avide. J’aimais m’y perdre, m’y lâcher sans restriction, y prendre mon plaisir et te procurer le tien. C’était comme des orages d’août qui nous prenaient en toute saison, violents, brefs, dévastateurs et salutaires. Tu avais pris des habitudes facilitant le plaisir rapide, caché, interdit, et tout concourrait à augmenter le plaisir. Plus de collants, mais des bas pour être plus vite offerte. Jamais de pantalon, mais des jupes vite retroussées. Jamais de parfum ni de maquillage pour ne pas laisser de traces. Et toujours une réserve de Kleenex à portée de main.


Cette relation, loin de nuire au travail, renforça notre mutuelle compréhension et participa à faire de nous une équipe redoutable qui s’accordait sans même avoir besoin d’échanger. Chacun tenait sa place en parfaite symbiose, et peu de choses nous résistaient. Nous formions une sacrée équipe, une « dream team », qui développa l’activité et dépassa les objectifs deux années de suite.


Oui, mais voilà. L’atmosphère chez moi dépassa le supportable, le divorce était inévitable. Oh, pas à cause de toi, mais sûrement un peu grâce à toi, parce que tu me donnais le recul nécessaire pour mesurer l’étendue des dégâts. Et pour faire bonne mesure et tirer un trait définitif sur le passé, j’ai décidé de partir, de reconstruire un ailleurs peut-être, en tous cas de mettre de la distance. Nous nous sommes quittés sans heurts et sans larmes, nous savions depuis le début, je crois, que cette histoire aurait une fin. Mais tu restes en moi comme un souvenir épanouissant, et j’espère avoir été, comme disait Lanza Del Vasto, « dans ton cœur comme un rameau nu* »…



* : Comprenne qui pourra…