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Monsieur le député

Les députés entraient chacun leur tour dans le grand hémicycle du Parlement Européen de Strasbourg, respectant avec soin tous les gestes barrières, se tenant tous à deux mètres les uns des autres, tous portaient un masque, et tous s’enduisaient les mains de gel hydroalcoolique, tel un rituel d’une nouvelle religion.

La distanciation physique n’empêchait pas les échanges entre les parlementaires des différentes nations. Échanges souvent ponctués d’éclats de rire, l’humour étant le meilleur remède à la morosité ambiante.

Un député français et un belge se marraient en observant un néerlandais à la pilosité abondante, son masque peinant à contenir une barbe rousse luxuriante. En gros, ça débordait de partout.

• — Robert, un masque sur un barbu ça me fait penser aux foufounes des années septante ! Du temps où l’épilation n’était qu’un concept.
• — C’est vrai, dis donc, ha, ha, elle est bien bonne !
• — Was ist « Foufoune » ? demanda Conrad, un député allemand.
• — Euh… ein nicht enthaartes weibliches Geschlecht ! (Un sexe féminin non épilé !)

Conrad Debrest éclata de rire au risque de s’étrangler.

• — Ja, ja. Das erinnert mich an meine Jugend ! (Oui, oui, ça me rappelle ma jeunesse !)

Les trois collègues prirent place l’un près de l’autre, en laissant cependant un siège vide entre eux. Il fallait signaler qu’ils faisaient partie du même groupe parlementaire et ils avaient tissés de forts liens d’amitié.

Un nombre restreint de députés siégeaient ensemble, pandémie oblige, les trois élus consultèrent l’ordre du jour.

• — Ah, s’extasia Robert, le député français, aujourd’hui jour de chance, nous aurons droit à une intervention du professeur et député Henri Pathoux-Laijours.
• — Non, gémit Lucien, le belge, pas encore lui !
• — Il va encore nous broyer les amandes.
• — Non Conrad, pas les amandes… briser les noix !

Conrad sortit un petit carnet de sa poche et prit des notes.

• — Je collectionne toutes les expressions argotiques étrangères pour les raconter à Angéla.

Le président s’installa à son perchoir, s’enduisit les mains de gel, retira son masque, toussota et annonça la couleur :

• — Aujourd’hui, intervention de monsieur Pathoux-Laijours au sujet de la nouvelle directive de bioéthique européenne.

Quelques remous agitèrent l’hémicycle, tant dans les rangs de droite que de gauche. Le professeur étant connu pour ses prises de position réactionnaires et surtout la longueur de ses discours.

Grand échalas d’une cinquantaine d’années, les cheveux bruns striés de fils d’argent, le nez fort et tombant, son front empiétait de plus en plus sur son crâne ce qui lui donnait l’aspect d’un vautour chauve.

• — Mesdames et messieurs les députés, chers collègues, l’heure est grave. Non seulement nous avons dû faire face à la loi sur l’interruption volontaire de grossesse qui nous a tant fait de mal…

Robert se pencha vers son collègue Belge et murmura :

• — À l’entendre ça date d’hier, pas de mil-neuf-cent-soixante-quinze, il venait à peine de naître.
• — Justement, peut-être que sa maman regrette !

Ils pouffèrent derrière leurs masques.

• — … interrompant la vie de tous ces enfants.

Le professeur était un intégriste, selon lui il fallait à toutes fin toutes forces obliger la mère à mener à terme sa grossesse. À côté de lui l’Opus Dei ressemblait à un ramassis de dangereux réformateurs.

• — Mais nos ennemis œuvraient dans l’ombre. Bientôt, ils réclamèrent d’autres droits et d’autres avantages. Ceux qui pratiquent l’acte contre nature voulaient devenir des familles… Des familles comme les autres… Pour cela nos dirigeants créèrent l’intolérable Pacs. Quelle ignominie !

Il se recueillit quelques instants, comme touché en son corps par une douleur insoutenable.

• — Chacun sait qu’une famille, c’est un homme et une femme ; deux êtres de sexe opposé forment un véritable couple. Un couple uni par l’amour, unis devant Dieu, une vraie famille selon l’Église, pas cette parodie que l’on nous impose…

Roger souffla.

• — Le voilà repartit dans ses marottes.
• — Imaginez un couple d’hommes, un couple de femmes, dans un ersatz d’amour, pire…

Là son visage se tordit en une grimace de dégoût, comme s’il venait d’ingérer de l’acide.

• — Un simulacre d’accouplement contre nature…
• — Il va se faire censurer, classer X, rigola Conrad.

Des remous agitaient la maigre assemblée.

• — Eh oui, mesdames et messieurs, l’acte de chair, il faut bien en parler de cette imitation d’acte de reproduction entre deux êtres du même sexe, cette offense à la nature et à notre créateur, cette singerie…
• — Professeur, une peu de retenue, s’il vous plaît, intervint le président, respectez la sensibilité et les convictions de chacun.

Henri Pathoux-Laijours leva les yeux au ciel, comme pour implorer Dieu de lui donner la force de terminer son homélie.

• — Mais, maintenant, non contents de s’être approprié les liens sacrés du mariage, ils veulent toujours plus, ils veulent maintenant fonder une famille, réclamant l’accès à la PMA, puis la GPA…

Il termina son intervention dans une grande envolée lyrique :

• — Ils veulent procréer. Ce serait l’effondrement de notre société, la fin de notre civilisation ! Imaginez maintenant la vie de ces pauvres enfants quand ils vont expliquer à leurs amis : « j’ai un papa et un papa », ou « une maman et une maman ». La vie est déjà rude pour nos chères petites têtes blondes, ce n’est pas la peine d’en rajouter.

Il rejoignit son siège en remettant son masque, félicité par les quelques membres de son micro-parti, sous les huées d’une autre petite portion ou ignoré par la grande partie de l’assemblée.

• — Au moins on ne s’ennuie jamais avec lui, soupira Robert Hallaire.
• — Vous en avez beaucoup comme lui, s’inquiéta Lucien Demaesmaker.
• — Malheureusement, il s’est reproduit et a quatre enfants.
• — Ne vous inquiétez pas, nous avons aussi nos dinosaures, les rassura Conrad Debrest.
• — Vous nous avez une fois encore émerveillés par votre art oratoire, votre conviction mon cher Henri, le congratula son collègue Hugo De Zilla.
• — Et comment vont Laure-Lise, votre charmante épouse, et vos enfants ? demanda Aude Cologne, une autre députée de son groupe.
• — Laure-Lise va bien, mais est un peu débordée par l’énergie déployée par nos chérubins. Le quatrième lui mène la vie dure, car il veut devenir vétérinaire et ramène toutes sortes de bestioles abandonnées à la maison.
• — Comme c’est charmant…

Le téléphone du professeur émit un petit bip discret.

• — Veuillez m’excuser, souffla le professeur en consultant le message.

Il tapa un « D’accord » sur l’appareil et le rangea dans sa poche.

Il laissa ses amis, prétextant des dossiers à étudier. Il téléphona à son épouse, expliquant qu’il devait présider une commission ce vendredi et espérait rentrer samedi dans la journée et fêter l’épiphanie avec les enfants.

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Marie Navoile promenait Schisserla*, sa petite Yorkshire, ce avant le couvre-feu, elle ne tenait pas à se faire choper par le Guet, cent trente-cinq euros d’amende pour un pipi de chien, ça commençait à faire beaucoup.

Elle revenait du parc de l’Ill et laissait la petite chienne renifler tout son saoul. Ces pauvres bêtes étaient autant punies que les humains dans cette histoire de pandémie.

D’habitude, Raymond se chargeait de la promenade du soir, mais en cette fin d’après-midi il regardait la conférence de presse du premier ministre. Marie préférait se promener plutôt que d’écouter ces conneries, et Schisserla était beaucoup plus importante à ses yeux que tous ces bons à rien de ministres qui ne brassaient que du vent.

Depuis qu’ils étaient à la retraite et que les enfants faisaient leur vie loin du nid, ils reportaient leur affection sur cette petite boule de poils, qui le leur rendait bien.

Arrivée dans l’impasse des Orpailleurs, elle vit au loin des types entrer dans l’immeuble voisin du leur. Ce qui l’intrigua un peu car au rez-de-chaussée se trouvait un bar, fermé pour cause de pandémie, le Bar à Tin.

En passant elle risqua un regard vers dans le local sombre, lugubre et vide.

• — Et nous voilà revenus, annonce Marie à son mari en accrochant son manteau à la patère, tandis que Schisserla se précipitait vers son papa qui écoutait encore le premier ministre.
• — Tu n’as rencontré personne ?
• — Non, enfin si. J’ai cru que deux ou trois personnes entraient dans le bar d’à-côté, mais il y fait noir comme dans le cul d’un mineur de fond par une nuit sans lune, alors je ne suis pas sûre.
• — Ah, ils sont peut-être dans un appartement au-dessus, une réunion de copropriétaires, peut-être.
• — Tant qu’ils ne font pas de conneries.

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Henri Pathoux-Laijours sortit de l’ascenseur au troisième étage du 82 impasse des Orpailleurs. Après un petit coup de sonnette la porte s’ouvrit sur un maître d’hôtel uniquement revêtu d’un nœud papillon, de gants blancs et d’une perruque style Louis XV.

• — Bienvenue Monsieur, si Monsieur veut bien se rendre à la réception.

Un autre larbin se tenait derrière un bureau, lui aussi emperruqué et seulement vêtu d’un nœud pap’ et de gants blancs. Il tenait une sorte de vestiaire. Il invita le nouvel arrivant à s’oindre les mains de gel hydroalcoolique.

Henri Pathoux-Laijours ne se trouvait point seul en ces lieux, un autre visiteur l’y avait précédé de peu, tandis qu’un autre le suivait.

• — Si ces messieurs veulent bien se mettre en tenue, les invita le laquais.
• — Bonsoir cher ami, le salua un type distingué qui enlevait son pantalon.
• — Harry, heureux de vous revoir, répondit le député européen en serrant la main de son interlocuteur.

Harry Stocratt, diplomate, grand brun moustachu, anglais, chargé des relations entre Londres et le parlement de Strasbourg. Harry, anglais jusqu’au bout des ongles et d’une conscience professionnelle irréprochable, interrogea son interlocuteur alors qu’ils ôtaient leurs caleçons.

• — Le Brexit se déroule plutôt bien vous ne trouvez pas ?
• — En effet, à part quelques petits accrocs de-ci de-là, ç’aurait pu être pire.

Une fois nus, le serviteur rangea leurs habits dans des casiers individuels et tendit à chaque visiteur un bracelet gravé au numéro du casier, tel une clef de consigne de piscine.

Ils se dirigèrent vers le grand salon, d’où émanait discussions et musique. Sur des tables revêtues de nappes immaculées trônaient des bouteilles de champagne ou de vodka plongées dans des seaux réfrigérés, des verres et flûtes tenaient compagnie à de petites coupes de caviar posées sur lits de glace avec leurs petites palettes de nacre. Quelques bouchées de foie gras tentaient les plus affamés.

Des vasques pleines de préservatifs attendaient le bon plaisir des participants.

• — Notre hôte fait preuve de prévenance, comme à son habitude, commenta Alain Verse, le conseiller régional, qui commençait à se tripoter la colonne.

Une grande galette trônait au centre de la pièce, une sobre couronne posée dessus.

Sur une estrade un DJ attendait le début des festivités en passant de la musique classique avant de se lancer dans de grandes envolées plus festives. Ils se trouvaient dans un des nombreux pied-à-terre de leur hôte, Luc Sembourg, le célèbre PDG de la brasserie du même nom.

• — Heureux que vous ayez pu vous libérer, les accueillit le célèbre épidémiologiste Honoré Skoza, en tendant la main et une demi-molle.
• — Nous ne sommes pas en retard, j’espère, s’enquit le diplomate grand-breton.
• — Que nenni, tenez, voyez qui arrive…

Un homme d’âge mur, cheveux gris et clairsemés, se pointa, tenu en laisse par un jeune homme légèrement bronzé. Un bâillon-boule lui obstruait la bouche.

• — Archibald, très cher, que vous arrive-t-il ?
• — Ahgueu, répondit le bâillonné.
• — Monsieur a fait des placements qui n’ont pas tenu leurs promesses, répondit le jeune homme musclé et bronzé, il mérite une petite punition.
• — Archi, de grâce, à l’avenir soyez plus prudent, intervint Guy Chalair, le président de la chambre de commerce, tout en ne cessant de pogner Adam Drobate, le vétérinaire.

Archibald Aquin, président directeur général de la plus grosse banque de la région plaçait de grosses sommes de certains de ses clients bien introduits en leur promettant un revenu de quinze pour cent. Las, cette fois il ne fit que douze. D’où cette punition.

• — Nous allons tirer les rois, se réjouit le général de brigade Denis Schon, en admirant la galette.
• — J’espère qu’il n’y aura pas que les rois qui seront tirés, commenta finement l’évêque, elle a été façonnée par notre ami Oscar Hamel, le chef étoilé.

Outre ces invités que le Professeur Henri Pathoux-Laijours connaissait personnellement, une dizaine d’autres discutaient ou commençaient à s’équiper de préservatifs.

• — De grâce, mes amis, évitez de confondre le lubrifiant et le gel hydroalcoolique comme la dernière fois.

Un grand éclat de rire lui répondit. Le DJ augmenta le son et lança un titre de Queen.

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Dans l’immeuble voisin, Marie Navoile préparait le repas de Schisserla quand elle entendit des éclats de rire et de la musique.

• — Dis, Raymond, ils ont l’air bien joyeux les voisins.
• — Oh, peut-être une petite réception, tu sais, bibiche, les occasions de s’amuser se font rares.
• — Je sais, mon doudou.

Ils avaient passé la Noël tout seuls, loin de leurs enfants.

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Quelques minutes plus tard, les esprits s’échauffaient et le digne diplomate d’outre-manche Harry Stocratt jouait un air de cornemuse à Guy Chalair, le président de la chambre de commerce.

La galette venait d’être servie, et Guy avait reçu la fève. Il se tenait tout fier avec la couronne sur la tête. Un républicain couronné se faire sucer par un sujet de sa gracieuse majesté valait le coup d’être signalé.

L’évêque Monseigneur Xavier Kaffairgaff se faisait consoler par des amis. À peine enfilait-il un préservatif qu’il balançait la béchamel. Son sexe était en état d’alerte permanent. Ce n’étaient plus des condoms mais des poches à douilles !

• — Je vous demande pardon, mon cher Aubin, mais j’ai quelques soucis en ce moment, je n’ai plus la tête à ce que je fais.
• — Ah bon, dites m’en plus, très cher, pas des soucis de santé quand même ?
• — Non, au contraire, figurez-vous qu’un jeune séminariste nous est arrivé il y a quelques semaines, une vraie tentation. Je l’imagine nu sous sa soutane et je ne peux me retenir.
• — Aurait-il laissé entrevoir quelques espoirs, demanda Aubin Gladesh, d’un air compatissant.
• — Même pas, se désola le prélat.
• — Il est peut-être hétéro.
• — Seigneur, j’espère bien que non ! se récria-t-il en se signant.

Aubin Gladesh, éditorialiste au Matin du Grand Est, journal très gauche caviar aux idées consensuelles, participait à la soirée en compagnie de deux amis, Yves Éline et Alex Crémant,

Tous deux célèbres chroniqueurs auprès de la chaîne d’info conservatrice S.NIouze. Ils croisaient souvent le fer avec Aubin sur les plateaux télé, soit pour appeler au con s’en sus, soit pour vouer aux gémonies la politique laxiste actuelle du gouvernement.

En ce moment, ils se relayaient pour remettre le prélat sur pieds en lui gobant l’encensoir et lui malaxant les burettes.

L’un d’entre eux glissait un doigt dans le port USB pour faire Reset. Yves Éline, ancien journaliste d’investigation aimait aller au fond des choses.

Pendant ce temps Adam Drobate, le vétérinaire, pourvu d’un monumental bâton de maréchal, assurait la visite de la grotte Chauvet du Général Denis Chon. Ce dernier commentait en des propos fort peu réglementaires la manœuvre.

• — Nom d’une pipe, il va me remonter les amygdales dans les sinus !

Le cuisinier triple étoilé, agenouillé sur un fauteuil se faisait polir le tunnel par le rigide député européen. Ce dernier grognait que ça faisait du bien après un long discours de se dégorger le poireau.

Un des convives donnait de petites becquées de caviar au cuistot.

• — Une cuillerée pour Riton, une pour Harry.

Archibald Aquin se tenait agenouillé, les fesses en l’air. Son chauffeur à ses côtés expliquait aux participants la première partie de la punition du banquier.

• — Monsieur n’a fait que douze pour cent au lieu des quinze prévus, aussi recevra-t-il trois coups de badine. On ne badine pas avec les placements de ses clients personnels.

Luc Sembourg, le propriétaire des lieux fut chargé de la sentence.

• — Aille, ouille cria le banquier en recevant ses intérêts.

Alors que dans le même temps les spectateurs scandaient à chaque coup : Et un… et deux… et trois pour cent ! tels des supporters de football.

Le DJ lança de l’Elton John pour apaiser les esprits.

Dans la cuisine, un élu de la majorité, le cul posé sur une chaise jouait au bilboquet avec un très célèbre gynécologue de la ville.

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Dans l’appartement voisin, Marie se faisait du souci et caressait une Schisserla très inquiète, elle rabattait ses oreilles sur son crâne et son moignon de queue entre les pattes.

• — Raymond, j’ai peur, il y a une fête à côté, c’est pas possible autrement, ils vont contaminer tout le quartier, ça va faire un clystère comme y disent à la télé.
• — Mais non, on va attendre un peu, tempéra Raymond.

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L’assistance commençait à être bien allumée, le champagne chauffait bien les oreilles, aussi le DJ lança un tube qui faisait toujours son petit effet.

Aussitôt tous ces doctes personnages bien rubiconds se mirent à danser en remuant leurs popotins et hurler coincoin comme des damnés.

Comme il était plaisant de les voir s’amuser comme des petits fous, et la situation devenait de plus en plus chaotique dans le grand appartement.

Comme la danse des canards avait eu son petit succès, le DJ en remis une couche en lançant un autre grand tube.

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• — Qu’est-ce qu’ils ont avec les canards, ronchonna Raymond.
• — Ils vont aussi nous refiler la grippe aviaire, s’affola son épouse.
• — Je téléphone aux flics.

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• — Hopla ! c’est fait, j’ai tout expliqué, ils vont arriver dans quelques minutes.

Marie soupira, rassurée.

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Pendant ce temps d’autres intervenants faisaient la queue – si l’on peut employer cette expression – derrière Archibald Aquin, qui subissait le reste de sa punition pour n’avoir pas atteint ses objectifs. En ce moment l’unique objectif de ses comparses était sa porte cochère.

Le chauffeur le tenait toujours en laisse, mais lui avait ôté le bâillon. Le DJ, d’humeur badine lança une nouvelle rengaine :

Ritournelle que tout le monde reprenait en chœur.

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Dans l’appartement voisin Raymond et Marie Navoile regardaient par la fenêtre l’arrivée des forces de l’ordre.

• — Voilà, ça va les calmer un peu, ces voisins.
• — Toute cette agitation énerve Schisserla, je vais être obligée de la ressortir !
• — Whouaf !

Marie espérait aussi voir la police à l’œuvre, et mettre un peu d’animation dans sa vie tranquille.

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Henri Pathoux-Laijours s’était isolé dans la salle de bain avec le député régional Alain Verse, non pour discuter de la PAC, mais pour lui obturer le vasistas.

Pendant ce temps les convives s’en donnaient à cœur joie.

Des policiers dûment armés et revêtus de gilets pare-balle, s’assemblèrent devant la porte du troisième étage au 82, rue des Orpailleurs.

Ils échangèrent des regards intrigués en entendant le boucan dans l’appartement.

Ils sonnèrent et se retrouvèrent face à un type à poil, en nœud papillon et perruque blanche sur la tronche. Ils s’observèrent, interloqués, quelques secondes puis le perruqué tenta de refermer la porte. Mais une grosse chaussure réglementaire bloqua la manœuvre et une dizaine de policiers s’introduisirent dans les lieux, à la queue leu leu.

• — Nous ne sommes que de modestes employés, nous ne participons pas ! se défendirent les deux larbins.

Tandis qu’une fonctionnaire relevait les identités des deux extras, les autres entrèrent en force et investirent le grand salon où ils tombèrent sur une scène qui les laissa bouche bée.

Des notables se tenaient en file indienne derrière le célèbre banquier Archibald Aquin.

• — Vous contrevenez au décret ministériel 2020-1310 du 29 octobre 2020 concernant les fêtes et regroupements en période de pandémie de Covid, annonça le commissaire Lémish.

Aussitôt ce fut la débandade dans l’assemblée alors que les flics réclamaient les papiers des participants.

• — Je bénéficie de l’immunité diplomatique, tenta Harry Stocratt.
• — Ça fera cent trente-cinq euros quand même, lui fut-il répondu.
• — Liberté de la presse, état policier, revendiquèrent les journalistes.

Henri Pathoux-Laijours entendit les cris de ses amis et les admonestations des policiers.

La police, s’affola l’Eurodéputé en enfonçant ses ongles dans les fesses d’Alain Verse qui couina.

Aussitôt il vit son avenir devenir crépusculaire, le scandale amplifié par la presse, sa carrière politique sombrer dans le ridicule. Lui, le sévère contempteur des mœurs dissolues découvert dans une telle situation, il lui fallait s’échapper par n’importe quel moyen. Sa famille il n’en avait rien à cirer, seul comptait sa carrière en politique.

Il ouvrit la fenêtre de la salle de bain et s’accrocha au rebord.

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Marie Navoile sortit dans la rue pour faire pisser une Schisserla énervée, et surtout pour aller aux nouvelles et voir comment se débrouillaient les policiers.

Whaf fit Schisserla en levant la tête. Marie suivit le regard de sa chienne et vit au-dessus d’elle une paire de fesses et une paire de roubignolles qui ballottaient. Un type descendait en rappel le long de la façade en s’agrippant à la gouttière.

— Gottfertami**, s’écria la vieille dame ébahie. Monsieur l’agent, cria-t-elle, venez-voir, il y a un truc bizarre ici, hoplà !

Un policier en faction près des véhicules vint aux nouvelles et attendit que Spiderman rejoigne le plancher des vaches, non sans appeler ses supérieurs à la radio.

• — Je peux savoir ce que vous faites ?
• — Euh, je fais mon sport quotidien, répondit l’homme araignée.
• — Tout nu ?
• — J’aime sentir le vent sur ma peau.
• — Et pour faire votre sport vous enfilez toujours un préservatif ?
• — Seulement s’il risque de pleuvoir.

Sur ce, un autre flic les rejoignit.

• — On a trouvé des papiers d’identité avec les vêtements. Il semble que nous ayons affaire à un député européen, le Pr Henri Pathoux-Laijours.
• — Ce n’est pas ce que vous croyez, glapit le professeur.
• — Aux prochaines élections, je ne vote plus, décréta Marie.
• — Rentrez-chez-vous madame, lui conseilla le policier.
• — Wahf, approuva Schisserla en pissant sur les pieds du député.

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• — Relevez les identités, ordonna le commissaire Lémish, embarquez-les ensuite et une fois au commissariat, faites des tests PCR et prenez les températures.
• — Le test, demanda la gardienne de la paix Annie Caragua, on le fait nasal, buccal, ou anal… ben oui, vu qu’ils sont en tenue…

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* – Schisserla : Surnom affectueux voulant dire « Petite Crotte » en alsacien. – Retour

** – Gottfertami : « Nom de dieu ! » en alsacien. – Retour