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n° 20089Fiche technique31698 caractères31698
Temps de lecture estimé : 18 mn
26/02/21
corrigé 30/05/21
Résumé:  Elle travaillait avec moi, mais c'est mon meilleur ami qui l'a repérée. Cependant une telle pépite n'en fait parfois qu'à sa tête.
Critères:  fh grp asie inconnu collègues hépilé fépilée caférestau fsoumise hsoumis fdomine voir facial fellation pénétratio échange partouze aliments attache mélo -regrets
Auteur : Olaf      Envoi mini-message
Que de sushis




Damiane travaille depuis plus d’un an dans mon agence d’événementiel, à côté de son job de véto qui la nourrit sans vraiment la satisfaire. Cela paraît inconcevable, mais après quinze ans à fouiller le derche des vaches et à stimuler artificiellement des taureaux mous du nœud, sans parler des chiens à castrer et des chattes à stériliser, elle trouvait qu’elle avait fait le tour de la question et cherchait un défi à sa mesure.


La mesure de Damiane dépasse toutefois celle de la plupart de ses collègues. Belle, lumineuse dans ses sourires, fondamentalement enthousiaste, toujours prête à se lancer dans une nouvelle aventure pourvu qu’elle ait l’ivresse, tutoyant avec endurance la montagne comme les fonds marins, elle affiche cette attitude de « fille d’à-côté » qui donne envie de passer un moment à se marrer avec elle, puis de partager un peu plus, pour finir par espérer beaucoup plus.


Sauf qu’en vérité, sous cette couche de vernis facile à vivre, se cache une sensibilité également supérieure à la moyenne, ainsi qu’une propension à se poser des questions profondes sur beaucoup de choses, surtout sentimentales, et à ne s’autoriser aucune concession sur la qualité d’âme de ceux qui envisagent de partager sa vie.


Bref une life super remplie, entrecoupée d’impérieux besoins de se retrouver seule et de ruminer, comme ses patientes bovines. Une vie parsemée de montagnes russes émotionnelles, notamment après une déconvenue sentimentale, ou sexuelle.

Ces dernières étant probablement mieux surmontées que les premières, tant Damiane sait les ranger rapidement dans le tiroir des expériences enrichissantes, quel qu’en soit le bilan érotique final.


C’est à l’occasion d’une réunion virtuelle avec mon agence que Serge l’a repérée. Je suis toujours inquiet lorsqu’il repère une de mes collaboratrices. D’abord parce que c’est un client, un gros client même, et que j’ai besoin de ses apports d’argent.

Mais surtout parce que c’est un ami de longue date, et que je connais trop bien son approche libertaire et libertine de la vie et des relations humaines. Sans parler de son charme ravageur, de ses yeux bleus ou de ses fesses musclées, auxquels peu de nanas résistent au premier abord.


Je sais aussi trop bien l’énergie que cela me coûte d’éponger les dégâts quand il se lasse d’une femme qui n’a pas son expérience de vie, ou un appétit sexuel aussi fantaisiste que le sien.

Le poste « mouchoirs en papier » prend l’ascenseur dans mon bilan annuel, et le redressement fiscal menace, sans que les préposés, ni surtout les préposées, acceptent de prendre en compte l’étendue du redressement génital dont mon ami a fait preuve en période de rut.


Bref, lorsque Serge s’enquiert des coordonnées de Damiane, je serre le frein à main.



Une vague de détestation monte en moi. D’abord parce que ce trait est grossier. Ensuite parce que je ne supporte pas qu’il parle ainsi de Damiane. Je ne saurais dire pourquoi, mais j’aime l’élégance discrète de cette femme, et je ne tolérerais pas que même mon meilleur pote la piétine.


Ceci dit, un petit diable dans mon subconscient me siffle que la jeune femme pourrait être de taille à lutter contre les pulsions libidineuses de Serge et à le remettre en place vertement.

Voire, dans le cas où le bonhomme l’intéresserait pour un fugitif délassement des sens, qu’il ne serait pas impossible qu’elle lui fasse bouffer la sciure. Et qu’elle sorte de l’arène avec sa queue et ses oreilles.


Ce qui ne serait pas pour me déplaire. À la seule condition que Damiane prenne son pied à la corrida. Je ne doute pas que Serge soit capable de quelques agréables prouesses, au début en tout cas, car je suppose la dame assez exigeante et endurante sur le long terme.


Notre conversation se termine assez mal, suite à mon refus de lui donner le numéro de portable de la jeune femme. Il m’accuse de vouloir garder cette perle pour moi. Je coupe court à la discussion.


J’avoue être rassuré lorsqu’il nous donne quelques semaines plus tard un nouveau mandat d’organisation pour une fête. Il est donc revenu à de meilleurs sentiments, sans doute au nom de notre amitié de longue date.

Comme d’habitude, il s’agit d’une rencontre entre libertins, la plupart échangistes, dont Serge a le secret. C’est même devenu sa marque de fabrique depuis la Covid. Les gens menaçant de devenir dingues à force de confinement, de barrières gestuelles et de frustrations épidémiologiques et policières, il a trouvé le moyen de libérer le trop-plein d’hormones dans des soirées hautes en couleur et en râles de toutes sortes.


Au début, cela me semblait aller contre mon éthique professionnelle. Avec le temps, je m’y suis fait. Il faut que la boîte tourne. Pour autant que les adultes soient consentants, peu m’importe la nature du bilboquet.


Je n’ai fixé que trois clauses particulières au contrat standard. Aucune drogue en dehors d’aphrodisiaques, de préférence bios et français. Totale transparence à mon égard sur la nature de la cérémonie, pour que je puisse choisir et préparer mon personnel en conséquence. Autorisation pour moi d’être présent.

Non que je sois attiré par ce genre de rencontres. Mais si dérapage il doit y avoir, je veux pouvoir rattraper le coup. Mes collaboratrices sont majeures, volontaires et bien payées pour cela, mais quand même.


Lors de la séance de télétravail au cours de laquelle nous fixons les détails de la soirée, j’ai un étrange pressentiment en réalisant que Serge ne me pose aucune question sur Damiane. Ce serait pourtant justement le genre d’occasion rêvée pour tenter de s’en rapprocher. J’évite bien sûr de reparler d’elle, d’autant plus qu’elle n’est pas dispo ce soir-là.


Quinze jours plus tard, deux heures avant le début des réjouissances, notre équipe s’installe dans le local choisi par Serge en périphérie de la ville. C’est un ancien relais routier, transformé en restaurant oriental, habituellement spécialisé dans les plats à l’emporter. Voilà pour la façade.


Avec son flair de chien de chasse, Serge avait dégotté cet endroit au hasard d’une virée à moto. Il avait tout de suite repéré que quelque chose clochait dans les volumes et les proportions des pièces ouvertes au public. En travaillant au corps la propriétaire des lieux, ce qui dans ce cas n’était pas qu’une expression, il découvrit le petit palais que cachait la terne façade. L’intérieur était suffisamment spacieux pour recevoir une trentaine de personnes dans une atmosphère délicieusement japonisante. Exactement ce qui convient à une soirée fine entre gens de bien.


Mutine, Madame Sadikao, la propriétaire des lieux, participe généralement aux soirées. Elle commence par jouer un rôle de geisha digne et inatteignable jusqu’à ce que les convives soient installés et en confiance. Ce qui signifie à peine couverts d’un kimono en soie de couleur vive qu’elle leur demande de revêtir après avoir laissé leurs habits de ville dans un vestiaire mixte, histoire d’afficher d’emblée l’ambiance.


Suivant le déroulement des échanges et des partages, elle peut changer de registre du tout au tout et se transformer en fieffée salope qui orchestre avec autorité les accouplements selon des principes d’une extrême lubricité dont l’art érotique japonais a le secret.

À côté des tableaux copulatoires qu’elle crée de la sorte, les estampes licencieuses qui ornent les murs et les alcôves de ce lieu de perdition ressemblent à des dessins d’enfants.


Nous terminons les préparatifs de la fête bien avant l’heure. J’entends de loin mes collaboratrices expérimentées mettre les novices au parfum. Les rires et les gloussements laissent transparaître un zeste d’excitation mâtinée d’inquiétude sur le déroulement possible de la soirée. Et les risques de débordements des sens.


La plupart des convives se connaissent depuis d’autres rencontres de ce genre. Après quelques recommandations, Madame Sadikao les fait entrer dans la salle à manger. La pièce est meublée de trois tables basses, entourées de nombreux coussins. Sur chacune des deux premières tables, une femme est allongée, nue. Sur la troisième, un mec particulièrement bien gaulé sert de sous-plat. Comme le veut la tradition, les corps-plats sont entièrement épilés, lavés et discrètement parfumés au moyen d’ingrédients qui n‘interfèrent pas avec les parfums des mets. Brefs, il et elles sont parfaitement comestibles.


Les invités se répartissent entre les places libres, au gré des orientations de genre et d’appétit. Sur un claquement de mains de madame Sadikao, trois jeunes serveuses viennent présenter les plats en tournant autour de chaque table. Puis elles placent sushis, sashimis et autres crudités sur les corps nus, suivant un interminable cérémonial qui nous permet d’admirer les moindres détails de l’anatomie des pénitents.


Car, c’est bien de cela qu’il s’agit pour ces femmes et ce type qui resteront allongés et immobiles tout le temps que les convives dégusteront les mets, quelque part entre la pointe de leurs seins et le bas de leurs cuisses, gardées légèrement écartées pour pimenter le repas.


Pour autant que cela soit pratiqué avec élégance et à voix basse, aucune digression sensuelle n’est interdite, contrairement à la tradition authentique du myotaimori (pour une femme) et du nantaimori (pour un homme). La légèreté des kimonos y incite d’ailleurs. Les tables humaines sont volontaires et accomplissent là un exercice de maîtrise particulièrement exigeant. C’est un honneur d’avoir été choisis.


Je savais Serge adepte d’érotisme japonais, mais là, question de raffinement, il fait très fort.

Au début, tout se passe selon les règles fixées par madame Sadikao. Malgré la retenue dont la plupart des invités font preuve et la position d’infériorité imposée aux présentoirs vivants, quelques signes d’émotion érotique ne tardent toutefois pas à apparaître sur les corps allongés.


Les boissons alcoolisées et la stimulation mutuelle aidant, un échange très particulier s’installe entre les mannequins-plats et les convives. Les premiers se soustraient à toute stimulation en pratiquant une méditation longuement exercée. Les seconds tentent de les distraire par des effleurements lascifs au moyen des aliments à disposition.


L’un d’entre eux se met déjà à jouer avec la queue rigide d’une crevette géante sur le haut des cuisses d’une femme-plats allongée à sa merci, avant de gober lascivement un sushi sur son mamelon gauche. Elle ne réagit pratiquement pas. En revanche, lorsqu’une des femmes lèche l’entrelacs d’œufs de poissons qui orne son bas-ventre, sa fleur de lotus semble s’entrouvrir délicatement. Il sera nécessaire d’approfondir encore un peu la méditation.


D’un geste gracieux, la femme s’enhardit et détache la ceinture de son kimono. Les pointes de sa ravissante poitrine sont aussi raides que celles de la table humaine, sur laquelle un des hommes expérimente maintenant des effleurements par sushis interposés. Sous l’alternance du contact froid des bouchées crues, puis de la chaleur des doigts agiles, la respiration de la fille s’agite.

L’effort qu’elle fait pour retenir d’involontaires mouvements du bassin excite un des participants, qui renonce à cacher l’érection que la scène provoque. Se détournant des mets raffinés, il tend son membre à sa voisine entre deux bouchées de poisson cru, et l’excite en pinçant ses mamelons au moyen des baguettes japonaises prévues pour d’autres manipulations.


Profitant de la demi-obscurité, les convives des autres tables ne sont pas en reste. À croire que l’appétit de chair domine celui pour les mets raffinés. Les manœuvres de séduction entre convives sont de moins en moins discrètes. Les kimonos glissent au sol, les pointes les seins se tendent vers des lèvres voraces, les mains caressent la table vivante ou le corps nu d’une autre convive, les bouches délaissent les victuailles pour des morceaux plus savoureux.


Une des invitées se laisse même aller à branler en stéréo deux types qu’elle semble connaître intimement. Sa voisine l’encourage dans un langage particulièrement gratiné, pendant qu’un de ses voisins s’installe derrière elle pour mieux pétrir ses seins plus que généreux. Les visages manifestent une évidente tension érotique. La soirée est partie sur les chapeaux de roue, le succès est garanti, je peux lâcher la bride à mes collaboratrices, et les laisser profiter jusqu’à plus soif, si elles le souhaitent.


C’est à ce moment que je vois une ombre se déplacer en contre-jour derrière un paravent. L’attitude autoritaire et digne de la femme qui apparaît maintenant, vêtue d’un kimono rouge écarlate descendant jusqu’au sol, est envoûtante. Insensible à l’atmosphère chargée de sensualité, et aux nombreux signes d’excitation que présentent les invités, cette officiante d’un genre particulier traverse lentement la salle jusqu’au chevet de l’homme-table.


Progressivement, les rires et les gémissements tarissent. Un silence respectueux s’installe, faisant retomber les élans lubriques.


L’évidence me saute alors aux yeux. Belle, lumineuse, élégante, toujours prête à se lancer dans une nouvelle aventure pourvu qu’elle ait l’ivresse, la jeune femme qui traverse la salle n’affiche plus aucune attitude de « fille d’à côté ». Elle est au contraire impressionnante de dignité, comme devaient l’être les vestales pendant la pratique de leur art.


Je commence à comprendre pourquoi Serge n’avait pas besoin de me demander des nouvelles de Damiane. Ni pourquoi elle n’était pas au planning ce soir. Pendant que je discutais avec lui des détails de la fête, elle préparait avec madame Sadikao un autre genre de réjouissance et la mise en scène qui allait suivre.


Lentement, Damiane retire les sushis qui restent sur le corps de l’homme, et les distribue aux personnes assises autour de la table, à la manière d’une ostie païenne. Ses gestes sont infiniment sensuels.

Les bouches chaudes qui s’ouvrent pour recevoir les rondelles de riz et de poisson ressemblent à autant de vulves prêtes à engloutir des phallus luisants de sauce virile. L’une des participantes ne s’y trompe d’ailleurs pas et se met à genoux devant Damiane, une main entre les cuisses, pour recevoir avant les autres la chair du poisson nourricier.


Par son attitude, l’officiante écarlate provoque un savant mélange entre oralité et génitalité, remue des instincts profondément enfouis dans les organes de plaisir, mais qui semblent n’attendre qu’un geste de plus pour se libérer avec une violence qu’on soupçonne déjà irrésistible.


C’en est trop pour le pauvre serveur-table. Avant la distribution de la dernière boule de riz, il ne peut retenir l’émergence d’un imposant temakizushi au-dessus de son bas-ventre. La geisha écarlate ne réprimande pas cette entorse à la tradition. Elle s’empare au contraire du membre à pleine main, et fait coulisser ses doigts le long de la tige.

Enduit de riz et de poisson, le sexe raide et frémissant semble diffuser des sensations particulièrement intenses, qui empêchent le jeune homme de résister. Qui peut d’ailleurs espérer résister à une telle femme ?


Quelques caresses plus tard, il se met à cracher une abondante giclée de sperme, puis une autre, et de nombreuses autres encore. Les convives applaudissent, tant pour saluer la prestation orgasmique que l’habile masturbation.

Profondément honteux de ce débordement blasphématoire, le gars s’éclipse sans se retourner sitôt que ses jambes sont assez fortes pour le soutenir.


Damiane fait alors un signe à madame Sadikao, qui va rejoindre Serge, assis à une autre table. Elles doivent être au clair sur leurs intentions mutuelles, car la Japonaise n’attend pas avant de l’inviter à prendre la place du gars soulagé bien malgré lui.


Madame Sadikao dénude mon ami, lui attache les mains avec la ceinture de son kimono et l’aide à s’allonger sur la table. Il comprend à regret par qui il ne sera pas mangé au moment où Damiane se retire et laisse la Japonaise agir à sa guise avec lui.


Sans apprêt rituel, il ne peut être question de transformer Serge en corps-table. Rien n’empêche néanmoins de l’utiliser comme dessert et de pratiquer quelques tortures raffinées, avec l’aide de l’une ou l’autre convive particulièrement goulue.


Pendant ce temps, les trois serveuses retirent les mets qui n’ont pas été consommés sur les deux myotaimori et les remplacent par des fruits juteux, aux senteurs capiteuses. Elles procèdent auparavant à une rapide toilette des mannequins-plats, avec une habileté et une lenteur qui ne laissent personne indifférent.

Leurs petites mains vont et viennent sur les corps nus, enlèvent toute trace de nourriture, mais apaisent aussi les tensions musculaires et les frustrations érotiques. Il n’est pas impossible que de discrets orgasmes mettent un point final à ce cérémonial.


Je vois de loin madame Sadikao s’occuper de Serge comme si elle avait attendu ce moment depuis longtemps. Cette nuit de folie ressemble en vérité à un ultime instant de retrouvailles.

Pendant qu’elle prend l’objet de ses désirs en main, puis en bouche, d’autres participantes s’amusent à explorer son corps de la pointe des pieds au creux de l’épaule, sans oublier le nombril, les tétons, les bourses, les aisselles, et bien d’autres coins particulièrement sensibles, qu’elles découvrent en gloussant de satisfaction.


Leur manière de donner du plaisir semble efficace. Si efficace que le mâle se laisse surprendre par la soudaine montée d’un premier spasme. Tout autant que la fille qui léchait son nombril, et qui reçoit une chaude giclée de sperme sur la joue.

Sa réaction de recul alerte les autres filles qui en profitent pour prendre sa place et se régalent avec gourmandise sous le regard attendri de madame Sadikao.

Elle a assez confiance en ses talents érotiques pour savoir que ce lâcher-prise n’est que le premier de ceux qu’elle prépare pour son amant de la nuit. C’est maintenant, une fois les tensions banales de l’homme déchargées, qu’elle va pouvoir donner pleine mesure à son art consommé de l’amour et au débordement interminable des sens.

Ce ne sera peut-être pas le K2 sans oxygène, mais sous les doigts de l’Asiatique, le mont Fuji vaut déjà l’ascension.


Le mélange des corps, les soupirs, les râles, les secousses et les gémissements forment progressivement un tableau particulièrement jouissif. Personne n’y est insensible. À l’instar de Serge, qui a fermé les yeux en signe de soumission complète aux désirs de sa partenaire, les convives se lâchent, se mélangent, se doigtent, se stimulent de toutes les manières possibles. La proximité de fulgurants orgasmes fait oublier toute pudeur.


Déjà l’un des mecs de la table du fond, écrasant d’une main des fruits sur les seins de la femme corps-table, se répand entre les fesses d’une partenaire consentante, qui l’encourage à tout lui donner, vraiment tout.

Un jus coloré coule sur le torse et le ventre de la jeune femme allongée, de la même manière que coule le jus blanchâtre du membre palpitant sur la femme accroupie.


Les conjonctions entre convives sont de plus en plus explosives, objectivement lubriques, subtilement obscènes et excitantes. Je n’arrive pourtant pas à entrer dans la ronde ce soir.


C’est l’apparition de Damiane derrière moi qui me permet de réaliser ce qui m’empêche de profiter du spectacle.



Sa manière de prendre la moitié d’un fruit en bouche et de me tendre l’autre moitié dans un long baiser laisse présager de l’intensité et de la diversité de ses envies.


Après une tendre caresse sur mon visage, Damiane prend la place d’une des jeunes femmes sur la table basse. Mais à la différence des professionnelles, elle s’allonge sur le ventre et les cuisses serrées. Elle offre ainsi sa nudité à contempler et à déguster, comme le veut la tradition, mais pas son intimité.


Je me place à sa tête et caresse sa nuque pendant qu’une serveuse dispose des fruits sur sa peau nue. Je passe mes mains assez légèrement sur elle pour ne pas perturber son entrée en méditation, tout en lui manifestant mon admiration. Puisse-t-elle ainsi sentir à quel point sa manière d’abandonner son corps aux effleurements et aux regards lubriques m’impressionne et m’émeut.


Le reste de la soirée évolue comme d’habitude. Avec les élans, les corps-à-corps et les chevauchées sont somme toute assez prévisibles dans ce genre de circonstances.

Il y a presque toujours dans l’organisation interne d’une telle nuit comme un rituel immuable, propre à favoriser les débordements des sens, tout en limitant les risques de dérapages.


Le déferlement d’hormones de plaisir autorise ce qui semble être tout et n’importe quoi. Au final, il ne s’agit toutefois que d’une plongée plus ou moins accompagnée dans une animalité que les principes de distanciation sociale et de morale contemporaine inhibent en temps normal. Et qui s’impose à intervalles réguliers, sous une forme ou une autre.


Orgie, bacchanales, copulations sauvages, vraiment ? J’avoue être dans ces circonstances, plus souvent ému qu’excité par l’agitation des chairs et des organes dévoilés sans pudeur. Souvent d’ailleurs sans apprêt, parfois même un zeste déficient.


À la différence des scénographies pornos, où les professionnels de la baise concentrent dans leurs corps et leurs attitudes, fussent-elles surfaites et surjouées, tous les ingrédients nécessaires à la montée d’une excitation libératoire, la partie fine garde un côté amateur, artisanal.

C’est plus touchant que stimulant. Enfin pour moi. Peut-être parce que je n’arrive pas à entrer entièrement dans le jeu et à oublier que le lendemain matin, quelques additions vont devoir être payées dans certains couples.

Tout le monde est volontaire dans ce genre de fête. Mais qui peut prétendre partager les raisons profondes de ce volontariat chez celui ou celle qui l’accompagne. À moins d’ouvrir son jardin secret. Ce qui est rarement le but réel de telles sauteries.


C’est sur ces pensées parfaitement décalées par rapport à l’ambiance survoltée qui règne autour des convives que je laisse Damiane entre de nombreuses mains bienveillantes. Enfin, j’espère.


Sur l’autre table, après la gâterie juteuse de madame Sadikao, le corps de Serge est picoré par de nombreuses bouches féminines. Aucun doute que la multiplication de ses stimulations à bas-bruit ne finisse par remettre une tension jouissive dans ses organes virils. Les creux et les frissons que je distingue sur son ventre laissent supposer un nouvel élan orgasmique. Pas de soucis pour lui, il est visiblement mangé à une sauce voluptueuse.


Progressivement, les convives semblent néanmoins avoir fait le tour des jeux érotiques que les tables vivantes peuvent leur offrir. Rassasiés, ils s’intéressent de plus en plus les uns aux autres, se découvrant des charmes inattendus, d’excitants détails de volumes et de gestes. L’envie de délicats makis cède la place à un désir brut de pétrissages plus toniques, préludes à des empalements plus corsés et des épanchements plus épicés que les effluves d’un évanescent sashimi.


Le déferlement des sens est à bout touchant, plus rien ne troublera la volupté croissante, les débordements séminaux, les râles orgasmiques et les relâchements sphinctériens.


Deux images fortes restent gravées dans ma tête, toutes deux en relation avec Damiane. Son entrée drapée dans l’écarlate de son kimono de soie. Et le bref mouvement de l’épaule qui l’a dénudée face moi, son regard planté dans le mien, mi-provocateur, mi-ouvert à quelque chose que je n’avais pas osé laisser émerger jusqu’à cette nuit.


À côté de cela, les tétons, les bites, les vulves, les croupes que je pourrais découvrir en contemplant une dernière fois ce qui se déroule dans la salle, font bien pâle figure.


Seuls le creux des reins et l’arrondi des fesses de Damiane, sur lesquels je finis par poser mon regard, me troublent vraiment. Je ne veux pas d’autre image de la féminité pour ce soir, et je quitte l’arène sans me retourner.

Mes collaboratrices finiront le travail. Gavé de plaisirs et d’attentions, Serge sera certainement satisfait. Même si rien n’est finalement venu de celle dont il les espérait.


Je rejoins Damiane à son domicile à l’heure dite. Elle me reçoit dans un appartement vide, à l’exception d’un futon, au milieu de ce qui lui servait de chambre à coucher, et de quelques meubles basiques à la cuisine et au séjour.


Je me méfie de la raison de ce soudain dépouillement, mais je tente d’occulter le sort par un trait d’humour nul.



Serge doit lui avoir répété ce que je lui avais dit d’elle. À l’époque, non pas pour la blesser, mais pour la protéger. Qui suis-je pour me croire capable de protéger qui que ce soit contre les manœuvres glauques de quelqu’un d’autre ? Qui plus est, un ami si prévisible sexuellement et finalement si facile à mettre sur la touche pour une femme expérimentée.


Elle l’a bel et bien gagnée, cette corrida contre le libertin. Il lui a suffi de la transformer en pièce de théâtre Nô, de déterminer qui de Serge, de madame Sumida, d’elle et de moi porterait quel masque et de donner au public un rôle amplificateur.


J’imagine fugitivement ce que cela aurait pu être, d’organiser main dans la main cette soirée. Quels rires nous aurions pu partager, quelle complicité il y aurait eu entre nous, tout ce que je n’ai pas osé laisser grandir pour je ne sais quelle raison idiote. Pour je ne sais quelle peur de trop grand, de trop haut, de trop intense.


Au moins Serge assume-t-il l’étroitesse de ses désirs. Et il en jouit au jour le jour. Qui veut baiser avec moi me suive. Celles et ceux qui ne sont pas satisfaits au final ont au moins eu la baise en contrepartie. C’est le deal. Ce qu’elles pourraient fantasmer d’autre n’est simplement pas garanti dans l’investissement de base.


Et moi, du haut de ce que je voudrais être une grandeur d’âme, c’est quoi mon deal ? Qu’ai-je donné de moi à Damiane après nos nuits à refaire le monde et nos vies ? À peine un peu de tendresse transcendée en la prenant brièvement dans mes bras pour la consoler, ou lors d’un massage de son dos endolori. Où est l’investissement de base ?


La larme qui coule sur sa joue me laisse sans voix.

On s’est ratés. J’ai raté ma rencontre avec cette femme exceptionnelle, pour qui changer complètement de vie est préférable à rester dans une zone de confort qui n’en est plus une. Au sein de laquelle il n’y a justement que du confort.


The thrill is gone, chante B. B, King, I’m free from your spell…⁽¹⁾


Elle tente de me rassurer en certifiant que ce n’est pas à cause de moi qu’elle part. Mais le derche des vaches, à la longue… J’espère bien qu’elle part pour et non à cause de quelque chose ou de quelqu’un. Il n’empêche…


La suite de la nuit relève du prix de consolation. À l’exception de l’orgasme que nous prenons longuement le temps de faire mûrir, grandir, s’intensifier, puis feu d’artificier, profondément imbriqués l’un dans l’autre.


Ce que nous venons de vivre ce soir, et de partager enfin, nous assomme et nous empêche de penser à demain.

Nous sombrons dans le sommeil étroitement enlacés, en sueur, bercés de sentiments qu’il serait douloureux de laisser poindre au grand jour.


D’ailleurs, quelques heures plus tard, Damiane me demande de ne pas l’accompagner vers la sortie. Les adieux ne sont pas son truc, nous avons partagé au cours de la nuit l’essentiel de ce qu’il y avait à dire.



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Note 1 : The thrill is gone, B. B. King, https : //www. Youtube. Com/watch ? v=6oOLwravwiE - Retour