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n° 20136Fiche technique20324 caractères20324
Temps de lecture estimé : 15 mn
16/03/21
corrigé 30/05/21
Résumé:  Le père Colateur est mort, l'abbé Taillère arrive... et c'est le drame
Critères:  fh dispute humour
Auteur : Domi Dupon  (Une antiquité sur le site)      Envoi mini-message

Concours : Faites l'humour et pas la guerre
La belle et l'abbé... bête

Concours Faites l’humour et pas la guerre, texte classé premier. Plus de détails dans le forum.

Dans le cadre du concours, ce texte est publié tel qu’il a été proposé, sans aucune correction.


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À la veillée de Noël, comme chaque année, après la polente*, la vraie, et un plat de diots, nous attendions l’histoire de Germaine. Du haut de ses 90 ans, l’aïeule avait sa mémoire et sa gouaille intacte. Elle était la mémoire du village. Bref, nous étions tous pendus à ses lèvres. Après avoir avalé une bonne lampée d’Apremont, la vieille reposa son verre, nous regarda avec attention, passa sa langue sur ses lèvres puis commença :


« En 1968, une drôle d’année si vous voulez mon avis, notre curé, le père Colateur, a rejoint les vignes du Seigneur. Enfin, j’espère pour lui qu’il y en avait car il ne crachait pas sur une bonne bouteille. Son vin de messe était toujours du vin bouché. Mais bon, à 87 ans… Plus personne ne se rappelait quand, il était arrivé au village à croire que c’était lui qui avait bâti l’église. Pendant la grand-messe, quand il parlait de ses enfants, c’était presque vrai. S’il n’avait pas baptisé tous ses paroissiens, il les avait au moins mariés.


Donc plus de curé. La catastrophe. C’était pas comme aujourd’hui, où non seulement, y’en a plus dans tous les cantons même qu’on est obligé d’engager des « personnes de minorités visibles » (j’ai remplacé le mot employé par Germaine par une expression qui ne me vaudra pas l’ire des bien-pensants). À c’tte époque, chaque village avait son curé, son maire et son instituteur. Et pis, c’était pas une messe par mois, mais une par jour et trois le dimanche. Sainte-Marie sur Arc sans curé, c’était comme mes nénés sans soutien-gorge.


Trois semaines après l’enterrement, nous est arrivé l’abbé Taillère. On a vu tout de suite qu’il y allait avoir du changement. Nous, on était habitué à un curé qui avait l’air d’un curé, avec sa soutane et tout le saint-frusquin. Voila-t-i pas qu’il nous débarque un gamin en blue-jean et pataugas, barbu avec des cheveux qui couvraient ses oreilles. D’après Josette, la fille à monsieur le Maire, il ressemblait à un certain Guy Vara, un révolutionnaire brésilien. Quand il a été à la mairie pour se faire connaître, Jojo, le cantonnier-garde champêtre, l’a pris pour un Hippie.


La nouvelle a fait le tour du village en moins de temps qu’il fallait à mon Claudius pour vider son verre et quand Monsieur le Maire l’a conduit à la sacristie, y’avait du monde sur la place. On se s’rait presque cru au passage du Tour de France, la caravane en moins. Et j’peux vous’dire, que ça causait. Les femmes, moi la première, se tenaient plus. Un jeunot qu’aurait presque pu faire les jeux olympiques ça nous changeait de l’arthrite déformante de notre bon curé même s’il recevait toujours les jeunes filles pour les derniers conseils matrimonieux. Mais ça, j’vous’dirai après sinon j’vais tout m’embrouiller.


Donc, Monsieur Dupérier, le Maire nous a présenté l’abbé. Et lui, de nous dire comment il était fier de remplacer le père Colateur. Jamais, Il n’allait pouvoir faire aussi bien. Sa fierté n’allait pas durer longtemps. Mais à c’tte seconde, y’avait du vague à l’âme dans le slip de ces dames. Les hommes, enfin ceux qu’étaient pas aux champs, le regardaient d’un air beaucoup moins sympathique. En plus, une voix à damner une sainte et des saintes y’en avait pas beaucoup à Sainte-Marie. Y’avait pas encore la télé dans toutes les maisons et parfois, quand l’mari était aux champs, les journées étaient longues… Mais j’me gare. Revenons à l’abbé.


Son devoir accompli, notre maire a confié le jeunot à Félicie. Il avait mieux à faire notre premier magistrat. Flanquer, l’instituteur, avait abandonné le secrétariat de mairie et il devait former sa remplaçante, une jeunesse qui venait de la ville. Elle devait pas être très douée car ça faisait des semaines qu’il s’enfermait avec elle tous les après-midi. Même qu’il y avait des mauvaises langues qui… Crotte, j’me gare encore.


Donc, Félicie c’était la bonne du curé. Quand j’dis la bonne, j’devrais plutôt dire la 4ème bonne. Il en avait usé. Elle lui a fait visiter l’église. On suivait curieux d’entendre ses réactions. On n’a pas été déçus, l’abbé ne cessait de s’extasier. On a pas pu les suivre dans la cure et c’est dommage. Alors qu’on allait retourner à nos occupations, la Félicie est sortie en pleurs en gémissant : « mais monsieur l’abbé, mais monsieur… ». Il l’a poursuivie jusqu’au portail du jardin en vociférant, lui promettant l’enfer.


La pauvre est tombée à genoux, les mains jointes tendus vers le ciel. Le bon Dieu a voulu que je me trouve en face d’elle. Je l’ai aidée à se relever et on a voulu la consoler. Mais impossible d’arrêter ses pleurs. On a fini par comprendre que ce tordu l’avait virée comme une malpropre. Félicie était la crème des femmes et tout le monde l’aimait. On a toutes (les quelques hommes en voyant la scène se sont trouvé quelque chose d’urgent à faire) cru que l’abbé l’avait renvoyée parce qu’elle était trop vieille. Si il voulait une bonne plus jeune, on pouvait comprendre mais il aurait pu y mettre la manière. Ces jeunes n’avaient plus aucun respect pour leurs aînés, ça nous préparait de belles années. C’est au moins ce que l’on pensait.


Donc, pendant que deux commères accompagnaient la Félicie au café pour la réconforter avec une petite chartreuse, j’ai pris la tête d’une délectation. Nous avons été au presbytère pour dire à notre nouveau pasteur qu’il s’était mal conduit avec Félicie qui avait passé sa vie au service de son pèredécesseur. Le pauvre était catastrophé et il nous a pris à témoins. Notre bon curé qu’il prenait pour un saint était un, comment il a dit déjà, un vulgaire pornicateur qui offensait le seigneur dans sa propre maison. Comme on l’a regardé comme une mouche qu’est tombée dans un pot de miel, il a voulu nous expliquer avec des tas de sirop locutions, pour ne pas choquer nos âmes pieuses, que la Félicie, elle partageait le lit du curé.


C’est là que la Marie Jacoton a lâché : « C’est pour ça que vous faisez toutes ces manières ! » et pour faire bon poids, elle a rajouté : « En plus, ça fait des années qu’il peut plus, même que c’est la Félicie qui me l’a dit. ». On s’est dit que tout allait s’arranger, que si il pouvait plus depuis des années, y’avait conscription. Ben que non mes enfants. Il a bien compris qu’on savait que tout le village savait. Voilà pas qu’à nouveau, l’abbé, il monte sur ses grands chevaux et il nous a chassées du presbytère en nous traitant de suppositoires de Satan.


Quand le soir, on a raconté ça à nos hommes, eux aussi ils ont enfourché leurs dadas. Surtout qu’il y en avait quelques-uns qui bouffaient du curé à tous les repas. En premier notre instituteur, M. Flanquer. Marie-Ange, sa femme était une bonne chrétienne. Mais lui, secrétaire communal du parti, qu’il était. Un rouge de chez rouge. Y’avait même une prison, non une cellule avec Jojo, le cantonnier et deux ou trois autres drôles de cocos. Alors, si j’ose, c’était pain béni pour lui ce curaillon qui cherchait des crosses à la pauvre Félicie, une prolaitière enfin une pauvre. Il a rameuté les hommes au bistrot. L’abbé Taillère allait voir ce qu’il allait voir.


Le pauvre abbé a dit ses premières messes dans une église totalement vide. Les sœurs Bronté et deux ou trois autres vieilles filles ont bien essayé d’y aller mais les hommes veillaient. Par contre, le dimanche pour la grand-messe, l’église débordait. Tout le village était là. Même certains sont venus de Repierre, le village voisin. Il ne manquait que le père Nicolo Sporgezzi que le seigneur a rappelé à lui le lendemain et Flanquer qui ne mettait pas les pieds dans une église même pas pour les enterrements. Il gardait le café car le bistrotier ne voulait pas rater le spectacle.


Donc l’église pleine à craquer. Pas de curé. On s’est dit qu’il avait eu peur, qu’il avait fui. Même pas. Il est sorti de la sacristie. On a eu un choc, c’était la première fois qu’on le voyait en uniforme de curé. Il est monté directement au balcon. Et il a sermonné. On en a tous pris pour notre grade. Je vous raconte pas, mes enfants, tous les mots savants qu’il a dits. On comprenait pas tout mais on se sentait morveux. On voulait lui remettre les idées en place et on est sortis de là condamnés aux hégémonies de l’enfer. Il nous a privés de communion et convoqué à confess. Tout le monde devait y passer avant la fin de la semaine.


D’habitude, après l’office, les hommes allaient au café et les femmes couraient à la maison pour préparer le repas. Mais ce dimanche, après l’église, c’est le café qui a débordé. Au bout de deux ou trois pots d’Apremont, les esprits se sont échauffés et les flammes de l’enfer nous faisaient plus vraiment peur. L’abbé, après nous avoir tous envoyer brûler, en était revenu à un sujet plus terre à terre : il avait besoin de quelqu’un pour tenir sa maison et seulement tenir sa maison. Pas question que sa bonne dorme sous le même toit que lui. Ça ne pouvait être qu’une femme du village. Sous l’impulsion de Flanquer, on a décidé qu’il pourrait se la mettre sous le bras. M. Dupérier, le Maire, n’était pas vraiment d’accord mais on lui a pas laissé le choix.


On avait oublié les punaises de bénitier. Avant les vêpres, Émeline Bronté, la plus jeune des sœurs, était à la cure pour proposer ses services. Quand l’instituteur a appris ça, il a réquisitionné Jojo, le garde-champêtre et ils ont été faire une visite de politesse aux sœurs. Comme ils avaient peur d’une contagion, ils ont été voir les autres candidates aussi. Le lundi, plus aucune ne voulait devenir la bonne du curé. Je n’ai su que des années plus tard ce que Flanquer leur avait dit. C’est Jojo qui m’a tout raconté, un jour où on… dans le foin… Enfin bon, je vais pas vous faire un dessin. L’instituteur avait promis à toutes ces vieilles filles de faire courir le bruit qu’elles avaient couché avec le père Colateur. Que même, elles avaient fait des cochoncetés avec Félicie et que, le pire, c’est que pour pas les engrosser, il était passé par-derrière. I m’a même avoué que le maître avait sorti des trucs que lui savait même pas que ça pouvait se faire.


Bon parce qu’on est entre nous, je peux bien vous dire. Je savais que notre bon curé passait par-derrière. Ça donne soif de parler. J’ai le gosier qui est sec. »


Germaine tendit la main vers son verre et en avala une forte rasade. Nulle voix ne s’éleva pendant sa pause ravito. On était sous le charme.


« J’ai même vu. Ça remonte loin. La veille de mon mariage en 1955. Ça me rajeunit pas tout ça. Même que c’était un vendredi 13… du mois de mai. La veille des noces, le père Colateur recevait la mariée pour donner des derniers conseils parcimoniaux. En tout bien, tout honneur. Sa bonne était dans la pièce. À c’tte époque, c’était la Naïs. Une noiraude, sans nénés, ni fesses. Petite, maigre, y’aurait pas eu sa grande bouche, on aurait dit une jouvencelle. Au début, i m’a expliqué comment être une bonne chrétienne, une bonne épouse, une bonne mère.


Pour dire la vérité, j’écoutais guère. J’attendais la suite. Ma sœur qu’il avait mariée m’avait dit que j’allais passer un bon moment. J’ai compris ce qu’elle voulait dire quand il a abordé la question de comment garder son mari à la maison. J’ai ouvert de grands yeux quand il a dit : « On va te montrer ! ». La Naïs a été se mettre à genoux sur un prie-dieu. Le curé a retroussé sa soutane. Il avait pas de slip, bien sur. Mais quand j’ai vu son kiki, j’ai cru que… j’vous dis pas. Mon Claudius, il en avait un beau. Ben oui, je l’avais déjà essayé dans la grange mais celui du père Colateur, i méritait une médaille d’or au concours agricole de Chambéry ou une cocarde à la fête du diot de Sainte Turlute.


Quand il l’a enfourné dans la bouche de la Naïs, j’ai compris pourquoi, elle l’avait si grande. Pendant qu’elle… – bon j’vais pas vous donner d’détails – lui il expliquait que si je faisais ça bien plutôt que de téter le goulot au bistrot, il resterait à la maison pour… Mon Claudius a trouvé qu’il pouvait bien avoir les deux. Ensuite, il a parlé de contrassection. La bible l’interdisait mais il existait un moyen naturel. Je rigolais. Ce moyen mon Claudius, il l’utilisait : il crachait dehors. Mais l’curé, il en connaissait un autre, qui entre deux hommes était un péché mortel mais qui dans le lien du mariage devenait un péché véniel. Dieu savait combien un enfant coûtait et il fermait les yeux.


À la fin de son explication, il a enlevé son kiki de la bouche de la Naïs. On voyait qu’elle avait déjà vu le film. Elle s’est retournée, appuyée contre le prie-dieu. Elle a roulé sa robe (avait pas non plus de culotte) et a tendu son derrière. Encore une fois je saute les détails mais il m’a montré en se servant de sa bonne par quel trou, mon Claudius devait me saillir pour pas m’engrosser. À un moment, il s’est tu, s’est agité entre les fesses de la Naïs qui couinait. Puis il a sorti son kiki tout gluant, il l’a essuyé avec sa soutane et il a fait le signe de la croix. Là, je me suis garée loin, revenons à notre abbé. »


Germaine me tendit son verre vide que je remplis prestement, trop impatient de la suite de l’histoire. Elle prit son temps, dégusta son petit blanc, nous regardant avec un sourire satisfait puis reprit :


« Donc, personne pour tenir la cure. Ce qu’on a pu rigoler à voir le pauvre homme étendre son linge dans le jardin. Sans compter, les bouffe-curés qui, en passant, l’appelaient ma sœur. Et pis tous les petits trucs pas sympa : le pain trop cuit, le morceau de viande du dimanche dur comme de la couenne, le facteur qui oubliait de poser le courrier, le père Goriot qui faisait un détour pour que ses vaches passent devant l’entrée de la cure. Comme y avait un bac juste en face, elles avaient bien le temps de bouser. Quand j’y repense aujourd’hui…


Et puis la confession ! Tout le village y est passé même les pires mécréants, enfin sauf M. Flanquer. Pas une âme de la semaine, mais tout le village le samedi à 6 heures. L’église ressemblait à la mairie un soir de dépouillement. Certaines ont parlé des visites du facteur et d’autres, de quelques couchées dans la paille. Bien sûr, le père Goriot et Jojo ont avoué des vilenies qui ont fait rire tout le monde quand ils les ont racontées au café. La plupart n’avaient pas des gros péchés à confesser. Mais à 10 heures, il y était encore et, d’après ce que disaient ceux qui sortaient de la boîte, il n’écoutait même plus. D’ailleurs, un gamin, en guise de confession, lui a récité « Le corbeau et le renard ». L’abbé ne s’en est pas aperçu et lui a donné en la pénitence habituelle : un « Notre Père » et deux « Je vous salue Marie ». Ça a été l’apôtre Théo de la semaine. Ça ne l’a pas vacciné. Le dimanche, il nous a encore sermonnés comme quoi le père Colateur avait abandonné son troupeau aux tentations du diable.


Ceux, enfin surtout celles, qui croyaient au ciel avait un peu peur pour leur salut mais les hommes tenaient bon. Ce brave M. Dupérier, essayait de mettre de l’eau dans le gaz mais le maître d’école ne voulait rien savoir. Le comble, il regrettait le père Colateur et rappelait, avec des larmes dans la voix, leurs disputes au café, chaque dimanche avant les vêpres. De son côté, l’abbé avait l’air de plus en plus fatigué mais il continuait à nous engueuler tous les dimanches. Ça aurait pu durer longtemps si la Josette, la fille du maire, n’avait pas mis son grain de sel.


La Josette, à peine 20 ans, et pas froid aux yeux. Faut dire qu’elle étudiait. Elle avait son bac, elle en avait même deux. Elle poursuivait ses études dans la capitale à la porte Dauphine, paraît que c’est une grande école. Une révolutionnaire, c’est pour ça qu’elle connaissait Guy Vara. Elle avait même balancé des cailloux dans les manifestations du mois de mai.


Donc la Josette, elle arrive de Paris et quand elle a vu la situation et surtout je crois l’abbé, elle a décidé qu’elle serait sa bonne jusqu’à la rentrée. M. Flanquer, qui avait été son maître à la petite école, a été la voir pour lui dire de pas faire ça. Quand il est revenu au café, il était blanc comme un linge. Il n’a jamais voulu dire ce qu’elle lui avait répondu. En tout cas le lendemain, elle commençait son travail. Ça a fait jaser mais toutes les … qui, jusqu’à là, avaient peur de l’instituteur, se sont rangées derrière la Josette. Fallait voir l’abbé le dimanche suivant à la grand-messe, il se pavanait.


Un qui l’avait mauvaise, c’était le maître d’école. Il répétait les paroles du général : « On a perdu une bataille mais pas la guerre. ». Nous, on pensait que la guerre était finie et que l’abbé faisait un curé pas si mauvais que ça et si beau garçon. Sauf que, un petit détail est venu gripper la machine. Début juillet, l’abbé et la Josette ont commencé à se promener ensemble dans le village puis aux alentours. Ceux qui les croisaient les entendaient parler de politique. Grâce à ses oreilles toujours à l’écoute, on a appris que notre curé avait travaillé en usine. C’était un curé ouvrier même qu’il était syndiqué. Chaque balade, les éloignait un peu plus du bourg.


Notre instituteur a trouvé ça louche. C’était les vacances. Il a chargé quelques-uns de ces anciens CM2 de les surveiller. Une fin d’après midi, les deux qui étaient de service sont revenus en ricanant, un peu gêné quand même, pour annoncer qu’ils les avaient vu jouer à la vache et au taureau dans les buissons près de l’étang de pêche. À l’époque, on faisait encore saillir les vaches par un vrai taureau qu’on louait et les gamins savaient tous comment ça se passait. Autant vous dire qu’au café ce soir-là, M. Flanquer jubilait. Il y a eu un concile à bulles entre les bouffe-curés. Le lendemain quand le couple est arrivé dans sa chambre en plein air, l’instituteur, Jojo et le Maire à qui ils avaient forcé la main étaient postés. Tout ce que je vous raconte là, c’est la vérité vraie. Jojo me l’a racontée un jour où on … enfin brèfle…


Donc quand ils ont commencé à se bécoter, M. Flanquer a été obligé de retenir le Maire qui voulait casser la gueule à l’abbé. L’instituteur tenait à ses photos : il voulait faire quelques clichés quand ils seraient en pleine action pour qu’il n’y ait pas de doute. Je crois aussi que c’était un vieux cochon. Il paraît que certaines discussions le dimanche après-midi avant les vêpres… Mais je me gare encore.


Dans la chambre, ça s’échauffait. Lui avait son jean au bas des genoux, le kiki à l’air. Un kiki qui n’avait rien de remarquable, d’après Jojo, sinon qu’il était au garde à vous. Rien à voir avec celui du père Colateur. La Josette avait enlevé sa robe et s’était débarrassée de sa culotte. Les spectateurs n’en perdaient pas une miette. Ce pauvre M. Dupérier frisait l’apôtre plexie. Surtout que sa fille commentait et gémissait de plus en plus fort.


Heureusement, la Josette a demandé à l’abbé de passer aux choses sérieuses. Quand le kiki est arrivé à destination et que M. Flanquer a appuyé une dernière fois sur le déclencheur de son kodak, ils se sont avancés, Jojo retenant la main vengeresse du Maire. Les deux étaient tellement occupés qu’ils se sont aperçus de rien. La Josette criait maman, pleurait beaucoup, sous les poussées de son amant. M. Dupérier a craqué : « Vingt Dieu, Josette t’as pas honte ! Tu crois que je t’ai payé des études pour que tu te damnes en forniquant avec un curé. ». Le saut de carpe de l’abbé ! Il a remisé son zizi vite fait. Par contre la Josette ne s’est pas démontée. Sans même s’habiller, elle s’est levée et mains sur les hanches, elle les a traités de vicieux dépravés et plein d’autres noms sympathiques.


Si le curé était ko, les autres ne se sentaient pas bien non plus. Ils n’étaient pas fiers de leur victoire et ils ne s’en sont pas vantés. Les vacheries contre le curé se sont arrêtées, la Josette a continué de faire la bonne mais tout le monde avait compris qu’il se passait quelque chose car elle restait tellement tard à la cure qu’on ne la voyait même pas rentrer à la ferme paternelle.


La vérité, on l’a su de la bouche du Maire le jour où il a marié la Josette avec Barnabé Taillère, curé défroqué. Même que M. Flanquer et le Jojo disaient que c’était grâce à eux que l’Amour avait triomphé. Le plus drôle, mes enfants : ils se sont juste mariés à la mairie. Y’avait plus de curé à Sainte-Marie. »



* polente : en Maurienne, on mangeait de la polente et pas de la polenta.